MILLEVOLOÏD
Les univers trashs et déjantés de Batronoban, mêlés à la forêt cryptique de Millevaux pour une quête épique parfaitement hors du réel !
(temps de lecture : 45 min)
Terminé le 07/12/2019
Les jeux principaux :
Mantoïd Universe de Batronoban & co., space opera barbare du chaos
La Trilogie de la Crasse, par Batronoban et Christophe Siebert : cafards, porcs et mouches mutantes et toxiques
Univers : la forêt de Millevaux
von Zzyzx, cc-by-nc
L'histoire :
La règle n°1 du Fight Club : il est interdit de parler du Fight Club.
La règle n°2 du Fight Club : il est interdit de parler du Fight Club.
Et je colle une patate en pleine poire de mon adversaire. Mais ça ne m’empêche pas d’en prendre une au passage. J’ai du sang dans la bouche mais je m’en fous. Je montre les dents, en crache une et balance un coup de pied dans l’estomac du type qui me fait face. Les autres hurlent autour de nous. Je comprends rien à ce qu’ils disent. Mon adversaire a le teint pâle et ça fait ressortir ses scarifications. Il a les traits tirés aussi, après le coup que je viens de lui flanquer. Objectivement, il est plus fort que moi mais… il est moins… brutal ! Alors qu’il tente de se relever, je vais pour lui balancer un nouveau shoot dans les côtes. Ça l’achève ! Le gars s’écroule au sol et fait signe qu’il abandonne. Peut-être que lui il abandonne mais pas moi !
Je sens le chaos bouillir dans mes veines. Ça envahit mon cerveau. Ça me défonce la gueule. Ça me déchire la gueule au sens propre alors qu’une espèce de trompe mécano-insectoïde remplace mon nez et tout le bas de mon visage. Mes yeux ? Mes yeux ! Je vois… partout ! les types autour de moi continuent à gueuler. Je ne sais pas s’ils se rendent compte de ce qui est en train de m’arriver. Mon dos me fait mal et ma peau se déchire pour laisser apparaître des ailes translucides. Mes jambes se tordent et me font mal. Les autres hurlent toujours mais j’entends aussi dans leurs têtes. Et ils ne remarquent rien. Ils ne voient qu’un type à la gueule en sang qui vient d’en éclater un autre. Un samedi soir comme un autre.
Je m’appelle Tad-Angel Corso. Mais, je ne sais pas pourquoi, les autres crient le nom de Roormi. Je regarde autour de moi. Je suis… Je suis une Mouchoïde Pétrol’head qui torture ses ennemis ! Je veux savoir ! Tout savoir ! Les secrets de l’univers & d’Azathoth ! Mais aussi ses liens avec Millevaux et Shub-Niggurath ! Et l’origine de cette étrange vision aussi… Celle d’un autre moi, dans une forêt, en train de trancher en deux un géant mécanique.
Je n’ai pas besoin de faire un tour sur moi-même pour avoir une vision périphérique de ce qui m’entoure. Je n’ai pas besoin d’écouter ce que disent les autres pour savoir ce qu’ils pensent. Ils voient très bien ce que je suis devenu. Mais ils refusent de l’accepter car c’est trop dégueulasse. Alors, ils voient seulement le type que j’étais il y a quelques instants à peine. Les noms d’Azathoth, Shub-Niggurath et Millevaux tournent en boucle dans mon crâne. Je ne peux pas rester là ! Je suis encerclé par tous les membres du Fight Club. Je saute au plafond et cours jusqu’à la sortie.
Je suis une Mouchoïde, un Mouche. Je le sais parce que l’« Autre », le « Joueur », dont je suis l‘avatar le sait. Je ne sais que ce qu’il veut bien que je sache car, autrement, il n’y aurait plus de jeu et… le Joueur est… joueur.
Les Mouches appartiennent généralement à cette organisation secrète nommée Black Rain. Mais ce n’est pas mon cas. Mes investigations ne vont pas concerner le Meurtre Métaphysique de l’Hommonde. Non, moi, je veux utiliser mes nouvelles facultés pour percer d’autres mystères. Les mystères de l’univers ! Les mystères d’Azathoth et de Millevaux !
Je ne pars pas de rien ni de nulle part. Grâce aux connaissances du Joueur, je connais l’existence de ce marché noir aux mains d’un underground composé de morts-vivants, d’hommes-porcs et de cafards géants. Alors, je m’y rends. On y accède par un cimetière et ce n’est même pas une blague. Par contre, c’est plutôt joli car il neige. Mais ça reste étrange car ce n’est pas tout à fait la saison. Bref, je m’enfonce dans cette ville souterraine et suis plus qu’étonné parce que j’y découvre.
Ce marché ressemble à un village traditionnelle du Japon médiéval. Il y a ces petites maisons à pagode, des petits ponts qui enjambent les égouts. En vrai, toute l’architecture et l’esthétique du coin emprunte aux clichés du japon. Et même quelques marchands et visiteurs portent le kimono traditionnel, ou caricatural, au choix.
Il n’y a pas beaucoup de monde ce soir. Aussi, je repère assez facilement cette femme à l’air nerveux, toute excitée. Elle a le teint pâle et, drapée dans son imperméable noir, on dirait un vampire. Mais ce n’est pas le cas. Elle n’est pas un vampire. Elle est un mort-vivant, en fuite du Tas de Merde des Cafards. Je m’approche, l’air le plus cool possible. Je lui demande si elle a besoin d’aide. Je sais déjà que c’est le cas. Le Joueur me dit qu’elle s’est effectivement enfuie du Tas de Merde mais que ce n’est pas tout. Par la bouche de cette fille, il me dit que le Passeur l’a faite transiter par une forêt, Millevaux, et que là, on lui a volé son cœur. Elle avait réussi à tromper le passeur et conserver son organe mais, une fois dans la forêt, un Horla le lui a volé. Elle ouvre son imperméable et mon montre la tâche de sang qui imprègne sa chemise au niveau de sa poitrine, côté gauche. Elle me demande si je peux lui rapporter son cœur. Elle me dit qu’elle a de l’argent. Ça tombe bien, très bien même. Je veux me rendre à Millevaux. Mais, même si en tant que Mouchoïde je peux voyager entre les mondes, il me faut quand même des coordonnées. Elle les a mais… Et elle prend un air suspicieux. Comment s’assurer que je vais revenir ? Elle n’a qu’à venir avec moi, je lui propose. Mais non ! c’est exclu ! Elle ne veut pas retourner là-bas. Alors, elle va devoir me faire confiance. Je lui demande les coordonnées de Millevaux, des informations sur l’endroit où elle a atterri et une description du Horla qui lui a volé son cœur. Je lui propose aussi de nous donner rendez-vous où elle veut en ville, quand elle veut. Je lui promets d’être là, que j’aie trouvé son cœur ou non, au moins pour lui dire où j’en suis. Cela semble lui convenir. Elle me donne rendez-vous dans quatre jours, dans une brasserie. Mais avant cela, je devrais, dans la forêt, me rendre près d’une falaise. Je reconnaîtrai l’endroit car il y pleut beaucoup et l’eau de pluie transforme les choses. Il faudra aussi faire attention aux parasites végétaux. Ils sont une des conséquences de la pluie. Ensuite, au nord-ouest, se trouve un palais-mille-pattes fait de milliers, voire de millions, de corps humains collés les uns aux autres. Le palais semble en ruine mais, en réalité, l’intérieur est « comme neuf ». Une lumière rouge palpite en permanence et, là, on peut attirer les fantômes et les Horlas. Celui qu’elle a appelé était scarifié mais malgré cela très beau. Ses cicatrices étaient… artistiques et bouleversantes. Il lui a promis de la délivrer de ses peurs les plus profondes. Là, elle raconte s’être transformée en un chien solitaire et apeuré, terrifié à l’idée d’être seul mais aussi à l’idée de n’être qu’un membre anonyme d’une meute. Elle m’explique être tiraillée par ce paradoxe angoissant : peur de la solitude mais peur de se perdre dans un groupe. Puis, quand elle a retrouvé forme humaine, le fantôme, ou le Horla, s’était enfui avec son cœur qu’elle s’était donné tant de mal à conserver.
En vérité, je me fous complètement des histoires de cœur de cette femme. Pourtant, son histoire m’intéresse car ce palais-mille-pattes est bien le signe d’une présence manifeste d’Azathoth sur le territoire de Shub-Niggurath. Pour l’heure, ce n’est pas très clair mais on dirait qu’il y a eu des fuites entre les domaines des deux divinités et je veux en savoir plus. Et je veux savoir en quoi ça me concerne. Et ça, pas de bol, je sais que le Joueur n’en a pour l’instant aucune idée.
Millevaux ! J’ai l’impression d’atterrir dans la cave inondée du Multivers. Je regarde autour de moi. Je suis inquiet par ces parasites végétaux qui semblent traîner dans le coin. L’endroit est de plus humides et plus que propice au développement de champignons en tous genres. En fait, l’air est tellement chargé d’humidité que cela lui donne des reflets multicolores, comme plein de petits nuages arc-en-ciel. Mouchoïde Pétrol’head, je me défais de ma forme humain. Mon bec de gaz devrait me protéger des spores. J’espère. Maintenant, je dois trouver la falaise et le palais des mille-pattes. En vérité, je cherche n’importe quelle manifestation de la présence d’Azathoth. Et je suis servi !
Je ne sais pas si j’approche de cette fameuse falaise mais, quoi qu’il en soit, j’arrive en vue du palais-mille-pattes. Mais la situation est des plus chaotiques puisque le palais est assiégé par une horde de Sumériens. Les mille-pattes leur répondent avec un bataillon de Sodomiseurs semant le trouble parmi les éclaireurs. Les Sumériens ne doivent pas être habitués à ce genre de traitement. D’ailleurs, ils perdent du terrain.
Je profite du bordel ambiant pour tenter de m’introduire dans le palais. Quel talent ! Quel brio ! Je vole jusqu’à une ouverture puis, discrètement, marche au plafond jusqu’à gagner cette fameuse pièce éclairée d’un rouge palpitant. Je ne sais pas trop ce que je cherche là. Le Horla ayant volé le cœur de la fille ? Autant je me fiche de son cœur, autant il aura peut-être des réponses à mes questions. Et puis, que fout-il dans un palais-mille-pattes ? Et surtout, que fout un palais-mille-pattes ici ?
Me baladant au plafond, je constate une intense activité mille-pattes. Pourtant, ces saloperies ne paraissent pas du tout intéressées par la bataille qui se joue dehors. J’en suis un au hasard qui me conduit à l’entrée de la forteresse. Là, plusieurs sont en train de s’amuser en torturant un cavalier sumérien arraché à son dinomutant et tiré, dans tous les sens du terme, à l’intérieur. En les observant, il s’avère qu’ils considèrent le Sumérien comme une sorte de casse-tête amusant à résoudre. Aussi, ils l’étirent et le plient dans tous les sens jusqu’à ce que, à défaut de trouver une solution acceptable à cette énigme, les os du Sumériens ne finissent par céder.
Alors, j’utilise ma vision de Mouche afin de savoir si, par hasard, il y aurait ici quelques Cafards ou Soars invisibles. Rien, si ce n’est quelques Porcoïdes entiers, et encore vivants pour certains, en train de rôtir, empalés sur une broche. Les mille-pattes ont le sens de la fête. Mais ça ne me dit pas où se trouve cette fichue salle et ce Horla.
Ça n’avance pas. Et plus je traîne, plus je risque de me faire repérer. Alors, je m’en remets à ROHUM. Il y a des humains dans ce palais, des Millevaliens. Et ils connaissent l’existence de la salle que je cherche. Je capte leurs pensées et me laisse guider jusqu’à la salle rouge palpitante.
Cette fille ne m’avait pas tout dit sur cette salle. Peut-être n’avait-elle-même pas compris où elle était. Cette salle est en réalité une gigantesque cathédrale construite sur le squelette métallique d’un void-dragon. Et c’est de son cœur que vient cette lumière rouge palpitante. Chaque membre et organe interne, chaque vaisseau sanguin, sont autant de pièces et de couloirs menant jusqu’à ce cœur. Je ne sais pas pourquoi mais je sens que je n’ai pas d’autre choix que de tout tenter pour atteindre ce cœur ! Aussi, alors que plusieurs fantômes semblent m’avoir pris pour cible, je fonce jusqu’à l’entrée de cette forteresse dans la forteresse. Et évidemment, c’est par le cul que je rentre !
Je remonte aussi vite que possible le colon technodracoïde et me retrouve dans une sorte d’abri où il fait très chaud. Dans un coin, il y a un trousseau de clés. C’est louche mais j’approche. Je demande à ROHUM si je dois craindre un piège. Évidemment que oui ! S’il y a un piège, c’est que ces clés ont de la valeur. Alors, il me les faut ! Je tourne autour, prudemment. Je regarde partout autour de moi, près à réagir à la moindre menace. Rien à l’horizon, j’attrape les clés et, littéralement, les bras m’en tombent !
Et je suis là, comme un con, à regarder mes bras et ce trousseau de clés par terre. ROHUM me rassure, tout rentrera dans l’ordre dans quelques heures. Mais d’ici là, j’espère que personne ne me cherchera d’ennui. Dans le doute, je vole jusqu’au plafond et me colle dans un coin sombre. Prenant mon mal en patience, je réfléchis à l’utilité de ces clés quand mon regard se porte sur une silhouette monstrueusement dégueulasse sculptée dans un recoin de la salle. Et, juste en dessous, je reconnais la rune gravée : Hshl !
Au bout de 4 heures, mes bras me reviennent et je peux enfin examiner ces clés. Elles ne sont pas normales. En fait, ce ne sont pas vraiment des clés. C’est… de la magie condensée. Chacune est un concentré d’énergie d’Égrégore que je dois pouvoir libérer et utiliser. Et la rune ? Je me méfie de cette sculpture et préfère m‘esquiver.
J’arpente un couloir qui me mène rapidement à une grande salle évoquant des thermes antiques. Et je constate qu’ils fonctionnent toujours. Il y a de l’eau, de la vapeur. Il y a aussi du monde. À travers la vapeur, je distingue quelques silhouettes mais j’ai du mal à définir ce qui est en train de se passer. Je distingue deux « personnes » et une au moins s’exprime dans ce que je reconnais être la Langue Putride. Le ton est plutôt doux, même si, malgré cela, je perçois une vrai tension. Celui qui parle évoque une liaison. Il demande à l’autre d’atténuer sa douleur. L’autre lui répond dans la Langue Putride également. Il évoque des souvenirs. Il crache au visage du premier qu’étant un espion, il ne peut rien pour lui. L’autre entame alors une logorrhée mêlant sentiment de culpabilité et satisfaction malsaine à l’exhibition de ses souffrances. Caché dans la vapeur, je suis en train de me dire que je fous littéralement de ces histoires quand je percute. Ce sont là des histoires de cœur ! Y a-t-il un lien avec le cœur de cette fille ? Et si l’un des deux était le Horla que je cherche. Je m’approche discrètement… ou plutôt, j’essaye. Toujours dissimulé, je fais pourtant un faux mouvement et libère l’Égrégore contenu dans l’une des clés. L’Égrégore se combine alors aux dernières paroles prononcées : « Le champion rectifie le labyrinthe ! »
Sous l’effet de l’Égrégore, la vapeur s’épaissit encore. Mais je distingue malgré tout de nombreuses silhouettes et des cliquetis ainsi que des bruissements d’ailes. Des Cafards ! Moitié insecte humanoïde, moitié machine biomécanique, cette nuée de créatures à taille humaine se répand dans les bains. Ils grouillent partout, envahissent l’espace. Ils se grimpent les uns sur les autres et tapent les têtes-Clarck Nova les uns des autres. Ces prophètes du Chaos annoncent la venue du champion et la fin du Labyrinthe. Je vois des rayons de lumière verte fluorescente. Ils ont lâché des « Araignées à accélérer le temps » ! C’est ainsi qu’ils vont en finir avec ce labyrinthe. Ils vont hâter le temps et le mener jusqu’au moment où il tombera en ruine. Paniqué, je regarde partout autour de moi et ne vois pas ce fameux champion. Peut-être ne s’agit-il pas d’un être dans le sens où je l’entends. Peut-être que le champion n’est rien d’autre que le bordel ambiant, la nuée de Cafards ou ces Araignées. En tout cas, je dois me mettre à l’abri car si les Cafards accélèrent le temps jusqu’à provoquer la ruine des lieux, ça veut dire qu’ils vont juste me tomber sur la gueule. L’avantage, si je survis, c’est qu’il sera sûrement plus facile de trouver là le cœur palpitant du void-dragon. Je m’envole, espérant qu’être le plus haut possible m’évitera de me prendre des coups. Et alors que le squelette du void-dragon s’écroule sur lui-même et ceux qui le peuplaient, je file par une fenêtre et arrive à me coller dans un recoin du palais-mille-pattes pour observer la chute du labyrinthe.
J’attends un moment et constate avec étonnement mais satisfaction que cette catastrophe n’a finalement attiré l’attention de personne. J’attends encore un peu et voit des survivants émerger de ce qui reste du labyrinthe. Je ne distingue aucun Cafards mais vois des Araignées filer dans l’ombre en courant. Je ne vois personne mais, pourtant, j’entends des voix. Exactement les mêmes que celles que j’ai entendues dans les thermes. Malgré la chute du squelette et le temps qui passe, ces deux là ne sont pas morts ? Ou alors, si je les entends sans les voir, c’est peut-être parce que ce sont… des fantômes, des… Horlas ?
Toutefois, et c’est plus gênant, aucune trace du cœur rouge palpitant du void-dragon !
Je veux voir ces Horlas. Alors, je m’empare d’une des clés magiques et use de cet Égrégore pour les rendre visibles. L’un d’entre eux se révèle n’être rien d’autre qu’un… gigantesque tas de boue ! De là, se forment des visages grossièrement humains qui se parlent entre eux. Et je comprends qu’il n’y a jamais eu là qu’un seul Horla, un Liéju qu’on appelle aussi Labyrinthe. Ce serait lui que les Cafards sont venus détruire et non le void-dragon ?
Je fixe successivement plusieurs visages et l’un d’entre eux révèle des scarifications. Est-ce à lui que je dois m’adresser ? Qu’a-t-il fait du cœur de la fille ? Sait-il quelque chose au sujet du cœur du void-dragon ? Pourquoi les Cafards ont tenté de le tuer ?
Le Horla m’a repéré et tourne une de ses têtes de boue, celle qui parlait avec la tête scarifié, vers moi. Elle me demande d’approcher. Je connais ce genre de créatures. Ça ne pense qu’à se nourrir. Si cette chose s’est bien emparé du cœur de la fille, il est possible qu’elle soit sous son emprise et qu’il se soit servi d’elle pour rabattre des proies, comme moi. Confiant dans mes capacités de Mouchoïde, je m’approche prudemment en lui demandant ce qu’il me veut. Il ne répond pas mais me fait signe d’approcher encore. Il veut m’attraper, c’est certain ! J’arrête d’avancer et lui demande simplement de me raconter son histoire. Que fait-il ici ? Que fait cette citadelle mille-pattes dans la forêt de Millevaux ? Quel est le secret du cœur palpitant du void-dragon ? Il promet de tout me dire mais… je dois approcher encore. Si ce truc me touche, je risque de le payer très cher. Pourtant, j’approche, prêt à m’envoler au moindre geste brusque de sa part. alors, a-t-il quelque chose d’intéressant à me dire ?
Le Horla commence par rire et m’explique qu’il a plusieurs relations amoureuses en même temps. J’en déduis que cette fille n’est pas la seule à qui il a volé son cœur. Mais ce n’est pas cela qui m’intéresse. Je veux savoir pourquoi Millevaux se retrouve à abriter tant d’éléments issus de la Mer du Chaos d’Azathoth. Le Labyrinthe soupire. La température baisse brutalement. Il avoue ne rien pouvoir me dire à ce sujet. Lui aussi, évidemment, a constaté l’arrivée, il y a longtemps maintenant, d’habitants de la Mer du Chaos mais il ne sait ni comment, ni pourquoi. Ce qu’il sait, c’est que la Chèvre Noire, la Forêt, les tolère. Aussi, il les tolère. Les Mille-Pattes ont construit ce palais autour du cadavre d’un void-dragon et il y a trouvé refuge. Le Labyrinthe s’est caché dans le labyrinthe. Il refuse de me dire pourquoi il doit se cacher mais je devine qu’il a perdu de sa puissance. On dirait qu’il est… blessé, affaibli en tout cas. Je peux peut-être en tirer avantage.
Je me lance. Je lui fais part de ma théorie. J’ai bien compris qu’il s’était caché ici pour reprendre des forces. Ses « liaisons amoureuses » sont en réalité des pantins qu’il manipule afin de lui servir de rabatteur. Ainsi, cette fille ne m’a pas demandé de lui ramener son cœur, elle m’a envoyé dans un piège pour me faire bouffer. Toutefois, en tant que Mouche, je ne suis pas un met de choix (et j’espère qu’il me croira quand je lui dis ça). Je lui explique être ici suite à une vision d’un « autre-moi » tranchant un Voïvode. Je ne connaissais pas l’existence de cette forêt avant. Je suis donc venu pour connaître l’origine de cette vision. Et puisqu’on dirait bien que c’est cette vision, cette révélation, qui a fait de moi une Mouche, je veux aussi comprendre comment ça se fait que les domaines de Shub-Niggurath et Azathoth se retrouvent aussi intimement liés. Je sens le Horla quelque peu déboussolé. Je ne sais pas si c’est vraiment à moi qu’il s’adresse ou s’il parle tout seul mais il se rappelle que les Mille-Pattes craignaient le froid. Lui, bien sûr, ça ne le dérange pas. Je m’en remets à ROHUM pour avoir quelques précisions. Il apparaît comme fort probable que tous ces ressortissants de la Mer du Chaos se soient en réalité réfugiés à Millevaux. Mais pourquoi fuir la Mer du Chaos ? À cause du froid justement ? Un froid intense les aurait contraint à s’enfuir ? Et puis, est-il possible que certains aient choisi une autre destination que Millevaux ?
Je m’envole et m’éloigne du Horla. Je réfléchis. On dirait qu’une intense vague de froid a chassé les habitants de la Mer du Chaos. Certains se sont réfugiés à Millevaux mais il est très possible que d’autres aient choisi d’autres destinations. Il est également plus que probable que ces réfugiés foutent la merde à peu près partout où ils arrivent. Mais il est également plus que probable que la plupart, sinon tous, ne souhaitent que rentrer chez eux. Alors… comment rendre la Mer du Chaos de nouveau habitable ?
Corso la Mouche s’efface et laisse un peu plus de place au Joueur. Il existe diverses divinités du froid, notamment Ithaqua ou encore Rlim Shaikorth. L’un d’eux ou encore une autre serait-elle à l’origine de la vague de froid ayant envahi la Mer du Chaos et contraint ses habitants à l’exil ? Et est-ce que le cœur palpitant du void-dragon a quelque rôle à jouer là-dedans ? Dis-moi, ROHUM ! ROHUM me dit que non mais… ce serait quand même bien de mettre la main dessus !
Je laisse le Horla dans les ruines du squelette du void-dragon et poursuis ma quête du cœur palpitant. Ensuite, il faudra que je trouve un moyen de mettre fin à cette vague de froid qui s’est répandue sur la Mer du Chaos. Ainsi, si le royaume d’Azathoth est de nouveau vivable, on peut espérer que ses habitants y retourneront spontanément…
Je laisse là le Liéju, me disant que c’est peut-être une connerie et que je devrais profiter de sa faiblesse pour l’abattre. Mais bon, force m’est de reconnaître que je ne suis pas vraiment un guerrier. Je n’ai rien d’un Sumérien, ni même d’un Mille-Pattes. Alors je me fonds dans l’ombre et repars en quête du Cœur Palpitant.
Je déboule dans une salle aux dimensions nettement plus réduites que celle abritant le Labyrinthe. Pourtant, il s’en dégage quelque chose de… mythique ! Au sol, une mosaïque de pierres précieuses dessine un astrolabe au centre duquel se trouve un puits. Les murs, eux, semblent fait de roches nues. Par contre, pas de bol, il y a du monde. Un tel endroit aurait pu être le théâtre d’une quelconque cérémonie mais on dirait bien que ce qui se passe ici n’a rien de spirituel. Au contraire même. Trois personnes, deux Millevaliens pure souche et une Mouche s’en prennent au puits central.
Et ils ont bon espoir d’y parvenir puisque l’un des Millevaliens est manifestement un Horla, une sorte de gargouille. L’autre est un humain corrompu par l’Égrégore, ou le Pétrol’magie. Pour ce que j’en vois, son corps semble parcouru de cicatrices et autres boursouflures verdâtres et palpitantes. Je me colle au plafond et scrute la Mouche à la recherche de la rune Hshl sur sa nuque. Je veux savoir s’il s’agit d’un agent de Black Rain. Évidemment, je ne parviens pas à trouver un bon point de vue. En plus, il se met soudain à tomber une pluie acide ! À l’intérieur ?
Non ! Nous ne sommes plus à l’intérieur. Je ne sais sous quel effet, le toit s’est ouvert. Et non seulement il pleut de l’acide, mais en plus nous pouvons voir dans le ciel une titanesque cité de métal dont je ne me rappelle pas qu’elle était là à mon arrivée. Est-ce une citadelle Voyvode ? J’espère que non. Mais je me poserai la question plus tard car, effet de la pluie ou de la citadelle, je tombe du plafond, sujet à une terrible crise de vomissement. Au moins, je ne suis pas une cible facile pour les autres puisqu’ils se mettent eux aussi à vomir. Je tente de ramper jusqu’au puits. En vain. Je ne peux plus que me tordre de douleur sur place.
À travers le voile des larmes que la douleur m’arrache, je vois, venant de la citadelle volante, déferler une horde de Cyborgs bardés de technologie Voyvode. Certains n’ont plus grand-chose d’humain, hérissés qu’ils sont de lanceurs de vinyles de void-métal ou autre tuyau d’éjection de viande d’homme-porc. Celui qui semble être le chef agite une énorme pince métallique projetant de la lumière noire. Je sens que je suis en train de sombrer dans l’inconscience et c’est pas bon du tout. Il m’en coûte mais j’arrive à puiser dans mes dernières réserves pour ramper jusqu’au puits. Mais le mutant aux boursouflures verdâtres tentent de se saisir de ma cheville au passage. Je me dégage mais ça fait mal.
Arrivé au bord du puits, je vois au fond de l’eau tourbillonner. Ça sent la magie. Une magie mortelle. Ce n’est pas de l’eau qu’il y a au fond. Est-ce de l’Égrégore ou du Pétrol’Magie ? Et puis, y a-t-il vraiment une différence entre ces deux substances. Ce n’est même pas sûr. Mais j’ai soudain l’horrible sentiment de ne plus m’appartenir, de n’être qu’une marionnette. Je serai moins inquiet si j’avais la certitude que c’est le Joueur qui tire les ficelles mais je sais que ce n’est pas le cas. C’est le Joueur qui tape ces mots mais ce n’est pas lui qui a décidé cette pulsion, ce vertige qui me pousse à me jeter dans ce puits. Est-ce que cela mène quelque part ou vais-je seulement me noyer ? Et si ça mène quelque part, où ? Serai-je toujours dans le palais-mille-pattes ? Serai-je toujours à Millevaux ? Et qui est ce sorcier qui s’est substitué au Joueur pour me pousser à me laisser glisser au fond du puits ?
Où suis-je ? Des marais. Je ne suis plus dans le palais-mille-pattes. Quand je lève les yeux, je vois le ciel étoilé. Il fait nuit et j’ai les pieds dans la boue. Autour de moi, aucune trace du palais, ni du puits qui m’a recraché ici. Sur ma gauche, une petite construction en ruine. Les vestiges d’une tour. Quand je m’approche, je vois que des squelettes émergent des marais. Il y a eu une bataille ici et on a pas pris la peine de rendre plus d’hommages que ça aux défunts. S’agit-il des cadavres de ceux qui ont tenté de prendre cette bâtisse ou de ceux qui ont voulu la défendre ?
Les ruines n’ont plus de porte. Mais elles n’en n’ont pas besoin car des pans de murs se sont écroulés et remplacent ce qui, à l’époque, a fait office de porte. Pas de problèmes, je vole par-dessus. Et derrière, un gouffre ! Le plancher ne s’est pas seulement écroulé, il s’est enfoncé sur plusieurs dizaines de mètres. Plusieurs centaines peut-être. Je ne vois pas le fond. De l’autre côté, toutefois, des pierres tombales émergent de la boue du marais. Cette même boue se déverse lentement dans le gouffre mais je n’entends aucun bruit me laissant penser qu’elle touche le fond. Une tombe attire néanmoins mon attention et je vole jusqu’à elle. Plusieurs mains squelettiques sont sculptées dessus, comme si elles devaient courir le long de la pierre. Mais, une de ses mains tient un livre. Un vrai livre. Je dois pouvoir le prendre. Les doigts squelettiques masquent en partie le titre mais je parviens à lire le mot « Manifeste ». Je tente de dégager l’ouvrage mais ça résiste. Impossible de bouger ce truc. Merde ! J’ai fendu un Voyvode en deux ! C’est pas un caillou qui va me résister !
J’utilise une des clés magiques, non pour son effet mais pour faire une sorte de levier. Il y a un peu de jeu entre les doigts du squelette mais… la clé se brise et libère son Égrégore. Et, une fois encore, mes bras tombent. Et pas seulement mes bras. Tout autour de moi, tout ce qui vit ou a vécu perd ses membres. Les arbres perdent leurs branches. Les animaux perdent une ou plusieurs pattes et se mettent à hurler alors qu’ils s’effondrent dans la boue. Puis, l’inanimé lui-même devient la proie de cette vague d’amputation. Les pierres se brisent. Le ciel aussi. Les étoiles se fracturent. C’est… la fin du monde ?
Mes yeux se posent de nouveau, plein d’effroi, sur la tombe et je lis. Il s’agit de la tombe d’un sorcier connu sous le nom de Iben-Ohrer. Et on dirait qu’il est l’auteur du Manifeste. Mais, je dois avant tout me calmer. Je tente de me convaincre que tout ceci n’est qu’une hallucination, que mon bec est défectueux et que je suis victime d’une remontée de Pétrol’magie d’autant plus violente que la clé brisée vient de décharger une bonne dose d'égrégore.
Ainsi, je me ressaisis et tout redevient normal. Je regarde les deux clés qui me restent et décide d’en briser une afin de libérer ce tome étrange. Je veux en savoir plus sur ce sorcier, cet endroit et ce que je fous là ! Sous l’action de l’Égrégore, les doigts s’ouvrent et je m’empare du livre dont le titre complet est « Le Manifeste de Thuggon ». Qu’est-ce que c’est que ça ? Soudain, je me demande si ce sorcier, même mort, pourrait être celui qui s’est substitué au Joueur pour me faire tomber au fond du puits. Je parcours rapidement les premières pages du livre et comprends que Thuggon est une planète. Et cette planète est le domaine d’un Grand Ancien nommé « Y’mo-Thog ». Est-ce une divinité du froid ? Y’mo-Thog est-il responsable de la glaciation qui s’est abattue sur la Mer du Chaos ?
Après avoir volé jusque dans les ruines du petit donjon, je m’installe afin d’en lire plus. Iben-Ohrer semble avoir voyagé jusqu’à cette planète. Malgré ses craintes, il n’a pu résister à l’appel de la divinité. L’Ancien est décrit comme une sorte de colosse à la peau bleutée. Il ne semble pas posséder de tête, ou seulement une ébauche ou un vestige. Deux yeux posés sur une boursouflure de chair entre ses épaules. De là, part un tentacule se terminant par une bouche aux crocs acérés. Le sorcier a trouvé un moyen de se rendre physiquement sur Thuggon. Il décrit une planète gelée, morte. Tellement morte que rien n’y vit, excepté Y’mo-Thog. Iben-Ohrer raconte avoir traversé une jungle pétrifiée dans la glace. Puis, au milieu de la forêt de glace, il a vu une statue de l’Ancien. La pierre s’était fendue sous l’effet du froid et révélait un passage. Mais, à sa grande surprise, le passage bien que descendant, ne conduisait pas sous terre. Iben-Ohrer s’est ainsi retrouvé dans un petit temple aménagé au fond d’un cratère, peut-être un ancien volcan. Là, il eut une vision. Il allait perdre ses mains, les offrir à Y’mo-Thog. Je saute quelques chapitres. Je veux savoir si ce que raconte le sorcier est en lien avec ce qui s’est passé dans la Mer du Chaos. Et puis, je veux aussi les coordonnées de cette planète !
Oui ! Oui et oui ! La vague de froid qui a ravagé la Mer du Chaos et conduit celui que j’ai vu en rêve à Millevaux vient bien de Thuggon ! Et le sorcier a même noté les coordonnées de ce monde. Ce n’est pas par hasard que, même mort, Iben-Ohrer a fait en sorte que je lise son Manifeste. Il veut que je me rende sur cette planète. Mais pourquoi ? Y a-t-il quelque chose à ce sujet à la fin du livre ? Oui, le sorcier achève son Manifeste en émettant le désir de retourner sur Thuggon mais il n’explique pas pourquoi. Voulait-il rendre un ultime hommage à Y’mo-Thog ? Voulait-il au contraire se venger de l’Ancien qui lui a volé ses mains ? Regrettait-il d’avoir participé au déclenchement de cette terrible glaciation ou, au contraire, souhaitait-il aller encore plus loin ? Quoi qu’il en soit, il a fait en sorte de me désigner pour lui succéder dans la tâche qu’il s’était imposé de remplir. J’irai donc sur Thuggon. Mais j’y ferai bien ce que je veux !
Le voyage se déroule sans encombre et je débarque sur cette terre gelée. Autour de moi s’élèvent les ruines d’une antique cité figée dans la glace. Iben-Ohrer parlait d’une forêt, tant pis. Mais, si cette planète est bien le domaine d’Y’mo-Thog, il doit bien y avoir ici un lieu qui lui est dédié.
J’erre dans cet espace désert jusqu’à ce qui a peut-être été une sorte de parc. Sous la glace, je vois des rosiers. Est-ce que la vie rependrait son cours si la glace s’en allait ? Mes pas me mènent jusqu’à une statue. Elle est brisée. Je n’en vois que le piédestal et les jambes de celui ou celle qu’elle représentait. S’agissait-il de l’Ancien ? Nulle inscription sur le piédestal mais des petites gravures rappelant celle que j’ai vu dans le palais-mille-pattes, accompagnant la rune Hshl. Et maintenant, je me rappelle que cette gravure représentait bien Y’mo-Thog.
Iben-Ohrer raconte dans son manifeste que le passage vers le temple de l’Ancien se trouvait dans une statue brisée par le froid. Est-ce le cas ici aussi ? Non, mais les gravures sur un des côtés du piédestal semblent être une sorte de carte de la planète et de son ciel mettant un endroit précis en évidence. Ça me prend un long moment et je dois lutter contre le froid mais je finis par réussir à me localiser, ainsi que ce fameux temple, sur ce semblant de carte. Apparemment, ce n’est pas très loin mais, avec ce froid, qui peut savoir combien de temps ça va me prendre ? Je peux essayer de gagner du temps en volant. Heureusement, le froid ne cause aucun dommage à mes ailes.
Cherchant des repères dans le ciel et au sol avec ce que j’ai pu « lire » sur cette « carte », je finis par sortir de cette cité et par atterrir à proximité d’une tombe. Au vue des symboles gravés dessus, elle est consacrée à Y’mo-Thog. Si je me fies au Manifeste du sorcier, ce sont des monuments brisés qui conduisent au temple de l’Ancien. Mais cette tombe est en bon état. Alors, dois-je la briser ? Est-ce que ce sera suffisant ou la « porte » doit-elle forcément être ouverte par une cassure due au froid ? Le « moi » de ma vision a dégommé un Voyvode, je devrais donc pouvoir venir à bout d’un bout de caillou gelé. Un bon coup d’épaule suffit à faire basculer la pierre tombale qui se brise, fragilisée par le gel. Toutefois, je tombe à genoux sous l’effet d’une nouvelle vision. La forêt, l’autre moi, de nouveau…
Cela fait maintenant trois jours que nous marchons en direction de ce château qui est apparu au loin et… alors que l’air résonne de guitares saturées et autres sonorités électroniques, il est toujours aussi loin ! Nous marchons et nous marchons et ne nous rapprochons jamais de ce château. Pourtant, je suis quasiment certain que ses murs renferment l’usine de poupées sumériennes. Je veux démolir ce château. Mais comment l’atteindre ? Nous verrons ça plus tard. La nuit tombe. Nous approchons d’une zone marécageuse et le vent est dense en Égrégore. Il y a de la magie dans l’air et elle est pourrie. Et elle vient de ce maudit château !
Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que cela signifie que le temple d’Y’mo-Thog m’est à jamais inaccessible ? Non ! Impossible ! Je ne peux me résoudre à ça. Je fouille les restes de la pierre tombale. Il doit bien y avoir un passage quelque part au milieu de ces cailloux ! Mais il n’y a rien ! Rien à part cette Araignée à accélérer le temps, produit de la technologie Cafaroïde. Elle ne fonctionne plus, sans doute à cause du froid mais je dois pouvoir la remettre en état. J’utilise l’Égrégore contenu dans la dernière de mes clés magiques pour « réchauffer » l’Araignée. J’espère que ça va suffire et que ça ne va pas me péter à la gueule.
Le temps file à la vitesse d’une araignée à la toile verte et gluante. La glace fond et laisse place, de nouveau, à de la végétation. Et mon voyage dans le temps prend fin, me laissant dans une clairière, juste à côté d’une petite cabane. Là, un type à la carrure gigantesque vaque à ses occupations. Manifestement, il ne s’attendait pas à me voir mais parait pourtant heureux de ma venue.
Mon apparence de Mouchoïde ne l’effraie pas. Il m’invite même à entrer et me propose à boire et à manger. J’accepte volontiers et, quand il m’y invite, lui raconte mon histoire. Cette planète n’est manifestement plus sous le joug d’Y’mo-Thog. D’ailleurs, ce type, Colborn Heartcreek, n’en a jamais entendu parler. Il n’a même jamais entendu parler d’une période de glaciation. Était-ce il y a si longtemps ? Y a-t-il quelque part des gens ou des sources que je pourrais consulter au sujet de l’histoire de cette planète ? Colborn me conseille de me rendre à la cité la plus proche. Là, les prêtres d’Azathoth pourront me renseigner.
Les prêtres d’Azathoth ? Qu’est donc devenue cette planète ?
Cette cité est… étrange. J’y sens bien l’influence d’Azathoth mais pas d’une manière aussi prégnante et chaotique que dans la Mer du Chaos. Il y a quelque chose de médiéval dans l’architecture mais rien qui rappelle les coins les plus glauques de l’Interzone par exemple. En fait, cette cité porte l’empreinte de la forêt qui l’entoure. Et, écoutant les conversations autour de moi, j’entends plusieurs fois le nom de Millevaux, énoncé non sans une certaine crainte dans la voix.
Errant dans les rues, j’en déduis qu’Y’mo-Thog a été chassé et remplacé par une sorte d’alliance de circonstance entre Azathoth et Shub-Niggurath. Le premier étendra son influence sur les villes, le second sur… le reste ? En vérité, je n’en sais rien.
Sur un des murs d’une toute petite place, un groupe d’hommes et de femmes (et d’autres choses aussi) se pressent autour d’affiches. Ce sont des avis de recherches. Les rumeurs vont bon train concernant un barde, un conteur, accusé de contrefaçon. L’affichette explique que le criminel voyage de cité en cité et qu’il a été vu ici récemment. Les prêtres d’Azathoth offrent une prime de 250 pièces d’or pour sa capture.
Je pourrais demander un audience aux prêtres d’Azathoth pour savoir ce qui s’est réellement passé sur cette planète, mais j’obtiendrai plus facilement gain de cause, et 250 pièces d’or, si je n’arrive pas les mains vides. De plus, ce barde faussaire étant aussi un voyageur, il aura certainement des choses à me dire sur la forêt de Millevaux.
Grâce à ROHUM, je peux avoir une longueur d’avance sur les autres chasseurs de primes. Ainsi, ma nouvelle cible semble s’être réfugiée dans les égouts. Le nommé Erlan Sarfiel est visiblement un humain, même pas un clone. Par contre, il semble doué pour le maniement de la lame. Méfiance donc tout de même.
Dans les égouts, je sens un peu plus l’influence d’Azathoth. Ou plutôt, on dirait que les eaux usées charrient aussi du Pétrol’Magie. Si la forêt qui entoure toutes ces cités et bien Millevaux, elle doit regorger d’Égrégore. Entre ces deux sources de magie, les sorciers doivent s’en donner à cœur joie.
Azathoth soit loué ! À peine ai-je mis un pied dans les égouts qu’un zazamon apparaît, manifestement à mon service. Ainsi, ce Gazzolon est une sorte de plante carnivore dont on ne distingue pas bien l’avant de l’arrière mais qui hurle, qui hurle ! Je le flatte en tapotant ce que j’espère être sa tête et commençons notre périple souterrain.
Rapidement, quelque chose ne va pas. Un brouillard épais envahit les égouts et je n’y vois rien du tout. Puis, alors que je sors de ce nuage, il s’avère que nous ne sommes plus dans les égouts mais dans les bois. Et, au loin, un château. Et je reconnais ce château. C’est celui de ma vision, celui que mon « autre moi » n’a jamais réussi à atteindre. Est-ce que moi aussi je vais devoir marcher pendant des jours sans jamais parvenir jusqu’à cette forteresse ? Ces murs abritent-ils vraiment une usine de poupées sumériennes ? Est-ce vraiment une bonne idée de vouloir en savoir plus ?
Je me fige. Inutile de continuer à avancer si ça ne sert à rien. Mais je me pose quand même des questions. Cette apparition ne peut pas être une simple coïncidence, un simple fruit du hasard (et pourtant…). De deux choses l’une :
1-cette hallucination est le fruit de l’Égrégore ambiant, si je suis bien dans la forêt, ou du Pétrol’Magie si je suis toujours dans les égouts. Dans ce cas, ce château est une projection de mon inconscient ou quelque chose comme ça.
2-cette hallucination est le fruit d’un sort ou d’un rituel. Dans ce cas, qui est derrière ça ? Quelqu’un qui me connaît, qui m’en veut ? Quelqu’un qui a accès à certaines de mes pensées puisqu’il peut reproduire cette vision du château. Et puis, pourquoi ? Un serviteur d’Y’mo-Thog ? Iben-Ohrer ? Est-ce que ça a vraiment du sens ?
3-et si ce barde était aussi un mage et que, ayant vu que j’étais à ses trousses, il m’aurait envoûté ? Après tout, c’est possible.
Mais, avant toute chose, je dois déjà m’assurer d’où je suis. Toujours dans les égouts ou dans les bois. Et puis, en vue de ce château, suis-je toujours sur la planète Thuggon ou est-ce que ce brouillard m’a renvoyé dans le Millevaux de mon « autre moi » ?
Ce château au loin ne m’apparaît pas du tout comme un bon présage. Aussi, je décide tout simplement de m’en détourner ! Que ce qu’a vécu mon « autre moi » me serve de leçon. Et puis, si ce château abrite vraiment une sorte d’usine à Sumériens, pas la peine que je me jette dans leurs pattes. Pour autant, est-ce que rebrousser chemin va me faire sortir de cette… illusion ?
Et oui ! Je fais demi-tour pour me retrouver dans les égouts. Et quand je me retourne, le brouillard a disparu. Mais, quand j’y retourne, le brouillard revient. Et quand je m’y enfonce à nouveau, je ressors en vue de ce château. Mais, quelque chose a changé. Le château est en partie en ruine et recouvert de gel. Gelé, est-il toujours inaccessible ? On dirait bien que non. J’approche et… il ne recule pas ! Vais-je réussir là où mon autre moi a échoué ? Peut-être bien.
J’avance et suis à l’affût du moindre bruit, du moindre mouvement. Mais tout à l’air désert. La porte est figée par la glace et il est impossible de la faire tourner sur ses gonds. Pour autant, le gel l’a fragilisée et un bon coup bien placé devrait suffire. Pourtant, la glace résiste plus que je ne l’avais imaginé. Non, ça va plus loin que ça. J’entends dans mon crâne résonner le rire d’Ymo-Thog. L’Ancien exerce toujours une certaine influence sur cette planète et je suis… maudit ! Et bien, si j’en suis là, autant aller jusqu’au bout. Par contre, je cherche un autre accès et m’infiltre à l’intérieur via une brèche dans un mur.
À l’intérieur, l’agencement de cette petite pièce ressemble à celle d’un bateau. Il n’y a rien en état sauf une petite statuette en forme de corbeau. A priori, elle n’a rien de particulier. Pourtant, elle semble avoir été mise en évidence. Un peu comme si cette pièce lui été dédiée. Aussi, je cherche dans tout ce qui traîne quelque chose pouvant m’en dire un peu plus. Mais, alors même que je farfouille dans les décombres, un éclair frappe mon zazamon qui est instantanément réduit en cendres !
Soyons lucides, on m’en veut ! J’ai vraiment l’impression d’être seul en ces murs. Pourtant, à chacun de mes pas ou presque il arrive une catastrophe. C’est comme si on m’observait et me mettait des bâtons dans les roues dès que possible. S’agit-il de ce barde faussaire ? S’agit-il plutôt de serviteur d’Y’mo-Thog qui n’auraient pas apprécié qu’on mette un terme au règne de glace de leur divinité sur Thuggon ? Je vole jusqu’à un coin de plafond et me colle dans l’ombre, le temps de poser quelques questions à ROHUM.
Oui, on me surveille mais il ne s’agit pas de celui ou ceux que je soupçonne. Mais, s’il ne s’agit ni du barde, ni de serviteurs d’Y’mo-Thog, s’agirait-il des Sumériens ? Oui ! Les Sumériens sont sur Thuggon. Et ils comptent bien poursuivre ici leur guerre contre Azathoth et son royaume. Ce château-usine n’est plus en état mais il sert de « portail » aux Sumériens entre la forêt de Millevaux de mon « autre-moi » et Thuggon.
En vérité, tout ça commence à me dépasser et je ne sais plus si c’est une si bonne idée que ça de courir après ce barde. Avec la menace des Sumériens qui planent, peut-être que je devrais juste courir au premier temple d’Azathoth pour prévenir les prêtres de ce qui est en train de se tramer. Mais me croiront-ils sans preuve ? Je ne sais pas si cette statuette est typique de l’art sumérien mais, au cas où, je la prends. Si c’est le cas, elle sera la preuve d’une présence sumérienne sur Thuggon. Et sinon… je verrais bien !
Évidemment, le retour ne pouvait s’effectuer sans embrouille ! Sorti des égouts, je constate que la ville est en proie à la panique. En effet, les rues sont envahies par un épais brouillard et, haut dans le ciel, se dessine la silhouette d’un dragon. Et déjà, les citadins craignent qu’il ne s’agisse de Candiolanth, le légendaire dragon rouge destructeur de cité. À mon avis, il s’agit d’une illusion du même genre que celle dont j’ai été la cible dans les égouts. Mais bon, les prêtres d’Azathoth, je l’espère, en sauront plus.
Arrivé au temple construit en os de void-dragon, enfin, je demande audience de toute urgence. Pour appuyer ma demande, je brandis la statuette, preuve à mes yeux de la menace sumérienne. On va me recevoir, oui, mais pas tout de suite. Les prêtres sont occupés. Mais à quoi bordel ? Et je n’ai pas fini de poser ma question qu’une vague de Pétrol’magie déferle dans tout le temple et se répand dans les rues, infligeant d’horribles mutations à toute personne présente dans les parages. Heureusement, ma nature de Mouchoïde me préserve. Une fois la vague dissipée, j’accède enfin à un concile de prêtres auxquels, fort de ma statuette, je raconte toutes mes aventures et les préviens de la menace sumérienne. Manifestement, ils se fichent royalement de ce que je raconte. Je tente malgré tout de les convaincre et, va savoir pourquoi mais je sens là l‘influence du Joueur qui, s’il ne tire pas sur les cordelettes de la marionnette que je suis tape néanmoins les mots qui sont les miens sur son PC, fracasse la statuette au sol. Elle se brise dans un sorte de vent d’illusion et révèle un crâne aux canines plus longues que nécessaires. Un crâne de vampire ! L’un des prêtres s’en saisit et entame le descriptif d’un artefact à la magie plus ou moins puissante.
Alors, face à toutes ces illusions, face à toute cette magie, prennent-ils enfin la menace sumérienne au sérieux ? Pas du tout ! Selon eux, les Sumériens n’ont rien à voir là-dedans. Il n’y a aucune présence sumérienne sur Thuggon. Il n’y a aucune crainte à avoir non plus de la part d’éventuels serviteurs d’Y’mo-Thog car ils ont tous été tué il y a maintenant très longtemps. Toutefois, ils consentent à reconnaître l’existence d’une menace qu’ils mettent sur le compte d’un mage, d’un sorcier ou n’importe quoi du même genre.
L’espace d’un instant, j’ai peur qu’ils me demandent de mettre fin à cette menace mais pas du tout. En réalité, ils ont d’autres projets pour la misérable Mouche à Merde que je suis. Une légende locale parle du gardien secret d’un objet sacré se livrant à divers trafic. Ses trafics ne les intéressent guère mais ils veulent cet objet sacré ! Il s’agirait des restes brisés d’un masque recouvert de fines écritures, autant de sortilèges anciens et oubliés sur lesquels ils aimeraient bien mettre la main.
A toute fin utile, il semblerait que le gardien de cet artefact se soit spécialisé dans le trafic d’être humain. Il s’appelle Kohgn mais, dans le milieu, on l’appelle le Hiérarque !
Le Hiérarque ! Quel nom ! Si ça c’est pas se la raconter… Bref, je dois lui mettre la main dessus. Dans les rues, tout le monde est hébété, sous l’emprise de cette vision d’un dragon émergeant du brouillard. Mais j’ai peut-être là une carte à jouer. Je peux en effet profiter de cet état de stupeur ambiant pour poser mes questions tout simplement. J’espère que, sous l’emprise de la peur, les gens seront moins vigilants, moins méfiants et répondront à ma questions concernant le Hiérarque.
Dans la foule, mon attention se porte sur un homme aux traits bouffis. Il a le teint jaunâtre et sa peau grasse brille, lui donnant un air visqueux. Il a malgré cela un air hautain mais aussi… mystérieux. Aussi, je l’aborde le plus tranquillement du monde alors que la foule rassemblée là à les yeux levés vers l’ombre du dragon.
Je commence par lui dire que, selon moi, il n’y a aucun véritable dragon derrière tout ça. A mon avis, et je ne suis pas loin de le penser réellement, tout cela n’est qu’une illusion due à une concentration excessive d’Égrégore ou de Pétrol’Magie. D’ailleurs, n’est-ce pas là une occasion inespérée pour des trafiquants de faire main basse sur une grosse quantité d’hallucinogène qu’ils pourraient revendre plus tard. Et puis, cette hallucination collective persistante peut aussi se révéler une formidable publicité pour un tel produit, non ? Mais l’homme n’adhère pas du tout à mon discours. Au contraire même. D‘après lui, je ne devrais pas plaisanter avec ça car cela ne fera qu’accroître la colère du dragon rouge. Je fais un pas en arrière en reconnaissant que des trafiquants auraient effectivement plus à gagner à rester discret. Mais, à son avis, pourquoi Candiolanth agit ainsi, lui ? L’homme n’est sûr de rien mais il pense que le dragon n’est peut-être pas au mieux de sa forme. Ce serait ça, finalement, qui l’aurait poussé à sortir de sa retraite. Il a besoin de reprendre des forces. Il ferait donc monter la pression avec ce brouillard, attendant le moment propice pour fondre sur la ville et s’emparer de ce dont il a besoin. J’acquiesce et lui demande s’il ne craint que d’autres profitent de la situation. Il ne pense pas mais me demande malgré tout à quoi je fais allusion. Aussi, j’enchaîne avec le Hiérarque. Je sais, par les prêtres d’Azathoth, qu’il se livre au trafic d’êtres humains. Aussi, j’émets l‘hypothèse qu’un tel personnage pourrait profiter de la panique générale pour procéder à des enlèvements par exemple.
Mon homme connaît le Hiérarque. Et il le connaît bien visiblement. Heureusement pour moi, il semble même le détester cordialement. Non, il n’a pas été lui-même victime de ses agissements mais il trouve ces procédés répugnants. Ainsi, j’apprends que le Hiérarque se livre au trafic d’êtres humains pour en faire des esclaves sexuels. Selon lui, c’est tout simplement révoltant car on ne devrait pas avoir à passer par ce genre d’intermédiaire pour accéder à des tels esclaves. Dans une utopie telle qu’il la conçoit, nous devrions tous être les esclaves sexuels les uns des autres sans que quiconque doive payer un trafiquant. J’opine vigoureusement du chef et affirme avec autant de conviction que possible que ce Hiérarque mérite mille sanctions. Et, innocemment, je lui demande si, selon lui, l’agitation ambiante n’est pas une bonne opportunité pour, justement, faire payer à ce Hiérarque l’infâme prix de son commerce. Mais l’homme me rembarre aussitôt. Il n’a nulle envie de s’en mêler ni d’y être mêlé et il met fin à la conversation en s’enfonçant dans la foule qui ne cesse de fixer l’ombre de Candiolanth.
Au moins, j’en sais un peu plus sur le Hiérarque et j’ai une petite idée de là où le trouver et je file vers ce qui fait office d’Interzone dans cette cité. J’erre dans ce dédale obscur à la recherche de quelques Mantoïds, Cafaroïdes ou autres Pétrol’heads les plus louches possibles. Je jette finalement mon dévolu sur un Cyborg à l’implant génital démesuré, pour ne pas dire cauchemardesque. Nul doute qu’il ne peut qu’avoir recours aux services de professionnel(le)s plus ou moins consentant(e)s. Je le trouve là s’adonnant à une activité témoignant de sa frustration. Présentement, il agite son implant, éjectant ce qui semble être des saucisses de viande d’Homme-porcs. Je m’approche en prenant bien soin de rester dans l’ombre et invoque ROHUM afin de savoir si cette boîte de conserve connaît mon Hiérarque. C’est le cas, mais alors même que je m’apprêtais à m’en aller, le cyborg m’interpelle. Bien que s’astiquant en pleine rue, il ne semble pas apprécier qu’on l’observe et me demande des comptes. Clairement, il veut se battre. Je peux comprendre, c’est effectivement un autre moyen de se débarrasser de ses frustrations.
Mes yeux de Mouchoïde me permettent de le voir venir et éviter ainsi sa première attaque. Je vole dans un coin d’ombre, me collant en hauteur, espérant être ainsi plus dur à atteindre. Autant pour moi, je me prends une saucisse en pleine tête. C’est d’autant plus humiliant quand on sait d’où elle a été tirée. Mais j’ai quand même de la chance dans mon malheur car, à la lumière qui émane et s’affaiblit aussitôt autour du cyborg, je comprends que le générateur alimentant une partie de son blindage vient de tomber en rade. C’est maintenant à moi de jouer.
Mon « autre moi » a dézingué un Voyvode, je devrais donc pouvoir venir à bout d’un Cyborg en manque de compagnie. ROHUM ou Azathoth, je ne sais pas qui je dois remercier mais sous l’impact du formidable coup de boule en piqué que je viens de lui asséner, le Cyborg tombe à genoux ! Mais déjà il se relève et empoigne son projecteur de saucisses qu’il pointe dans ma direction. Il vise bien le saligaud ! Mais je l’aurai ! Je vole dans son dos pour le frapper sur le sommet de la tête. J’espère l’assommer, au moins. Et c’est même mieux que ça ! Le Cyborg s’écroule. Certains de ses implants devaient vraiment être de mauvaise qualité car il tombe littéralement en pièces à mes pieds.
Je n’en tirerai pas plus de lui, et pour cause, mais au moins, je sais où trouver le Hiérarque maintenant. De plus, It’s time for loot ! Je récupère son implant lanceur de saucisses ainsi que sa batterie. Je ne sais pas trop à quoi ça peut me servir. Je sais encore moins si j’oserais me les faire poser par un charcudoc local. Au pire, je les revendrai. Mais pour l’heure, je file vers ce quartier où je devrais trouver le Hiérarque et qui porte le doux nom d’Oubliettes Spectrales.
Les Oubliettes Spectrales ont bien mal choisi leur nom. Ce coin de la cité n’a rien d’une oubliette, ni rien de spectral. En vérité, il s’agit d’une sorte de baie s’ouvrant su une mer verte, un vaste pâturage sur lequel voguent quelques barcasses. Une sorte de petite mer intérieure verte, donc et un semblant de port de plaisance. Toutefois, et malgré ces apparences idylliques, qui dit port dit tavernes, auberges et filles de joie. Aussi, il doit bien y avoir là quelques traces du commerce du Hiérarque. Pourtant, aucune fille (ou autre) en vue. Je cherche une taverne mais on dirait qu’il n’y en a pas. Ce n’est vraiment qu’une sorte de port de plaisance pour ceux des notables qui voudraient s’offrir une petite virée sur ce lac vert. Je n’arrive pas à concevoir qu’un tel endroit existe ici. Néanmoins, s’il n’y a pas de taverne, il y a malgré tout une sorte de « country club ».
Je pensais devoir montrer patte blanche et une carte de membre mais on me laisse rentrer sans aucun problème. L’intérieur est confortable, très confortable. Une sorte de luxe discret qui a le bon goût de ne pas en faire trop. A cette heure de la journée, les lieux sont déserts. Je m’approche du bar et commande un cocktail au hasard parmi les noms étranges présents sur la carte. On me sert donc une Médecine Soudaine à l’odeur infecte… et au goût infect également. Je profite de ce que le serveur regarde ailleurs pour vider mon verre dans une plante verte. Les feuilles se fendent alors chacune en une bouche qui, se tournant vers moi, murmurent que je vais bientôt mourir. Je sens comme une pointe au cœur. Je rappelle le serveur et commande, cette fois, une Idée Diurne. Alors, il me regarde bizarrement, hésitant à me servir. ROHUM m’indique que ce cocktail est en réalité plus qu’une boisson, c’est un mot de passe. Je souris et enchaîne, expliquant désirer m’entretenir avec le Hiérarque. Le serveur semble inquiet et je le rassure. Je ne suis qu’un humble client, certainement pas un représentant des forces de l’ordre ou du désordre. Malgré l’heure un peu inhabituelle pour ce genre de prestation, le serveur déclare pouvoir me conduire au Hiérarque.
Le serveur me fait passer derrière le bar. Là, nous empruntons une petite porte donnant sur les « coulisses » de l’établissement. Fini le confort, les quartiers réservés au personnel tiennent plutôt de la caserne. Les couloirs sont déserts mais je sens, partout, la présence de ceux qui occupent les lieux aux heures de plus hautes fréquentations. Finalement, ce n’est pas plus mal que je sois venu maintenant. Au moins, je serai tranquille. Nous arrivons devant une porte en acier et peinte en blanc. C’est une botte fixée là par un gros clou qui fait office de marteau. Le serveur frappe plusieurs fois selon un rythme tenant là encore du code secret. La porte s’ouvre. Derrière, un nain avec d’horribles plaques rouges sur le visage. Muet, il parle avec les main. Il doit être sourd aussi car le serveur lui répond en utilisant le langage des signes. Toutefois, il ne doit pas le parler couramment car il s’y reprend plusieurs fois face aux multiples froncements de sourcils du nain. Finalement, nous entrons.
Je suis ennuyé car on ne me conduit pas au Hiérarque. En fait, on m’amène directement dans un boudoir ou attendent divers esclaves sexuels de tous sexes ; toutes tailles mais aussi toutes espèces. Je me plante là, joues le client hésitant et demande à parler au maître des lieux. Accepterait-il un entretien afin que je lui expose une demande un peu… particulière ? Le serveur traduit pour le nain qui se retire après avoir acquiescé. Il revient quelques instants plus tard. Le Hiérarque veut bien me recevoir mais il me propose un rendez-vous un peu plus tard dans la journée. Je voyais les choses autrement mais, ne voulant pas faire de vagues, j’accepte de revenir le lendemain, environ aux mêmes heures.
Je quitte donc le Country Club en prenant bien garde à ne pas être suivi. En vérité, je suis convaincu que le Hiérarque n’a différé notre entrevue que pour pouvoir mener sa petite enquête. A moi donc de paraître le plus « banal » possible pour n’éveiller aucun soupçon. Aussi, je passe les heures suivantes à traîner dans les rues, donnant mon avis sur le brouillard et la menace du dragon rouge. Je jette aussi discrètement possible des regards par-dessus mon épaule. Si le Hiérarque m’a fait suivre, ses sbires sont bons !
Je me présente donc au Country Club le lendemain, à l’heure dite. Je commande une Idée Soudaine. Le serveur me reconnaît mais reste neutre et discret en me faisant passer de l’autre côté. De nouveaux coups de bottes sur la porte blanche. Cette fois, c’est un Cafaroïde à la face bien amochée par une sale blessure qui nous ouvre. Je repère une araignée à accélérer le temps sur son épaule. Méfiance…
Je m’attends à ce qu’il me conduise au Hiérarque et.. j’ai tort. En fait, il me fait patienter dans une sorte de couloir ou d’antichambre donnant l’impression d’être dans une mine. Il y a même des rails au sol. Le Hiérarque se montre enfin. Je lâche un soupir, un peu lassé par toute cette mise en scène. Je suis frappé par son long nez. Comme moi, il possède un bec de Pétrol’head. Est-il en lien avec le Crabe ? Celui-ci a-t-il étendu son influence jusqu’ici ? Je n’ose lui poser la question. J’attends. Lui aussi. Le silence est un peu pesant et je finis par le rompre. Je sors de mon sac l’implant lance-saucisse que j’ai récupéré sur le Cyborg et entame mon baratin comme quoi je voudrais quelque chose sur quoi m‘en servir. Mais le Hiérarque n’est pas dupe. D’une façon ou d’une autre, il sait que je ne suis pas un client. Il demeure silencieux. Il ne fait que hocher la tête. Je regarde autour de moi, craignant que nous ne soyons pas seuls.
Mes yeux de Mouchoïdes me permettent d’avoir une vision à 360° sans avoir à tourner la tête. Aussi, le Hiérarque ne peut savoir que je suis en train de checker les lieux. Pour autant, cela ne me met à l’abri de rien et surtout pas de ce doigt d’honneur surgissant des cieux (et pourtant nous ne sommes pas dehors) et fonçant sur moi pour m’écraser. Mais, va savoir pourquoi, alors que je porte mes bras en croix devant mon visage, protection inutile contre le destin, le doigt dévie de sa trajectoire et écrabouille le Hiérarque ! Je regarde autour de moi. Je ne comprends rien et j’espère que rien ni personne ne va maintenant me sauter dessus. Il ne se passe rien, si ce n’est que j’entends, venant du fond de cet étrange endroit, monter quelques grondements abjects. Mieux vaut ne pas traîner. En toute hâte, je fouille le cadavre. Je n’y croyais pas mais, pourtant, il a sur lui un morceau du masque que veulent récupérer les Prêtres d’Azathoth. Par contre, il n’y a qu’un seul morceau. Où sont les autres ? Les grondements se font de nouveaux entendre. Je m’empare d’une clé que le Hiérarque avait dans sa poche et quitte les lieux.
J’essaye d’être discret mais j’ai certainement échoué quelque part car je ressens une vive douleur au niveau du bras droit. Normal, je viens de recevoir un carreau d’arbalète. Ma vision mouchoïde aurait dû me prévenir de la présence d’un ennemi. S’agit-il d’un tireur invisible, d’un magicien quelconque ? Je ne vois rien. Après, ce tunnel n’est pas des mieux éclairés. Mais, ne voyant personne, je préfère quand même m’enfuir en courant. Mais, déjà, j’entends le sifflement d’un autre carreau. Je me jette à terre pour l’éviter mais je me retrouve secoué de spasmes alors même qu’un tsunami de vers blancs décident de se frayer un chemin de je ne sais où dans mon anatomie vers l’extérieur. Je me roule par terre et tente de comprendre où mon tireur s’est caché. Ma peau se met alors à me démanger. Je sens des excroissances se frayer un chemin, une fois de plus, de l’intérieur de mon organisme vers sa surface mais, heureusement, ma constitution de Mouche vient rapidement à bout de cette tentative de cancer. Mais cela n’empêche pas mon tireur de remettre le couvert et j’encaisse un second carreau. D’un bond, je me relève et reprends ma course vers la sortie.
Je trébuche alors même que mon cerveau éclate sous l’effet de la vision d’un gigantesque tsunami s’abattant sur la cité. Ce n’est pas une simple hallucination. C’est une vision. Un présage. C’est le futur. Et cela est prévu pour… demain ! Les prêtres d’Azathoth sont-ils au courant ? Est-ce que cela à quelque chose à voir avec le brouillard et le dragon rouge ? Est-ce que je vais juste finir ici, comme un con, transpercé par des carreaux d’arbalète dont je ne sais même pas qui les tire, ni d’où ? Je ne veux pas finir comme un vulgaire hérisson ! Je dois prévenir les prêtres d’Azathoth et, surtout, je dois sauver ma peau.
Ce masque, même si je n’en possède qu’un bout, est couvert d’écriture magique. Ce doit être un artefact puissant si les prêtres le veulent. Et même si j’en ai qu’un bout, je peux peut-être profiter d’un de ses effets. Alors, je porte le masque devant mon visage et lis quelques-unes des inscriptions gravées là en Langue Putride. Jaillit alors un flash psychédélique qui illumine le couloir. Et je vois, enfin, à qui j’ai à faire. A en juger par sa panoplie, ce doit être un chasseur de prime. Il a l’air extrêmement tendu, fermé même. Je remarque surtout ses yeux violets. Sa tenue est très soignée, presque trop. Est-ce à cause de ses yeux, il ne parait pas du tout embêté par ce flash. Je roule sur moi-même et parviens, quand même, à éviter un carreau. Je dois absolument reprendre l’initiative. Je réfléchis à toute vitesse et, grâce à ROHUM, comprends que ce masque est un artefact en lien avec la technomagie d’Azathoth. C’est donc une magie chaotique et hasardeuse. Et avec un peu de chance, je dois pouvoir trouver dans ce bout de masque un sort qui viendra à bout de ce type.
Je lis donc ces mots en Langue Putride et me voilà revêtu d’une cape. On va dire que c’est toujours ça de gagné. Je tourne le dos à l’arbalétrier et cours vers la sortie. Et je sens un carreau ricochet sur la cape. Elle est peut-être magique…
J’arrive finalement à la sortie. Mais j’ai toujours mon chasseur de prime aux trousses. Je cherche donc à me perdre, et surtout le perdre, dans les ruelles de l’Interzone avant de regagner le temple d’Azathoth. Mais il me suit toujours. Au moins, il ne tire pas en courant.
Je demande asile aux prêtres d’Azathoth alors même que l’arbalétrier et toujours sur mes talons. D’ailleurs, le caractère sacré des lieux ne l’arrête pas et il fait irruption dans le temple. Reprenant son souffle, il pointe déjà son arme vers moi. Je vole jusque dans un coin d’ombre tout en hurlant aux prêtres présents qu’ils doivent me protéger. J’esquive deux carreaux avant de pouvoir me coller au plafond. Pendant ce temps, les prêtres restent impassibles. Pourtant, quelque chose se passe. Des clameurs viennent de l’extérieur, attirant l’attention des prêtres et du chasseur de primes. Tout le monde se précipite dehors, même si je sens que le tireur me garde dans son champ de vision.
Sans quitter ma cachette, je me connecte à la foule grâce à ROHUM. Dehors, un énorme vaisseau-bouche vient d’apparaître. Il peut venir de n’importe où et n’importe quand puisque sa corne frontale lui permet de traverser les vortex spatio-temporels. Le pilote apparaît, sorte d’homme-ver à la peau très très pâle. Il a une révélation à faire à la foule. La cité va bientôt être engloutie. Dans moins d’une journée. Je le savais ! Mais, ce que je ne savais pas, c’est qu’il y a un moyen de nous sauver tous.
Et ce moyen, c’est…
Alors qu’une partie de la foule reste suspendue aux lèvres de cet étrange pilote de vaisseau-bouche, une autre partie s’en est déjà détournée pour aller prier le dragon rouge des les épargner. Le pilote semble quelque peu déconfit par cette attitude mais cela ne l’empêche pas de poursuivre.
Oui, nous pouvons tous être sauvé de cette vague à venir. Pour cela, nous avons donc une journée pour rompre une malédiction. Laquelle ? Celle lancée par les membres de l’Église du Serpent Innombrable ! Je regarde autour de moi. Ce nom ne semble pas totalement inconnu aux membres de la foule mais provoque quand même un certain étonnement. Visiblement, ce n’est certainement pas le groupuscule le plus influent du coin. A moins, comme je ne peux m’empêcher de le souffler à mon voisin, qu’ils ne préparent leur coup en secret depuis longtemps.
Pour autant, cette déclaration suscite le doute. En effet, cette Église est minoritaire mais, pour autant qu’on le sache, ses membres ne font l’objet d’aucune persécution qui justifierait la destruction de la ville. Je ne me sens pas l’âme d’un leader mais je ne peux m’empêcher de faire courir le bruit que le meilleur moyen d’en être certain serait peut-être bien d’aller leur demander directement.
Et voila que cette suggestion se répand et que la foule se met en marche vers le temple du Serpent Innombrable. Nous arrivons devant une petite bâtisse austère et sale. La façade est envahie par l’humidité et il se dégage des lieux quelque chose de sinistre. Quelqu’un dans la foule prend alors la parole et exige qu’un membre de l’Église sorte s’exprimer sur la question. Personne ne sort évidemment, certainement par peur d’un lynchage. Toutefois, une voix retentit et interroge la foule sur le motif de sa présence. Une fois la clameur retombée, la voix nie en bloc être à l’origine d’une quelconque malédiction et nous prie tous de rentrer chez nous. Alors, je m’envole au-dessus de la foule et demande s’il me serait possible d’entrer pour discuter, seul bien sûr. Une fenêtre s’ouvre et on me fait signe d’entrer.
A l’intérieur, l’église est à peine moins miteuse que sa façade. Je suis accueilli par un Mantoïd. Il a l’air nerveux. Il n’arrête pas de triturer sa bague. Je lui dis venir en paix. Contrairement à la foule, je ne pense pas que le Serpent Innombrable soit à l’origine de cette malédiction. Toutefois, l’Église a été accusée et, malgré cela, elle a peut-être un rôle à jouer dans le sauvetage de la cité. Je n’ai pas l‘impression de l’avoir vraiment convaincu mais, quand même, il me laisse poursuivre. En vérité, je n’ai aucune hypothèse ni théorie sur la question et j’improvise totalement mon baratin. Aussi, je lui explique que, selon moi, il est plus probable de voir là les conséquences des manigances de serviteurs d’Y’mo-Thog, l’ancienne divinité régnante sur cette planète. Je pense en effet que ce serait plutôt qui, dans un esprit de vengeance et afin de restaurer un nouvel âge de glace, auraient provoqué l’apparition de ce brouillard et de cette ombre du dragon pour créer un certaine panique. De même, ils auraient impliqué l’Église du Serpent Innombrable uniquement pour semer plus de trouble et se laisser encore un peu plus de temps pour finaliser leur plan. Là, je sens le Mantoïd un peu plus intéressé. Alors, a-t-il des informations concernant une résurgence du culte d’Y’mo-Thog ou d’une quelconque divinité liée au froid et à la glace ? Non, mais… peut-être que le Serpent a une réponse, lui.
Le Mantoïd me conduit alors dans une autre pièce, trois étages plus haut. Là, il s’arrête devant une porte. Je l’interroge quant à ce qu’il y a derrière et il m’explique que personne ne le sait. En réalité, personne n’a jamais ouvert cette porte. Pas depuis qu’il est membre de l’Église en tous les cas. En fait, cette porte est magique. Pas dans le sens où elle s’ouvrirait sur d’autres endroits mais dans le sens où elle est chargée d’un mélange d’Égrégore et de Pétrol’Magie qui permet de faire voyager… l’esprit. C’est un peu, me dit-il, comme si une porte s’ouvrait dans l’esprit et que le Serpent Innombrable en profitait pour y déverser une vision, une révélation. Il pose alors les mains sur la porte, ferme les yeux et nous attendons tous les deux.
Le Mantoïd est un peu ennuyé quand il se retourne vers moi. Le serpent n’a pas été très bavard. Tout ce qu’il a pu voir concerne… Une tête de femme titanesque en pierre taillée, à moitié recouverte de mousse. Elle porte une sorte de casque d’astronaute et, d’après le Mantoïd, elle parle dans une langue inconnue. Il me prévient également que ses yeux émettent des rayons mortels. Super ! Et maintenant, où je trouve cette tête géante ? Dans la forêt j’imagine. Le Mantoïd hausse les épaules. Il ne peut m’en dire plus.
Heureusement pour moi, les prêtres d’Azathoth connaissent l’existence de cette tête et s’empressent de me faire un plan détaillé pour y parvenir. Tant que je suis là, je leur remets le bout du masque du Hiérarque que j’ai récupéré, leur promettant de leur ramener le reste si nous survivons à la prochaine journée. Je sens bien que ma réponse ne leur convient pas et je me félicite d’être immunisé aux mutations car je reconnais dans l’invocation qu’il vient de lancer dans ma direction quelques expressions évoquant un blob.
Pas la peine de m’attarder. Je quitte les lieux et fonce dans la forêt jusqu’à cette fameuse tête. Je verrai bien ce qu’elle a à me dire.
Et je me retrouve dans cette forêt. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression de la connaître sans pourtant jamais y avoir mis les pieds. En réalité, je ne me souviens pas d’y être allé, ni même de n’y être jamais allé. Je suis sûr de ne pas savoir et pourtant… cette forêt me rappelle quelque chose. Est-ce que cela a à voir avec mon « autre moi » ou le Joueur ? Le Joueur, lui, connaît bien cette forêt. Il l’a visité bien des fois à bien des époques et sous bien des formes. Pourtant, s’il la connaît, il avoue volontiers que, pour lui aussi, elle demeure bien mystérieuse. Il est bien loin d’en avoir fait le tour.
Cela fait un petit moment maintenant que j’erre dans ces bois et je ne peux qu’être frappé par l’exubérance de cette végétation. Ce n’est pas une simple forêt, je le sais bien. C’est le domaine autant qu’un avatar de Shub-Niggurath mais… Il y a quelque chose… d’agressif dans la façon dont ces bois se développe. Cette végétation est un prédateur. On dirait que ces bois se dévorent eux-mêmes mais que, malgré cela, ils en ressortent toujours plus fort. Ils se nourrissent d’eux-mêmes, se renforcent. Ça fait peur. Mais, d’un autre côté, se dévorant elle-même, la forêt semble renaître en permanence. Elle est un perpétuelle nouveau-né, sans mémoire, qui doit tout redécouvrir, tout réapprendre. Ça aussi, ça me met mal à l’aise.
J’arrive finalement au pied d’un arbre. J’entends le hululement d’un hibou, plus haut dans son feuillage. Je lève les yeux et distingue une silhouette taillée dans une sorte de feu translucide. Cet oiseau serait-il une manifestation de l’Emprise, une sorte de forme modelée dans l’Égrégore selon des règles que je ne connais pas ? Essaie-t-il de me dire quelque chose ? Autant le lui demander. Je grimpe. Enfin, j’essaye…
Le Joueur a pratiqué l’escalade pendant plusieurs années mais on dirait qu’il ne m’en a rien transmis. Aussi, finalement, je m’en remets à mes ailes et vole jusqu’à cet étrange hibou. Une fois en face de lui, je le vois fixer sur moi son regard attentif. Et dans ce regard, je lis de la colère. Dans ma tête, des mots et des images apparaissent, explosent même ! Ce n’est pas formulé dans un langage qu’on pourrait qualifier d’« humain » mais l’idée générale est une association des notions de livres et de poison. Alors, est-ce que cela veut dire que les livres, les mots, sont un poison, qu’ils sont dangereux ? Cette idée n’est pas nouvelle. Pourtant, elle fait écho à mes pensées concernant cette forêt sans mémoire. D’une certaine façon, les livres sont nos 1er disques durs externes, non ? Des sortes de mémoires… et ces mémoires seraient un poison ? Mémoire, savoir… l’ignorance serait-elle préférable ? Vivre finalement dans un état de perpétuel présent, sans passé ni avenir ? Je secoue la tête. Ce hibou est en train de jouer avec ma propension, et celle du Joueur, à me prendre la tête. Il me fait réfléchir à toutes ces considérations pour mieux me faire oublier pourquoi je suis ici. Est-ce là la ruse de la forêt pour me détourner de mon but ? Me remplir la tête de considérations plus ou moins et moins que plus philosophiques pour me détourner de mon but ?
Les livres sont un poison, mais pour qui ? Pas pour moi ! Pour moi, au contraire, ils sont un remède ou alors, comme l’écrivait Sloterdijk, il s’agit d’un procès d’intoxication volontaire. Ainsi, la lecture devient pour moi une sorte de mithridatisation. Je m’immunise au poison. Je suis immunisé, déjà, car je suis une Mouchoïde ! Alors, sans détourner mon regard des yeux du hibou d’Égrégore, je me décide à l’« ouvrir » pour lire en lui. Dans cet être d’Égrégore et d’Emprise, je vais trouver ce que je cherche, l’endroit où se trouve cette tête en pierre.
Le hibou résiste mais finit par céder. J’ai trouvé ce que je cherchais. Ainsi, je vole maintenant vers mon but, ma cible, la tête géante. Elle a été sculptée au sommet d’un tertre. Derrière, il y a une cascade. L’endroit est beau, d’autant plus que la nuit tombe. Le vent souffle, prémisse du tsunami à venir ? J’avance prudemment afin de ne pas tomber sous le coup de ses rayons mortels contre lesquels on m’a mis en garde. Et là, je me rappelle de la carte que m’ont donné les prêtres d’Azathoth. La forêt a été maligne et me l’a faite oublier. J’aurais pu arriver plus tôt. J’ai maintenant moins de temps pour trouver une parade à cette vague qui va détruire la cité.
Je vole selon une trajectoire qui me permet de m’approcher de la tête dans déclencher ses rayons. Maintenant que je suis tout proche d’elle, je reste silencieux et attends un peu au cas où elle prendrait spontanément la parole. Effectivement, je n’attends pas longtemps avant qu’elle ne s’adresse directement à moi. C’est bizarre. Je pensais qu’elle userait d’une sorte de télépathie mais je vois distinctement bouger ses lèvres de pierre recouvertes de mousses. Son haleine est putride, comme la Langue dans laquelle elle s’exprime.
La tête me rassure. Elle ne me veut pas de mal. Il y a quelque chose de désenchanté dans sa voix. En fait, elle ne me veut pas de mal car cela ne sert plus à rien. Elle affirme que, depuis le début ou presque, je ne cours pas après les bonnes cibles, je ne cherche pas du bon côté. Et maintenant, il est trop tard. Je lui demande s’il n’y a vraiment aucun moyen d’éviter ce tsunami. Il y en a un mais… il est trop tard maintenant. Dans le doute, je lui demande quel est ce moyen. Après tout, ce n’est pas parce qu’elle semble convaincue qu’il est trop tard que c’est effectivement le cas. Et puis, peut-être me ment-elle ? Et la tête, j’ai l’impression qu’elle se tourne vers moi-même si c’est faux parce que c’est impossible, me demande :
« Ne t’est-il pas venu à l’idée que tu avais été drogué et que tout cela n’était qu’une illusion, une hallucination ? »
Pétrol’head que je suis… Je n’ai rien pris depuis… depuis… ?
Suis-je en manque ? Ai-je fais une overdose ?
Je me rappelle ces mots de Nietzsche qu’on attribue aussi à Burroughs : « Rien n’est vrai, tout est permis. »
Merde !
Cette vague, ce tsunami, ce brouillard, cette fumée, ce dragon rouge…
Tout cet Égrégore et ce Pétrol’magie.
Suis-je vraiment ici ? Ne suis-pas tout simplement en train d’ultra-planer ou de me tordre de douleur à cause du manque ?
Tout ça…
… ne serait finalement…
… qu’une hallucination ?
C’est… trop tard ?
Vraiment ?
Quelque part, le Joueur se ronge les ongles. Même lui ne sait plus. Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
La mémoire est un poison. Les livres sont un poison. Et même si je suis immunisé, le mieux que j’ai à faire est peut-être de faire comme cette forêt : repartir à zéro !
Commentaires de Thomas :
A. 13540 mots... Encore une novelette. Vous êtes productif, monsieur Lagauzère !
B. « Je reconnaîtrai l’endroit car il y pleut beaucoup et l’eau de pluie transforme les choses »
Hum, hum, l'emprise :)
C. « Celui qu’elle a appelé était scarifié mais malgré cela très beau. Ses cicatrices étaient… artistiques et bouleversantes. »
Peut-être l’œuvre d'un sarcomantien ?
D. « Millevaux ! J’ai l’impression d’atterrir dans la cave inondée du Multivers. »
J'adore l'image :)
E. « Je demande à ROHUM si je dois craindre un piège. »
Tu me rappelles ce qu'est ROHUM ?
F. Je ne croyais pas ça possible, mais j'ai l'impression que tes RP sont de plus en plus what the fuck :)
G. Le personnage a des visions d'un autre personnage de ta campagne, ce qui accentue l'effet de flou, le sentiment que tout s'équivaut :)
H. Le personnage parcourt d'immenses durées dans le temps, j'ignore s'il sera à l'heure à son rendez-vous fixé quatre jours après son départ :)
I. « Et je reconnais ce château. C’est celui de ma vision, celui que mon « autre moi » n’a jamais réussi à atteindre. » ça me fait penser au Château de Kafka. Peut-être qu'avec l'égrégore, il est des lieux dont on peut voir les contours mais qu'on ne peut jamais atteindre.
J. « En vérité, tout ça commence à me dépasser et je ne sais plus si c’est une si bonne idée que ça de courir après ce barde. »
Moi aussi, ça commence à me dépasser :) Les « non mais » à répétition provoqués par les outils de système nous perdent dans des méandres narratives inextricables :)
K. « Je le trouve là s’adonnant à une activité témoignant de sa frustration. Présentement, il agite son implant, éjectant ce qui semble être des saucisses de viande d’Homme-porcs »
Ah oui quand même on en est là :)
L. « Le Joueur, lui, connaît bien cette forêt. Il l’a visité bien des fois à bien des époques et sous bien des formes. Pourtant, s’il la connaît, il avoue volontiers que, pour lui aussi, elle demeure bien mystérieuse. Il est bien loin d’en avoir fait le tour. »
Et comment, moi non plus :)
M. « On dirait que ces bois se dévorent eux-mêmes mais que, malgré cela, ils en ressortent toujours plus fort. Ils se nourrissent d’eux-mêmes, se renforcent. Ça fait peur. Mais, d’un autre côté, se dévorant elle-même, la forêt semble renaître en permanence. Elle est un perpétuelle nouveau-né, sans mémoire, qui doit tout redécouvrir, tout réapprendre. Ça aussi, ça me met mal à l’aise. »
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Hors ligne
PREMIER ÉTÉ DANS LE VENTRE DE MEJGORIÉ
Une séance enfantine intimiste qui se colore de plus en plus en sombre. Un récit et un enregistrement de partie par Claude Féry.
(temps de lecture : 9 min / temps d’écoute : 48 min)
Joué en présentiel le 14/06/2020
Le jeu : Trois étés à Bonneville, un jeu de rôle intimiste, aventureux et plein d’espoir, par Chestel
L'univers : La forêt de Millevaux
Lire/télécharger le PDF du scénario
Farhad Sadykov, cc-by
Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).
L'histoire :
Voici une petite réflexion sur ma démarche ludique.
À chaque nouvelle session je m'efforce de proposer différentes tonalités pour envisager les suites de notre campagne.
Régulièrement j'ai proposé trois jeux différents afin que nous obtenions lors de la mise en jeu l'atmosphère et l'intensité d'émotions attendues.
Récemment, dans le cadre de ma préparation non préparation, je me suis contenté de proposer un nouveau jeu, plutôt destiné à une unique partie que je m'efforce de faire dialoguer avec la seconde partie de la session.
Dans notre dernière session, je ne suis pas parvenu à établir un lien avec le contenu fictionnel de notre partie de Le cueilleur d’arbres.
Quoique la seconde partie de la session ait été l'occasion de moucher une nouvelle bougie et poursuivre notre exploration de Mejgorié, je n'étais pas en mesure de tisser des liens comme je l'avais fait avec Lillipousse.
Xavier joue Helio
J'ai donc parcouru ma ludothèque et me suis arrêté sur Mahamoth de John Grümph qui pourrait offrir un retour vers le Spomenik et les enfants de la Lumière Noire : Germaine, Apo850 et Héli.
J'ai ensuite songé à Skyrealms Of Jorune, l'épisode d'exploration de planète devant initialement aboutir à une scène de chasse Ramian lors du « Rurvi Tchorko ».
Entre temps chacune des joueuses m'a communiqué ses centres d'intérêts du moment, Xavier en me narrant une histoire rocambolesque d'un enquêteur avec gourdin plutôt que fusil de chasse, Alexa en me livrant une série de dessins où son avatar récurrent destiné à sa chaîne YouTube devient une Katsune plutôt qu'une vampire et Gabrielle m'a évoqué une nouvelle dystopie.
Et moi, profitant d' un arrêt maladie pour laisser vagabonder mes oreilles vers divers podcasts, j'ai découvert au travers d'un souvenir rôliste 3 étés à Bonneville du bon Docteur Chestel.
Je l'ai lu et succombé, aux appels de gamins farceurs dans la montagne. Immédiatement ce sont des échos de jeux enfantins dans la forêt des Vosges qui ont tinté à mes esgourdes.
Puis j'ai écouté le dernier témoignage audio d'une partie de La clé des songes jouée par kF et Eugénie, une pure pépite de poésie,
un peu de neige salie de Bernard Gunter, transposée au jeu de rôle...
Enfin, j'ai lu le hors série 5 de Sombre de Johan Scipion, ou plutôt ses articles sur sa démarche créative afin d'obtenir « la peur comme au cinéma ».
Et je constate alors que ce que je tente de convoquer à ma table c'est un « cinéma pour l'oreille », (tagline déjà mobilisée par Jérôme Noetinger pour son excellente production sur Metamkine).
Avec Gabrielle, Alex et Xavier nous jouerons demain après-midi les suites de notre exploration du Ventre de Mejgorié, sous un autre angle toutefois. « Avec notre œil, nous arrangeons les réalités. » Georges Aperghis.
Vivre dans le ventre de Mejgorié rend la vallée au dehors un havre désirable où bâtir notre refuge loin du regard inquisiteur de nos aînés...
Manuel en cyriloc, comme toutes les instructions dans l'hypogée
Belle session de trois heures, beaucoup plus sombre que ce que propose initialement 3 étés à Bonneville. Nous avons convenu de jouer le second été sur le thème des transformations subies par nos personnages au contact du bois.
A la suite d'un dysfonctionnement d'une clé USB de transfert ne subsistent que les 2 premières minutes des trois premières étapes du plan 1 sur les presque deux heures jouées. Les étapes 4 et 5 ainsi que le bilan ont été épargné. Ce moignon sonore, à défaut d'autre chose, vous fournira une idée de l'ambiance à la table, loin du riant été savoyard.
Nous avons joué en détail notre échappée. Kwolia émet l'idée de voler un bidon d'acide à l'octroi. Vassily est d'accord mais se dégonfle tandis que Elisheba débite des sornettes au vieil Alan sur des écureuils retors qui dévorent la câblerie au risque d'interrompre l'alimentation électrique de la salle des Dormeurs pour l'éloigner. Helio et Elisheba enferment le dupe dans un réduit, pendant que Kwolia s'empare du bidon convoité, château branlant sur un vieil escabot. Et il chute, comprime le bidon et s’éclabousse les mains d'acide. Elisheba et Vassily l'enjoignent à se laver les mains à l'eau froide. Ça picote ! Ça picote ! Geint le voleur. Vassily et Helio grattent les murs dont ils ont la charge d'entretien à l'acide, pendant que le blessé et Elisheba se rendent à l'infirmerie.
L'infirmerie ici se confond avec le sas de déconfinement, l'avant poste de l'hypogée, son regard sur le monde. Le lieu est à circulation restreinte. Aussi les deux gamins inventent la présence d'un nuage toxique de pollens qu'il conviendrait de circonvenir avant qu'il n'atteigne les conduits d'aération. Pendant qu' Elisheba distrait L'aîné de faction par son verbiage et l'entraîne au dehors, Kwolia inspecte la pharmacie. Trois types de produits dans des fioles s'offrent à lui : un translucide, un vert et un bleuté. Les inscriptions en cyriloc lui sont d'aucune utilité. Indécis il s'en remet à la sagacité de son amie, le vert s'est l'espoir... Elisheba se charge de l'injection et c'est atroce, ça brûle encore plus ! Alors hop ! une injection de la solution bleutée qui étend le gamin au sol, pris de convulsions. Il se redresse bientôt, les lèvres bleues, claquant des dents, mais ça marche !
Tout à changé. Elisheba aussi. Il lui voit sous la paupière gauche un signe 24. Elle est une dormeuse. C'est un signe. Lui a un 6. Il lui injecte la solution bleue, froide, glacée puis qui bientôt l'inonde d'une vive chaleur. Désormais ils sont des Dormeurs et sont condamnés à veiller leur pairs s'ils restent ici. Ils se promettent donc de se bâtir un refuge et de ne jamais revenir. Les deux autres s'en émeuvent et Kwolia leur offre une injection. Helio est 17 et Vassily 21 pour les autres et 3 selon lui. Ils grimpent dans le conduit d'aération et s'échappent après avoir saboté le sas technique.
Gabrielle joue Vassily
Ils émergent dans une hêtraie bruissante de vie. Ils s'éloignent heureux de quitter la cité oppressante, même si Elisheba et Helio sont un peu soucieux. Tout est nouveau et jamais plus ils ne formeront de dessins dans la moisissure qui ronge les coursives avec leurs brosses. Autour d'eux des milliers de fragrances se mêlent dans l'air. Le soleil perce au travers des houppiers touffus et dessine la la lumière sur leurs visages. Dans la vallée en contrebas, l'eau cascade sur la roche. Des oiseaux chantent et Kwolia pousse un cri tonitruant en se suspendant à une liane pour franchir le ravin. Il atterrit cul par dessus tête, très fier, de l'autre côté. Même pas mal ! Même pas peur ! Il avertit qu'un truc horrible fait hou hou derrière Helio. Mais non. C'est une farce !
En revanche il y a un essaim d'abeilles forestières mécontentes... Il est très vite rejoint par son copain Helio qui récupère la corde du plus prudent Vassily, qu'il hisse vers eux. Elisheba suit les deux garçons mais la liane trop sollicitée, cède. Elle est retenue dans chute par Vassily que tractent les deux compères. Kwolia passe la corde au pied d'un arbre solide à l'invite d'Helio et tout le monde remonte sain et sauf. Kwolia est tout ébranlé cependant. Contre la rugosité de l'arbre il perçoit une présence, hostile, avide.
Ce n'est pas son corset de branches
Ni ses cheveux de feuilles
Ni ses lèvres d'insectes
Qui lui font peur
C'est qu'elle n'a pas de cœur
(Almanach)
Maintenant ils se tiennent près du vieux panneau rouillé signalant le risque de montée des eaux. Ils ont franchi la frontière.
La cavée aux goupils
Depuis le couvert de la chênaie, Elisheba lance un premier écho vers le versant qu'ils viennent de quitter. Un jeu de cris s'ensuit qui dissipe dans un premier temps leur trouble. Mais bientôt ce sont des échos du passé qui les assaillent. Les temps se mêlent. Kwolia s'englue dans la poussée d'un réacteur tokamak et vit un combat confus dans Mejgorié où un marchand d'esclave et un croyant l'abandonnent à son sort pour protéger son amie, prise d'oubli. Helio entend des coups de feu qui s'éternisent...
Le temps fuit de toute part et ils s'éloignent dans la chênaie pour mieux s'y perdre en cherchant à éviter la menace des bûcherons cannibales. La nuit les saisit dans une clairière sans refuge et tout le bois glané perdu. Ils s'installent dans le creux d'un arbre à trois troncs que Helio aménage sommairement.
Kwolia rêve de danser à la cime des nuages, perd ses jambes, se drape dans la nue et sombre, proie d'une atroce douleur.
J'habite une blessure sacrée
j'habite des ancêtres imaginaires
j'habite un vouloir obscur
j'habite un long silence
j'habite une soif irrémédiable
j'habite un voyage de mille ans
j'habite une guerre de trois cent ans
j'habite un culte désaffecté entre bulbe et caïeu
j'habite l'espace inexploité
j'habite du basalte non une coulée
mais de la lave le mascaret
qui remonte la valleuse à toute allure
et brûle toutes les mosquées
je m'accommode de mon mieux de cet avatar
d'une version du paradis absurdement ratée
- c'est bien pire qu'un enfer -
j'habite de temps en temps une de mes plaies
chaque minute je change d'appartement
et toute paix m'effraie.
Aimé Césaire, Le Calendrier Lagunaire
La cavée aux goupils
A presque-aube quatre cocons de toiles pendent dans la clairière.
D'immenses cannes chitineuses pareilles aux troncs des arbres descendant de ce ceux-ci.
Vassily se libère du sien et arrache celui de Kwolia qui retombe au sol, blême, frissonnant.
Le cocon qui enserre Helio est immobile, linceul pudique jeté sur un corps frappé par la foudre de l'orage sec que la nuit a convié.
Vassily libère partiellement Elisheba alors qu'un visage familier salive au dessus de leurs têtes. Alors Kwolia se redresse, sa bouche s'ouvre immense sur un cri silencieux qui ébranle la terre, souffle feuilles et soies et bientôt ils sont enfin seuls. Ils bâtissent une cabane rudimentaire à la lisière et s'échangent promesses et serments solennels. Kwolia ne dit rien de ses dents et sa langue pourries par la sepsie de Pandora. Il étreint leurs mains et pleure l'abandon qu'ils lui ont promis.
Nous avions tous présent à l'esprit la vidéo de présentation de Degenesis
dont le lien suit lorsque j'ai évoqué la réaction de Kwolia face à Visage Familier... Les sonorités de Wromb étaient de circonstances et cette scène était assez intense.
La cavée aux goupils
Manifestement Kwolia est celui qui a pris une balle à l'entrée de Mejgorié et Elisheba serait Liberté avant l’alcôve... Lapin serait un Dormeur qui s'ignore... Une très belle session !
N. B. : Notre errance forestière était illustrée par le diaporama de la cavée aux goupils que j'ai posté en inspiration.
La cavée aux goupils
Commentaires de Thomas :
Merci beaucoup pour ce nouveau retour de partie !
A. Les photos de fougères et de plantes sont de toi ?
B. C'est quoi le Recombination Group ?
C. A quoi penses-tu que la revisitation très sombre de l'ambiance légère de 3 étés à Bonneville est due ?
La cavée aux goupils
A. Oui Claude
B. C'est une organisation secrète qui au moyen de manipulations génétiques, de conditionnements et de moyens financiers et matériels colossaux à organisé la survivance, (sa survivance) à l'effondrement de la civilisation.
C. Au ton spontanément adopté par les joueuses, qui quoique le caractère léger ait été affirmé en amont on creusé un sillon très sombre. Les dangers évoqués devenaient de réels enjeux et j'ai joué pour ma part ma feuille de personnage. Pour le final j'ai annoncé ma crainte et positionné ma noisette sur à sauver, sans secours la situation s'est encore aggravée. Parallèlement Xavier s'est mis hors jeu avec la foudre... Ce n'était pas le ton initialement attendu, mais le résultat m'a vraiment plu, ainsi qu'aux autres. Gabrielle a joué en Théâtre de l'esprit et n'a pas vraiment suivi les injonctions du jeu.
C bis. Je souhaitais à titre personnel explorer un lieu au travers des souvenirs que se sont forgés de jeunes gamins. A cet égard cela a pleinement fonctionné. Les mécaniques et le plan 1 ont été scrupuleusement respectés. Ils ont soutenu note récit et produit comme escompté les trois heures de fiction attendue. Alex et Xavier ont joué avec leurs voix d'enfant et Gabrielle a joué les enfantillages avec naturel. Simplement notre cadre Millevalien a profondément contaminé la tonalité guillerette initiale du jeu.
Indubitablement ! Xavier en fin de session nous a indiqué que si celle-ci lui avait plu, certains moments l'avaient effrayés (mais il n'a pas désigné le D ou le X sur sa feuille de personnage) et que la musique faisait peeuuur. Sur la partie non couverte par le témoignage audio la source sonore consistait en une série d'improvisations de Bertrand Gauget au saxophone et la deuxième partie d'une composition de musique concrète de Lionel Marchetti intitulée Chasser. Cette dernière est particulièrement inquiétante, mais le glissement de tonalité était amorcé dès la première étape.
La cavée aux goupils
Thomas :
C'est quoi le D sur la feuille de personnage ?
Claude :
Je me suite trompé. D désigne une demande d'arbitrage J'aurais du dire V droit de veto, une revisitation selon la règle
Thomas :
C'est intéressant ces codes-lettres de sécurité émotionnelle sur la feuille de perso ! Que veut dire A ?
Gabrielle joue Vassily
Alex joue Elisheba
Alex joue Elisheba
Gabrielle joue Vassily
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LA PRISON
Un labyrinthe sans issue envahi par la forêt, une errance périlleuse en compagnie d'étranges détenus... Un scénario et le récit d'une aventure solo par Damien Lagauzère
(temps de lecture : 10 min)
Joué le 14/12/2019
Le jeu : English Eerie, par Trollish Delver Games, un jeu de rôle sans MJ de contes d’horreur classiques et folkloriques dans la campagne anglaise.
Univers : la forêt de Millevaux
Lire / Télécharger le scénario mis en forme (temps de lecture : 3 min)
Gerhard, cc-by-nc
Synopsis :
Cette ancienne prison est en ruine. Pourtant, le PJ y est enfermé. Il erre dans ce labyrinthe de murs écroulés, de couloirs et de salles envahis par la végétation à la recherche d’une sortie. Il ne sait pas comment il est arrivé là. Il s’est seulement réveillé, allongé sur un grabat fait de feuilles sentant le moisi. Des gémissements ont suscité sa curiosité et il a quitté cette cellule pour découvrir, dans une autre cellule, un homme au visage poupin et aux mains couvertes d’encre. Lui non plus ne sait pas ce qu’il fait ici. Regardant ses mains tâchées d’encre pas encore sèche, il cherche un livre. Il explique au PJ qu’il ne se rappelle de rien mais… qu'il était en train d’écrire quelque chose d’important. Et ce quelque chose est quelque part ici, dans cet endroit. Il sait, il est sûr et certain, qu’on lui a dérobé son texte car, dessus, il avait noté comment sortir d’ici !
Par endroit, le toit est écroulé mais, à cause des gravats et de la végétation, il n’est jamais possible d’escalader les murs pour s’enfuir.
Personnage secondaire :
-Montague est donc cet homme au visage poupin convaincu d’avoir consigné par écrit le moyen de quitter cet endroit. Il pense que cet endroit recèle un secret et qu’on les observe. Il sourit tout le temps mais, au fond de lui, se sent coupable car il veut tuer un membre de sa famille. Il est plus vieux qu’il en a l’air.
-Quaté est un homme aux traits et au physique androgyne. Il erre lui aussi dans les couloirs. Comme les autres, il ne sait pas comment il est arrivé là mais il est à la recherche, pas tant de la sortie que du sceau parfait. Ce sceau, cette rune, ce symbole, est, prétend-il, présent en ces lieux. Le trouver et en comprendre la signification apportera bien plus de réponses que le seul accès la sortie de cette étrange prison.
-Frater Bush est une montagne. Il a l’air franc, volontaire. Il porte les cheveux longs et détachés. Il a l’air fou de joie à l’idée d’être ici. Il se dit aventurier et, pour lui, cette endroit ne peut être que le théâtre d’une véritable et folle aventure. Il a hâte de se confronter aux lieux et à ceux qui sont derrière tout ça. Il erre dans les couloirs depuis plusieurs jours. Il ne semble pas souffrir de la faim ou de la soif. Il explique se nourrir d’herbe et de racines, mais aussi de petits animaux qu’il chasse.
-Tribale est une femme à l’air distant et indifférent. Comme les autres, elle cherche la sortie depuis… elle ne sait plus. Elle pense être morte et en Enfer en raison de son passé honteux. Quel passé ? Elle a oublié. Au début, elle pensait être ici pour retrouver la mémoire et la sortie mais elle n’y croit plus désormais.
Indices mineurs :
-Une tombe profanée à un endroit où elle n’a rien à faire.
-Un espace à ciel ouvert où la végétation a muté sous l’effet de l’emprise et de l’égrégore.
-Le PJ assiste à la transformation, douloureuse, d’un rat en… autre chose.
-Des traces récentes du passage d’un horla.
-Des lianes pendent du plafond mais… il n’y a pas de plafond. Il s’est écroulé.
Obstacles environnementaux :
-La terre se met à bouger et poursuit le PJ pour l’engloutir.
-Caché on ne sait où, quelqu’un ou quelque chose envoie des fruits pourris sur le PJ.
-Un buisson aux épines acérées barrent le chemin.
-Le PJ a un flash-back, une vision déformée de son passé.
-Des insectes jaillissent de partout et recouvrent le PJ.
Obstacles « personnages secondaires » :
-Montague devient nerveux et tente de forcer le PJ à lui donner son sang pour lui servir d’encre. Il veut poursuivre son œuvre littéraire en utilisant le PJ comme encrier et comme parchemin.
-Quaté s’est soudain accroupi. Il s’est mis à chantonner et à dessiner d’étranges symboles sur le sol. Il se relève brusquement et tente d’étrangler le PJ pour l’offrir aux symboles.
-A cause de la faim, un personnage secondaire tente de dévorer le PJ.
-Un personnage secondaire est persuadé d’avoir eu une vision et tente de convaincre le PJ dans la direction qu’il croit être celle de la sortie.
-Un personnage secondaire tente de se suicider.
Tension :
1-Un portail s’ouvre sur les forêts limbiques mais ne fait que ramener le PJ et ceux qui l’accompagnent à son point de départ, dans l’espace comme dans le temps.
2-Le PJ et ceux qui l’accompagnent tombent un piège tendu par un horla.
3-Des trompes et des cornes tonnent. On entend, s’approchant, des cris, des aboiements. Des hommes ( ?) à cheval, avec des chiens, prennent le PJ et ceux qui l’accompagnent en chasse.
Spirit :
-Au moins 1 Spirit : traqué ou non, le PJ finit par trouver, sinon un sens à tout cela, la sortie de cette étrange endroit.
-0 Spirit : le PJ meurt sous les crocs des chiens ou… de faim et de soif dans les couloirs de cette prison.
XxXxX
L’histoire:
Je ne sais pas comment je suis arrivé ici. Je ne me rappelle pas de grand-chose en réalité. Je m’appelle NoAnde et je suis, ou j’étais, le shaman du Clan des Arbres. Il s’est passé quelque chose de grave, je le sens, pour que je me retrouve ici. Mais quoi ? Trouverai-je des réponses ? En tout cas, je ne crois pas que ce soit ce type, Montague, qui puisse m’aider à en trouver. Il a l’air tout aussi perdu que moi. Mais peut-être qu’il y a vraiment quelque chose d’important de consigné dans son livre…
1er jour :
-Nous errons ici depuis plusieurs heures maintenant. Nous n’avons aucune idée du chemin que nous devons prendre. Montague cherche son livre. Je cherche une sortie. Nous marchons au hasard. Alors que nous entrons dans un couloir sombre et étroit, nous devons nous arrêter. En plein milieu du chemin, il y a un trou. Et de l’autre côté de ce trou, il y a… une pierre tombale. Cet endroit n’a rien d’un cimetière et il n’y a aucune autre tombe de cette sorte alentour. Je me penche pour voir s’il y a quelque chose de gravé dans la pierre. Rien ! C’est un mauvais présage.
-Montague se remet à gémir. Je me tourne vers lui et le voit fixer le fond de la tombe. A-t-il vu quelque chose qui m’a échappé ? Je me penche et suis littéralement happé par la lumière noire qui s’est mis à illuminer le fond du trou. C’est éblouissant, aveuglant. Quand nous parvenons à recouvrer la vision, tout a changé mais… rien n’a changé ! Nous sommes toujours dans cette étrange endroit mais c’est la lumière qui a changé. Le blanc est le noir et le noir est le blanc. Montague panique et je ne me sens pas bien non plus. Nous marchons, nous courrons. Rien ne nous poursuit si ce n’est la peur mais… elle est en nous. Que fuyons-nous au juste ? Quand la lumière redevient normale, je suis de nouveau allongé sur ce grabat dans cette cellule. Un peu plus loin, j’entends des gémissements. Je reconnais ceux de Montague.
2ème jour :
-Nous avons repris notre errance avec Montague, comme si de rien était, comme si nous n’étions jamais tombés au fond de cette tombe. Puis, une douleur cinglante me cloue au sol. Comme si on m’enfonçait une lame dans le crâne. Je hurle. Ma vision se trouble. Autour de moi, tout se dédouble, comme si tout se reflétait soudain dans un miroir, dans une symétrie glacée qui m’évoque la mort. Je me tourne vers Montague et… son double symétrique. Même sa voix est dotée d’un reflet inversé. Je sens qu’il tente de m’apaiser mais comme tous ses mots sont doublés de leur strict inverse je ne sais rien de ce palindrome dysharmonieux ! Une nouvelle douleur me fait tomber à nouveau quand j’ai cette révélation que la symétrie est en réalité l’opposé de l’harmonie. C’est la mort. Un faux ordre. Un ordre illusoire. Je veux la vie… Mais la vie n’est-elle pas l’opposée de la mort ? Vie et mort sont-elles symétriques ?
-Et je ne dois mon salut qu’à une nouvelle menace. Alors que je me tords de douleur par terre, Montague et son double me secouent, me relèvent de force et me montre du doigt un homme… ou une femme, qui se précipite vers nous, les mains en avant. Il ou elle n’a pas de double car… il ou elle sont déjà doubles et symétriques. Il ou elle me saisit au cou et commence à m’étrangler. Alors, ma vision redevient normale. Suffocant, je croise le regard de Montague qui est redevenu lui-même. Alors, dans un sursaut d’énergie, je flanque un coup de boule à mon adversaire qui me relâche aussitôt et s’écroule au sol. Il se relève presque aussitôt et, alors que Montague et moi approchons, il s’excuse et se présente. Il s’appelle Quanté. Et comme nous, il est coincé ici depuis… Il ne sait plus. Il cherche désespérément une sortie dont il est convaincu qu’elle se trouve dans un enchaînement de symboles dissimulés un peu partout dans ces ruines. Pourquoi pas, après tout ?
3ème jour :
-Quanté semble en avoir fini avec sa crise de démence et se révèle un compagnon de route finalement agréable. Il semble instruit dans les arts mystiques et symboliques et nous échangeons quelques secrets relatifs à nos traditions respectives. Montague tente de prendre part à la conversation en affirmant que son fameux livre recèle lui aussi bien des secrets. Je veux bien le croire. Mais nous devons stopper notre discussion quand nous arrivons dans une sorte de cour. Au milieu, un arbre s’élève et, assez haut, une femme au regard vide est assise sur une branche. Elle bouge bizarrement. On dirait qu’elle va tomber. Nous lui disons de faire attention mais exige que nous la laissions tomber, au sens propre. Nous tentons de la raisonner mais rien n’y fait. On dirait qu’elle n’attendait que nous pour se laisser basculer dans le vide. Nous tentons de la rattraper au vol mais… trop tard !
-Plusieurs de ses os sont brisés. Il y a du sang tout autour d’elle. Nous nous regardons avec Quanté et Montague et… nous savons qu’il n’y a plus grand-chose à faire. La femme sourit. Elle vient de s’évader.
4ème jour :
-Nous nous nourrissons de ce que nous trouvons. Des petits animaux comme des rats ou des lézards, mais surtout des baies et des racines. Il y a manger ici, certes, mais pas assez pour que nous ne souffrions pas de la faim. Et Quanté a été assez imprudent pour se jeter sur ces baies qu’aucun de nous ne connaissaient. La sanction n’est pas mortelle mais Quanté aura passé plusieurs heures à se vider par tous les orifices possibles de sang et autres matières organiques puantes. Et qu’avons-nous pu faire, avec Montague, si ce n’est le soulager en lui donnant de l’eau fraîche ?
-Nous aurions vraiment aimé avoir plus de temps, pouvoir attendre que Quanté aille mieux. Mais, soudain, la terre s’est mise à trembler. C’était plus qu’un séisme. La terre s’est soulevée et… c’est comme si elle s’était mise à nous poursuivre. Avec Montague, nous n’avons pas cherché à comprendre. Nous avons pris Quanté, chacun par un bras, et nous sommes mis à courir aussi vite que possible. Ce n’est que lorsque nous avons regagner un couloir dallé de pierre que la terre a cessé de nous suivre. Il était clair que nous pouvions plus revenir en arrière maintenant.
5ème jour :
-Ce couloir semble sans fin. De part et d’autre il n’y a que des cellules mais aucune bifurcation. Nous ne pouvons qu’aller tout droit ou revenir sur nos pas et affronter ce… « séisme vivant » ? Mais comment poursuivre notre chemin quand le passage est soudain barré par un inextricable aux épines acérés ? Alors, nous utilisons des bouts de bois traînant ça et là pour repousser un peu les taillis et nous frayer un passage.
-Mais ces broussailles ne sont pas le seul danger auquel nous devons faire face. Quanté est le premier à hurler quand une multitude d’insectes jaillit des buissons et se met à nous courir dessus, rentrant dans nos vêtements mais aussi nos oreilles, nos bouches. Nous tentons de courir malgré les épines mais c’est impossible. Nous sortons de ces buissons en rampant. Nous saignons de partout et vomissons des insectes et autres mille-pattes. Je ne parviens pas à retenir mes larmes. Les autres non plus.
6ème jour :
-Nous avons besoin de repos. Et pour cela, nous avons besoin d’un endroit à peu près sécure. Nous le trouvons sous la forme d’une cellule dont le toit s’est écroulé. Nous voyons le ciel et cela nous redonne une sorte d’espoir, illusoire. Nous avons faim et, on ne l’y reprendra plus, Quanté se retient de se jeter sur cet étrange lierre qui court sur les murs. Ce n’est pas du lierre. Ce n’en est plus. Je vois là des déformations qui sont la marque de l’égrégore. Je n’y avais pas prêté attention jusque-là mais cet endroit est comme saturé d’égrégore. L’emprise est très présente. Peut-être est-ce là l’explication à tous ces mystères ?
-Nous avons repris notre chemin et, cette fois, Quanté et moi sommes plus attentifs à la présence d’égrégore. Réalité ou auto-suggestion, nous en voyons de plus en plus les traces, les manifestations. Soucieux de ne pas être en reste, Montague nous fait part lui aussi de ses observations mais… nous savons bien qu’il n’entend rien aux arts mystiques et occultes. Pourtant, nous aurions dû prêter plus attention à ces dires quand nous sommes tombés dans ce… piège ? Deux lames bizarrement montées en anneaux ont bien failli nous trancher en deux. Et, dans les ombres, nous avons pu apercevoir la silhouette d’un horla. Ne pas nous avoir tué ne sembla pas lui poser de problème. Il semblait même sen moquer. Il quitta les lieux. Nous ne le vîmes pas vraiment mais nous avons entendus son rire s’éloigner.
7ème jour :
-Ce matin, nous avons été réveillé par des ricanements. Nous avons reconnu ceux du horla d’hier. Et ces ricanements ont aussitôt été suivi du sons de cornes et de trompes et… d’aboiements. Les ricanements gagnent en puissance. Les chiens se rapprochent. Nous pouvons les voir. C’est une véritable meute enragée. Derrière eux, des créatures vaguement humaines et difformes les énervent, les excitent, en soufflant dans leurs instruments. Et encore derrière eux, immense et ricanant, le horla de boue et de bois. Nous courons ! Droit devant nous ! nous n’avons aucune idée de là où nos pas nous mènent. L’espace et le temps semblent s’étirer. Par moment, nous pensons les avoir semés puis ils réapparaissent. Parfois, nous voyons l’espace s’étirer entre eux et nous et nous espérons que le destin joue enfin en notre faveur. En vérité, cette course semble sans fin. Nous courons depuis des heures… des jours ? Je ne sais plus. Je ne sais pas non plus d’où nous vient cette énergie qui nous permet de ne pas nous écrouler mais, au bout d’un moment, au détour d’un couloir, une sortie ! nous nous jetons dehors. Nous sommes enfin… dehors ! Nous n’attendons pas de savoir si le horla et sa meute peuvent ou non quitter cet endroit. Nous nous enfonçons dans la forêt. Nous courons encore pendant un long moment puis, peu à peu, nous ralentissons et nous mettons à marcher. Enfin, au bout d’un moment, l’un d’entre nous finit par prendre la parole. Aucun de nous n’a vraiment compris ce qui s’était passé. Puis, sans dire un mot, Quanté nous fait signe qu’il va maintenant continuer sa route seul. Un peu plus tard, Montague me quitte aussi, avec un sourire. Je marche… toujours tout droit, vers je ne sais où. Seul.
Commentaires de Thomas :
A. « -Tribale est une femme à l’air distant et indifférent. Comme les autres, elle cherche la sortie depuis… elle ne sait plus. Elle pense être morte et en Enfer en raison de son passé honteux. Quel passé ? Elle a oublié. Au début, elle pensait être ici pour retrouver la mémoire et la sortie mais elle n’y croit plus désormais. »
Ce PNJ est tout à fait Millevaux :)
B. « -Mais ces broussailles ne sont pas le seul danger auquel nous devons faire face. Quanté est le premier à hurler quand une multitude d’insectes jaillit des buissons et se met à nous courir dessus, rentrant dans nos vêtements mais aussi nos oreilles, nos bouches. Nous tentons de courir malgré les épines mais c’est impossible. Nous sortons de ces buissons en rampant. Nous saignons de partout et vomissons des insectes et autres mille-pattes. »
Avec le suicide du haut de l'arbre puis cette scène, on est bien dans Millevaux, c'est cool :)
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L'APPEL DU 18 DE CHIEN
Suite des mésaventures légères des garnements de Mejgorié. Un récit et un enregistrement de partie par Claude Féry
(temps de lecture : 3 min / temps d’écoute : 2H06)
Joué le 23/06/2020
Le jeu : Trois étés à Bonneville, un jeu de rôle intimiste, aventureux et plein d’espoir, par Chestel
L'univers : la forêt de Millevaux
Suite de Premier été dans le ventre de Mejgorié
Lire/télécharger le mp3 (partie 1)
Lire/télécharger le mp3 (partie 2)
(C) Claude Féry
Scénario :
Voici le plan n2 transposé pour notre table.
(C) Claude Féry
L'histoire :
V utrobe Mezhgor'ya
Vtoroye leto
Notre session a produit une fiction de 2h10.
Nous avons joué 4 des 5 étapes du plan n 2.
Nous avons convenu de jouer le troisième été, avec Little Hô-Chi-Minh-Ville dans la mesure où Hélio Vassily et Elisheba ont décidé de libérer les Dormeurs de Mejgorié.
Gabrielle a baptisé l'épisode l'appel du 18 de chien
(C) Claude Féry
Hélio, gangrené par le bois se transformait en bouc, Elisheba en Kitsune. Kwolia les a libéré de leur état bestial afin qu'ils puissent entrer librement dans Mejgorié en les mordant après qu'il ait été lui-même mordu par le Visage Familier qui nous poursuivait dans la chênaie.
(C) Claude Féry
J'ai mis en jeu ce poème
J'allais solitaire, ainsi qu'un nuage
Qui plane au dessus des vaux et des monts.
Quand soudain, je vis, en foule,
Des jonquilles d'or, une légion,
A côté du lac, sous les branches grises,
Flottant et dansant, gaiement à la brise.
Serrées comme sont au ciel les étoiles
Qu'on voit scintiller sur la voie lactée,
Elles s'étendaient, sans un intervalle, https://live.staticflickr.com/65535/52978541683_e19baca7d9_o.jpg
Le long du rivage, au creux d'une baie.
J'en vis d'un coup d’œil des milliers, je pense,
Agitant la tête, en leur folle danse.
Les vagues dansaient pleines d'étincelles
Mais elles dansaient plus allègrement.
Pouvais-je rester, poète, auprès d'elles,
Sans être gagé par leur enjouement ?
L’œil fixe, ébloui, je ne songeais guère
Au riche présent qui m'était offert.
Car si je repose, absent ou songeur,
Souvent leur vision, Ô béatitude !
Vient illuminer l’œil intérieur
Qui fait le bonheur de la solitude.
Et mon cœur alors, débordant, pétille
De plaisir, et danse avec les jonquilles.
William Wordsworth, Les Jonquilles, dans le recueil Poèmes
(C) Claude Féry
Et celui-ci
Je n'ai jamais cessé de marcher
vers mes racines d'homme
sans sourciers, sans boussole
sauf ma colère puisée dans le poumon du peuple
et les clameurs inédites de l'histoire
sauf mes yeux
n'ayant rien perdu
du désastre des ruelles
et de la rareté du pain
J'avais mal à mes racines
Abdellatif Laâbi, extrait du recueil L'arbre de fer fleurit
Gabrielle joue Vassili (C) par Claude Féry
Commentaires de Thomas :
J’ai écouté la première partie de deuxième été à Mejgorié ! Voici mes retours :
A. La pousse de pierre au fond de la main, super manifestation de l’emprise
B. Super monologue de tes joueuses
C. Si j’ai bien compris, vous avez gardé seulement la fibre intime du jeu lors de cette session.
Alex joue Elisheba (C) par Claude Féry
Claude :
A. Effectivement la page 29, notre seconde rencontre était avec le général à la tête de cette unité, le docteur, qui a fait de nous ses cobayes, (billes de bois).
Nous avons envisagé notre libération non sous un angle réaliste, mais en nous appuyant sur une évocation des sévices que nous subissions, nous avons envisagé une ligne de fuite qui convoque le fantastique et, je l'espère, une forme de poésie, en résonance avec l'intitulé de la campagne.
Gabrielle joue Vassili (C) par Claude Féry
Nous aurions pu ajouter des péripéties, notamment celles prévues autour du refuge du furet (pages 40, 41 et 42), mais j'ai proposé à la table de nous arrêter sur cette tonalité « enchantée ».
La suite ?
Les envies de la table, dans le désordre :
- Le playtest de la nouvelle mouture de Damnatio,
- The clay that woke,
- Pariah
- un carnet d'Écheveuille sur une tonalité pré Millevaux / Jardins des esprits, inspirée de SCP ou de RWBY ou directement dans l'univers en cours de développement d'Alex avec l'aide de Gabrielle.
B. Oui de très beaux moments
C. Nous avons joué les tonalités un peu dans le désordre.
(C) Claude Féry
Thomas :
1. Tout un programme ! Qu'est-ce que SCP et RWBY ?
(C) Claude Féry
Claude :
1. SCP est un univers de jeu où une organisation la SCP recense et neutralise des manifestations paranormales. Fandom très actif avec toutes les fiches des bestioles.
RWBY est une série animée ou quatre jeunes apprenties maîtrisent les pouvoirs issus de poussières de cristaux pour lutter contre les méchants.
D. Nous préparons un système de résolution qui reprend une discussion avec Alex sur ses attentes à la table dédié à un futur carnet d'Écheveuille. [Note de Thomas : il est sorti depuis, il s'appelle Marche II]
(C) Claude Féry
Thomas :
J’ai écouté la deuxième partie !
Voici mes retours :
A. Sympa le moment où tu bugue en récitant la même proposition en boucle
B. Une boisson qui peut avoir un goût et un aspect particulier, c’est du kéfir
C. La transformation de ton personnage en Visage Familier est bien flippante
Xavier joue Hélio. (C) Claude Féry
(C) Alex Begyn
(C) Claude Féry
(C) Claude Féry
(C) Claude Féry
(C) Alex Begyn
(C) Claude Féry
(C) Claude Féry
(C) Alex Begyn
(C) Claude Féry
(C) Claude Féry
(C) Claude Féry
Représentation de Hélio. (C) Xavier Féry
(C) Claude Féry
(C) Alex Begyn
(C) Claude Féry
Hors ligne
TROISIÈME ÉTÉ DANS LE VENTRE DE MEJGORIÉ
Le troisième été est à son orée, les enfants ont grandi et la Russie de Mejgorié a totalement fusionné avec l'enclave panasiatique de Little Hô-Chi-Minh-Ville. Le cycle se boucle sur une totalité douce-amère et slavo-khmer.
(temps de lecture : 1 min / temps d’écoute : 1h58)
Joué le 27/06/2020
Le jeu : Trois étés à Bonneville, un jeu de rôle intimiste, aventureux et plein d’espoir, par Chestel
Jeu annexe : Little Hô-Chi-Minh-Ville, du panasiatique-dystopique-biopunk par Thomas Munier
Univers : la forêt de Millevaux
Ars Electronica, cc-by-nc-nd
Suite de L'Appel du 18 de Chien
L'histoire :
V utrobe Mezhgor'ya
Tret'ye leto
Ou
nowknong tikrong hau chi mi nh
rdauv ktaw tibei
Je joue kaula, commissaire du peuple, Khmer, un artifice.
Gabrielle joue Farben, un techie.
Xavier joue He li nanh, surnommé Prisme, un organo.
Alex joue E Li Ssa Baï, surnommée Confiance, une caïd
Nous avons joué notre troisième été dans le ventre de Mejgorié cet après-midi avec Little Hô Chi Minh Ville.
Une session qui a pleinement satisfait les joueuses.
Nos commandos ont délivré les Dormeurs de leur sommeil artificiel, mais à quel prix ?
Deviendront-ils des crève la faim?
A quelle créature ont ils livré passage dans le sillage de leur mission ?
Kaulaï, a fusionné avec E Li Ssa Baï pour repousser le horla, mais que deviendra-t-elle maintenant qu'elle a deux cœurs, dont un de hantu, elle qui déjà entendait la voix des morts ?
Hors ligne
LA MAISON OÙ PERSONNE N’HABITE
Un solo court, et inhabituellement mystérieux et contemplatif, par Damien Lagauzère
(temps de lecture : 2 min)
Joué le 26/12/2019
Le jeu : Home, par Shrinebuilder, un court jeu solo sur la mémoire, la nostalgie et les difficultés familiales.
Univers : la forêt de Millevaux
road less trvled, cc-by-nc
L'histoire :
Ces derniers temps, je suis La Brindille. Je ne sais pas pourquoi on m’appelle comme ça. Je n’ai rien d’une brindille. La vie est rude dans ces bois mais je m’en contente. En fait, je passe le plus clair de mon temps à rêver. Et mes rêves, ces derniers temps, me disent de rentrer chez moi, là où je suis né, là où j’ai grandi. Alors, j’ai pris la route mais… je ne sais pas vraiment pour où.
Pourtant, j’ai des images qui me reviennent… de très très loin. Je vois une maison. D’un côté, cela me remplit de joie mais d’un autre j’ai peur. Que vais-je trouver ? Et pourquoi suis-je parti ?
J’ai marché longtemps et traversé bien des villes, des villages, parfois en ruines. Mais là, je sais que c’est le bon endroit. Ce ne sont pas tant des souvenirs qui remontent que des émotions. Ce ne sont pas des images, ni des sons. Ce sont des sentiments qui ne trompent pas. C’est ici que j’ai grandi, dans ces montagnes. Mon regard se porte sur une grosse araignée filant entre mes jambes et je me demande si j’ai bien fait de venir là.
Plus tard, je marche dans les bois près de la maison où j’ai grandi, méditant sur ce qui m’a attiré à cet endroit. Je me souviens vaguement avoir fait un rêve il y a quelques mois à propos de ces bois, d'une figure et de la maison de mon enfance.
Un rêve m’a dit de venir mais l’éveil me dit de partir. Pourtant, je reste. Je ne parviens pas à me décider à quitter ces lieux désolés, abandonnés. J’ai peur. Cet endroit est-il vraiment aussi à l’abandon qu’il en a l’air ? J’ai l’impression de ne pas être seul. J’ai l’impression qu’on m’observe depuis… un rêve. J’ai peur que quelqu’un en train de rêver ne m’espionne.
Comme je me dirige vers ce qui me semble être ce qui reste de la maison de mon enfance, j’aperçois quelqu'un. Sa tête me dit quelque chose. Il me sourit. Il dit s’appeler Sieben. Ça ne me dit rien. Il me propose une partie d’osselets. Ça me rappelle quelque chose.
Nous nous quittons après quelques parties. Je retourne vers cette maison, « ma » maison ? C'est le crépuscule, et je m’approche, plein d’hésitation. Cette maison est mal en point et a besoin de travaux.
Je gravis quelques marches. Quelqu’un que je ne connais pas me parle à travers la porte entrouverte. Il y a une chaînette. Je n’ai pas le temps de prononcer un mot que l’autre crie : « Il n’y a personne ici ! Personne ne vit plus ici ! » Pourtant, il vit là, lui…
Je fais demi-tour. Je tourne et je vire dans ce village abandonné. Mes pas me ramènent toujours non loin de cette maison. « Ma » maison ? Ce ne sont pas de souvenirs, plutôt des intuitions. J’ai vécu ici et il s’est passé quelque chose. Quoi ? Où est passé ma… famille ? Parfois, j’ai l’impression de voir de la lumière à travers les fenêtres de certaines maisons. Mais, je crois que ce n’est qu’une impression ou seulement des reflets. Je crois que je suis seul ici. Seul avec le joueur d’osselets et l’autre habitant. Je ne suis pas seul mais qui sont-ils ? Qui sont-ils, pour moi ? L’air se charge alors d’une mélodie. Ça me dit quelque chose…
Et soudain, je me réveille. Je suis toujours dans ce village abandonné mais ailleurs. Je suis là, debout et ma tête est envahie par toutes ces choses qui ont déchiré ma famille. Alors, je cours ! Je cherche ma maison. Les ronces et les branches déchirent mes vêtements et égratignent mes bras. Mais alors, mais c’est un rêve, je trouve un de mes parents, et tombe dans ses bras. Et il me réconforte.
Mais c’est un rêve… Et dans mon rêve, je traverse les bois, jusqu’à un champ. Au loin, je vois de la lumière aux fenêtres d’une maison. Je me remets à courir…
La nuit dernière, j'ai fait un rêve étrange ... J'étais un enfant, perdu dans les pins, et j’essayais de rentrer à la maison avant que l'obscurité ne tombe. Je savais où j’allais. Je courrais en direction de cette maison, ma maison. « Ma » maison ?
Hors ligne
LE RITUEL DE PASSAGE
Encore une fresque solo épique centrée sur les pratiques magiques déviantes avec le zeste de folie pure qu'il convient au crossover avec les univers de Batronoban ! Un récit par Damien Lagauzère
(temps de lecture : 45 minutes)
kr, libre de droits
Joué le 28/12/2019
Les jeux utilisés:
Les crimes ont été « joués » avec Arkham Noir
Les journaux ont été joués avec The Thousand Years Old Vampire.
Les lettres ont été joué avec la campagne Quill : Ink & Shadows.
Les lettres de la Mort ont été jouées avec The Reaper’s Almanac.
Corso a été joué avec Mantoïd Universe et Le Tarot de l’Aventure Imprévue et Bois-Saule.
Univers : la forêt de Millevaux
L’histoire:
Je suis « Gragasanil » Corso. Je suis un Soar, chevalier d’or en exil et collectionneur de machines à écrire. Mon but dans la vie : tout savoir ! Je veux percer les secrets de l’univers et d’Azathoth. Mais, pour l’instant, je veux tout savoir sur la mort de Roularik et Putium, respectivement Cafaroïde, chevalier d’or en exil lui aussi, et Clone prêtre d’Azathoth de leur état. Cette affaire ne m’aurait concerné en rien si, Azathoth seul sait pourquoi, je ne m’étais retrouvé téléporté sur la première scène de crime.
En tant qu’ancien chevalier d’or, j’avais entendu parler de Roularik même si je ne l’avais jamais rencontré. Le Joueur, même si cela lui paraissait plus que capillotracté, se rappela les Watchmen et se demanda si quelqu’un ou quelque chose n’en avait pas après les chevaliers d’or exilés justement. Aussi, il devenait légitime que je mène l’enquête, ne serait-ce que pour éventuellement sauver ma peau de porc.
Pour des raisons historiques qui maintenant nous échappent un peu à tous, Azathoth partage son royaume du Chaos avec la forêt de Millevaux, tout à la fois domaine et avatar de Shub-Niggurath. Le corps de Roularik se trouvait donc dans les bois les plus profonds. Là, je remarquai des marques laissées par la foudre sur un arbre. Or, ces marques différaient de celles qui avaient foudroyé le chevalier. Là, sur le tronc, un symbole était tracé. Et, cachées au pied de l’arbre, je trouvais également un paquet de lettres. Rédigées à différentes dates par différentes personnes, elles avaient néanmoins en commun d’évoquer les Anciens, la forêt ainsi qu’un ouvrage appelé le Vir Stellas.
De retour dans l’Interzone, je me rendis chez mon ami Randolf Carter et lui fit part de mes découvertes. Cela lui évoqua un Ancien Oublié. Je pensais à Shub-Niggurath bien sûr et Carter me le confirma. Cette mort était donc liée à la Chèvre Noire. Mais comment et pourquoi ? Carter me fit alors goûter une de ses drogues, un « cadeau » d’un de ses fournisseurs Mantoïdes. Là, sous l’effet de la drogue psychédélique, le temps s’accéléra et je me retrouvais dans une salle piégé d’un donjon technomagique. Il s’agissait là d’une ancienne arène désertée. Là, je trouvais un journal entre les mains du cadavre horriblement mutilé et méconnaissable d’un homme-porc.
Et en substance, voici le contenu du journal :
« Graga veut dominer le monde. Parfois, il pète les plombs et doit être calmé. J’ai réussi à immobiliser, mais pour combien de temps, la structure dans laquelle il baigne en bloquant un mécanisme avec un vinyle de void métal. J’espère qu’il ne m’en veut pas trop. Yargalac veut que j’utilise un des sorts contenu dans mon livre pour l’aider dans sa vengeance mais… les voies d’Azathoth sont impénétrables et cela ne marche pas comme ça. Ce n’est pas aussi simple. Je ne suis pas sûr qu’il l’ait vraiment ni compris, ni accepté. Yargalac est toujours en quête d’artefacts d’origine voyvode. Aussi, il m’invite dans un tripot en plein cœur de l’Interzone et me fait part d’une rumeur concernant des trésors repérés dans la forêt. Je me méfie car c’est un des fameux plans de Yargalac qui m’ont mis face au Sumérien. Mais son enthousiasme me gagne et nous partons pour la forêt. Là, je suis pris d’un étrange malaise. Je me sens mal. Yargalac ne montre aucun signe de gêne. Je me concentre, regarde et écoute partout autour de moi. Mais c’est au-dessus que se trouve la source de mon mal-être. Nous passons sous un groupe d’arbres auxquels sont suspendues d’innombrables petites poupées faites de brindilles et de chiffons. Je les montre à Yargalac qui s’en moque éperdument. Pourtant, le vent les fait chanter dans cette Langue Putride qui me fait comprendre que nous sommes là en un territoire appartenant à des adorateurs de Shub-Niggurath. Que dois-je comprendre ? Suis-je devenu allergique à la Langue Putride ou dois-je me méfier des serviteurs de la Chèvre Noire ? Nous finissons par trouver ce que nous cherchons mais il ne s’agit pas des trésors espérés. Aussi, c’est sans regret que je laisse toutes ces babioles à Yargalac. Yargalac n’est plus. En vérité, je m’en moque un peu mais, pourtant, mes pas me portent vers l’une des demeures que nous avons partagée à une époque où nous étions beaucoup plus actifs dans notre chasse aux artefacts voyvodes. En vérité, je m’attendais à ce que cet endroit soit de nouveau occupé mais il n’en est rien. Tout a été laissé à l’abandon. Je en sais pas si les lieux ont été occupés depuis notre départ mais il ne reste rien. J’ai l’impression d’être dans une boîte vide… comme mon âme… »
Qu’est-ce que tout cela pouvait bien signifier ? Les lettres relatives au Vir Stellas mentionnaient un rituel sanglant automutilatoire, des créatures venues d’une autre dimension, Nyarlathotep et Millevaux. Là, il s’agissait de retrouver des artefacts voyvodes dans la forêt. Mais ce fameux Yargalac semblait mort et l’auteur de ce journal restait pour l’heure anonyme. Mais cette histoire était elle aussi liée à Shub-Niggurath et Millevaux.
Je quittais cet endroit après avoir découvert l’entrée d’un tunnel souterrain. Je regagnais donc l’Interzone mais non sans avoir été confronté à l’existence du Troisième Rituel Aklo dont, à ce moment-là, je ne comprenais ni la présence ni la signification.
Les choses devinrent à peine moins floues quand je pris connaissance de la mort de Putium, également foudroyé dans la forêt. Pas de marques sur un arbre cette fois mais un passage dissimulé menant jusqu’à un mur de hiéroglyphes parmi lesquels je reconnus le symbole du Troisième Rituel Aklo. Je trouvais là également un autre journal, beaucoup plus court celui-là :
« Voyvodes ! Mal Tête ! Langue Putride ! Batterie… Vide ! Yargalac, mort ! […] Sang pourri ! Malade ! Sang Putride de langue Putride ! Malade ! Pas boire sang de Langue Putride ! […] Sang Putride partout ! Malade ! Batterie vide… Sommeil… Oubli. […] Animaux forêt fuient ! Courent loin ! Volent haut ! Animaux forêt peur de moi ! »
Je ne comprenais rien. Je suivis le tunnel et, à sa sortie, me retrouvais face à une tombe envahie par la végétation. Malgré cela, l’épitaphe était lisible. Il s’agissait de la tombe d’un certain Moulesanil, Soar Cyborg. Et l’épitaphe disait : « L’électricité garantit la réforme biscornue. » Je notais toutefois qu’il y avait un écart dans le mot « biscornue » qui pouvait donc aussi être lu « Bis Cornue ». Deux cornes ? Comme ce Horla qui m’apparut alors que se mit soudain à tomber un violent orage n’ayant rien de naturel ? Et sur la tombe, invisible jusqu’alors, se mit à luire le symbole du Troisième Rituel Aklo. Je sortais mon flingue et m’apprêtais à quitter ces bois, espérant que le Horla n’en aurait pas après moi. Pas de chance, il me suit. Coup de chance, j’ai été bien inspiré de dessiner dans l’air, du bout de mon flingue, le symbole Aklo qui l’a fait fuir.
De retour dans l’Interzone, je m’enfermai chez moi et me plongeai dans le paquet de lettres, y cherchant un lien avec les deux journaux que j’avais trouvés. La première avait été écrite par un certain Damon Hesse dont je sais qu’il s’agit là d’un des pseudonymes du Joueur. Il s’adressait à un certain Pierre :
« Londres, le 3 septembre 1887
Cher Pierre…
Je suis encore à Londres. Je pensais rentrer plus tôt mais j’avoue consacrer un temps considérable à l’un de ses opus dont je fais la collection. Vous connaissez ma passion pour les livres anciens, notamment ceux traitant de sujets ésotériques, occultes même, soit tout ce qui se situe à la frontière de la rationalité. Nombre de mes collègues refusent de leur accorder le moindre intérêt. Pourtant, ces ouvrages existent et ils sont des témoins de leur temps, eux aussi. Ainsi, un de ces ouvrages était mis aux enchère à Londres. Je me suis empressé de m’y rendre et d’en faire l’acquisition. La lutte fut âpre. Je n’étais pas le seul intéressé par le fameux Vir Stellas. Mais, après avoir payé le prix fort dans tous les sens du terme, je repartais avec l’ouvrage.
J’avais prévu de rendre visite à quelques vieux amis mais, finalement, je ne quitte quasiment plus ma chambre d’hôtel. Je consacre en effet toutes mes journées, et mes nuits, à l’étude du Vir Stellas. Étude est un mot peut-être bien inadapté car, en vérité, je « subis » littéralement l’emprise de cet étrange tome. En effet, après des heures et des jours plongé dans ses pages, que puis-je en retirer si ce n’est d’étranges sentiments mêlés faits de fascination et de… dégoût.
En vérité, force m’est de reconnaître qu’une énorme partie du contenu du Vir Stellas me demeure interdite. Ce texte n’est pas uniquement rédigé en anglais. Et je ne suis même pas certain que toutes ses parties soient écrites en langues… humaines. En vérité, le peu de compréhension que j’ai de cette ouvrage est plus « intuitif » que rationnel et je tiens cette compréhension plus des songes inspirés par la vision de ces mots et de ces images que d’une véritable « intelligence » des propos consignés. En effet, à la lecture, je ne comprends que d’infimes parties de ce texte. La nuit par contre, quand j’arrive finalement à dormir, c’est autre chose.
Pierre ! J’ai vu en rêve ce que j’ai lu dans le livre ! Une forêt, mais pas une simple forêt comme on en visite dans nos contrées. Là, c’était autre chose. C’était.. dérangeant… Cette forêt est le domaine de quelque chose de terrible. Je ne sais si c’est le maître des lieux qui m’est apparu mais j’ai vu, dans le ciel de cette forêt, un gigantesque buste de pierre. Je ne me rappelle que de son casque à cimier rappelant celui d’un soldat romain. Son regard portait loin devant lui. Il ne m’a pas vu, je l’espère. Pierre ! Avez-vous déjà entendu parler de ce livre ? Connaissez-vous le Vir Stellas ? Quelqu’un vous a-t-il déjà raconté une histoire comme la mienne ? J’ai besoin de votre aide, Pierre. Je dois en savoir plus. Accepteriez-vous de me recevoir et de me dire ce que vous comprenez du Vir Stellas ?
Pierre, j’ai tardé à poster cette lettre et peut-être que j’ai bien fait. J’ai de nouveau rêvé du Vir Stellas la nuit dernière. Ou plutôt, j’ai rêvé de cette forêt qu’il décrit. Je me suis de nouveau retrouvé plongé dans ses illustrations. Cette forêt est plus qu’une forêt, je l’ai déjà dit. Mais ce n’est pas seulement le domaine de la chose qui règne sur ces bois. Je crois que cette forêt est LA chose en elle-même, l’Entité dominante. Je n’ai pas revu cet étrange buste géant dans les cieux de ces bois. Mais j’ai ressenti autre chose. C’était plus insidieux. C’était… pire. Cet endroit baigne dans une « énergie » malsaine, Pierre. Une sorte d’éther que certains des habitants de ces bois manient grâce des règles qui seraient interdites dans notre monde. Sont-ce ses règles qui sont décrites dans le Vir Stellas ? J’ai besoin de votre aide, Pierre, pour me débarrasser de ces rêves, de ces tourments, mais aussi pour comprendre ce que sont ces bois, ce qu’est… Millevaux !
Damon Hesse »
La seconde était l’œuvre d’un certain Paul. Je savais qu’il s’agissait de Paul Singer, un autre avatar du Joueur :
« Chère Jemima,
Je suis en ce moment même à Arkham, au chevet d’un ami mal en point. Toutefois, ce n’est pas de cela dont je veux te parler. Tu le sais, mes grands-parents sont décédés récemment. Ce n’est pas de cela non plus dont je veux te parler. Pourtant… Parmi toutes les choses qu’ils m’ont laissé, il y a une chose qui ne pourra qu’attirer ton attention. Il s’agit d’un livre intitulé Vir Stellas. C’est un recueil bien étrange. Il est écrit dans divers langages auxquels je ne comprends que peu de choses. Mais ce n’est pas tout, il y a aussi d’étranges hiéroglyphes semblables à certains que tu m’as déjà montrés. Oui, je te parle d’occultisme !
En ce qui me concerne, je ne peux prétendre avoir une véritable compréhension du contenu de ce livre. Mais je ne suis pas le seul dans ce cas. En fait, le livre est accompagné d’une série de notes rédigées par un ami de la famille. Il a étudié l’ouvrage et confirme que le principal de ce que l’on peut saisir du Vir Stellas ne provient pas tant du texte que des visions que suscitent ses mots et ses gravures. Et j’ai été moi aussi la proie de ces visions étranges. Et j’ai vu, en songes, les choses décrites par Pierre Durand ainsi que par celui qui lui avait confié le livre. Et comme eux, j’ai vu des fragments de cette forêt qu’ils appellent Millevaux.
Mais ce n’est pas tout est loin de là ! Durand a étudié aussi profondément que possible le texte même du Vir Stellas et il a mis en évidence les diverses étapes d’un rituel. Oui, un rituel qui permettrait de gagner cette étrange forêt non plus en rêve mais en réalité. Or, pour cela, il faut être au moins deux. C’est pour cela que j’ai besoin de toi. Je te sais férue d’occultisme et il n’y a que toi pour m’aider à réaliser ce rituel.
Je sais que tu es très occupée. Je sais aussi que tu es très susceptible et que tu croiras peut-être que tout cela n’est qu’une plaisanterie. Mais cela n’est pas le cas. Je te supplie de me croire. J’ai lu et relu les notes de Durand. Je me suis plongée encore et encore dans les gravures et les symboles étranges du Vir Stellas. Il y a des mots qui ne pourront que trouver écho en toi et achever de te convaincre. As-tu entendu parler de Millevaux ? Peut-être pas. Mais, as-tu entendu parler de Shub-Niggurath ? Je ne suis sûr de rien évidemment et c’est aussi pour ça que j’ai besoin de toi, de ton expertise. Mais il est d’ores et déjà certain que cette forêt de Millevaux et ce ou cette Shub-Niggurath sont intimement liés. Je veux en savoir plus. Et je sais que toi aussi, après avoir lu cette lettre, tu voudras en savoir plus. Alors, m’aideras-tu à réaliser cette invocation ?
Je te l’ai dit, je suis à Arkham en ce moment. Aussi, rejoins-moi ! Là, dans les bois bordant la Miskatonic, ou n’importe quel autre endroit qui te semblera le plus propice, nous réaliserons ensemble ce rituel et percerons ces secrets qui ne furent que frôlés par Durand. Toi comme moi ne pouvons que saisir cette incroyable opportunité. Rejoins-moi à Arkham. Je te montrerai le livre. Je te raconterai mes rêves. Nous verrons Millevaux.
Paul »
La troisième, écrite par un certain Hatecroft, était adressée à Paul :
« Paul, mon ami…
J’ai besoin de ton aide. Je suis actuellement à Arkham. Venu là à la demande d’une amie, je ne pouvais un seul instant me douter de ce qui m’attendait. Et pourtant, j’aurais peut-être pu m’en douter. Tu le sais, en tant que linguiste, il m’arrive de faire profiter de mes lumières quelques-unes de mes connaissances férues de livres rares, anciens et traitant le plus souvent de phénomènes occultes. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de celle qui allait devenir une grande amie : Jemima Carter. Mais, je le répète, comment aurai-je pu prévoir ce qui m’attendait ?. Paul, par avance je t’en conjure, pardonne-moi.
Jemima s’était rendue à Arkham à la demande d’un de ses amis. Celui-ci prétendait être en possession d’un ouvrage rare et il avait éveillé sa curiosité. Toutefois, Jemima m’a également fait part de ses inquiétudes quant à la santé de son ami. En effet, ce dernier était littéralement obsédé par sa lecture, ce qui visiblement ne lui ressemblait pas. L’essentiel de ses propos tournaient donc autour de la réalisation d’un sort et c’est pour cela qu’il avait besoin de l’aide de mon amie.
Face à l’inquiétude de Jemima, je me décidais donc à me rendre à Arkham. Mais j’arrivais trop tard. Au lieu de Jemima et de son ami, je trouvais deux corps horriblement mutilés. Mais, plus étrange encore est la « mise en scène ». Tous deux étaient en effet recouvert de cicatrices et de plaies reproduisant en grande partie les symboles étranges dessinés sur les murs de la pièce où je les ai découverts. Ces mêmes symboles se trouvaient dans diverses notes éparpillées autour des cadavres. Évidemment, j’ai tout de suite prévenu la police qui a conclu à un suicide particulièrement macabre.
Pour ma part, je ne pouvais croire à un suicide. Non ! Il s’était passé autre chose. J’ai alors entrepris d’interroger les plus proches voisins et j’ai appris quelques faits étranges, questionnants en tout cas. Ainsi, ils m’ont raconté avoir entendu une véritable cacophonie en provenance des bois cette fameuse et terrible nuit. Et pour ce que j’ai pu saisir des notes avant que la police ne les mette sous scellés, il semble bien que la forêt joue un rôle important dans toute cette histoire.
Ce n’est pas tout. On m’a aussi rapporté avoir vu d’étranges lumières cette nuit-là, toujours dans les bois alentours. En vérité, je suis convaincu que Jemima et son ami se sont rendus dans la forêt cette nuit-là. Je ne sais pas ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont vu mais je suis prêt à parier que cela les a suivis jusqu’à cette pièce où je les ai trouvés. Je ne suis pas superstitieux. D’une manière générale, j’essaye et j’espère être un homme à l’esprit ouvert mais, toutefois, sans être crédule. Pourtant, après ce que j’ai vu dans cette pièce et avoir entendu le récit des voisins, je me demande vraiment si Jemima n’a pas véritablement participé à quelque chose de magique. Et si c’est vraiment le cas, elle en a payé le prix fort. La police va très certainement classer l’affaire. Pour ma part, cette affaire ne sera jamais classée tant que je ne saurai pas ce qui s’est réellement passé dans les bois cette nuit-là. Et pour cela, j’ai besoin de ton aide. Puis-je compter sur toi ?
Patrick Hatecroft »
L’auteur de la quatrième lettre, par contre, ne me disait rien :
« Je vis près de ces bois depuis maintenant près de dix ans. Je les connais bien. Je m’y promène souvent avec mon chien. Ce sont des lieux tranquilles, des lieu de paix. Mais ce n’est plus le cas depuis maintenant un mois. Il se passe des choses étranges dans nos bois. Étranges et tragiques, criminels.
Vous vous rappelez sûrement la découverte de ces deux corps horriblement mutilés, recouverts de coupures et autres plaies. Il ne s’agit pas d’un cas isolé. Loin s’en faut. Un de mes plus proches amis s’est intéressé à cette affaire.
Charlie, mon ami, a vu les corps. Il a également vue la scène de crime. Il a vu ces étranges scarifications et les notes, le livres qui les ont inspirées. Cela l‘a traumatisé. Depuis ce jour, il ne fut plus le même, littéralement obsédé par ce qu’il avait vu. Obsédé au point de les… reproduire. Je ne sais pas comment cela est arrivé mais, à la faveur d’une promenade, c’est moi qui est retrouvé le corps de Charlie dans les bois, marqués de la même façon que ces deux autres corps. Je n’en croyais pas mes yeux. J’ai encore du mal à y croire.
Je n’ai pas l’âme d’un flic. Pourtant, je me devais d’agir. Surtout face à l’inertie des forces de l’ordre. Alors, je me suis rendu, de nuit, dans les bois. Car, cette nuit encore, on y entendait d’étranges clameurs. Et, sans réellement comprendre ce dont j’étais témoin, je ne peux que vous rapporter cette horrible scène qui, si elle n’explique rien, aura au moins le mérite de vous faire saisir l’ampleur de ce qui se trame.
Ainsi, me guidant dans la nuit au son de ces chants, j’arrivais bientôt à l’orée d’une clairière. Là, j’ai vu, une dizaine de personnes, nues et aux corps recouverts de ces cicatrices mystérieuses, danser autour d’un homme, que dis-je, un géant ! richement vêtu. Le géant ricanait devant les contorsions des danseurs. Il émanait de lui quelque chose de monstrueux. Je ne sais pas dans quelle langue ils chantaient mais je me rappellerai pourtant toute ma vie ces mots : « Ie, ie Nyarlathotep, thusai cul nubula Nyarlathotep ! » Je ne sais pas qui sont ces gens, mais je serais pas surpris si nous découvrions bientôt de nouveaux corps scarifiés dans les bois. La police ne semble pas très prompte à agir. Pourtant, il faut que cela cesse. Aussi, je m’en remets à vous et à votre bon sens civique.
Lewis Johnson »
Et la dernière me laissa on ne peut plus perplexe :
« Qu’est-ce qui m’a pris ? Pourquoi j’ai voulu me mêler de cette histoire ? Lewis ! Aurais-je vraiment pu laisser un autre se confronter à… ça ?! Oui, non ! Je ne sais plus. Je ne sais plus par où commencer. Le commencement ? La lettre de Lewis au journal ? Pourquoi écrire au journal et non pas me contacter directement ? A-t-il cherché à me protéger tout en tentant de prévenir les gens ? Il a vu, lui aussi, il a vu ça ! Je le sais, j’en suis sûr ! Est-ce pour ça qu’il s’est… dissipé dans la nature ? Et Betsy, pauvre bête ! Non, jamais Lewis n’aurait abandonné Betsy. Que lui est-il arrivé ? Que m’est-il arrivé ? Rien ! Rien, tout cela n’est qu’un rêve, une fiction, un horrible cauchemar !
Mais qu’ai-je vu en réalité ? Ou, qu’ai-je cru voir ? Quel tour m’a joué mon esprit ? Dans les bois, une trentaine de personnes, nues, écorchées et scarifiées autour d’un homme, cet homme, un géant ! Ils dansaient au son d’une horrible symphonie. Et le géant riait ! Puis, un autre son a remplacé la musique. Je crois que c’était là depuis le début mais… mon esprit refusait de le voir.
Les danseurs ne dansaient plus. Ils étaient à terre, corps ruinés, tordus et… dévorés ! En train d’être dévorés par des… des créatures indescriptibles ! Des ombres grises recouvertes de… pustules et dotées d’ailes membraneuses se repaissaient des viscères des danseurs. Les hurlements de douleurs se mêlaient aux rires et aux chants. Et aux horribles bruits de mastications.
Je pose ces mots sur le papier pour faire sortir ces visions de moi. Il y a quelque chose dans les bois. Quelque chose qui provoque ces hallucinations. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, des hallucinations ! Tout cela n’est que le fruit de mon imagination, stimulée par ou à cause de la lettre de Lewis. Je couche ces visions sur le papier. Je les transforme en mots pour les faire sortir de moi. Ensuite, je mettrai cette lettre dans une enveloppe et je ne l’ouvrirai plus jamais !
IL Y AVAIT DE LA JOIE DANS LE REGARD DE CETTE HOMME ! PLUS QUE DE LA JOIE. DE L’EXTASE ! IL PLEURAIT ET RIAIT EN MÊME TEMPS ! ET IL ME REGARDAIT ALORS QUE CES CHOSES LUI AVAIENT DÉJÀ DÉVORÉ LES JAMBES ! C’EST AU-DELÀ DE TOUT CE QUE L’ESPRIT HUMAIN PEUT CONCEVOIR. ET IL A DIT « NYARLATHOTEP NOUS A APPORTE LE PARADIS, QU’IL EN SOIT BIEN !« »
De retour dans l’Interzone, je me mets face à ma machine à écrire. Je vérifie que le réservoir de Pétrol’magie est plein et je fais une place dans ma cervelle de porc pour le Joueur. Je reprends les journaux et lettres que j’ai trouvés et les relis tout en tapant quelques notes à propos de divers éléments récurrents et de leurs potentiels liens.
Ainsi, je pense que ce livre, le Vir Stellas, est peut-être bien écrit, au moins en partie, en Langue Putride. Cela expliquerait que les auteurs des lettres aient eu tant de mal à le déchiffrer tout autant qu’ils furent les objets de visions millevaliennes. Et ces mêmes visions auraient comme conséquences, voire comme but, de les inciter à se livrer à ce rituel d’invocation de Nyarlathotep.
Ce rituel, qui est peut-être le Troisième Rituel Aklo, suppose des pratiques automutilatoires. Et n’est-ce pas l’automutilation ultime que de se laisser dévorer par des créatures qui sont, peut-être, des Horlas émissaires de Shub-Niggurath ? En fait, je me demande si le rituel contenu dans le Vir Stellas n’a pas pour but d’obtenir de Nyarlathotep qu’il intercède avec la Chèvre Noire en faveur des invocateurs ? Peut-être que ces derniers ne savaient comment s’adresser directement à la Chèvre Noire ? Mais, qu’attendaient-ils vraiment d’elle ? Le paradis ? Vraiment ?
Il est un fait connu que les Sumériens sont adeptes des tatouages et autres scarifications. Est-il possible que le Sumérien mentionné dans les journaux est eu le Vir Stellas entre les mains ? A-t-il eu lui aussi des visions ? D’ailleurs, est-il possible de trouver cette tête géante dont parle l’auteur de la première lettre ?
Il apparaît également que ces lettres viennent d’ailleurs. Un monde, une dimension qui ne connaît pas « concrètement » Millevaux. Ont-ils tenté d’attirer l’attention de Shub-Niggurath de leur propre chef ou s’agit-il d’un plan de la Chèvre Noire pour se répandre dans d’autres mondes ? Compte-t-elle trahir Azathoth ?
Mais les journaux parlent aussi de « batterie » et donc d’énergie, d’électricité comme celle qui a foudroyé la première victime. Ils parlent aussi d’artefacts voyvodes et de Cyborgs, certainement alimentés eux-aussi par de l’électricité. Alors, quel est leur lien avec la Chèvre Noire ? Comment comprendre ce malaise que ressent l’auteur du journal par rapport à la Langue Putride ? Y a-t-il une sorte d’incompatibilité entre l’électricité, ou n’importe quelle énergie alimentant les Voyvodes et les Cyborgs, et Shub-Niggurath ? Et si, bien que les influences d’Azathoth et Shub-Niggurath puissent cohabiter, il n’en était pas de même pour les Cyborgs et les Voyvodes ?
Je tiens peut-être là un début de piste. Maintenant, je dois tout de même comprendre en quoi tout cela concerne les Chevalier d’Or exilés. Je devrais peut-être aussi me renseigner sur ces Graga et Yargalac.
Qu’est-ce que je fous là ? La tête me tourne à cause de la gravité inversée. Cette antique sphère voyvode paraissait abandonnée. Et pourtant, les Millevaliens vivant là l’ont reconvertie en arène. Je ne sais même pas comment ils me sont tombés dessus. En attendant, je fais face à un Soar, comme moi ? Pas vraiment. Son groin s’est transformé en ce bec caractéristique des Pétrol’head. Le cochon doit être défoncé comme pas permis. il n’a pas d’arme. Je ne sais pas si je dois être rassuré ou d’autant plus inquiet. Quant à moi, on m’a évidemment délesté de mon flingue et de mon armure d’or. Je réfléchis. Je tente d’évaluer la situation. Je ne devrais pas. Le Soar me saute dessus ! Mais j’ai quand même des restes de mon passé de chevalier d’or. J’esquive d’un bond, roule sur le côté, me redresse et lui saute dessus à mon tour. Le porc est résistant. Je me heurte à un mur. Il vacille à peine. Mais j’ai de la chance. Complètement défoncé qu’il est, ses attaques sont complètement chaotiques et finalement assez faciles à éviter, pour l’instant. Je me jette à nouveau sur lui. Mais, cette fois, je vise à hauteur des genoux et parviens à le faire tomber. Je le tourne sur le ventre, m’assois sur son dos et m’empare de son bras pour lui infliger une sévère clé. Je ne souhaite pas spécialement le tuer. J’espère qu’il va abandonner et qu’on va en rester là. Je ne sais pas s’il comprend un traître mot de ce que je raconte mais je lui demande d’abandonner. Et il doit être finalement moins fracassé du crane que je ne le pensais. Il lève son bras libre et frappe plusieurs fois le sol en signe d’abandon. L’espace d’un instant, j’ai eu peur que la foule n’exige sa mise à mort mais, au contraire, elle se montre étonnamment clémente.
J’ai gagné et on me permet de quitter l’arène. On me rend même mes affaires. Je demande à rencontrer le ou les maîtres des lieux. Les gardes ne sont pas contre mais… Ils échangent un regard un peu gêné. Je leur demande ce qu’il y a. Veulent-ils un baquechiche ? Ils sourient. Le Joueur a de la chance et doit être d’humeur taquine. Il a mis dans mes poches une poignée de Noix et de Billes qui les emmèneront très très loin… au pays des Cœlacanthes, peut-être ? Mais je en devrais pas parler d’eux, ça risquerait de les attirer.
On me conduit dans le bureau d’un des responsable de cette arène : un Voyvode ! Je ne comprends pas. Je croyais cette arène construite dans un artefact abandonné par les Voyvodes. Il me le confirme. La sphère a été abandonné, conquise par Millevaux puis plus ou moins reconquise par les Voyvodes qui en ont fait ce lieu festif. Bon, OK, pourquoi pas…
Je plonge mon regard dans ce qui pourrait être l’équivalent chez ce Voyvode. En réalité, il me fait plutôt bonne impression et je pense pouvoir lui parler franchement. Aussi, je lui explique m’être retrouvé sur deux scènes de crimes. Tout ça part un peu dans tous les sens mais il y aurait un lien entre Azathoth, Shub-Niggurath mais aussi l’électricité, les Cyborgs, d’anciens chevaliers d’or et… les Voyvodes. Je lui fait part de mon hypothèse selon laquelle si l’alliance entre Azathoth et la Chèvre Noire fonctionne plutôt bien, ce n’est peut-être pas le cas vis-à-vis des Cyborgs, Voyvodes et tout ce qui fonctionnerait avec de l’électricité. Et puis, je soupçonne également la Chèvre Noire d’avoir des projets d’expansion incluant des Sumériens. C’est pas facile d’interpréter l’attitude d’un Voyvode mais je lui trouve l’air… circonspect. Alors, a-t-il un avis sur la question ? Les Voyvodes ont-ils sentis des « problèmes » de « compatibilité » entre l’électricité et l’Égrégore ? Et le Voyvode, qui me donne l’impression d’être étonné par tout ce que je lui raconte, me répond par l’affirmative. Alors, d’après lui, est-il possible que, dans le dos d’Azathoth, Shub-Niggurath ait ourdi quelques plans contre les eux et les Cyborgs ? Et là encore, j’obtiens une réponse affirmative.
Les livres d’histoire nous enseignent que les Voyvodes et les Sumériens sont tous deux ennemis du Royaume qu’ils étaient censés servir. Pour autant, à choisir, il n’est guère étonnant que la Chèvre Noire ait jeté son dévolu sur les Sumériens plutôt que sur les Voyvodes. Aussi, il est très possible qu’elle ait corrompu certains Sumériens afin qu’ils servent ses intérêts. Mais ça ne me dit rien quant au lien avec les chevaliers d’or en exil. Le Voyvode a bien une idée mais… ce n’est qu’une idée…
Et sur les bons conseils du Voyvode, je me retrouve de nouveau sous terre, en pleine forêt. D’après lui, ce n’est pas un hasard si je me suis retrouvé sous terre après la découverte de ces crimes. Et ce n’est pas un hasard si moi, un ancien chevalier d’or, j’ai été mis en face du symbole du Troisième Rituel Aklo. Le Voyvode n’a pas voulu s’avancer mais m’a tout de même laissé entendre que, pourquoi pas ?, certains chevaliers d’or auraient eu entre les mains de quoi réaliser ce rituel. Et là, je pensais au Vir Stellas. Mais je pensais aussi à ce mur de hiéroglyphes. Je devais le retrouver. Mais force me fut de constater que j’étais bel et bien perdu. Perdu mais… pas seul pour autant. On me suivait. Je me cachais et reconnus la silhouette d’un Mantoïde. En fait, il s’agissait de plusieurs Mantoïdes. Non, d’un seul ! Alors, un ou plein ? En vérité, il s’agissait d’un Mille-pattes humain, ou plutôt d’un Mille-pattes Mantoïde. Je ne savais pas que ces trucs-là pouvaient exister. Je ne savais pas non plus qu’ils avaient une bonne vue car il m’avait manifestement repéré et me demandait de sortir de l’ombre. Mon flingue à la main, je m’approchais du monstre. Je sentais en lui comme une animosité contenue. Je crois qu’il aurait bien voulu me sauter dessus mais il avait manifestement quelque chose à me dire. Il se présenta comme étant un certain Korium. Il vivait dans l’Interzone, il y a longtemps. Puis, il est devenu ce que j’avais sous les yeux et se cachait sous terre. Il ne cacha ni son envie ni la facilité avec laquelle il pourrait me découper en tranches de bacon mais il y avait plus important. Je devais le suivre.
Je ne sais plus où j’en suis après les révélations de Korium. Ce dernier m’a conduit jusqu’au fond de son repaire souterrain et m’a raconté une bien étrange histoire, son histoire… celle d’avant qu’il ne devienne un mille-pattes Mantoïde.
Korium est plus vieux qu’il en a l’air et, reconnaît-il, sa mémoire lui joue des tours. Mais, il sait que sa « mort » est lié à l’histoire d’un de ses proches, un certain Trashalak. Je me demandais si j’avais vraiment du temps à perdre avec cette histoire et sus que oui dès que Korium mentionna que Trashalak était un Cyborg chasseur de reliques Voyvodes, accompagné dans cette tâche par un certain… Yargalac, passionné lui aussi de reliques Voyvodes et… chevalier d’or en exil !
Korium m’expliqua comment Trashalak était revenu « différent » d’une de ses chasses dans la forêt. Yargalac l’avait informé de l’existence d’une sphère voyvode abandonnée mais il s’était passé quelque chose là-bas. Trashalak avait changé. Physiquement et mentalement ! Il avait expliqué cela par son intérêt nouveau pour la magie du Chaos mais il y avait autre chose. Sinon, comment expliquer que, peu à peu, tous soient mort, Yargalak, Graga et lui-même ? Lui avait eu la chance que ses mille-pattes esclaves sexuels le ressuscitent sous cette forme pleine de potentiels mais les autres… Même Trashalak avait fini par disparaître entre temps. Pourtant, Korium avait entendu des rumeurs comme quoi quelqu’un lui ressemblant avait été aperçu dans l’Interzone. Il était facilement reconnaissable à sa peau écailleuse mais aussi parce que, parfois, il portait encore le chapeau « magique » qu’il lui avait offert autrefois. Attention toutefois, ce chapeau est un vecteur de maladies contagieuses.
Voilà ce qu’avait pu me dire Korium. Et tout prenait semblant de sens. Des Cyborgs, des reliques voyvodes, les chevaliers d’or, Millevaux… Tous ces éléments étaient déjà liés dans une autre histoire. Et il semblait que ce fameux Trashalak erre dans l’Interzone. Etait-il lié aux meurtres actuels ? Je devais le trouver pour m’en assurer et aussi savoir en quoi les chevaliers d’or d’aujourd’hui étaient liés à cette vieille histoire.
Et me voilà zonant dans l’Interzone à la recherche de ce fameux Trashalak, Cyborg à la peau de serpent. Mais, alors que je déambule, posant des questions à travers des glory holes et n’ayant pas souvent une réponse intéressante, je me rends compte que je suis moi-même suivi. Je tourne et vire dans les ruelles sombres et étroites de cette partie de l’Interzone. Je fais une boucle. Je ne tente pas tant de semer mon poursuivant que d’inverser les rôles. Et quand je parviens à m’approcher assez près, sa peau ! Des écailles !
« Trashalak ? »
Le Cyborg-serpent se fige, demeure immobile et ne me répond pas.
« Trashalak. Tu es Trashalak, c’est ça ? J’ai à te parler. Retournes-toi lentement, j’ai un flingue. »
Mais celui dont je quasiment certain qu’il s’agit de celui que je cherche se met soudain à courir tout droit. Je vise les jambes. Je tire. Mais il est rapide, le con ! Je me mets à courir. Mais il zigzague à toute vitesse et je le perds rapidement. Je me retrouve au milieu d’une petite place. Au-dessus de moi flotte un rocher. Et sur ce rocher, un portail d’une dizaine de mètres de haut irradie d’énergie technomagique. Tout autour flottent de petits objets et de petites créatures fusionnant les uns avec les autres. Trashalak a-t-il emprunté ce portail ? Dois-je le suivre ? Je sens que je suis en train de prendre la décision la plus conne de toute ma vie mais… je m’élance et traverse le portail. Je verrais bien ce qu’il y a de l’autre côté.
L’atterrissage est rude. J’ai l’impression que mes os ont tenu bon mais je m’inquiète pour mes organes internes. Je me palpe et constate qu’on dirait bien, malgré la douleur, que tout est resté à sa place. Je ne peux en rendre grâce qu’à mon armure d’or. Mais, alors que je m’ausculte, je remarque que mon corps est désormais couvert de tatouages qui changent de formes en permanence et évoquent tour à tour des scarifications et des symboles chaotiques. Et parmi eux, je reconnais les symboles du Troisième Rituel Aklo !
Mais, maintenant, la question à 1000 litres de Pétrol’magie. Où suis-je ?
Une forêt… Je reconnais Millevaux à son Emprise. Mais il y a quelque chose de différent. Ce n’est pas le Millevaux que je connais, d’où je viens. Ce n’est pas le Millevaux de chez moi. Non loin, il y a un vieux manoir envahi par la forêt. Prudemment, l’arme au poing, je m’approche. Aussi discrètement que possible, je me colle à une fenêtre et entends du bruit. Il y a quelqu’un, qui parle tout seul. Non, c’est à moi qu’il parle. Il me dit de me tirer. Il y a quelque chose de menaçant dans sa voix mais pas seulement. Quelque chose me dit que ce serait même plutôt pour mon bien qu’il m’enjoindrait à ne pas rester là. Je raffermis ma prise sur mon flingue et me montre à la fenêtre. Là, je fais face à la Mort. Pas LA Mort, mais la Mort. Enfin, une Mort. Quand elle me voit, elle a l’air agacé. Je remarque qu’elle tient une liasse de feuilles à la main.
Comme je n’ai pas l’impression que cette mort soit vraiment un ennemi, je rentre dans cette ruine et me présente. La Mort a l’air surpris. Elle jette un œil sur les feuilles puis sur moi. Elle hoche la tête et me les tend. Elle m’explique ne pas être la maîtresse des lieux. Elle n’est venu là que pour rendre visite à l’auteur de ces lettres. Mais il est introuvable. Toutefois, maintenant que je suis là, ce n’est plus son affaire. C’est la mienne. D’un geste du menton, elle montre les lettres que j’ai maintenant dans la main et s’en va. Je ne cherche pas à la retenir. Je m’assois sur une vieille chaise et commence à lire.
« LETTRE 1 :
Hey,
Comment va ?
Un petit mot car il m’est arrivé un truc bizarre. J’ai eu une âme à faire passer de l’autre côté. En soi, rien d’étrange là-dedans mais… ce sont les circonstances de sa venue qui m’ont étonné. Le type s’appelle Raymond Guts. Il est, ou était journaliste. Il enquêtait sur des faits bizarres et potentiellement criminels ayant lieu dans la forêt autour de la ville où il vivait. En fait, il est convaincu d’être mort… mais AVANT d’être arrivé jusqu’à mon manoir !
As-tu déjà eu une expérience similaire ? Normalement, les âmes dont nous avons la charge viennent directement de là où elles vivaient. Il n’y a pas d’étape, ou de « plan », intermédiaire. La personne meurt et arrive directement chez nous. C’est nous, l’étape intermédiaire, non ?
Comme à mon habitude, j’ai invité mon âme en peine à ma table. Je fais ainsi d’une pierre deux coups. Je favorise le passage d’une âme vers l’autre monde et je prends soin de cette vieille bâtisse dont j’ai également la responsabilité. Ces dîners sont plutôt agréables finalement. Ça met un peu de vie dans ces murs. Et mes âmes semblent apprécier un dernier repas. C’est aussi l’occasion de discuter, d’en apprendre plus sur eux.
Sur Raymond, je n’aurais pas appris grand-chose finalement tant il était obsédé par les circonstances de sa mort. Il m’a raconté avoir été témoin d’un sabbat dans les bois en l’honneur d’une divinité nommée Nyarlathotep. Tu connais ? Et, en fait, il pense être mort là-bas. Il m’a ainsi raconté s’être certes réveillé dans sa chambre d’hôtel mais l’établissement, toute la ville était vide ! Et c’est là que les créatures monstrueuses qu’il a vues dans les bois lui ont sauté dessus pour le dévorer. Mais, il est convaincu que ces créature l’avaient déjà dévoré la nuit précédente.
Tu imagines bien que j’ai tenté de le rassurer. Je lui ai expliqué la procédure et qu’il n’avait finalement rien à craindre de ce qui l‘attendait de l’autre côté. Mais cela n’a pas été facile tant il était en proie à la panique après ce… rêve ? Je ne sais pas trop comment appeler cette expérience.
A la fin du repas, Raymond avait retrouvé un peu de son calme. Il semblait apaisé et j’ai donc pu le conduire de l’autre côté, le véritable autre côté cette fois. Mais, alors que je faisais un peu de rangement, j’ai remarqué quelque chose, au niveau du manoir. Tu me prendras pour un imbécile mais je te jure que j’ai vu de la mauvaises herbe et quelques racines s’infiltrer entre les pierres, en bas du mur. Et je te jure aussi qu’il n’a pas été facile de s’en débarrasser. Est-ce que tu crois que ça a un lien avec son histoire de sabbat forestier ? Ou alors, ce ne serait qu’une coïncidence ?
Et toi, que deviens-tu ?
LETTRE 2 :
M’as-tu porté la poisse ?!
Pour être franc, que tu ne te moque pas de moi après ma dernière lettre m’avait fait plaisir mais je ne pensais pas susciter une telle réaction. Mais bon, je comprends bien, surtout après ce que tu m’as raconté à propos de cette femme venant de Millevaux, c’est ça ?
Bon, il faut moi aussi que je te raconte. On ne va pas jouer à celui qui aura eu l’âme la plus dingue à faire passer mais… j’ai reçu une espèce de mouche humaine ! Je te jure. Cette chose pouvait prendre forme humaine mais, en dessous, elle a des yeux d’insecte, des ailes de mouches et une espèce de bec en ferraille qui a fusionné avec la moitié de son visage. C’est horrible. Et je ne te raconte même pas comment il se nourrit quand il a cette forme-là.
Bref, tout ça pour dire que ce Corso m’a raconté son histoire et que c’était complètement dingue. Il dit venir de l’Océan du Chaos, le domaine d’Azathoth. Il prétend avoir fui sur la planète du dieu de la glace après qu’il fut chassé par Azathoth et… Shub-Niggurath. Ce dernier serait, si j’ai bien compris le nom compliqué de… je te laisse deviner… Millevaux ! Cela ne te rappelle rien ?
J’ai interrogé Corso à ce sujet. D’après lui, c’est finalement assez simple. Un certain Y’mo-Thog a déclenché une énorme glaciation qui a recouvert le domaine d’Azathoth. Aussi, les habitants ont dû fuir et certains se rendus chez Shub-Niggurath, à Millevaux donc. Mais la glace continuait de se répandre, de même que la forêt a elle aussi une certaine propension à se répandre. Alors, Azathoth et Shub-Niggurath se sont rendus sur la planète d’Y’mo-Thog pour en finir avec lui. Ensuite, ils se sont partagés les lieux. Mais, Corso n’est plus sûr de rien car il m’a avoué être dépendant au Pétrol’magie et il se demande si une partie de son histoire n’est pas juste un horrible délire dû au manque.
Tu te doutes bien que je n’ai pas fait traîner le dîner et que ça a été fromage OU dessert mais certainement pas les deux. De toutes façons, Corso n’était pas vraiment inquiet par ce qui l’attendait de l’autre côté. Il était certain de se réincarner très bientôt car il n’en avait pas fini avec toute cette histoire.
Et moi non plus, c’est bien le problème ! En vérité je te le dis, je crois que mon manoir a été contaminé par… Millevaux ! Tu sais, je t’ai dit, déjà, que de la mauvaise herbe s’était infiltré entre les murs. Et bien c’est allé crescendo après le départ de Corso. Je ne sais pas ce que ce truc a fait à mon manoir mais en à peine une nuit tout le rez-de-chaussée était envahi par la végétation. Et dehors ! Les murs étaient recouvert de lierre. Même le jardin entourant le manoir était méconnaissable. Autant te dire que je ne pouvais plus rien faire à ce stade-là. Si j’en crois le récit de Corso, cela voudrait dire que Shub-Niggurath s’est mis en tête de s’approprier ma demeure.
Je n’étais pas fier quand j’ai annoncé la nouvelle à qui tu sais. Mais, à ma grande surprise, elle a fait preuve d’une certaine compréhension et m’a même proposé une nouvelle charge. Mais, j’aime mon manoir, même s’il est en proie à une folie végétale. Alors, j’ai demandé à rester. Et elle a accepté. Je continuerai donc de recevoir ici mes âmes trépassées et j’essaierai, sinon d’endiguer le phénomène, au moins de le comprendre.
Mais bon, si de ton côté tu as des choses à m’apprendre, surtout n’hésites pas.
En espérant que les choses soient plus simples de ton côté.
LETTRE 3 :
Salut,
Je suis bien content d’apprendre que tu as de la visite. Ici, rien ! Personne ! Je ne peux pas croire qu’il n’y a plus assez de morts pour qu’on m’en envoie quelques-uns. Ou alors, c’est le revers de la médaille. Elle m’a laissé le manoir mais me prive de compagnie ? Tu crois qu’elle ferait un truc pareil ?
Je dois t’avouer quelque chose. Sa demande n’était pas explicite mais je crois qu’elle aurait voulu que je « nettoie » le manoir de la présence de ce « Millevaux ». Mais, en vérité, je n’en ai rien fait. Je n’ai même pas essayé. Déjà, je te jure, c’est une entreprise titanesque. Impossible pour une seule personne ! Je ne peux que constater l’étendue des dégâts et essayer de comprendre. Mais, un moment, j’ai pensé que si mon manoir était envahi par la forêt, je recevrais les âmes de ceux qui y vivaient. J’aurais alors eu l’occasion d’en apprendre plus. Mais si personne ne vient ! Est-ce que ça veut dire que personne ne meurt là-bas ? Je sais bien que c’est impossible.
Alors, je me suis inventé un nouveau boulot. Oui, je laisse le manoir tomber en décrépitude, en proie à Millevaux. Et moi, et bien j’en profite pour explorer cette étrange forêt. Il y a plein d’endroits bizarres qui sont apparus avec elle. Mais tous ont en commun d’être envahi par la végétation. J’ai visité de vieux bunkers, des camps nomades, des lieux de cultes, des tanières de monstres. J’ai vu des monstres ! Et j’ai vu, de loin, des sorciers manipuler cette matière bizarre dans laquelle baigne Millevaux pour remodeler la réalité selon leurs fantasmes. Cette forêt est tout à la fois effrayante et fascinante. Je crois que je n’en ferai jamais le tour.
J’achève ici cette lettre car le soleil se couche et je n’aurai bientôt plus de lumière.
A bientôt…
LETTRE 4 :
Un homme à tête de porc ! Tu m’entends ! Et plus que ça même. C’est un porc, un vrai porc sur deux pattes mais avec des pieds et des mains comme nous ! Et lui aussi dit s’appeler Corso ! Il dit se souvenir être déjà venu, quand il était une mouche ! Et il m’a raconté notre précédent dîner. Comment peut-il savoir ? Comment ce porc peut savoir ? Il a même fait des commentaires sur l’état du manoir.
Tu veux que je te dise quelque chose ? Cela reste entre nous mais… c’est lui qui m’a rasséréné. Il m’a expliqué que tout était normal. Il s’est même excusé car il n’exclut pas que ce soit un peu sa faute si Millevaux a envahi le manoir. Il souriait, il a vraiment tout fait pour être rassurant. Les rôles étaient complètement inversés.
Ce Corso m’a raconté vivre dans un endroit qu’il appelle l’Interzone. Là, il fait office, en quelque sorte, de détective. Pour l’instant, il est mort, il ne l’a jamais nié mais il m’a aussi juré qu’il devait retourner dans l’Interzone car une nouvelle affaire l’attendait et que tout cela devrait normalement être lié à Millevaux. Mais pas seulement. Il a aussi parlé de Nyarlathotep. Tu te rappelles de ce nom ? Ce truc serait le messager des dieux. De certains dieux en tous les cas. D’après lui, il s’est passé des choses aux alentours d’une ville nommée Arkham et des gens ont attiré l’attention de ce Nyarlathotep. Et ce dernier a répondu à l’appel. Et il aurait à son tour appelé Shub-Niggurath à venir se repaître de ce nouveau monde.
Corso le porc n’a pas pu m’en dire plus. Il a reconnu que, dans cette histoire, tout était à découvrir. Et il a même regretté que le « passage » suppose d’oublier une partie de tout ce qu’il m’a déjà raconté. Il espère juste que, quelque part, il restera une trace de tout ça. Lui, est convaincu de se réincarner une nouvelle fois en cochon et de mener une nouvelle enquête dans l’Interzone.
Alors, chose étonnante, il m’a ensuite pris dans ses bras et m’a juré que tout allait bien se passer.
Et toi, tu crois que tout va bien se passer ? Tu crois que tout ça va bien finir ?
LETTRE 5 :
J’abandonne… Mais en réalité, est-ce moi qui abandonne ou m’a-t-on abandonné ? Quelle erreur ai-je commis pour en arriver là ? Franchement, dis-moi, est-ce qu’il y avait vraiment un moyen de préserver le manoir de Millevaux ? Tu crois vraiment que j’aurais pu faire quelque chose ? Tu crois vraiment que, tout seul, j’aurais pu freiner l’influence de… Shub-Niggurath ?
Elle ne me répond plus. Plus personne ne me répond. Réponds-moi, s’il te plaît…
J’espère que Corso va résoudre son enquête… »
C’est dingue ! Cela n’a aucun sens ! Ces lettres parlent non seulement de toute cette histoire mais elles parlent aussi… de moi ! L’auteur de ces lettres affirment me connaître, m’avoir vu. Deux fois ! Une fois sous forme de Mouchoïde et une autre sous ma forme actuelle. Et là encore, il est question d’un rituel concernant Nyarlathotep, Shub-Niggurath et Millevaux. En réalité, j’ai l’impression que l’auteur de ces lettres a également reçu ceux des autres lettres que j’ai déjà trouvées.
J’ai des doutes quant au fait que le Millevaux qui a envahi ces lieux soit le même que celui qui entoure l’Interzone. Pourtant, ce doit être là que je trouverai Trashalak, voire même peut-être l’auteur de ces nouvelles lettres. Alors…
Je m’enfonce dans ce nouveau Millevaux, cette forêt que je ne connais pas. Il fait presque nuit et une tempête s’est levée. J’ai marché trop longtemps pour faire demi-tour et me mettre à l’abri dans cette étrange demeure d’où je viens. Alors, je marche encore. Mon armure d’or dégouline de pluie. Elle me protège de bien des choses mais pas du vent. Et c’est en vain que je cherche une trace du passage de Trashalak.
Au bout d’un moment, je distingue une faible lueur dans l’obscurité. J’approche et déboule dans une clairière. Là, s’élèvent les restes d’une demeure semblable à celle que j’ai quittée. Il n’y a aucune lumière, sauf cette lueur à l’étage qui, déjà, montre des signes de faiblesse. Je fais le tour et ne trouve aucune entrée praticable. Soit elles ont été condamnées, cimentées, soit elles sont tellement envahies par la végétation qu’il est impossible de se frayer un chemin. Je tente d’escalader un mur mais la pluie l’a rendu trop glissant. Je reviens sous la fenêtre où il y avait de la lumière. J’ai l’impression qu’elle s’est encore affaiblie. J’appelle. Aucune réponse. Je n’entends aucun bruit venant de l’intérieur. Et là encore, impossible de trouver une bonne prise pour grimper. Vais-je devoir rester sous la pluie ? Je ramasse une pierre et vise la fenêtre éclairée. Ma pierre entre, elle, et moi… je glisse sur l’herbe mouillée. Je me retrouve le cul dans la boue à espérer avoir attiré l’attention de quelqu’un. Mais il ne se passe rien et la lumière finit par s’éteindre.
Alors, la terre tremble ! La terre s’ouvre juste devant moi et un mur d’eau s’élève, menaçant de s’abattre sur moi. Apparaît alors, surgi de je ne sais où, un homme, nu, dont la tête est comme une espèce de sculpture de chair malhabile représentant une tête de lion. Il semble recouvert d’un énorme masse de chair rougeâtre et presque liquide, palpitante. Il tend la main dans ma direction et promet de me sauver de ce tsunami en échange de mon âme. Je dois venir avec lui pour être sauvé. Et mon âme, je la récupérerai plus tard. Le mur tremble au-dessus de ma tête mais ne s’abat toujours pas sur nous. Et l’être étrange, cette espèce de boursouflure se fait encore plus pressante. Ça sent le piège à plein nez. Ça sent le Horla aussi.
Calmement, je retire une des protections de mon armure et observe les tatouages mouvant sur mon avant-bras. Quand ceux-ci prennent la forme du symbole du Troisième Rituel Aklo, je l’exhibe à cette chose. Et elle se met alors à paniquer. Le masque de chair se liquéfie et toute cette chair superflue glisse le long du corps de l’homme pour se réfugier dans les bois. Il ne reste plus là qu’un homme, nu et transi de froid, au regard aussi explosé que s’il s’était gavé d’hallucinogènes. Je retire l’imperméable qui recouvre mon armure et le donne à l’homme qui, peu à peu, sort de son hébétude. Je me présente.
Il s’appelle Mîm. Il est sorcier. Il est tombé, il y a fort longtemps, sous la coupe de ce Horla qui l’a, en quelque sorte, parasité et contraint à utiliser ses talents afin de piéger d’autres victimes pour se nourrir. En fait, ce Horla ne peut parler. Aussi, il avait surtout besoin d’une voix. Il aurait pu user de la force mais il n’était pas encore assez développé pour cela. Mîm me remercie de l’avoir sorti de là mais je le sens bien amer après cette expérience. Évidemment, le mur d’eau a disparu avec le Horla mais… la tempête souffle toujours et nous devons trouver un abris. Mîm n’a aucune idée de là où nous pourrions aller. Le Horla s’est enfui avec ses connaissances de la forêt. Quand je lui pose la question, il lui semble reconnaître cette demeure devant laquelle nous sommes mais ses souvenirs sont très flous. Il me semblait que le Horla se servait peut-être de cette lueur à l’étage pour attirer des proies mais Mîm est incapable de me le confirmer. En tout cas, la créature s’est enfuie dans les bois. On peut donc espérer que le manoir est vide et que, pour peu qu’on puisse entrer, nous y serons à l’abri.
Mîm ne prend pas le risque d’escalader la façade mais il trouve quand même une sorte de soupirail par lequel nous gagnons les sous-sols du manoir. Il ne fait pas chaud mais au moins nous sommes à l’abri de la tempête. J’observe le sorcier. Je lui trouve un air préoccupé malgré l’impassibilité qu’il affiche. J’hésite à lui poser des questions, à lui demander ce qui ne va pas. Mais je ne dois pas oublier ce que je fais là. Je cherche Trashalak. Je dois savoir en quoi les chevalier d’or sont mêlés à cette histoire entre Azathoth, l’électricité et Millevaux. Je ne dois pas me laisser distraire. Je vais attendre la fin de cette tempête puis je reprendrai ma route. Mais, peut-être que ce sorcier pourrait quand même m’aider…
J’explique au sorcier les raisons de ma présence en ces lieux. Je veux en savoir plus sur les plans de la Chèvre Noire et les liens avec l’électricité et les Cyborgs, Voyvodes et chevaliers d’or en exil. Peut-il m’aider ? Sait-il quelque chose ? A-t-il déjà entendu parlé d’artefacts voyvodes, ou même du Vir Stellas ?
Mîm affirme ne rien entendre à ce que je lui raconte. Et il me demande même, assez brutalement, de ne plus aborder ce sujet. Cette réponse ne me convient pas. Aussi, je me saisis de mon flingue par le canon et fracasse la tête du sorcier à coups de crosse en répétant mes questions. Quand j’en ai fini, mon arme est inutilisable mais, la gueule en sang, Mîm gargouille qu’il peut peut-être quelque chose pour moi mais…
« Mais quoi, Bordel ?! »
Mîm m’explique qu’il ne sait rien. Il me rappelle que moi non plus, je ne sais rien. Mais, il y a ici des gens, des choses, qui savent. Il suffit de devenir ces gens, ces choses et… je saurai. Mais que dois-je devenir ? Un arbre ! Un noyer, dont les racines auront baigné dans l’Égrégore et le Pétrol'magie, dont les Noix ouvrent les portes de la connaissance. Et comment devient-on un tel arbre ? Là, Mîm dit pouvoir faire quelque chose pour moi.
La tempête est passée. La nuit est tombée et devenue brune. Mîm et moi quittons cette étrange ruine et nous enfonçons dans les bois. Ils sont de plus en plus touffus, denses. Nous devons nous frayer un passage en repoussant les branches dont je soupçonne certaines de ne vraiment pas vouloir que nous atteignons notre but. Pourtant, nous y parvenons. Je m’attendais à un clairière mais ce n’est pas le cas. Au-dessus de nous, dans les branches, sont (sus)pendues des petites poupées faites de branches et de boue. Mîm m’indique un endroit, entre deux arbres, et me demande d’y prendre place. Il s’agenouille devant moi et recouvre mes pieds, jusqu’aux chevilles de terre et de mousses. Il me demande ensuite de lever les bras. Je m’exécute. Autour de moi, il dispose des bougies, des poupées, des soucoupes remplies de liquides odoriférant. Je n’ai aucune idée d’où il a sorti tout ça puisque, à part mon imperméable, il n’a rien sur le dos. Pourtant…
Mîm se fige devant moi. Il ouvre la bouche mais aucun son ne sort. Alors, il fait honneur à son nom et se lance sous mes yeux à une étrange et quelque peu dérangeante pantomime. Il tourne sur lui-même. Il tourne autour de moi, toujours silencieux. Et je sens. Je sens les tatouages qui me recouvrent s’agiter. Je sens ma peau de porc changer de texture, durcir. Je sens mon sang se transformer lui aussi. Je sens mes pieds s’allonger, se fondre dans la terre. Mes bras s’allongent et se couvrent de feuilles. Mes pieds s’enfoncent dans la terre et deviennent des racines. Ils traversent la terre et se gorgent d’Égrégore. Et l’Égrégore se mêle à la sève qui coure dans mes veines et remonte jusqu’au bout de mes branches. Mes racines s’enfoncent et creusent la terre jusqu’à… Une grotte !
Quel étrange endroit. Je suis toujours un arbre figé dans le sol. Pourtant, mon regard se porte partout où mon esprit le veut. J’erre dans cet endroit. C’est bizarre. Ce n’est pas mon regard qui obéit à ma volonté, c’est ma volonté qui obéit à mon regard, à son besoin maintenant obsessionnel de se poser partout où il le peut. Mais une autre pulsion me pousse pourtant à m’enfuir. Cet endroit est malsain. Il est… sale, pollué et corrompu. Il y a ici quelque chose qui, si je reste trop longtemps, va me contaminer. Qu’est-ce ? Il ne s’agit pas d’Égrégore., ni de Pétrol’magie. Je tente de reprendre le contrôle de mon regard. En vain ! La sanction est même immédiate. Je sens des centaines, des milliers de cafards et autres insectes surgir de partout dans cette grotte. Ils courent vers mes racines et remontent jusqu’à mon tronc. Là, ils gravissent mes branches et s’infiltrent en moi. Ils rampent dans mes veines et se gorgent de l’Égrégore qui s’est mêlé à ma sève, à mon sang. Tout à ma douleur, je laisse mon regard errer, voler jusqu’à… la Mort !
La Mort est là !, dans cette grotte. Et quand elle tombe sous le poids de mon regard, elle se retourne et « me » fixe de ses orbites vides. Que fait-elle là ? je tente de lui parler, de lui communiquer mes pensées. Mais là encore, la sanction est immédiate, sous la forme d’une pluie acide qui ronge mes feuilles et mes branches. Malgré tout, j’espère que cette mort a saisi. Saisi quoi ? Que j’étais là, que je voulais savoir…
Mais la mort demeure impassible. Ses orbites vides fixent un espace vide. Je ne sais pas, je ne pense pas qu’elle a perçu ma présence. Mais, que fait-elle ici ? J’attends, j’espère qu’elle va reprendre sa tâche et que j’apprendrai quand même quelque chose. La mort détourne son regard du mien, qu’elle ne semble toujours pas avoir perçu. Par-dessus son épaule, je vois là un livre : le Vir Stellas ! La Mort a mis la main sur le Vir Stellas ! Elle tient l’ouvrage à deux mains. Elle est fébrile, euphorique. Puis elle s’en va en courant.
Je redeviens un homme-porc dans le silence le plus total. Mîm en a fini avec son étrange magie mais on dirait que tout autour de nous s’est mis à la page de son art et a décidé de vivre, encore un peu, dans le silence. Silence que je n’ose troubler. Mîm demeure imperturbable. Quand j’entends de nouveaux les bruit de la forêt, je prononce enfin quelques mots. J’informe le sorcier que je vais retourner dans la maison de la Mort. Il est toujours muet. Il parait heureux. Nous prenons la route ensemble.
Et nous parvenons en vue de ce manoir. C’est une ruine envahie par la végétation. Il n’y a aucune lumière mais un étrange comité d’accueil. Près de l’entrée, il y a une huitaine de silhouettes qui se dressent tant bien que mal et s’approchent de nous en claudiquant. Ils sont tous vêtus de capes crasseuses et exhibent devant nous les moignons de leurs bras et jambes amputés. Ils ne parlent pas. On leur a aussi coupé la langue. Ils ricanent seulement. Ils nous frôlent de leurs moignons mais ne nous empêchent pas d’avancer. Au moment d’entrée, je me tourne vers Mîm. Toujours silencieux, il me fait un signe éloquent de la tête. Je vais devoir entrer seul.
A l’intérieur, tout est sombre. J’éprouve une sensation bizarre à la surface de tout mon corps. J’ai l’impression que, l’espace d’un instant fugace, ma peau se durcit, redevient écorce. Mais quand je palpe mes avant-bras, ils sont normaux, seulement recouvert d’une substance un peu collante rappelant de la sève. Je tends l’oreille mais n’entends rien. J’appelle. Personne ne me répond. J’avise un escalier. Je monte. Je fais attention à là où je mets les pieds mais pas de pièges ou des racines malignes. Enfin, on dirait…
Soudain, un zazamon surgit de nulle part. Dans le noir, je crois reconnaître un Bur’kwek à son gros cerveau gélatineux. Il me braque avec cette technologie à vapeur qui va cracher de l’acide si je ne fais rien. Je saute de côté et évite de justesse le flot d’acide. Je n’ai plus de flingue mais un bon coup de poing en plein dans sa masse cérébrale spongieuse me libère le passage. J’appelle de nouveau. Mais toujours rien. Et j’ai beau tendre l’oreille, je n’entends rien non plus. Pourtant, je suis certain de ne pas être seul ici. Ce Bur’kwek n’est pas apparu tout seul. Quelqu’un l’a invoqué. Et je soupçonne cette mort de l’avoir fait à l’aide du Vir Stellas. Le problème est que, à ma connaissance, le Vir Stellas contient des rituels bien plus dangereux que l’invocation d’un zazamon et comme je n’ai aucune idée ni des projets ni des compétences en sorcellerie de cette mort…
En haut des marches, je suis accueilli par un hibou. Il déploie ses ailes. Il a l’air… heureux. Mais… les hiboux ne sont pas ce qu’ils paraissent. Dans une vie antérieure, je possédais des clés « magiques » permettant d’altérer le réel. Est-il-possible de puiser dans cette réminiscence de quoi rendre sa véritable apparence à cet oiseau ? Je n’ai pas de clé mais, pourtant, l’image du hibou se met à onduler, à se tordre. Il devient flou. Et cette tache de flou dans le vide se compresse pour devenir… un cadenas qui tombe lourdement au sol. Maintenant, il me faut une clé.
Deux idées me viennent à l’esprit. Et si je pouvais ouvrir ce cadenas à l’aide du symbole-clé du Troisième Rituel Aklo ? Ou s’il s’agissait plutôt de la foudre ? Si je brandissais ce cadenas et attirais un éclair, que se passerait-il ? Mais avant tout, je veux trouver cette mort et le Vis Stellas. Et je réagis ! Je suis dans un manoir en ruine, sombre et envahi par la forêt de Millevaux, domaine et avatar de Shub-Niggurath. Et, je cherche la mort… Est-ce vraiment une bonne idée ? Et d’où me vient cette image fugace d’une… chaise électrique ? J’ai le cadenas. Ai-je besoin de plus ?
Je redescends les marches en courant. Je me précipite vers la sortie. En vérité, rien ne s’oppose à ma fuite mais j’entends derrière moi une voix grave avec quelque chose d’à la fois racoleur et mesquin dans le ton. C’est ironique, sarcastique mais, l’air de rien, cette voix me met en garde quant au fait de réunir des objets défectueux. S’agit-il du cadenas ? Juste avant de sortir, je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule, il y a bien quelqu’un dans les escaliers mais je ne parviens pas à l’identifier nettement. Je sors !
Dehors, les éclopés ne sont plus là. Mîm non plus. Le brouillard s’est levé. Je sens que je suis en danger. Il souffle un vent sec. Je m’enfonce dans la forêt pour mettre une distance de sécurité entre cet endroit et moi. Puis, j’examine le cadenas. Je remarque qu’il porte quelques inscriptions dont je ne connais pas le sens. Je soulève une partie de mon armure et compare ces symboles avec ceux que prennent mes tatouages mouvants. Mais il n’y a aucun rapport. Alors, si mes tatouages ne semblent pas destinés à l’ouvrir, il me reste la foudre. Vais-je devoir attendre qu’un orage éclate ou puis-je compter sur les réserves d’énergie d’un vieil artefact cyborg ou voyvode ? Mais vais-je en trouver dans ce Millevaux là ou vais-je devoir trouver un moyen de rentrer chez moi ?
J’erre dans la forêt. Je n’ai aucune idée de comment regagner l’Interzone. J’aurais dû mettre la main sur le Vir Stellas. Il y a peut-être une formule, un rituel dedans. Je marche pendant des heures. Mes pensées, comme moi, vagabondent et se posent de nouveau sur cette image de chaise électrique. Dans le manoir, j’ai cherché après une mort. Dans les bois, je cherche une source d’électricité. Avec une chaise électrique, j’ai les deux, non ? Mourir sur une chaise électrique ouvrirait ce cadenas ? Trouverais-je une telle chaise au fond d’un vieux vaisseau voyvode ?
Et j’arrive en bordure d’un cours d’eau. Il fait presque nuit et une tempête se lève. Je ne sais plus trop ce que je fais là. Je sers le cadenas dans ma main mais, est-ce sous l’effet de la forêt, des pans de ma mémoire se sont déjà échappés. En fait, je crois qu’une partie de moi a déjà quitté les lieux. Je retrouverais peut-être la mémoire quand je serai de retour dans l’Interzone. Mon histoire m’attend peut-être déjà là-bas. Mais en attendant, j’ai besoin de souvenir pour avancer. Alors, je me replonge dans ces lettres et ces journaux. Je me rappelle la chasse aux artefacts voyvodes avec Yargalac. Je me rappelle aussi de la tombe de ce Soar Cyborg et de cette épitaphe : « L’électricité garantit la réforme biscornue. » Et je me souviens m’être fait cette réflexion comme quoi biscornue pouvait signifier tordu mais aussi évoquer « deux cornes ». Qu’est-ce qui a deux cornes tordues ? Qu’est-ce que l’électricité pourrait tordre ? Est-ce que l’électricité pourrait tordre un être à deux cornes ? Mais un bruit me tire de mes pensées. Sans faire attention, je me suis aventuré sur le territoire d’un Horla.
Et une silhouette reptilienne sort de l’eau. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse vraiment d‘un Horla. C’est un cyborg. Je le vois à son implant lanceur de vinyles et à sa batterie. Il y a quelque chose d’à la fois vif et vide dans son regard. Il a un étrange chapeau sur la tête, trop grand. Dans une main, il tient un livre – un exemplaire du Vir Stellas ? – et dans l’autre, un petit conteneur en verre. A l’intérieur, il y a un cœur.
Et je réagis ! La batterie ! Elle contient forcément de l’électricité ou une énergie du même genre qui ouvrira le cadenas. Je ne sais pas si ce cyborg reptilien acceptera de m’aider, ni même s’il comprend quand on lui parle mais je lui demande quand même. Après tout, on ne sait jamais. A ma grande surprise, il accepte mais, car il y a un mais, il dit vouloir se souvenir de certaines choses. De quoi ? De sa vie d’avant. Je lui demande de patienter un peu car je crois pouvoir faire quelque chose.
Je prends les deux journaux attribués à Trashalak. Je les relis. Quelque chose me dit que ce cyborg pourrait bien être celui que je cherche mais j’ai un doute. Alors, je me fies à cette réminiscence d’une autre vie, celle où j’avais les clés qui permettaient de changer le monde, et j’espère pouvoir changer les choses. Sous le coup d’une intense fatigue, je tombe à genoux. Mais, quand mon regard se porte sur l’un des journaux, je lis :
« Je m’appelle Trashalak. Je suis, ou plutôt j’étais, un clone cyborg qui admire les Voyvodes. Mon plaisir dans la vie : détruire ! Enfin ça, c’était avant… Cela fait maintenant plusieurs année que j’erre ainsi. J’ai réussi à cacher ma nouvelle nature à mes proches. La nuit, quand je suis seul, je m’exerce avec ces nouvelles facultés qui sont les miennes. C’est étrange, bizarre et fascinant de ne pas mourir… Mais, même si cela m’apporte beaucoup, ce n’est pas gratuit. Je ne sais pas si c’est l’influence de mon immortalité ou du chapeau mais, parfois, je ressens une subite envie de mourir. Cela passe vite mais cela revient souvent… En tout cas, je ne sais pas si c’est à cause ou grâce à cette nouvelle nature, mais les sorts contenus dans le livre sont désormais miens et je peux les utiliser sans même avoir besoin du livre. Dans la foulée, je me suis initié à quelques mystères et mes recherches m'ont permis de mettre la main sur un éclat d’épée magique brisée lors d’une bataille. Cette éclat me permettra de créer de nouveaux sorts ou d’améliorer ceux que je maîtrise déjà. Là encore, est-ce un effet de la magie d’Azathoth (en tout cas, c’est que j’ai dit à tout le monde) ou une conséquence de mon immortalité, mais me voilà recouvert d’écailles reptiliennes qui renforcent ma longévité et ma résistance. Il m’a retrouvé ! Le Sumérien ! Il est venu chez moi et je n’ai pu que m’incliner face à sa puissance. Nous ne nous sommes pas affrontés, pas la peine. Je sais qu’il est plus fort que moi. Il vient d’arriver en ville avec un plan dont il ne veut rien me dire mais je dois le servir. Cela ne me plaît guère mais je ne peux qu’accepter, d’autant plus qu’il fait montre d’une étonnante générosité à mon égard. Mais qu'attend-il vraiment de moi ? Et quels sont ses buts ? Je ne sais pas qui est cet homme et je veux l’oublier. Aussi, certes je consigne ici cet événement étrange mais je m’en vais aussitôt perdre ces notes. Pour oublier. Peut-être que cela fera sens pour celui ou celle qui lira ces lignes. Mais pour moi, cela n’en a aucun. Cet homme m’a sauté dessus, dans les bois. Il m’a menacé de son couteau en exigeant que je lui explique ce que, selon moi, valait la vie. Comment répondre à cette question quand, comme moi, on ne meurt plus ? Alors, je lui ai expliqué que pour moi la vie ne valait rien. Que peut-elle valoir pour celui qui se nourrit de sang humain et d’insectes ? Et j’ai profité d’un moment d’hésitation de sa part pour me repaître de son sang. Son sang était écœurant, Putride ! »
Je tends le journal au cyborg reptile. Il lit. Il a l’air heureux.
Trashalak me conduit dans un sous-sol de béton suintant l’humidité. Il règne un silence qui me plaît assez. Trashalak m’explique qu’il partage cet endroit avec un Horla qui se nourrit du son. Aussi, autant ne pas attirer son attention en faisant trop de bruit. Sur le trajet, il ramasse quelques poignées de lichen et des racines. Nous arrivons dans une salle dont les murs, le sol et le plafond grouillent de larves et de vers. Trashalak, avalant une grosse poignée d’asticots, m’explique qu’après sa transformation par le Sumérien il ne pouvait plus se nourrir que de sang et d’insectes. Mais, avec le temps, il a réussit à varier un peu son alimentation. Nous sommes donc ici dans son… garde-manger.
Trashalak ouvre son gros livre. J’essaye de lire le titre mais n’y parviens pas. Il me tend la main. Je lui donne le cadenas. Il m’explique ensuite que même si sa batterie est pleine, il n’a qu’un nombre limité de tentatives pour ouvrir le cadenas. Il va donc certes utiliser cette électricité mais doit également recourir à la technomagie d’Azathoth. Et là, il me prévient, tout peut arriver. Je suis sous terre, dans une salle grouillante de vers dégueulasse, en compagnie d’un cyborg reptilien adepte de technomagie. Je ne suis plus à ça près.
« Quand faut y aller… »
Trashalak lance une incantation. Il ne se passe rien mais il me demande de retirer mon armure. Je m’exécute et il parcourt du doigt mes tatouages polymorphes. Je ne comprends rien à ces symboles. Lui, au contraire, semblent les connaître. Il marmonne des mots que je ne saisis pas. Il tourne quelques pages de son livre et récite une formule. Une flaque de Pétrol’magie apparaît. Il s’agit en réalité d’un Buggarzak pustulant qui s’approche de moi avec un air concupiscent. Trashalak lâche le livre et se tord les mains jusqu’à s’arracher les ongles en hurlant. Une fois fait, il ramasse le livre du bouts de ses doigts ensanglantés et, maladroitement, tourne encore quelques pages. Je fais un pas dans sa direction, pour l’aider. Mais je n’arrive plus à bouger. Je suis littéralement paralysé. Pas par la peur ou le dégoût, mais par la technomagie. Et quand je parviens de nouveau à bouger, c’est pour me retrouver plié en deux en train de vomir un flot d’excréments. Quand les vomissements cessent, ils sont remplacés par une crise de tremblements incontrôlable. Je regarde Trashalak. A quoi joue-t-il ?
Trashalak lève les yeux vers moi. Si j’ai des questions à poser à Azathoth, c’est maintenant !
« Azathoth, vais-je rentrer chez moi ?
NON !, me répond-il par la bouche de Trashalak.
Vais-je mourir ici ?
OUI, ET TU VAS SOUFFRIR !
Connais-tu les plans secrets de la Chèvre Noire ?
OUI !
Les Chevaliers d’Or ont-ils un rôle à jouer dans tout ça ?
NON, ET ILS N’ONT JAMAIS EU UNE QUELCONQUE IMPORTANCE DANS TOUT CELA ! »
Trashalak reste immobile. Je crois que, cette fois, il attend mon assentiment avant de tourner les pages et lancer un autre sort. Au point où j’en suis, je lui fais signe d’y aller. Un gros œil se met à flotter en l’air. C’est un Bur’kwek aux dents pointues. Pour l’instant, il dort. Même en sommeil, son œil reste ouvert. Et d’ouvert, tout vert, moi je deviens… violet ! Et alors que ma peau change de couleur, mes tatouages eux aussi changent de couleur et deviennent dorés. Puis, les couleurs changent et alternent à toute vitesse. On dirait que je… clignote. Et mes tatouages changent eux aussi de forme et de couleur. Je ne comprends rien mais Azathoth l’a dit, je vais crever !
Trashalak ne me demande pas mon avis et se lance dans une nouvelle formule. Il sourit. Un Portail Dimensionnel s’ouvre enfin. Derrière, je reconnais les Forêts Limbiques. Alors, le Bur’kwek se réveille et me saute dessus pendant que Trashalak emprunte le Portail qui se referme derrière lui. Et moi…
Moi, je me vide de mon sang. Le Bur’kwek m’a sauté à la gorge et arraché un bon bout de bidoche. Je suis par terre, au milieu des vers et des asticots et un zazamon est en train de se repaître de mon sang.
Et voila comment ça se termine pour moi. Je voulais tout savoir mais Azathoth savait déjà et… on dirait bien qu’il s’en fout complètement…
Trashalak a traversé les Forêts Limbiques et a pu regagner l’Interzone. Depuis, on raconte qu’un tueur en série découpe des jeunes hommes de 15 ans en 12 morceaux avec une scie de bûcheron. On dit qu’il pratique des rituels sanglants au nom d’Azathoth qui laisse faire…
Commentaires de Thomas :
A. Je consacre en effet toutes mes journées, et mes nuits, à l’étude du Vir Stellas. Étude est un mot peut-être bien inadapté car, en vérité, je « subis » littéralement l’emprise de cet étrange tome.
J'adore :)
B. « Cette forêt est plus qu’une forêt, je l’ai déjà dit. Mais ce n’est pas seulement le domaine de la chose qui règne sur ces bois. Je crois que cette forêt est LA chose en elle-même, l’Entité dominante. Je n’ai pas revu cet étrange buste géant dans les cieux de ces bois. Mais j’ai ressenti autre chose. C’était plus insidieux. C’était… pire. Cet endroit baigne dans une « énergie » malsaine, Pierre. Une sorte d’éther que certains des habitants de ces bois manient grâce des règles qui seraient interdites dans notre monde. »
J'aime bien comme tu décris la forêt de Millevaux sans nommer les termes techniques, en mode le personnage découvre totalement.
C. « Oui, un rituel qui permettrait de gagner cette étrange forêt non plus en rêve mais en réalité. Or, pour cela, il faut être au moins deux. C’est pour cela que j’ai besoin de toi. Je te sais férue d’occultisme et il n’y a que toi pour m’aider à réaliser ce rituel. »
Hum, bonne idée :)
D. « Au lieu de Jemima et de son ami, je trouvais deux corps horriblement mutilés. Mais, plus étrange encore est la "mise en scène". Tous deux étaient en effet recouvert de cicatrices et de plaies reproduisant en grande partie les symboles étranges dessinés sur les murs de la pièce où je les ai découverts. Ces mêmes symboles se trouvaient dans diverses notes éparpillées autour des cadavres. Évidemment, j’ai tout de suite prévenu la police qui a conclu à un suicide particulièrement macabre. »
Je suppose que c'est le rituel pour partir à Millevaux :)
E. L'échange de lettres est réussi, dans le plus pur style lovecraftien.
F. Tu rencontres la Mort dans une cabane qui te tend du courrier à lire ? On se croirait dans du Pratchett :)
G. J'aime bien l'idée du manoir du passeur d'âmes qui se fait peu à peu envahir par Millevaux et le passeur d'âmes qui décide de quand même y rester, parce qu'il se sent chez lui :)
H. J'aime bien les chassés-croisés dans le temps, en mode vertige logique : Corso qui lit des lettres qui ne seront écrites que plus tard, puis qui découvre un manoir qui est le futur du manoir précédemment visité...
I.J'aime beaucoup le look de l'homme-lion, et le fait que la tête léonine soit en fait un horla qui recouvre un humain.
J. « Il me semblait que le Horla se servait peut-être de cette lueur à l’étage pour attirer des proies mais Mîm est incapable de me le confirmer. » Je crois reconnaître une entrée proche dans Nervure (des brigands qui allument une lanterne dans une maison pour attirer des voyageurs à détrousser). Utilise-tu de temps en temps Nervure ?
K. « Près de l’entrée, il y a une huitaine de silhouettes qui se dressent tant bien que mal et s’approchent de nous en claudiquant. Ils sont tous vêtus de capes crasseuses et exhibent devant nous les moignons de leurs bras et jambes amputés. Ils ne parlent pas. On leur a aussi coupé la langue. Ils ricanent seulement. Ils nous frôlent de leurs moignons mais ne nous empêchent pas d’avancer. »
Sont-ce les survivants des rituels de passage dans Millevaux ?
L. « Deux idées me viennent à l’esprit. Et si je pouvais ouvrir ce cadenas à l’aide du symbole-clé du Troisième Rituel Aklo ? Ou s’il s’agissait plutôt de la foudre ? Si je brandissais ce cadenas et attirais un éclair, que se passerait-il ? Mais avant tout, je veux trouver cette mort et le Vis Stellas. Et je réagis ! Je suis dans un manoir en ruine, sombre et envahi par la forêt de Millevaux, domaine et avatar de Shub-Niggurath. Et, je cherche la mort… Est-ce vraiment une bonne idée ? »
En fait, tous ces rituels de passage me font penser à la conclusion du jeu de rôle S'échapper des Faubourgs :)
M. « Trashalak lâche le livre et se tord les mains jusqu’à s’arracher les ongles en hurlant. Une fois fait, il ramasse le livre du bouts de ses doigts ensanglantés et, maladroitement, tourne encore quelques pages. Je fais un pas dans sa direction, pour l’aider. Mais je n’arrive plus à bouger. Je suis littéralement paralysé. Pas par la peur ou le dégoût, mais par la technomagie. Et quand je parviens de nouveau à bouger, c’est pour me retrouver plié en deux en train de vomir un flot d’excréments. Quand les vomissements cessent, ils sont remplacés par une crise de tremblements incontrôlable. Je regarde Trashalak. A quoi joue-t-il ? »
Ah ça rigole pas ces rituels :)
Hors ligne
IL FAUT TUER LA REINE DES ELFES
Un solo Millevaux qui vire à la high / dark fantasy la plus échevelée, c'est ce que vous aurez droit avec ce retour d'expérience où je prends le temps de détailler les mécaniques de cet émulateur de MJ efficace qu'est 9 Questions !
(temps de lecture : 10 min)
Eric, cc-by-nc-nd
Joué en solo le 15/12/2023
Le jeu : 9 Questions, par John Fiore, un moteur pour le jeu de rôle solo
Univers : la forêt de Millevaux
Hyperion par Krallice, un black metal spatial et instrumental, lumineux, intense et habité.
Le contexte :
Voilà un moment que je voulais tester 9 Questions via un solo qui serait ensuite diffusé, et je me mets enfin le pied à l'étrier, car je suis assez avancé dans l'écriture de Biomasse et donc si je veux tirer quelques leçons de 9 Questions, il est plus que temps de le tester. Je me permets de vous faire un CR solo un peu sale, avec beaucoup de commentaires méta, pour que vous puissiez voir l'impact du moteur.
J'ai décidé de me lancer sans lecture préalable du jeu. Il est court, j'avais la flemme et surtout je voulais me garder la surprise. Première bonne surprise, ça fonctionne en plug and play. Le jeu est une suite de questions orientées avec une procédure qui mêle jets de dés, directives et mentions d'emploi de générateurs aléatoires externes et d'un système de jdr choisi par la personne qui joue. Du fait de sa rédaction (dissociant actions de PJ et actions de MJ), ce me semble aussi être un bon moteur du jdr 1 MJ / 1 PJ.
Mon personnage (créé avec cette table) :
075_Roberto Rizatto _Pixjockey_ Facebook resident, cc-by-nc & Agathe Pons, libre de droits
Mission de vie : Je suis VIVELIANE
Je suis de nature féerique. J'aspire à maîtriser tous les arcanes de la magie pour devenir insurpassable. Je veux voler les secrets magiques d'une personne que j'aime et je veux enfermer une personne rivale en sortilège.
Destin
GUERRE
La grande guerre qui fait rage au loin dans la forêt va avoir de grandes répercussions ici et je vais me retrouver au centre de cette tourmente. Je vais reprocher à une personne d'importer le conflit et je vais développer un amour romantique pour un autre personne, alors que je crois que c'est le pire moment pour s'attacher.
(J'ai hésité avant de garder cette première image tirée, puisque je la considère comme un des portraits les plus gore de Nervure mais je me suis dit que j'allais me forcer à utiliser les premiers tirages. Je pars donc sur le principe que Viveliane, mon personnage, a utilisé le visage d'une personne qu'elle aimait pour s'accaparer ses secrets magiques (cf sa mission de vie).)
Question 1a : Quelle est l'hostilité inhérente au cadre du jeu qui entre inopinément en conflit avec la motivation héroïque des PJ et menace de s'aggraver avec le temps ?
Le monde est en train de pourrir. Les forces ténébreuses prennent le dessus. La forêt devient démoniaque et les hommes sont pris de folie. C'est contraire avec les valeurs de beauté et de poésie que je recherchais en tant que membre du peuple fae.
Cette accélération de la décrépitude, on le doit à Bevaraiz, la reine des elfes corrompus. [je me suis aidé d'un des générateurs prescrits dans le jeu, Seventh Sanctum. Elle absorbe la pureté du monde pour nourrir son cœur et se maintenir en vie. [inspiré de ce générateur d'icônes assez cool prescrit par le jeu, Zero Dice]
Dead in the woods par Grey Daturas, du stoner/sludge bruitiste, instrumental et chamanique, lourd, lent, rotatif, fuzzy, décérébré, jouissif, planant
L'ennemi poursuit de nouveaux objectifs (tirage de dé demandé par le jeu). Bevaraiz a envoyé ses sbires, les araignées archivistes, à ma poursuite. Elle veut absorber mon pouvoir. Les monstrueux et gigantesques arachnides à tête de grimoire courent dans les frondaisons à ma recherche.
{en tant que PJ :
• Utilisez les règles du JdR et les capacités des héros pour répondre à la menace selon leurs motivations héroïques]
[je vais utiliser le système de résolution de Nervure]
J'essaye de tuer les araignées archivistes avec des papillons de sang qui sortent de mes yeux. Cela ne marche pas, les papillons s'écrasent sur leurs champs de force mentaux et elles me capturent dans leur toile. J'en profite pour lire à la dérobée quelques unes des glyphes écrites sur leurs grimoires. J'en déduis que cela faisait partie de mon destin d'être présenté à la reine des elfes.
(résolution : Vous échouez mais vous apprenez quelque chose d’utile pour la suite.)
(je réalise que je devais choisir entre question 1a et question 1b alors que je pensais enchaîner les deux)
Question 2 : Quel événement inhabituel se produit peu de temps après ?
(tirage d'oracles : shuriken et pancarte fléchée ; tirage d'événement : un combat)
Je suis porté sur une poutre portée par les deux araignées archivistes. Nous arrivons dans la cour d'automne de la reine, ou ce qu'il en reste. Toute la vallée trempe dans un bain bactériologique, il ne demeure de son palais d'automne que les colonnes boisées à tête de dragon, désormais pourries de moisissure.
C'est alors que des goupils attaquent la cour à coups de shurikens (j'ai choisi des goupils car c'est l'espèce la plus ninja-compatible), ils sont visiblement là pour m'exfiltrer. La reine réagit, du haut de son trône de ronces flétries, elle envoie des vagues de putréfaction sur les goupils. L'un d'eux meurt, un autre est "seulement" touché et la troupe arrive à m'emporter au loin.
(résolution : L’une des protagonistes se transforme en horla.)
Alors qu'ils me délient et que je veux les remercier, je réalise que leur chef, Rocambole (nom tiré de ma table des noms de goupils, encore inédite), est celui qui a été atteint par la souillure. Il cache tant bien que mal son bras et la partie de sa gueule qui ont été touchés, mais je me doute qu'il va mourir ou se transformer en horla. Je sais que c'est le pire moment pour s'attacher, mais j'ai le coup de foudre pour ce farouche guerrier. [je joue un élément de mon destin "Guerre"]
Rocambole n'est pas du genre à se perdre en effusions. Il me morigène plutôt pour mon imprudence et dit qu'il ne m'a pas fait libérer gratis. je vais devoir mettre mes pouvoirs au service de leur guérilla.
Question 3 : Quels éléments des résultats de la Question 1a ou 1b et de la Question 2 se retrouvent soudainement liés de manière surprenante, mettant encore plus en péril les PJ et leur motivation héroïque ?
Au coin du feu, Rocambole m'avoue que les goupils seraient peut-être responsables de la corruption de la reine des elfes. Ils ont jadis voulu la capturer pour utiliser son énergie magique afin de se défendre des humains mais disons... que l'expérience a mal tourné. La reine des elfes leur a échappée, grièvement corrompue et elle est ainsi devenue cette menace globale pour tout habitant de la forêt. Les goupils sont aujourd'hui considérés comme combattants de la liberté parce qu'ils sont parmi les derniers à l'affronter, mais ils ont aussi une lourde responsabilité dans cette guerre.
Ceci n'altère pas ma résolution à m'allier avec les goupils. Je passe du temps avec Rocambole même si je ne suis pas au stade de lui avouer mes sentiments. J'ai cependant réussi à gagner assez sa confiance pour m'occuper de ses soins. Ses jours ne sont pas en danger, mais cela se confirme qu'il va devenir un horla. La corruption s'est étendue et il doit désormais porter une capuche pour le cacher des siens.
Question 4 : Comment les PJ peuvent gagner du terrain sur l’ennemi/la menace grâce à leur motivation héroïque ?
(jet de dé : 3 -> poursuite)
Nous devons prendre l'initiative. Actuellement, nous ne sommes pas de taille à affronter la reine des elfes, notre courte confrontation m'en a donné la certitude. Il nous faut un artefact, le cristal de ciel, qui est détenu par les corax, qui jusqu'à présent sont restés neutres dans cette guerre. Les espions goupils savent qu'une cohorte de corax s'est mise en charge de déplacer le diamant qui attire trop de convoitises là où il est, à la Cour Corbelle. Chance pour nous, le cristal est trop pour qu'ils puissent le transporter sous forme corbeau. Ils le déplacent dans un coffre, et ils sont sous forme humaine et doivent marcher.
Avec Rocambole, deux autres goupils d'élite (Morsure et Crispe) et une grourse de combat (Gueularde), nous nous lançons à leurs trousses.
Quand nous arrivons à rattraper la cohorte, nous comprenons que les corax avaient anticipé une attaque. Ils ont avec eux un ignoble troll des marais et également Sourire, une redoutable sorcière corax de la Voie du Cercle Noir. À peine avons-nous assimilé cette information que la magie noire fait son œuvre et nous sentons nos rythmes cardiaques devenir fous.
(je réalise un peu tard que Zero Dice permet de copier-coller simplement les icônes des tirages en version PHP. Je vous les mets donc ici).
Le combat fait rage. Gueularde parvient à terrasser le troll des marais mais Morsure meurt d'une crise cardiaque. Les corax passent au plan B. Ils ouvrent le coffre. A l'intérieur, le diamant du ciel, tendu de filets, est emporté par des corax métamorphosés en corbeaux. Mais nous avons capturé Sourire. C'est une puissante sorcière. À défaut d'avoir le cristal du ciel, nous allons la forcer à travailler pour nous.
(résolution : Vous échouez mais vous avez une bonne surprise.)
Mademoiselle Chaos CC, cc-by-nc
Question 5 : Comment les gains héroïques tirés des résultats de la Question 4 peuvent-ils soudainement être remis en cause lorsque de nouvelles informations sur le vrai visage / le vrai plan / le vrai pouvoir de l'ennemi est connu ?
Sourire nous rit au nez : "Vous vous y prenez trop tard de toute façon. La reine va tuer le roi Obéron et c'en sera fini de toute pureté dans ce monde."
Pour l'avoir vu une fois, je sais que le roi est extrêmement bizarre. Ses yeux séduisants sont azur. Ses cheveux sont la couleur des améthystes. Sa voix est hypnotique et convaincante. Il y a une élégance à ses lèvres qui est très séduisante. Il a des cicatrices sur le bras droit - discuter de ce moyen sûr de l'amener aux larmes. (littéralement un tirage aléatoire de Seventh Sanctum)
Nous nous précipitons vers la cour d'hiver du roi Obéron pour empêcher le pire. Si Sourire ne nous aide pas, je l'emprisonnerai en sortilège (cf ma mission de vie).
Nous arrivons à la cour du roi Obéron, mais nous n'avons que quelques minutes d'avance sur la reine des elfes et Sourire ne se montre pas très coopérative. J'emprisonne alors son âme dans une pomme et j'utilise cet objet, piqué d'aiguilles pour déplacer le roi Obéron avec nous dans les forêts limbiques.
(résolution : Vous optez pour l’attitude la plus vile.)
Obéron ne se montre pas vraiment reconnaissant. Il m'accuse d'avoir détruit le corps de Sourire pour mon agenda personnel. Il semble être si amoureux de la reine qu'il pourrait mourir pour elle.
Question 6 : Comment les résultats négatifs des Questions 4 et 5 peuvent-ils encore être intensifiés, en forçant les héros à s'engager dans une action de type "agir ou mourir" conformément à la motivation héroïque ?
La peau de Carambole se desquame sous forme de feuilles mortes. Sa transformation en horla semble être imminente. Il grogne et n'a plus toute sa tête. je lui avoue mon amour mais j'ignore s'il comprend. Je dois tirer une flèche-harpon dans le cœur de la reine des elfes pour m'en servir pour guérir Carambole.
(je tire une poursuite mais là encore je me suis déjà fait une idée, donc on part plutôt sur un combat).
Porté par Gueularde, Carambole et moi nous portons à la rencontre du convoi maudit de la reine des elfes. Animé par l'énergie du désespoir et par mon pouvoir magique décuplé par les deux sacrifices passés, je réussis mon tir et j'arrache le cœur de la reine. Je le fais manger à Carambole qui retrouve forme humaine... euh, renarde. Je l'embrasse passionnément.
J'ai l'impression d'être moins monstrueux moi aussi.
(résolution : L’une des protagonistes retrouve son humanité perdue.)
Par contre, la reine des elfes, privée de son cœur, perd toute cohésion, elle se répand en branches et en racines griffues dans toutes les directions.
Question 7 : Où la motivation héroïque peut-elle s’exprimer le plus efficacement ?
(tirage : combat)
Il est temps de faire face à la situation. Je dois mettre toute mon énergie magique dans la bataille décisive contre la reine des elfes, tant que le roi Obéron est à l'abri dans les forêts limbiques.
The storm bells chime par Sol, entre dark ambient et gothique, le dialogue entre un ange et un bûcheron avec en fond la tristesse du piano et l'écorce des guitares.
Alors que l'orage fait rage, je me vide de ma substance pour contrer les attaques mortelles de la reine-hydre.
Mais je me suis définitivement attaqué à plus fort que moi. Elle plante ses racines dans mon cœur et je comprends que je vais bientôt mourir.
Mais j'ai compris sa faille. Je murmure quelque chose à Carambole. Il retient ses larmes et acquiesce. Il prend ma pomme piquée d'aiguilles, et fuit dans un passage limbique. Les tentacules végétaux de la reine s'engouffrent aussitôt à sa poursuite.
Question 8 : Où se déroule l'épreuve de force finale entre les héros et l'ennemi par rapport aux résultats de la Question 7 ?
(je vais au plus vite, donc j'ignore les tirages aléatoires hors résolution pour me centrer sur les procédures)
Dans les forêts limbiques, une version dégradée et décrépie de la cour d'hiver s'est développée autour du Roi Obéron. Carambole lui fait avaler de force la pomme plantée d'aiguilles qui contient l'âme de Sourire.
Les tentacules végétaux se précipitent vers le roi. Carambole fait mine de s'interposer, mais au dernier moment il fait une esquive qui donne l'impression que les tentacules l'ont balayé (alors qu'ils visaient à le tuer).
Les tentacules prolongés de petites mains et de bouches avec la voix de la reine implorent le roi de se laisser dévorer, ce qu'il accepte de bon cœur, par amour. Il se fait aspirer par des troncs d'arbres creux qui forment les plus gros tentacules de la reine.
Carambole jubile. Le ver était dans le fruit. La "nourriture" était piégée.
Les tentacules explosent. La reine n'a pas supporté le poison qu'était la pomme. Une pluie d'écorces pourries retombe sur la parodie de la cour d'hiver.
(résolution : Les choses se passent comme on vous l’avais prédit.)
Question 9 : Où en est le monde suite aux résultats des Questions 7 et 8 ?
Depuis la mort de la reine des elfes, le monde n'est pas meilleur qu'avant sa corruption. Il n'est juste plus voué à sa perte. La guerre perdure. Entre humains et goupils. Entre goupils et corax.
Et moi, en terre, je repose.
Dans le cœur de Carambole, je vis encore.
Et son cœur de guérillero bat très fort.
Bilan :
Je ne prétends pas que 9 Questions a été rédigé spécifiquement pour une approche plug and play mais ça s'en rapproche beaucoup.
Il y a cependant un défaut d'écriture si on se fie à cette approche, c'est qu'au début de chaque question, on nous demande d'imaginer quelque chose puis on nous fait tirer sur une table pour préciser ce quelque chose mais à ce moment je trouve que c'est trop tard car mon idée est déjà figée. Cela me semble important de bien grouper les procédures qui doivent être appliquées en même temps ou de penser à l'ordre de présentation (j'aurais moins fait l'erreur si la procédure avait été présentée en sens inverse). Autre problème, il y a un générateur de PNJ mais il est à la toute fin, sans mention préalable de son existence, du coup je l'ai pas utilisé, c'est dommage. Ce sont des leçons que je peux tirer pour mes propres rédactions.
C'était très long à jouer puisque ça m'a pris deux heures et demie, mais je dois reconnaître que j'ai perdu beaucoup de temps en retranscription, à vouloir vous montrer mes tirages et tout. Je ne suis pas certain de dire que cette longueur de traitement est un défaut, on peut au contraire parler de haut potentiel ludique, et puis ça serait allé beaucoup plus vite si j'avais juste joué dans ma tête avec des aides de jeu physique.
Mon tirage de perso de départ (un féerique) plus les générateurs plutôt typés fantasy ont orienté l'histoire vers de la hi-fantasy. C'était intéressant mais pas forcément ce que j'avais envie de jouer. En règle générale, 9 Questions reste orienté pour jouer de l'héroïsme, ceci dit.
Au final, 9 Questions tient bien la route si vous comprenez bien que ce n'est pas du tout un système autonome mais un guide pour transformer vos aides de jeu en émulateur de MJ cohérent. Il y a sûrement quelques leçons à en tirer pour Biomasse sans que je puisse aujourd'hui dire lesquels. Je dois dormir dessus.
Hors ligne
FORÊTS JAUNES
Humeur noir et mindfuck au menu d'un opium jaune corsé à souhait. Un récit de partie solo par Damien Lagauzère
Temps de lecture : 21 mn
(image par Dall.e)
Joué le : 03/01/2020
Le jeu principal : Lacuna par Jared Sorensen, un jeu de rôle d’inception onirique et conspirationniste
Univers : la forêt de Millevaux
Jeux secondaires :
Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux
Oriente, perdre ses repères en traversant la forêt de Millevaux
L'histoire :
Le personnage de « Cobra Verde », AKA l’Agent Fowler, a été créé et joué avec un mix de Lacuna LIEN, Mantra LIEN, Omniscience LIEN.
Les scènes des premières missions ont été défini avec Dream Askew. J’ai utilisé Bois-Saule LIEN, Oriente LIEN ainsi que Mantra 2 LIEN pour les suivante
Avant, il était un Serpent. « Cobra Verde », le toxico, le dealer, le chimiste concepteur de doux poisons hallucinogènes.
Maintenant, il est l’Agent Fowler. Pour le compte de l’ « Organisation », il explore ce monde étrange où sont propulsés ceux qui sont addicts à cette nouvelle drogue qu’on appelle « La Bille ».
Mission 1 :
Random Connect : Digital Realm
Problème ! Je ne suis pas là où je suis censé être. Mais il y a quelque chose à trouver ! Cet endroit est un grand vide mais je sens pourtant une « présence » pleine de… vénération ? Une sorte de gardien invisible qui m’observe.
Le gardien sort de l’ombre. Il me laissera accéder au Royaume de la Bille si je lui rends sa mémoire. Je pourrais lui concocter une drogue à cet effet mais j’ai besoin de matériel. Je contacte « Ctrl » qui me fournit l’équivalent d’un petit laboratoire de chimie. Le gardien a l’air satisfait de ce que la drogue lui procure comme mémoire. Il me laisse passer.
Infos pour l’Organisation : le Domaine Digital est une sorte de check-point entre notre monde et celui de la Bille. Il y a un gardien.
Mission 2 :
Random Connect : Varied Scarcities
C’est une usine géante ou une plateforme pétrolière plantée dans le désert. Là encore, je me sens observé. Ça sent la mort, la charogne. Une femme me rejoint. Je la connais de vue. Je l’ai croisée au siège de l’ « Organisation ». Elle a été recalée à l’entretien. Quand je lui demande ce qu’elle fait là, elle me répond : « Le croquis embrasse les conséquences. Le soleil se souvient d’une chose. »
Elle est défoncée. A la Bille ? Je lui demande qui est son fournisseur. Je dois la secouer pour obtenir une réponse : La Magicienne ! Je le trouverai dans un endroit nommé Le Chaudron. Mais le Chaudron n’est pas dans notre monde. Il est ici, dans le monde de la Bille.
Infos pour l’Organisation : l’ « Organisation » n’a visiblement pas le monopole de la Bille. Celle qu’on appelle La Magicienne est un fournisseur. Mais elle se cache ici, dans le monde de la Bille. Comment fait -elle pour accéder à notre monde ?
Mission 3 :
Random Connect : Outlying Gangs
Je cherche La Magicienne et son chaudron. Je traverse le désert jusqu’à une arche de pierre taillée par le vent. J’entre alors sur le territoire de ceux qu’on appelle « La Gracieuse Armée du Sacrifice », une bande de mutants motorisés. Est-ce la Bille qui les a fait muter ? Vais-je muter moi aussi ? S’agit-il d’anciens toxs venus de mon monde ou bien sont-ils des… indigènes du monde de la Bille ?
En attendant, trois engins à moteur foncent vers moi. On me tire dessus. Le tireur a des tentacules et le corps recouvert de boursouflures verdâtres. J’esquive, roule au sol et saute. Je désarçonne un motard. J’appelle « Ctrl ». J’ai besoin d’aide. Trois agents apparaissent et la lutte est déjà plus égale.
Nous capturons un mutant mais il refuse de parler. Les agents m’expliquent ne pas pouvoir le ramener chez nous. Je passe une dizaine de minutes à le torturer et apprends où trouver ce fameux Chaudron.
Infos pour l’Organisation : le monde de la Bille est peuplé mais je ne sais pas si ce sont des toxs issus de notre monde ou des gens qui sont « nés » ici. Certains ont manifestement muté, sous l’effet de la Bille ? J’ai localisé le Chaudron.
Mission 4 :
Random Connect : Varied Scarcities
C’est un vaste marché fait de bric et de broc qui s’étend au fond d’un cratère poussiéreux et ensablé. Là, je cherche La Magicienne. Soudain, une femme est prise d’un violent hoquet. Elle se tord de douleur et crache quelque chose de bien trop gros pour tenir dans sa gorge. C’est une… arbalète !
C’est un signe. Je veux cette arbalète ! La femme est sur la défensive. Elle me dit vouloir être tranquille et me prévient que cette arme est à usage unique. Je promets de la laisser tranquille si elle me donne l’arme.
Il n’y a qu’un seul carreau. Je pointe l’arbalète tout droit au-dessus de ma tête et tire, mais après avoir gobé une Bille. Le carreau monte très haut puis prend la direction des Abattoirs. C’est là que se cache La Magicienne.
Infos pour l’Organisation : La Magicienne se cache dans les Abattoirs. Avec de la Bille, je peux altérer la réalité de ce monde.
Mission 5 :
Random Connect : The Earth Itself
Ces Abattoirs ne ressemblent pas tout à fait aux nôtres. La viande suspendue aux crochets n’est pas morte. Elle attend d’être trempée dans un bain sombre dont l’odeur rappelle la Bille.
La viande n’est pas morte et elle est agressive. J’esquive, je cours. Je me fie à mon instinct et à la Bille pour trouver mon chemin jusqu’à La Magicienne.
J’ouvre une porte et manque de tomber dans un gouffre. Au fond souffle un véritable ouragan. Sur le côté, La Magicienne, les bras croisés, scrute le fond d’un chaudron. Elle me laisse m’approcher et regarder.
Dans le chaudron, il y a un épais liquide noir. C’est le même à partir duquel on fabrique la Bille. Je plonge la tête dedans et avale de grandes gorgées. Mais, sous l’eau, je vois un visage. Une femme plante son regard dans le mien. Quand je ressors la tête du chaudron, je sens un truc se tortiller dans mon cerveau.
Quand je me tourne vers elle, La Magicienne affiche un air indifférent. Je lui explique qui je suis et pourquoi je suis là. J’explore le monde de la Bille pour le compte de l’ « Organisation ». Peut-elle m’aider ? Elle dit que non.
« Ctrl » me dit de lui proposer un job. Elle doit beaucoup d’argent et l’ « Organisation » la paiera bien. Je transmets l’offre. La Magicienne a l’air triste. Elle accepte.
Infos pour l’Organisation : La Magicienne a accepté l’offre d’emploi. J’ai un truc vivant dans le crâne.
Mission 6 :
Random Connect : The Earth Itself ?
Ce n’est plus le désert. C’est une forêt. Est-ce une autre région du monde de la Bille où ai-je atterri « ailleurs » ?
J’aperçois une petite maison en ruine. Il y a de la lumière. Un feu est allumé mais la maison est vide et ne montre aucune trace d’occupation récente. Je m’approche du feu. Je gobe une Bille et une fine tige de fer apparaît dans ma main. Je la fais tourner dans le feu et l’enfonce dans ma narine jusqu’à mon cerveau. Je farfouille pour déloger le « truc ».
Flashback !
Je me souviens avoir fait preuve d’altruisme. Une nana voulait du matos mais n’avait pas d’argent. J’étais en position de force et aurait pu exiger d’elle tout ce que je voulais. Elle me l’a même proposé. Elle m’a flatté, caressé dans le sens du poil et été prête à tout pour sa dose. Mais j’ai refusé. J’ai refusé ses flatteries et tout ce qu’elle avait à m’offrir. Généreusement, je lui ai donné sa dose parce que… je ne suis pas un monstre sans scrupule. Je suis quelqu’un de bien.
Infos pour l’Organisation : c’est faux ! Je ne suis pas quelqu’un de bien et je n’ai agi que par pur orgueil. Ce n’était pas un acte de générosité, ni de bonté. Si cela avait été le cas, je ne lui aurais pas donné sa dose. Je lui aurais conseillé de décrocher et donné l’adresse d’un centre de désintox. Ce n’est pas la bonté qui m’a poussé à agi ainsi, c’est l’orgueil, la fierté que j’ai ressenti de la voir s’humilier ainsi. Je n’ai pris ni son argent, ni son corps, ni ses flatteries. J’ai pris sa dignité. J’ai toujours ce truc vivant dans le crâne.
Infos pour l’Organisation 2 : d’après l’ « Organisation, cette forêt ne fait pas partie du monde de la Bille. Mais cela leur parait « intéressant » que ces mondes communiquent et je dois explorer cette forêt.
Mission 7 :
Random Connect : Une mangrove.
Une fois de plus, j’atterris dans cette forêt. Je ne sais pas si c’est que le monde de la Bille ne veut plus de moi ou si c’est cette forêt qui tient absolument à ma présence. J’ai atterri à plat ventre dans cette boue. Je suis dégueulasse. Je relève la tête. Il est là. Il est vêtu de peaux de bêtes cousues un peu n’importe comment. Il porte plusieurs besaces en bandoulière. Je ne vois pas son visage. Il porte un masque en peau également, surmonté de deux paires de cornes. Un cerf ou un daim. Un truc comme ça. Il me tend la main. Il ne dit rien. Il s’appelle Oriente.
Oriente ne parle pas. Enfin, il parle très peu. De toutes façons, il arrive à parler sans ouvrir la bouche. Ce n’est pas de la télépathie. Ce n’est pas non plus le genre de communication que je peux avoir avec « Ctrl ». C’est autre chose.
L’ « Organisation » veut que j’explore cette forêt. Oriente sera mon guide. Mais Oriente ne fait pas partie de l’ « Organisation ».
Nous atteignons une portion de forêt envahie par le brouillard. Oriente me fait signe de m’arrêter. Il farfouille dans l’une de ses besaces et en sort une espèce de bâton avec des trucs qui pendouillent. Il se met à parler dans une langue que je ne comprends pas. Il me dira ensuite que c’est la Langue Putride. La langue des Horlas. Mais en attendant, le brouillard se dissipe. Oriente m’explique que ce brouillard est en fait constitué des spores vampiriques émis par un Horla-champignon. Je le crois.
Oriente tend le bras dans une direction. Je dois continuer seul. Je marche tout droit jusqu’à un ossuaire. Plus j’avance, plus je me fais discret. Je vois deux personnes, deux femmes. L’une possède un casque à corne. L’autre exhibe une grosse bague. La première porte de nombreuses marques de morsures un peu partout sur les bras. L’autre, celle à la bague, saigne du nez mais les deux s’en fichent.
J’écoute. Elles se plaignent que leur mémoire est « à sec ». Elles en accusent la forêt. La femme au casque montre alors une feuille. Là, elles lisent ensemble et à haute voix. Il existe un lieu où elles pourraient changer de vie… et même plus. Ce papier est-il une carte ? Je le veux ! Je bondis de ma cachette et saute sur celle au casque, celle qui m’a l’air la plus forte. L’ « Organisation » m’a doté d’un flingue. Je ne sais pas combien j’ai de munitions. Alors, je m’en saisis par le canon et fracasse la mâchoire de la femme. Puis, j’empoigne mon arme dans le bon sens et tire une unique balle. Pile là où il faut pour qu’elle ne se relève pas. Je me retourne vers l’autre. Elle est sans réaction. Son visage affiche juste une très grande tristesse. Je tends la main et exige le papier. Mais elle refuse. Elle fait un pas en arrière mais ne semble pas décidée, pas capable, de m’attaquer. Je brandis mon flingue. Je tire.
Je récupère la feuille sur son cadavre. Il s’agit bien d’une carte.
Je rejoins Oriente. Je lui montre la carte. Je lui dis que c’est là que je veux aller. Mais avant, je dois faire mon rapport à l’ « Organisation ».
Infos pour l’Organisation : Oriente parle la Langue Putride, la langue des Horlas. Il s’agirait des « monstres » peuplant la forêt. Pour autant, Oriente ne me parait pas hostile. Je crois qu’on a pas besoin d’être un monstre pour apprendre cette langue. En tout cas, Oriente m’a l’air d’en savoir long sur pas mal de choses. Il n’est pas bavard et il faudra être patient pour lui soutirer ses secrets.
Infos pour l’Organisation 2 : j’ai mis la main sur une carte indiquant un endroit plus ou moins important. D’après les propriétaires de la carte, ce lieu permet de « changer de vie ». Je ne sais rien de leurs projets et plus personne n’en saura rien maintenant. Oriente semble capable de me conduire à cet endroit.
Infos pour l’Organisation 3 : je tenais également à remercier l’ « Organisation » d’avoir accepté ma demande concernant la formation aux diverses techniques de Méditation. Pour l’instant, je fais des allers et retours plus ou moins à ma convenance en direction de cette forêt mais cela ne durera peut-être pas et il se pourrait aussi qu’il me soit difficile de m’approvisionner en Bille.
Mission 8 :
Random Connect : un rivage.
De retour dans cette forêt, Oriente monte un campement de fortune au bord d’un fleuve. Nous avons marché longtemps. La nuit est brune. Il y a quelque chose de bizarre dans l’air. Il ne fait, ni chaud ni froid. Ni sec, ni humide. Je ne sais pas d’où me viennent ces mots. Peut-être est-ce Oriente qui me les suggère, mais je pense à l’Emprise et à l’Égrégore, même si je ne comprends pas trop ce que cela implique. En tout, il y a de la magie dans l’air.
Oriente n’a pas besoin de moi. Alors, je m’assois au bord de l’eau et je réfléchis à ce que je fais ici. Ça fait bizarre mais ça me demande un effort de me rappeler. Je me concentre pour organiser mes pensées et me souvenir que je suis en mission pour l’ « Organisation ». Je me rappelle vaguement le monde de la Bille et la Magicienne. Cela me semble si loin. Même notre monde me semble loin. En fait, cette forêt commence à me sembler plus réelle que tout le reste. Et je me surprends à me forcer à me rappeler que je ne suis pas d’ici. Je suis là en mission d’exploration. En quelque sorte, je dois cartographier cette forêt. La carte ! Oui, je dois aussi trouver cet endroit qui paraissait si important à ces deux femmes que j’ai tuées. Ça aussi, ça parait si loin.
Je dois localiser cet endroit pour… changer de vie…
Non ! Ce ne sont pas mes souvenirs. Ce sont ceux de ses femmes. Qu’est-ce qui se passe ? pourquoi cette idée apparaît soudain dans ma tête et pourquoi elle essaye de s’y incruster, de s’y faire une place comme… ce truc ?Et je songe que ça fait un moment que le truc en question ne s’est pas tortillé dans ma tête. Et là, je l’entends ricaner. Puis, une main sur mon épaule. Oriente ! Quelqu’un est avec lui. Il porte une robe de bure. Il s’assoit à côté de moi. Il dit :
« Le bien s’envole sans une égratignure. C’est une faible supposition. La pyramide alerte le philosophe. C’est comique ! »
Puis, il se lève et s’en va. J’attends un moment puis je me lève à mon tour. Le moine n’est plus là. Oriente est assis et allume un feu. Quand je lui pose la question, il m’explique que le moine parle la Langue des Oiseaux. Et il ne m’en dira pas plus ce soir.
Infos pour l’Organisation : en plus de la Langue Putride, il existe une Langue des Oiseaux. On comprends les mots mais il n’est pas forcément évident d’en saisir le sens. Cette forêt exerce une drôle d’influence sur moi.
Mission 9 :
Random Connect : la forêt, en pleine nuit. Le vent souffle.
J’ai mal dans ma tête. Le truc s’agite et me fait voir des choses. A travers les arbres, je vois des silhouettes, des ombres qui s’agitent. Le bruit du vent, c’est leur voix, leurs incantations. Le désert, c’est le monde de la Bille. C’est… chimique. La forêt, c’est le monde de l’Égrégore et de l’Emprise. C’est… magique. Et ça me fait peur, beaucoup plus que la chimie.
Je veux autre chose. Oriente est là mais ne fait rien. Pourquoi ? Je me sens mal. J’ai peur de la magie. Alors, je m’en remets à la chimie. Je gobe une Bille. La forêt devient floue. Oriente et moi sommes toujours dans la forêt mais ailleurs. Loin de ces ombres qui chantent comme le vent. Devant nous se dresse une pyramide du genre aztèque ou maya. Elle est recouverte de lianes et de racines. Je lève les yeux. Des tâches noires flottent dans le ciel, sous la canopée. C’est liquide. Ces tâches sont constituées de l’ingrédient principal entrant dans la composition de la Bille. Je me tourne vers Oriente. A la place de sa tête, je lis le mot « cannibale » ! Il porte maintenant une lyre et se met à jouer. Mais aucun son ne sort.
Je regarde autour de moi. Nous sommes seuls sur les lieux. Je devine que cet endroit doit pourtant susciter bien des convoitises. Je n’ai aucune idée de ce qu’il peut bien y avoir à l’intérieur de cette pyramide, mais ces flaques volantes… J’appelle « Ctrl ». Je lui explique la situation, la nécessité selon de sécuriser les lieux et de s’approprier cette ressource. J’explique aussi qu’il est possible que cette pyramide soit le refuge d’une bande de cannibales et que, peut-être, d’autres sont déjà en route pour prendre possession de l’endroit. Par contre, je ne peux faire ça seul. Et puis, je ne crois pas pouvoir vraiment compter sur Oriente.
« Ctrl », dans son infinie bonté, accède à ma demande. Je suis toujours seul mais j’ai des armes et des munitions en quantité suffisante. Et ça tombe bien car j’entends du bruit venant de la forêt. C’est EXACTEMENT ce que je craignais ! Des types venus d’on ne sait où veulent faire main basse sur la pyramide et ces flaques volantes. Et moi, je suis seul, avec un Oriente hors d’état de nuire. Heureusement, je suis équipé et prêt à les recevoir.
Je n’attends pas leur autorisation, ni celle d’Oriente, pour leur tirer dessus. Je ne suis pas très doué pour comprendre les tenants et aboutissants de cet endroit mais je le suis assez pour tirer dans le tas bien comme il faut. A voir leurs armes automatiques, je me doute que ce ne sont pas des autochtones. Mais je peux me tromper. En tout cas, je pense que, comme pour le monde de la Bille, on n'est pas les seuls à pouvoir y accéder. J’évite leurs rafales et me mets à couvert. Je choisis une arme un peu plus puissante et vise le conducteur de leur 4x4. Le chauffeur perd la vie et le contrôle du véhicule qui s’écrase contre un arbre. Balle perforante pour faire exploser le réservoir ! Et le 4x4 !
La menace est passée. Je me tourne vers Oriente dont la tête affiche toujours le même mot. Il continue de pincer les cordes de sa lyre muette. « Cannibale » ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Je ne sais pas s’il veut me mettre en garde contre un danger ou s’il m’insulte. Pourquoi ne peut-il pas s’exprimer normalement ?
Je sécurise l’endroit. J’y pose les outils électroniques fournis par « Ctrl ». C’est complètement hors-sujet dans un tel environnement mais « Ctrl » est certain que cela suffira à leur garantir l’exclusivité de cette ressource planante. OK, moi, je ne fais qu’obéir aux ordres. Une fois fait, je me tourne vers Oriente. Je crois que je comprends.
Je ne sais pas si les types sur le 4x4 étaient des gens de la forêt ou d’ailleurs. Mais, ce dont je suis sûr, c’est qu’Oriente est bien un gars du coin. Cette forêt est magique. Donc lui aussi doit être magique quelque part. et peut-être aussi que, finalement, il ne parle pas si bien que ça ma langue. Après tout, les langues des Oiseaux et Putrides lui semblent plus familières. Peut-être que j’ai tort d’attendre de lui qu’il me parle dans ma langue comme si c’était sa langue maternelle. Peut-être qu’il fait de son mieux pour communiquer avec moi et m’aider. Peut-être que je peux l’aider aussi ?
Je gobe une Bille. La tête-mot d’Oriente frissonne. C’est maintenant ! Le vrai danger, le Cannibale…
Autour de nous, les arbres changent de forme. Ce sont maintenant des membres amputés et sanguinolents plantés dans la terre, terre qu’ils inondent de sang. Et de la pyramide sort un homme à tête de chien. Il est nu, si ce n’est le chapelet de tripailles enroulées autour de ses épaules et qui lui tombent sur le torse. Il n’a pas de bras. Des ses moignons, le sang coule à flot mais cela n’a pas l’air de le déranger. La lyre se met, enfin, à faire du bruit. Le son est mélodieux mais la mélodie est très lente et triste. Je me suis donné à fond contre les autres types et je ne suis plus au top de ma forme. Il me reste une partie du matériel fourni par « Ctrl » et une poignée de Bille. J’espère que ça va suffire.
Une Bille me permet de ralentir le canidé-cannibale suffisamment longtemps pour prendre l’initiative et en profiter au mieux. J’en aurai d’autant plus besoin qu’une meute de chiens amputés, rampant sur leurs moignons ensanglantés, sort de la pyramide. Je touche l’homme-chien avec ma balle spéciale anti-clébard, ma « cani-balle » ! J’ai une chance pas croyable, à moins que la mélodie jouée par Oriente y soit pour quelque chose, mais le Cannibale s’écroule net et les autres chiens regagnent l’intérieur en… miaulant !
Oriente a repris sa tête normale mais a toujours la lyre à la main. Il continue de jouer pendant que je l’attrape par l’épaule pour nous éloigner. J’ai fait ce que j’avais à faire. Maintenant, l’ « Organisation » va envoyer d’autres agents pour finir le boulot.
Infos pour l’Organisation : communiquer avec Oriente n’est pas toujours évident mais je suis convaincu que malgré ça c’est un bon guide et que je peux compter sur lui. La pyramide a été sécurisée conformément aux instructions de « Ctrl » et l’ « Organisation » pourra très bientôt profiter de cette nouvelle source de « je ne sais quoi » pour fabriquer de la Bille. Toutefois, et aussi idiot que cela puisse paraître, j’attire l’attention de mes supérieurs sur le fait que, non seulement cette forêt communique avec le monde de la Bille, mais abrite également une forme de vie constituée du composant principal de ladite Bille. La Magicienne est-elle au courant ?
Mission 10 :
Random Connect : un château !!!
Je n’ai aucune idée de ce que l’ « Organisation » a mis en place autour de la pyramide. On m’a fait comprendre qu’il serait mieux vu que je ne pose pas de question. Jamais ! Alors, je n’en pose pas. Mais je m’en pose quand même quand Oriente et moi approchons de ce château.
Le soleil se lève. Une fois n’est pas coutume, la météo n’a rien à voir avec ce que nous connaissons dans notre monde. L’air est chargé de cette magie qui façonne la forêt et confère au climat quelque chose de spécifique et indéfinissable. Toutefois, le ciel est couvert. Et j’ai faim ! Oriente propose que nous nous abritions dans ce château, le temps de nous restaurer. J’accepte évidemment.
Ce qui est bizarre, c’est que ce château n’est pas au milieu d’une clairière ou au sommet d’une butte. Il est en plein au milieu des arbres. Certains, d’ailleurs, traversent même ses murailles et le toit de certaines de ses tours, pour celles qui tiennent encore debout.
Le repas traîne un peu en longueur. J’avoue manquer de motivation à l’idée de marcher dans ces bois pendant des heures. Puis, nous entendons du bruit à l’extérieur. Oriente se lève et s’approche discrètement d’une ouverture. Il me fait signe que deux personnes approchent. Il y a là un grand blond, plutôt fin, voire maigre. L’autre, je ne sais pas trop si c’est un homme ou une femme. Mais il ou elle a les cheveux longs et mâchouille une de ses mèches. A voir leur accoutrement, nul doute que ce sont des natifs de cette forêt. Ou, en tout cas, ils vivent là depuis longtemps.
Le couple entre dans une pièce vide. Nous avons pris soin de nous cacher. Bonne surprise, il parle une langue que je comprends. Et ils parlent d’un trésor qui serait caché en ces lieux. Mais ils ne disent rien de la nature même de ce trésor. Moins bonne surprise, ils restent là et commencent à fouiller les lieux. J’aurais préféré qu’ils commencent leurs recherches ailleurs, que nous puissions quitter notre cachette.
La patience n’est pas mon fort. Je craque et décide de me montrer. J’ai mon arme à la main mais ne la braque pas sur eux. Pour autant, je leur pose clairement la question quant à l’objet de leur recherche. Ils se regardent, l’ai méfiant, et gardent le silence. Là, je braque mon arme en direction du blond. Bizarrement, ils ne semblent pas armés. En tout cas, ils ne réagissent pas. L’autre continue même à mâcher ses mèches avec une certaine nonchalance. Je réitère ma question. Que sont-ils venus chercher ici ?
Entre deux mâchouillages, l’autre parle d’un coutelas mais refuse de m’en dire plus, ni de m’expliquer en quoi cet objet a une quelconque valeur. Je commence à m’inquiéter un peu. Oriente est toujours dissimulé. Et aucun des deux ne semblent véritablement inquiet par la situation. Pourtant, je les menace de mon arme alors qu’ils n’en ont pas. Ça sent mauvais. Sans baisser mon arme, je contacte « Ctrl » et lui demande son avis sur la situation. « Ctrl » répond immédiatement. Je sens qu’il est tendu. Il me prévient aussi calmement que possible de prendre garde. La situation va se dégrader très vite !
Et là, le sol et les murs se recouvrent de vers, de larves et asticots. C’est véritablement dégueulasse. Le blond se baisse et passe la main au milieu de ces horreurs dans un geste plein de douceur. L’autre observe attentivement. Je regarde mes chaussures. Elles sont déjà recouvertes de vermines. Je les secoues mais ça ne sert pas à grand-chose. Quand je lui pose la question, l’autre m’explique que cet endroit est hanté. C’est la demeure d’un Horla dont cette vermine est la manifestation.
Le blond m’explique que ce truc est un Kukac. Ce Horla habite les insectes et autres types de vermines comme celle-là. Elle ne pense qu’à se nourrir. Elle est capable de détecter toute trace de vie jusqu’à plusieurs centaines de mètres. Il ne sert à rien d’essayer de communiquer avec lui, même en utilisant la Langue Putride. Toutefois, certains talismans permettent de le « dompter » provisoirement.
C’est donc ça ? Ces deux-là posséderaient de tels talismans. Ils ont peut-être d’autres amulettes, d’où cette confiance en eux faisant qu’ils se moquent de mon arme ? En tout cas, le Horla parait pour l’heure inoffensif. Et le coutelas en question, est-il magique lui aussi ? Pas de réponse !
Je me sens coincé. Je pourrais tirer mais j’ai peur que cela ne mette fin au contrôle exercé sur le Horla. Pour autant, puis-je vraiment laisser ces deux-là faire ce qu’ils veulent ? Et puis, me laisseront-ils partir en vie ? Et Oriente, où est-il et que fait-il ? Je propose alors aux deux de les aider à trouver ce coutelas. Je leur promets de le leur laisser. Tout ce que je veux en échange, c’est pouvoir quitter les lieux en vie. Mais ma proposition ne leur convient pas. Que veulent-ils alors ?
Et ils partent dans un délire, m’expliquant qu’ils veulent connaître leur avenir et découvrir l’emplacement d’un trésor et… ça n’a aucun sens. OK, je braque mon arme sur celui, ou celle, aux cheveux longs et tire ! Il ou elle tombe à terre en gémissant. Déjà, les vers commencent à le recouvrir. On dirait que le contrôle exercé sur le Horla faiblit déjà. Je me tourne vers le blond qui, tétanisé, ne s’attendait pas à ça. Double headshot ! Il s’écroule au milieu des vers.
Alors que je m’attends à ce que le Horla, libéré de tout contrôle, s’en prenne à moi, la masse grouillante n’en fait rien. Mais, une silhouette sort de l’ombre. Elle porte le même costume noir que moi. C’est un agent de l’ « Organisation ». Il se présente : « Agent spécial Sadler ». Dans sa main droit, un coutelas. Il s’approche de moi d’un pas résolu. J’ai la trouille qu’il ne me plante. Pourtant, je ne bouge pas. A ma grande surprise, il m’attrape par le bras et me fourre le coutelas dans la main avec pour consigne de le remettre à l’ « Organisation ». Toutefois, il me demande de ne pas mentionner sa présence en ces lieux.
Éjection !
Infos pour l’Organisation : j’ai trouvé ce coutelas dans un château hanté par un Horla. Il semblait de grande valeur pour les chasseurs de trésors à qui je l’ai pris.
Mission 11 :
Random Connect : un port en ruines.
Oriente est là. Nous longeons la rivière et arrivons dans ce qui fut un petit port. Il y a les traces d’un campement récent. Je commence à remonter la piste mais Oriente me saisit par le bras et agite la tête. Son visage s’estompe et devient le mot « cannibale ». C’est une obsession chez lui ou quoi ?! Quoi qu’il en soit, je farfouille quand même et trouve, dans ce qui reste du feu éteint, des ossements… humains !
Il fait nuit et, comme souvent, il y a du vent. Par moment, j’ai l’impression que le vent est le langage de la forêt au même titre que la Langue des Oiseaux et la Langue Putride sont les langages de ceux qui la peuplent. Alors, la forêt tente-t-elle de me dire quelque chose ? Je me tourne vers Oriente et lui trouve, malgré son masque, un air des plus circonspects.
Je demande à Oriente de rallumer le feu. Je veux que nous fassions halte ici car le truc dans mon cerveau s’agite à nouveau et me fait mal. Il me montre une chauve-souris du doigt et s’assoit autour du feu. Il me dit alors que les hiboux ne sont pas ce qu’ils paraissent. Et pour cause, il m’a montré là une chauve-souris. J’ai trop mal à la tête pour essayer de comprendre ce qu’il cherche à me dire.
Je me suis finalement endormi. Et je suis réveillé par des voix. Oriente est en plein discussion avec des gens. Ils ont des chevaux et autres animaux de traits. Il s’agit d’une caravane nocturne. Je fais semblant de dormir et écoute leur conversation. Un membre de la caravane me montre du doigt et explique qu’ils se rendent vers mon destin fatal. Oriente ne répond rien. Il écoute attentivement. Le gars parle d’un phare. Il veut m’y emmener.
Je me lève et lui demande alors pourquoi il veut m’emmener si mon destin doit être fatal. Mais il refuse de me répondre. Il fixe Oriente et répète que je dois partir avec eux. Ils sont nombreux. Même armé, je ne suis pas du tout certain de faire le poids. Et il ne me reste que deux Billes. Et Oriente n’a pas l’air décidé à prendre mon parti. Est-ce la fin pour moi ? Je botte en touche. Je demande quelques instants au type et contacte « Ctrl ». Que dois-je faire ?
Je crois que je pâlis. « Ctrl » m’ordonne de suivre ces types. Il me dit que tout cela, ma mission, n’était qu’une diversion. Il m’ordonne d’échouer, volontairement. Est-il vraiment en train de me demander de mourir ? Juste parce que le véritable objectif de l’ « Organisation » viendrait d’être atteint et que je ne leur servirais plus à rien ? Non, se défend « Ctrl », au contraire ! Certes cette mission d’exploration de la forêt n’était qu’un prétexte, une couverture dissimulant un autre plan. Mais cette mission a sa propre importance et doit être menée à bien. Et pour ça, je dois suivre ces types. Bon, je veux bien échouer mais… pour échouer, il faut tenter quelque chose. Alors, je prends mon flingue et tire dans le tas, sans même prendre la peine de viser. Maintenant, soit ils me tuent, soit ils m’embarquent.
Ha ! Même sans viser je fais mouche ! Et eux sont plus mauvais que je ne le pensais. Vraiment, ce sont des marchands, pas des soldats. A ce rythme-là, je sens que ça va être long d’échouer. Alors, je me prends volontairement les pieds dans une racine. Je m’écroule et les laisse me sauter dessus. Quelqu’un m’assomme et ça a le mérite de stopper net le truc qui s’agite dans mon cerveau.
Infos pour l’Organisation : j’aurais aimé être informé des tenants et aboutissants de cette mission. J’aurais moins eu cette désagréable impression d’être un pion.
Mission 12 :
Random Connect : un phare !
Je me réveille à l’intérieur d’une pièce circulaire. Je devine qu’il s’agit d’un phare. DU phare. Évidemment, je suis attaché. Oriente est là, lui aussi, mais il est toujours inconscient. Je crois que je vais essayer d’oublier les dernières heures et le fait qu’il n’a rien fait pour me venir en aide. Après, je suis étonné qu’il soit ligoté lui aussi. Je pensais que ces types lui réserveraient un autre sort. En fait, je suis même étonné qu’il soit là. Mais j’ai un autre souci. J’ai besoin de Bille, maintenant !
Je tire sur mes liens et parviens à suffisamment les distendre pour me libérer et gober une Bille. Je me sens mieux. Il ne m’en reste plus qu’une. Il va falloir la jouer à l’économie ou… en payer les conséquences.
On cogne à la fenêtre. C’est… le vent. Avant même de libérer Oriente, je m’approche et ouvre la fenêtre. Le vent s’engouffre et sans vraiment comprendre les mots qu’il emploie, j’en comprends le sens. Il chante mon épitaphe. Vais-je vraiment mourir ici ?
Je ne me décide pas encore à libérer Oriente. Avant, je récupère la carte que j’ai prise aux deux femmes. Je regarde l’endroit où elles voulaient se rendre. Ce n’est pas un phare mais… sous mes yeux, le dessin change et indique… un phare ! Je gobe ma dernière Bille en espérant que la carte change encore mais…
… Je suis ailleurs… je suis autre… je ne comprends rien… je comprends tout. Non, je ne comprends rien. Je me souviens. Les deux pieds dans la terre, mes racines profondément enfoncées dans cette terre gorgée d’Égrégore, j’ai vu ! Qu’ai-je vu ? Je ne m’en rappelle pas. Il faudrait que je m’enfonce encore plus dans la terre, que je m’enterre… Il faudrait que je déploie mes branches, que je les offre au vent.
Je me rappelle de tout. Je ne me rappelle de rien. Je crois que le truc dans mon cerveau est en train d’éclore mais ça ne me fait pas mal. Au contraire…
Infos pour l’Organisation : éjection ! ÉJECTION !!!
Commentaires de Thomas :
A. « Elle se tord de douleur et crache quelque chose de bien trop gros pour tenir dans sa gorge. C’est une… arbalète ! »
Celle-là je l'ai vraiment pas vu venir XD
B. « Je gobe une Bille et une fine tige de fer apparaît dans ma main. Je la fais tourner dans le feu et l’enfonce dans ma narine jusqu’à mon cerveau. Je farfouille pour déloger le « truc ». »
ça me fait tellement penser à un test Covid :p
C. « La viande suspendue aux crochets n’est pas morte. Elle attend d’être trempée dans un bain sombre dont l’odeur rappelle la Bille.
La viande n’est pas morte et elle est agressive. »
Je trouve que c'est une tellement chouette évocation de la Viande Noire
D. « Dans le chaudron, il y a un épais liquide noir. C’est le même à partir duquel on fabrique la Bille. Je plonge la tête dedans et avale de grandes gorgées. »
J'adore le comportement totalement irrationnel du PJ
E. « J’ai refusé ses flatteries et tout ce qu’elle avait à m’offrir. Généreusement, je lui ai donné sa dose parce que… je ne suis pas un monstre sans scrupule. Je suis quelqu’un de bien. »
Je crois que cette partie est ta plus drôle que j'ai jamais lu :)
F. « Je n’ai pris ni son argent, ni son corps, ni ses flatteries. J’ai pris sa dignité. »
C'est tellement fort. Tu es dans une forme olympienne sur ce solo.
G. « Je touche l’homme-chien avec ma balle spéciale anti-clébard, ma « cani-balle » ! »
On est en plein dans la langue des oiseaux.
Hors ligne
ÉCUREUIL BLANC
la promesse d'un écureuil et la lutte aux côtés de Wagner le cosaque pour la Makhnovchtchina. Un récit de partie par Claude Féry.
Temps de lecture : 2 mn
(image par Dall.e)
Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).
Joué le : 25/07/2020
Le jeu : Pour la Commune par Nitz, un jeu descendant de la Reine pour rejouer le Grand Soir.
L'histoire :
Cette après-midi nous jouerons les pages 24, 35, 40, 41 et 42 de notre carnet Écheveuille encore avec le système de résolution l'inflorescence puis avec Pour la commune, nous jouerons l'instance de Wagner le cosaque selon ce livret.
Nous n'avons joué que la page 35 et Pour la Makhnovchtchina.
Nous avons tenté de remémorer à l'écureuil sa promesse faite à Rayon de soleil puis changeant de tactique nous avons obtenu qu'il nous guide.
Xavier a joué blanc écureuil le moment venu, (nous jouions en transparence).
Le Furet a récolté la balle perdue du maton qu'a éliminé Wagner.
Dans un second temps Pour la Makhnovchtchina nous avons lutté aux côtés du cosaque Wagner pour voir notre cause triompher.
Nestor Makhno en 1921 (domaine public)
Thomas :
Encore un grand merci pour ce nouveau retour de partie ! Je constate qu'à chaque séance vous ne jouez qu'une ou deux fiches d'Écheveuille. Le vois-tu comme une réussite (i.e. les fiches sont à haut potentiel ludique / c'est cohérent avec vos habitudes de jeu qui tournent autour d'une ou deux scènes par séance) ou comme un échec (i.e. la promesse de profondeur d'Echeveuille ne serait pas atteinte à ta table) ?
Claude :
Je considère qu'Écheveuille offre un très haut potentiel ludique.
Et avoir joué le contenu principal ou manifeste d'une page du carnet ne signifie pas qu'on en a épuisé le potentiel tragique ou dramatique.
Le format de nos sessions est court en fiction (rarement plus de 2 heures) mais je pense intense.
Le découpage est lié à nos disponibilités, pas nécessairement à notre volonté de couper court.
Respecter l'horaire convenu permet de renouveler régulièrement l'expérience, quitte à écourter un arc narratif ou à en reporter la mise en jeu.
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