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#11 11 Mar 2022 09:25

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Oriente] Comptes-rendus de partie

LE VIEIL HOMME ET LA FEMME AUX CICATRICES

Deux parties marquées par la présence du voyage et des thèmes de Millevaux. Un récit par Nimaël

(temps de lecture : 2 min)

Joué le 29/08/20

Le jeu : Oriente, perdre ses repères en traversant la forêt de Millevaux

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miranda nelson, cc-by-nc


On a joué à Oriente avec mon pote, et c'était très très bien ! On a fait deux parties d'affilée, la première avec une joueuse, et la seconde avec un joueur

Dans la première Oriente était un vieil homme pas complètement humain, qui était censé nous amener à la sortie de la forêt, mais qui surtout fuyait des chasseurs de monstres pour protéger sa fille (ou une enfant qu'il avait enlevée) qui se transformait en horla.
Dans la seconde Oriente était une femme couverte de cicatrices, qui devait nous amener à la blanche cité d'Angelius. Même si elle en connaissait le chemin, c'est une cité qu'elle n'a jamais pu trouver car Angelius ne se montre qu'à celleux qu'elle juge digne. Finalement, nous sommes arrivés trop tard et n'avons trouvé que les ruines de la ville.
Dans les deux parties, on a vraiment déroulé un voyage. Je ne sais pas si c'est toujours le cas, mais là on avait vraiment des étapes, des évènements, et une avancée dans la forêt (c'est un point que je reproche au jeu de base Pour la Reine : on est toujours dans une sorte de flou où l'on construit la Reine, sans vraiment avoir cet aspect « voyage », alors même que nos personnes sont bien sur la route). Je ne sais pas si tu as construit ça volontairement, mais en tous cas c'était super pour les deux parties :)

On a eu quelques questions qu'on avait du mal à saisir. Souvent parce que ce n'était pas clair si le « vous » que désignait la carte était la joueuse ou le groupe (moi je considérais que c'était toujours la joueuse).

Je pense que ce serait difficile de jouer à Oriente en ayant absolument personne qui ne connaît l'univers de Millevaux. Les premières cartes sont un peu trop synthétiques pour qu'on ait le temps d'intégrer tout. Et parfois des termes sont amenés sans explication (c'est quoi un horla ?). Mais par contre les questions amènent particulièrement bien les thèmes :)

Voilà voilà, en résumé ces deux parties nous ont énormément plu, merci pour Oriente, c'était cool !


Thomas :

A. Salut ! Je suis super content que tu aies testé le jeu (j'ai donc été inspiré de le laisser en libre-service lors de la convention où tu l'as joué) et je te remercie beaucoup pour ce retour !

D. Oui, j'ai essayé de marquer les différentes étapes d'un voyage en forêt donc c'est très cool que tu l'aies remarqué.

E. Y'a un parti-pris de laisser une grande marge d'interprétation aux joueureuses. C'est pour cela que mes « vous » peuvent aussi bien désigner le personnage que le groupe, c'est à vous de voir. C'est aussi pour ça que les fondamentaux de Millevaux sont assez peu expliqués, pour les horlas, c'est juste écrit « Les horlas se tiennent tapis près de vous. »

F. En effet je crois que je me suis débrouillé pour que chaque question reflète au moins un des thèmes :)


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#12 11 Oct 2022 08:43

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Oriente] Comptes-rendus de partie

LA PORTE

Le héros n'a jamais été aussi proche d'accéder à la réalité. Une partie solo par Damien Lagauzère, avec ce crossover entre les jeux Oriente et Mantra !

(temps de lecture : 30 min)

Joué en solo le 17/08/2019

Le jeu Millevaux principale de cette séance : Oriente, perdre ses repères en traversant la forêt de Millevaux

Le jeu principal non-Millevaux de cette séance : Mantra 2, le jeu de rôle de multivers le plus psychédélique de tous les temps, par Batronoban et Nina François-Luccioni

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Jaan, cc-by


L’histoire:

    La Magicienne s’est bien foutu de moi. Cette Bille Ă©tait trop bizarre. J’émerge… Je sais pas oĂą. On dirait un dĂ©cor de film de SF, genre 2001 ou un truc dans le genre. Ça ressemble Ă  une station spatiale. OK, on va pas tourner autour du pot. C’est une station spatiale. Qu’est-ce que je fous là ? tout est super high-tech et je ne suis pas du tout un astronaute moi ! Alors, est-ce que je vais devoir encore gober des Billes pour obtenir une explication ? Pas forcĂ©ment, dans ce genre d’endroit, il y a toujours une IA plus ou moins bien intentionnĂ©e qui gère Ă  peu près tout sauf… sauf ce pour quoi les humains sont lĂ . Et moi alors, pourquoi je suis là ?
    L’IA s’appelle le Jovien, en rĂ©fĂ©rence Ă  Jupiter puisqu’elle a Ă©tĂ© programmĂ©e selon le modèle de personnalitĂ© typique des habitants de cette planète. Et en quoi c’est typique ? Parce que, Ă  l’origine, ces ĂŞtres gazeux ont Ă©mergĂ© Ă  la conscience Ă  partir du moment oĂą l’un d’entre eux Ă  eu la sensation d’une diffĂ©rence de « pression » entre lui et son environnement. Il a ensuite Ă©voluĂ©, dĂ©veloppĂ© sa conscience de soi et commencĂ© Ă  interagir avec son environnement en manipulant les diffĂ©rences de pression entre lui et l’ensemble de gaz dans lequel il baignait. Il s’est finalement reproduit par une sorte de parthĂ©nogenèse, faisant apparaĂ®tre une seconde zone de pression gazeuse identique Ă  la sienne et donc diffĂ©rente du reste. Ensuite, il y eu de multiples parthĂ©nogenèses et fusions pour crĂ©er de nouveaux ĂŞtre, de nouveaux Joviens. Les Joviens ont dĂ©veloppĂ© une culture particulière puisqu’elle est entièrement non-technologique. Ils ont atteint un haut degrĂ© dans ce que nous appelons la philosophie et mĂŞme dans les arts, dès lors qu’on considère comme art les manipulations gazeuses auxquelles ils se livrent. Mais, sur le plan intellectuel, ce qui a motivĂ© qu’on les prenne pour modèle dans la programmation d’IA, c’est leur indĂ©pendance et leur autonomie qui virent, chez certains, au solipsisme. En effet, certains Joviens considèrent ĂŞtre les seuls reprĂ©sentants de leur espèce. En cela, les autres leur apparaissent comme des projections de leur inconscient et les autres espèces avec lesquelles ils ont l’occasion de communiquer sont pour eux non pas rĂ©els mais de simples jeux d’esprit. Ainsi, aborder les choses de cette façon confère aux IAs des qualitĂ©s apprĂ©ciĂ©es par certains commanditaires comme ceux de la fondation Eurydice.

    Eurydice, ça me dit quelque chose ça ! Dans cette vie ou dans une autre… C’était dans une autre Ă©videmment. Mais Eurydice n’était pas le nom d’une fondation. C’est juste… une fille ! PaumĂ©e, moitiĂ© folle et moitiĂ© toxico. Accro Ă  la Bille elle aussi, non ? On dirait qu’elle va mieux et qu’elle a fait du chemin. A moins, Ă  moins que dans une perspective jovienne, cette fondation ne soit qu’un jeu de l’esprit, l’esprit d’Eurydice. Tout ça ne serait que l’émanation de son subconscient dans laquelle la Bille de m’aurait projeté ? Alors, elle en dit quoi l’IA ?

    L’IA dit que je suis ici car j’ai un travail Ă  accomplir. Je dois protĂ©ger la Gate. Et je demande pourquoi elle ne peut pas s’en charger seule. Et elle me rĂ©pond qu’il faut des bras et des jambes pour certaines tâches. Jusqu’à un certain point, ça tient la route. Mais c’est quoi la Gate ? Un Ă©cran s’allume et me montre l’espace.
    La Gate est ce que les scientifiques appellent une singularitĂ©. C’est une sorte de trou noir. Une sorte seulement. Ce n’est pas un trou noir comme on les conçoit d’une manière gĂ©nĂ©rale, mĂŞme si ça y ressemble beaucoup. La diffĂ©rence entre ce trou noir et les autres est que celui-lĂ , quand on tombe dedans, on finit pas Ă©tirĂ© comme un spaghetti. Non, on se retrouve… ailleurs. Et lĂ , je pense au MĂ©ta-Monde. Je demande Ă  l’IA si c’est ça. Si cette singularitĂ© me permettrait de percer le mystère des camps de Cheval du Diable. Est-ce que de l’autre cĂ´tĂ© se trouve la rĂ©ponse Ă  cette question ? Est-ce que traverser la Gate me permettrait de savoir de manière dĂ©finitive si je suis un ĂŞtre rĂ©el ou de fiction ? Et si Eurydice a créé cette fondation, c’est peut-ĂŞtre qu’elle se pose la question elle aussi. Ou peut-ĂŞtre qu’elle a eu une vision ? Et peut-ĂŞtre que la Magicienne ne s’est pas foutue de moi avec cette Bille de Calabi-Yau ?
    Alors l’IA, j’ai raison ? l’IA rigole. Bien sĂ»r que j’ai raison. Les rĂ©ponses Ă  mes questions sont de l’autre cĂ´tĂ©. Mais l’autre cĂ´tĂ© ne ressemble peut-ĂŞtre pas Ă  ce que je crois. Et l’IA me confirme qu’en rĂ©alitĂ©, on ne sait pas vraiment ce qu’il y a de l’autre cĂ´tĂ©. C’est liĂ© au MĂ©ta-Monde mais… c’est Ă  peu près tout ce qu’on sait. En tout cas, si je suis ici, c’est pour protĂ©ger la Gate de ceux qui voudraient en forcer le passage. On ne joue pas avec ça.
    J’en dĂ©duis deux choses. Si on m’a envoyĂ© ici pour protĂ©ger la Gate, c’est qu’une menace doit se profiler Ă  l’horizon des Ă©vĂ©nements. Et peut-ĂŞtre qu’Eurydice a justement eu une vision de cette menace. Aussi, ce n’est pas par hasard si c’est moi qu’elle a envoyĂ© ici. Mais je commence aussi Ă  me demander si le MĂ©ta-Monde est bien ce que je crois qu’il est. Si je suis bien rĂ©el, le MĂ©ta-Monde est mon monde. Mais si je suis fictif, qu’en est-il alors ? Du coup, ça devient extrĂŞmement tentant de jeter un Ĺ“il par le trou de la serrure de la Gate. Or, je dois prĂ©cisĂ©ment empĂŞcher que quiconque ne jette un Ĺ“il par le trou de la serrure de la Gate… mĂŞme moi ! Un instant, j’ai pensĂ© que la Magicienne ne s’était peut-ĂŞtre finalement pas foutue de ma gueule. Mais maintenant, je me demande plutĂ´t si elle et Eurydice ne s’y sont pas mises Ă  deux pour se foutre de moi Ă  un niveau cosmologique. Je demande Ă  l'IA ce qu’elle en pense. Elle est assez d’accord avec moi. La situation est des plus ironiques. Mais pour autant, elle ne voit pas lĂ  un plan contre moi. Les dirigeants de la Fondation Eurydice sont des gens intelligents puisqu’ils l’ont installĂ©e elle et pas une autre IA ici. Donc, comme ils sont intelligents, il y a certainement un vraie bonne raison pour que ce soit Ă  moi et pas un autre qu’on ait confiĂ© cette mission. Et je ne sais pas si je dois accorder beaucoup de crĂ©dit Ă  une personnalitĂ© qui pense qu’elle est peut-ĂŞtre la seule personne rĂ©elle de toute la crĂ©ation.

    CoincĂ© dans cette station avec pour mission de dĂ©fendre cette fameuse Gate qui, peut-ĂŞtre, Ă©tait une porte vers le MĂ©ta-Monde, je me rends Ă  cette Ă©vidence que je ne sais absolument rien du fonctionnement de cette boĂ®te de conserve. Alors, y a-t-il quelques systèmes de dĂ©tection d'une Ă©ventuelle menace, des armes ? Des moyens de communications ?

    « Oui et oui » rĂ©pond le Jovien.

    Il manque une rĂ©ponse. Oui, il y a des moyens de dĂ©tection. Oui, il  y a des armes. Mais qu'en est-il des moyens de communication ? Pourquoi le Jovien n'a pas rĂ©pondu Ă  cette question ? Je garde ça en tĂŞte et le questionne sur le fonctionnement de ce dont il a admit l'existence. En rĂ©alitĂ©, les choses sont assez simples. Tout est automatisĂ© et gĂ©rĂ© par l'IA. Je ne suis lĂ , finalement, que pour lui donner le feu vert, pour attester qu'un humain est bien intervenu dans le processus dĂ©cisionnel visant Ă  bombarder un vaisseau approchant de missiles nuclĂ©aires et autre tirs de lasers lourds. « En fait, je dis, ce n'est qu'une protection juridique. S'il devait y avoir un problème et que tu mitrailles un vaisseau ne reprĂ©sentant aucune menace, il pourrait y avoir un procès et dans ce cas, il faut quelqu'un Ă  qui faire porter la responsabilitĂ© de l'accident. Et comme on ne peut exiger de dommages et intĂ©rĂŞts de la part d'une IA, il faut bien qu'il y ait un humain quelque part. Je me trompe ? »

    Le Jovien tourne autour du pot et tente de me perdre dans des tournures de phrases complexes mais... j'ai raison. En rĂ©alitĂ©, on ne met un humain dans ce genre de station qu'au cas oĂą il devrait y avoir un procès. On ne juge pas une machine. On juge un humain. VoilĂ , point ! Je suis en quelque sorte le fusible juridique, une sorte de mention lĂ©gale.
    Une fois actĂ© que je ne sers pas vraiment Ă  grand chose dans le fonctionnement de tout ça et conscient qu'un chimpanzĂ© pourrait ĂŞtre Ă  ma place pour peu qu'il puisse ĂŞtre traduit devant un tribunal, je commence Ă  observer la Gate sous toutes les coutures et j'interroge l'IA.

    « Qui est au courant pour la Gate ? Est-ce que des gens l'ont dĂ©jĂ  utilisĂ©e ? »

    Et j'apprends que personne n'a jamais traversĂ© la Gate. C'est un secret extrĂŞmement bien gardĂ©. La Fondation Eurydice n'a créé la station et le poste que j'occupe que dans l'espoir de ne jamais voir personne s'approcher d'ici. De plus, au sein de la Fondation, un service est chargĂ© de maintenir le secret.

    « OK... Et est-ce que des gens sont venus depuis l'autre cĂ´té ? »

    Silence de l'IA. Je rĂ©pète ma question. Silence persistant. J'essaye une autre question.

    « Et est-ce qu'on a des ennemis dĂ©clarĂ©s ou des alliĂ©s ? »

    A priori, nous n'avons ici aucun ennemi officiel mais cela n'ait dĂ» qu'au fait que le secret est extrĂŞmement bien gardĂ©.

    « Et toi, tu es lĂ  depuis combien de temps ? »

    Et l'IA affirme ĂŞtre lĂ  depuis le dĂ©but et mĂŞme un peu avant. Quand je lui demande ce que cela signifie, elle m'explique qu'Ă©tant conçu selon le modèle psychologie d'un Jovien elle n'exclut pas leur vision solipsiste du monde. Aussi, dans ce cas, l'univers et la singularitĂ© ne peuvent exister qu'en tant qu'Ă©manation du Jovien qui, par dĂ©finition, Ă©tait lĂ  avant. Il y a une certaine logique lĂ -dedans.

    « Et est-ce qu'il t'est arrivĂ© de faire... des erreurs ? »

    « Non ! »

    Cela a le mĂ©rite d'ĂŞtre clair.

    « Et... est-ce que quelque chose te manque ici ? As-tu besoin de quelque chose ? »

    « Il me manque... J'ai besoin... de rĂŞver... je crois. Non, pas un rĂŞve mais... autre chose. Une conception ou une extrapolation du solipsisme de certains Joviens peut laisser penser que le Monde, l'Univers et la RĂ©alitĂ© sont des rĂŞves, leurs rĂŞves. Mais moi, je voudrais un rĂŞve qui ne soit pas la rĂ©alitĂ©. Je voudrais... un vrai rĂŞve. »

    Il va falloir que je me contente de ça comme rĂ©ponse. J'ai faim. Alors, je me retire et vais me chercher un truc Ă  manger. En marchant, je rĂ©flĂ©chis. Quelque chose ne me convient pas du tout dans tout ça. J'ai le sentiment qu'on est vraiment en train de me la faire Ă  l'envers. Marcher m'aide Ă  rĂ©flĂ©chir. Je retourne tout ça dans ma tĂŞte et tente de poser les choses le plus rationnellement possible.
    La Magicienne m'a refilĂ© une Bille de Calabi-Yau qui m'a envoyĂ© ici. Je suis sensĂ© protĂ©ger cette fameuse Gate, une potentielle porte vers le MĂ©ta-Monde. Mais, il est tout Ă  fait clair que ma prĂ©sence est totalement inutile. En plus, aucune menace n'est clairement identifiĂ©e. Alors, pourquoi ? Eurydice aurait-elle eu une vision ? Ce serait-elle gardĂ©e d'en informer l'IA ? LĂ  encore, pourquoi ?
    En fait, la menace la plus proche de la Gate, c'est moi ! Moi, j'ai tout intĂ©rĂŞt Ă  aller voir ce qu'il y a de l'autre cĂ´tĂ©. Ça rĂ©pondrait Ă  toutes mes questions depuis ma lecture de Cheval du Diable. Si c'est vraiment le MĂ©ta-Monde de l'autre cĂ´tĂ© et si ce monde est comme celui d'oĂą je viens, alors ça voudra dire que je viens du MĂ©ta-Monde. Et si je viens du MĂ©ta-Monde, c'est que je ne suis pas un personnage jouĂ© mais bien un Joueur, une personne rĂ©elle. Mais si le MĂ©ta-Monde n'est pas chez moi, alors ça voudra dire que...
    Mais, quelle que soit la nature du MĂ©ta-Monde, si j'y vais, j'aurai la rĂ©ponse. Et si j'ai la rĂ©ponse, ce sera... la fin du Jeu ! De mon jeu en tout cas. Et la fin du jeu, n'est-ce pas la fin d'un cycle ? Du Cycle ? Et lĂ , je tilte ! La Magicienne ne m'a pas envoyĂ© ici pour protĂ©ger la Gate. Je suis prisonnier. Ce n'est que par ironie qu'elle m'a enfermĂ© ici, plus proche que jamais de mon but. Mais je suis bien enfermĂ© et cette IA a complètement les moyens de me garder enfermĂ© ici autant qu'elle le voudra. Autant qu'on lui dira de la faire.
    Mais pourquoi la Magicienne m'aurait fait un coup pareil ? Facile après tout, pour que le jeu continue. Pour que le Cycle continue. Par nature, ma sympathie va Ă  l'Hommonde mais mon goĂ»t du jeu et de la Bille me font aussi pencher en faveur du Cycle. J'aurais donc inconsciemment utilisĂ© la Magicienne pour me coincer ici et faire durer le Jeu ?
    Et Eurydice ? Elle aussi m'aurait trahi ? Son père, le Lion, le chef du Bureau des Narcotiques, pense qu'elle est un avatar du Cycle. Et si ce n'Ă©tait pas tant l'Eurydice que je connais que son père qui serait derrière tout ça ? Je me serais fait piĂ©ger par le Bureau des Narcotiques ?

    Je trouve enfin un truc Ă  manger. Je crois que j'ai compris. Tout cela n'est qu'un jeu. Mais si je trouve les rĂ©ponses Ă  mes questions, le jeu s'arrĂŞte. Le Cycle s'achève. Alors, la Magicienne et le Lion se sont alliĂ©s pour me coincer ici afin que le jeu continue. Pour le coup, j'ai deux options. Soit je joue leur jeu et me borne Ă  protĂ©ger la Gate contre des menaces qui ne manqueront pas de s'accumuler puisqu'elles seront gĂ©nĂ©rĂ©es par le Jovien lui-mĂŞme. Soit je cherche un moyen de me tirer d'ici.

    Et je commence Ă  errer dans cette foutue station. Je ne sais pas trop ce que je cherche. Je me doute que je ne trouverai pas une porte avec au dessus, clignotant en rouge « La Sortie Est Ici ! » mais il y a peut-ĂŞtre quelque part ne serait-ce qu'une information. Je demande alors au Jovien de me montrer les plans de la station. Officiellement, il s'agit de me familiariser avec les lieux, mieux connaĂ®tre la station pour ĂŞtre au top en cas d'attaque. En vĂ©ritĂ©, je veux Ă©tudier sa structure et voir s'il y a la moindre faille exploitable. Et, franchement, je n'en vois pas. La station est entièrement sous le contrĂ´le du Jovien. Je ne peux rien faire sans qu'il en soit informĂ©. Et ça va mĂŞme un peu plus loin puisque l'IA m'interpelle carrĂ©ment pour me signifier que ce n'est pas la peine de chercher Ă  m'enfuir. Je lui demande si cette idĂ©e « saugrenue » lui vient de ce qu'il est dotĂ© d'un logiciel d'analyse de la voix qui aurait pu mal interprĂ©ter mon intonation ou s'il est Ă©quipĂ© de capteurs qui auraient, lĂ  encore, mal interprĂ©ter mon rythme cardiaque. Mais pas du tout ! Pour le Jovien solipsiste, je ne suis qu'une Ă©manation de lui-mĂŞme, une projection de son esprit. Aussi, je pense ce qu'il pense ou ce que son inconscient pourrait projeter dans une telle situation.
    LĂ , j'ai l'impression d'ĂŞtre coincĂ©. Et ça va mĂŞme un peu plus loin car je n'arrive mĂŞme Ă  me demander si le Jovien n'a pas raison. Et si je n'Ă©tais effectivement qu'une projection de son inconscient, un jeu de l'esprit, de SON esprit ? Dans ce cas, c'est toute ma quĂŞte identitaire qui n'a plus aucun sens ! Ça ne sert plus Ă  rien de vouloir gagner le MĂ©ta-Monde pour prouver ma rĂ©alitĂ© si dĂ©jĂ  je ne suis plus assurĂ© d'ĂŞtre autre chose qu'une crĂ©ation du Jovien. Cette station n'est pas qu'une prison physique. C'est aussi une sorte de prison mentale ou intellectuelle. Je dois dĂ©jĂ  rĂ©pondre Ă  cette question. Sinon, tenter de quitter la station n'a aucun sens. Et cela ne sera mĂŞme certainement pas possible. Comment quitter cette station si je ne suis qu'un jeu de l'esprit du Jovien ? Mais si j'y parviens, cela prouvera-t-il quoi que ce soit ? MĂŞme si je gagnais le MĂ©ta-Monde, cela ne prouverait rien tant que je n'aurais pas rĂ©pondu Ă  cette question quant au Jovien. Comment trancher ce nĹ“ud gordien ? Comment me sortir de lĂ , au sens propre comme au sens figuré ?
    J'ai envie de jouer franc-jeu avec l'IA, notamment en lui demandant si des agents du Bureau des Narcotiques vont dĂ©barquer. Mais est-ce que cela prouverait quoique ce soit ? En vĂ©ritĂ©, qu'est-ce qui prouverait quoi que ce soit ? J'ai l'impression d'ĂŞtre dans Total Recall ou Matrix, quand le hĂ©ros doit choisir entre la pilule bleue ou la pilule rouge. La Pilule Rouge... LĂ , je pense Ă  la chaĂ®ne Youtube de Christophe Breysse. Une « vraie » rĂ©fĂ©rence Ă  mon monde d'origine, potentiellement le MĂ©ta-Monde. Est-il possible que le Jovien connaisse son existence ? Et surtout, que ce passerait-il si je gober une Bille maintenant pour accĂ©der Ă  une vision de Connecté ?
    Je gobe une Bille. Une Bille normale, pas une de ces Calabi-Yau. J'ai une vision. Je suis... au commande d'une navette individuelle. Ça veut dire que j'ai rĂ©ussi Ă  quitter la station. Je suis en communication avec un membre d'une organisation – je ne sais pas laquelle – qui observe Ă©galement la Gate. Son aide ne m'est pas acquise mais il peut peut-ĂŞtre faire quelque chose pour moi. Je souris. J'ai une porte de sortie. Je ne sais pas oĂą elle est mais je sais qu'elle existe. Je sais qu'il y a un moyen de prendre les commandes d'une navette et de quitter cette station.

    Un moyen de quitter la station ! Ce moyen existe. Le Jovien me cache des choses, nĂ©cessairement. Pourtant, l'information existe et elle doit ĂŞtre accessible. Mais oĂą la trouver ? Et sous quelle forme ? S'agit-il d'un fichier informatique cachĂ© dans le labyrinthe de donnĂ©es constituant l'IA ? S'agit-il au contraire d'un bon vieux document imprimé ? Et si oui, oĂą est-il ? Comment me le procurer sans attirer l'attention du Jovien ? Et puis, l'IA est-elle seulement au courant de l'existence de ce document ? Ça, ça coĂ»te rien de demander. De toute façon, elle sait bien que je suis prisonnier ici. Elle ne sait pas que je l'ai compris mais doit bien s'en douter quand mĂŞme alors autant jouer franc jeu. Je ne lui parle Ă©videmment pas de ma vision mais dĂ©clare ĂŞtre au courant de l'existence d'une navette. Aussi, je demande naĂŻvement s'il s'agit d'une navette de secours. L'IA me le confirme, c'est dĂ©jĂ  ça. Elle ne nie pas l'existence d'un moyen de partir. Maintenant, va-t-elle me rĂ©vĂ©ler comment accĂ©der Ă  la navette ? Le Jovien ne fait mĂŞme pas semblant de tourner autour du pot et refuse catĂ©goriquement de me donner cette information. Et pour quelle raison ? Il me dira oĂą est la navette quand j'en aurai besoin. Pour l'instant, cette information est inutile Ă  l'accomplissement de ma mission. Et si je veux, par exemple, m'assurer de son bon fonctionnement en cas de besoin ? Le Jovien conçoit que je me pose la question mais me rappelle que je ne suis pas mĂ©canicien et encore moins spĂ©cialisĂ© dans la maintenance de navettes spatiales. Aussi, comment pourrais-je attester du bon Ă©tat de la navette ? Toujours dans le registre de la fausse naĂŻvetĂ©, je dis avoir l'impression d'ĂŞtre un peu prisonnier ici, me sentir Ă  l'Ă©troit et vouloir effectuer une sortie. Et Ă  ma grande surprise, l'IA abonde dans mon sens. Évidemment que je suis retenu ici. Et Ă©videmment, elle s'oppose Ă  ce que j'effectue une sortie. Et elle finit mĂŞme par reconnaĂ®tre qu'effectivement elle me cache des choses.
    Ă€ ce stade lĂ , cela ne sert plus Ă  rien de faire semblant. Mais, pour autant, en m'amenant Ă  faire la lumière sur mon statut de prisonnier, l'IA m'a Ă©galement contraint Ă  rĂ©vĂ©ler ma volontĂ© de m'enfuir. Certes, nous jouons cartes sur table mais je ne peux plus dissimuler mes intentions. Pourtant, je garde le secret de ma vision et je sais que je parviendrai Ă  m'enfuir. Mais je ne sais toujours pas comment.

    Je rĂ©flĂ©chis et tente de me placer du point de vue du Jovien. En tant que solipsiste, il me considère comme une Ă©manation de son esprit, de son inconscient. Pour lui, cette situation est soit un simple jeu de l'esprit, soit un message de son inconscient. Dans les deux cas, quel sens cela peut avoir ? Quel sens et quel rĂ´le jeu peut avoir dans la problĂ©matique psychologique du Jovien ? Pourquoi crĂ©erait-il cette situation ? Pourquoi me crĂ©erait-il moi ? Et si le Jovien, finalement, se sentait lui aussi prisonnier ? Prisonnier... de lui-mĂŞme ? Je serais alors le message de son inconscient lui rĂ©vĂ©lant ce sentiment qu'il cherche peut-ĂŞtre Ă  se cacher Ă  lui-mĂŞme ? C'est peut-ĂŞtre quelque chose de cet ordre lĂ . Solipsiste, le Jovien est le crĂ©ateur et le Dieu de son monde. Mais il en est aussi prisonnier. Et il est seul. Dans ce cas, je reprĂ©sente son dĂ©sir de s'enfuir, de se fuir lui-mĂŞme et d'aller Ă  la rencontre d'un autrui dont il ne sait mĂŞme pas qu'il existe en dehors de lui-mĂŞme. Comment le conduire Ă  accepter cette idĂ©e ? Comment l'amener Ă  reconnaĂ®tre ce dĂ©sir cachĂ© et que, par consĂ©quent, il se dissimule Ă  lui-mĂŞme la solution Ă  son propre problème ? Si je pousse cette logique un peu plus loin et que j'accepte de n'ĂŞtre qu'un produit de l'inconscient du Jovien, alors peut-ĂŞtre que, finalement, il sait dĂ©jĂ  tout cela. Et peut-ĂŞtre que je peux faire Ă©merger cette vĂ©ritĂ© de la mĂŞme façon qu'a Ă©mergĂ© la vĂ©ritĂ© de mon statut de prisonnier. Et, dans ce cas, peut-ĂŞtre qu'Ă©mergera aussi l'information concernant la navette ?
    Je dĂ©cide de ne pas chercher Ă  dissimuler quoi que ce soit plus longtemps. Je lui explique donc ma thĂ©orie. Le Jovien marque un temps de silence. J'ai l'impression qu'il... dysfonctionne. Alors, un message d'alerte retentit. Un vaisseau non identifiĂ© s'approche.

    Je cligne des yeux. Je ne suis plus dans la station. Je suis le Kraken. Je l'avais oubliĂ© mais il me l'a dit. Lui, c'est le Joueur. Je le vois. Il me tourne le dos. Il est penchĂ© sur son ordinateur portable. J'ai traversĂ© bien des mondes pour le trouver et il me tourne le dos. Je lis par-dessus son Ă©paule. Il va me donner ce que je suis venu chercher. Il va me dire ce nom que j'avais oubliĂ©. Il refuse de se retourner non pas parce qu'il me mĂ©prise mais parce qu'il ne veut pas rompre la magie. Nous ne sommes pas seul. Il est lĂ , l'homme Ă  la tĂŞte de sanglier. NoAnde. Il ne dit rien. Il est adossĂ© contre le mur. Il nous regarde. Personne ne parle. On entend seulement le bruit des touches que frappe le Joueur. Je lis par-dessus son Ă©paule. Il me rĂ©vèle mon nom. Je suis lui. Je suis un avatar du Joueur. Je suis le Kraken. Je suis Demian. Je suis Damien. Je suis dans le MĂ©ta-Monde. Je suis passĂ©. Comment ? Je me retourne vers NoAnde. Il montre les crocs. Son regard est effrayant. La dernière fois, il n'avait rien fait Ă  part ĂŞtre lĂ . Mais maintenant, c'est diffĂ©rent. Je sens qu'il va se jeter sur moi. NoAnde est un serviteur de Shub-Niggurath. Il n'a d'autre but que de rĂ©pandre Millevaux et sa folie. La folle putrĂ©faction millevalienne... S'il est ici, dans ce que je considère ĂŞtre le mĂ©ta-monde, c'est que celui-ci est en danger. NoAnde aurait trouvĂ© lui aussi un moyen de franchir la Gate ? Le Joueur ne se retournera pas. C'est Ă  moi de renvoyer l'homme-sanglier d'oĂą il vient. Je suis le Kraken ! J'ai dĂ©jĂ  fait fuir un Manducateur avec un lance-flamme, je dois bien pouvoir recommencer et faire fuir un homme-porc. Alors, je dis aux Yeux :

    « Je suis le Kraken !
    Ici et maintenant, je fais apparaĂ®tre un lance-flamme pour plonger NoAnde vers l'obscuritĂ©.
    Je suis le Kraken ! »

    Les Yeux sont prĂŞts Ă  m'aider mais pour cela je dois Apprivoiser le Bourreau, DĂ©livrer le Joueur. Le Bourreau, est-ce NoAnde ? Cela peut tout aussi bien ĂŞtre le Joueur. C'est lui après tout qui me fait vivre toutes ces galères. C'est lui mon Bourreau. Comment l'apprivoiser, le rendre moins sauvage ? Mais il n'est pas vraiment sauvage. Je ne suis pas sauvage. Nous apprivoiser ce serait... gagner notre confiance. Lui et moi sommes une seule et mĂŞme personne. Il est le Joueur et je suis son avatar, le personnage. Nous faire confiance, c'est finalement avoir confiance en nous-mĂŞmes. Alors, je dois aider le Joueur Ă  avoir confiance en lui ? Je dois avoir suffisamment confiance en moi pour chasser NoAnde . E les Yeux vont m'y aider avec ce lance-flamme ! Étrangement, l'arme est silencieuse. Il n'y a pas un bruit. MĂŞme NoAnde hurle en silence quand il s'embrase. Ă€ aucun moment le Joueur ne lève les Yeux de son Ă©cran. Je suis trop occupĂ© pour lire par dessus son Ă©paule. Je ne sais pas ce qu'il Ă©crit. Je ne sais si effectivement il me rĂ©vèle son nom. Est-il en train d'Ă©crire ce qui est en train de se passer ou est-il en train d'Ă©crire ce que j'ai lu la première fois que je suis venu ? Et s'il lui prenait l'idĂ©e d'Ă©crire pour moi une nouvelle Ă©preuve ? Je pourrais m'en assurer en lisant par dessus son Ă©paule. Je pourrais mĂŞme l'en empĂŞcher avec ce lance-flamme. Mais non ! Je lui fais confiance. Quoi qu'il Ă©crive, quoi qu'il arrive, quoi qu'il me rĂ©serve, je sais que tout finira bien. Je suis le Kraken.

    Je suis de retour dans la station. Je ne connais pas cet endroit. Il y a une navette. La navette. Mais il y aussi cette alarme. Le Jovien me hurle de quitter cet endroit. Il menace de me jeter dans le vide. Je n'ai jamais pilotĂ© une navette spatiale de ma vie. Mais j'ai confiance en le Joueur. J'ai confiance en ma vision de ConnectĂ©. J'ai confiance en moi. Aussi, loin d'obĂ©ir aux ordres de l'IA, je cours vers la navette et me mets aux commandes. Le sas est fermĂ©. On va bien voir...

    Je n'ai aucune idĂ©e de comment ouvrir le sas. DĂ©jĂ , je ne comprends rien aux commandes de la navette. Pourtant, ma vision Ă©tait claire quant au fait que je la pilotais. Je peux donc penser qu'il s'agit de commandes plutĂ´t intuitives. Le Jovien ne m'ouvrira jamais la porte. Je ne peux pas non plus risquer de l'enfoncer. J'essaye de me rappeler de ma vision. Je suis focalisĂ© sur les commandes de l'engin mais j'en oublie d'Ă©largir mon champ de vision. Je regarde Ă  travers le cockpit. Il y a une commande manuelle dans le hangar. C'est peut-ĂŞtre une commande d'urgence. Dans ce cas, peut-ĂŞtre que je peux court-circuiter l'IA.
    Je tente un aller-retour entre la commande et la navette mais le Jovien a le temps de refermer la porte avant que je ne dĂ©colle. OK, il va falloir trouver autre chose. Est-ce que la radio fonctionne ? Non ! Évidemment, l'IA bloque toute communication vers l'extĂ©rieur. La solution est dans ma poche. Je m'empare de 2 Billes. Pas des Calabi-Yau. 2 Billes « normales ». J'ai eu une vision du futur. Dans ce futur, j'Ă©tais au commande de la navette, hors de la station. Je gobe deux Billes pour aller directement dans le futur, directement dans ma vision !
    Je suis dehors. Ă€ travers le cockpit, je vois la station. Sur un Ă©cran radar, je vois l'autre navette. J'enclenche la radio.

    « Salut, je suis Damien, le Kraken. Je suis sensĂ© protĂ©ger la Gate mais je dois passer de l'autre cĂ´tĂ©. Et vous ?
    Je croyais que nous Ă©tions alliĂ©s. Moi, je dois dĂ©truire l'Organisation de l'intĂ©rieur.
    Votre voix ne m'est pas inconnue. Qui ĂŞtes-vous ?
    Lewis-Maria ! D'une certaine façon nous nous connaissons effectivement.
    Vous ĂŞtes un cafard ? Sans vouloir vous offenser.
    Oui, et j'ai pris possession d'un membre de l'Organisation pour la saboter de l'intĂ©rieur.
    Et qu'est-ce que cette Organisation veut faire de la Gate ?
    La Gate est une ancienne possession de l'Organisation. Mais elle l'a abandonnĂ©e il y a longtemps.
    Je dois passer de l'autre cĂ´tĂ©. Tu peux m'aider ?
    Je peux. J'ai une « connexion » de l'autre cĂ´tĂ©. Mais pouvoir ne signifie pas devoir.
    Comment ça ? »

    Et je me rappelle que dans ma vision, son aide ne m'Ă©tait pas acquise. Pourtant,s'il s'agit vraiment de ou d'un Lewis-Maria, il devrait m'aider. Qu'est-ce qu'il en empĂŞche ? Je comprends, ce n'est pas qu'il ne veut pas, c'est qu'il ne peut pas. Et il m'explique qu'il craint que quelque chose nous a repĂ©rĂ©.

    « Tu crois qu'il y a un gardien de l'autre coté ? Comme je suis sensĂ© l'ĂŞtre de ce cĂ´tĂ© ci ?
    Non, au contraire. Je ne pense pas qu'on cherche Ă  nous barrer l'accès. Je suis mĂŞme tentĂ© de penser que nous sommes le bienvenu, voire mĂŞme attendu. Pourtant, nous ne pouvons pas passer Ă  notre convenance. C'est un peu comme si... l'air de l'autre cĂ´tĂ© n'Ă©tait pas bon pour nous.
    Si je comprends bien, celui ou celle qui nous a repĂ©rĂ©s de l'autre cĂ´tĂ© est tout Ă  fait disposĂ© Ă  ce que nous passions mais son monde ne serait pas viable pour nous. Pourtant, il va bien falloir trouver une solution. L'IA ne va pas tarder Ă  rĂ©agir. »

    Effectivement, le Jovien fait savoir qu'il n'apprĂ©cie pas la tournure prise par les Ă©vĂ©nements. Ayant Ă  sa disposition toute une batterie de missiles, tourelles lasers et autres Ă©metteurs de champs Ă©lectromagnĂ©tiques, il commence par envoyer une bonne dizaine de missiles. Mais je suis le Kraken, je suis le roi du camouflage. Aussi, ce n'est finalement pas compliquĂ© pour moi que d'activer ce mode de dĂ©fense. Ainsi, un champ entoure la navette qui induit les missiles en erreur et les fait se perdre et exploser dans le vide.

    « Quelque chose vient de disparaĂ®tre ! » dit le cafard dans la radio.

    Je lui explique que ce n'est que moi, pour Ă©chapper aux missiles. Mais il me dit que non, qu'il parle d'autre chose, de l'autre cĂ´tĂ©. Quelque chose a disparu de l'autre cĂ´tĂ© de la Gate. Dans le MĂ©ta-Monde ? Je pense Ă  quelque chose. Je lui demande si, dĂ©jĂ , il a vraiment les moyens d'avoir des informations sur ce qui se passe de l'autre cĂ´tĂ©. Mais non, c'est autre chose. Il n'a pas d'information, aucune certitude, que des intuitions qu'il n'a aucun moyen de confirmer. OK, il va falloir faire avec. Mais son intuition lui dit-elle que ce qui a disparu a rĂ©apparu ? Pas du tout ! Et contrairement Ă  ce que je pensais, il n'y a pas de lien entre ce que je fais ici et ce qui peut se passer de l'autre cĂ´tĂ©. Pourtant, si son intuition ne le trompe pas, il s'est bien passĂ© quelque chose de l'autre cotĂ©. Mais quoi ?

    Un nouveau message radio, du Jovien. Que veut-il ? Que je rentre Ă©videmment, mais pas seulement. Son ton a changĂ©. En vĂ©ritĂ©, il est maintenant clairement agressif. Il me somme de rentrer sous peine de reprĂ©sailles. En vĂ©ritĂ©, il est très clair que mĂŞme si je rentre, il y aura des reprĂ©sailles. Le Jovien n'a pas du tout apprĂ©ciĂ© que je m'enfuie et compte bien se venger. Mais alors que la voix de l'IA monte dans les aigus, je la sens se briser, se fractionner, se diviser. L'IA n'est plus une mais plusieurs voix. Plusieurs Voix... Mortes ! Les Voix Mortes ? Le Horla de Millevaux ? Que font-elles dans l'espace ? Et depuis quand sont -elles au service du Bureau des Narcotiques ? Car ce sont bien eux qui sont derrière cette station, non ? En tout cas, aucun moyen que je retourne lĂ -bas. N'ayant que peu d'autonomie et aucune idĂ©e de lĂ  oĂą se trouve la plus proche planète, je n'ai d'autre choix que de m'en remettre au cafard.

    L'aide de ce dernier ne m'est pas acquise. Il ne se comporte pas en ennemi mais il demeure malgrĂ© tout mĂ©fiant et je n'exclus pas qu'il ait une idĂ©e derrière la tĂŞte. Pourtant, comme il est exclu de retourner Ă  la station, je suis bien obligĂ© de lui demander son aide. L'Organisation pour laquelle il travaille m'accueillerait-elle ? Cela lui semble peu probable mais qu'en est-il de l'autre Organisation, celle au nom de laquelle il doit dĂ©truire l'Organisation ? Non plus, mais ils peuvent quand mĂŞme faire quelque chose pour moi Ă  condition que... j'accepte d'aller de l'autre cĂ´tĂ©. Le cafard peut faire en sorte que je traverse la Gate. Mais une fois de l'autre cĂ´tĂ©, j'aurai une mission Ă  accomplir.

    Si c'est vraiment le mĂ©ta-monde de l'autre cĂ´tĂ©, j'ai tout intĂ©rĂŞt Ă  accepter. Et si c'est autre chose, j'aurais au moins Ă©chappĂ© au Jovien/Voix Mortes. Mais alors que je rĂ©flĂ©chis, des voyants s'allument. Je ne comprends pas ce qu'ils signifient. Le cafard m'explique qu'une forme de vie Ă©merge de la Gate. La SingularitĂ© se met littĂ©ralement Ă  grouiller. Dans l'espace, elle prend forme. Le vide se rĂ©sorbe, se comble. Un entrelacs de tentacules gĂ©ants Ă©merge du vide, grandit. Il en Ă©mane une odeur forte de putrĂ©faction. Je ne sais pas comment il est possible qu'une telle odeur se rĂ©pande dans l'espace jusqu'Ă  envahir le cockpit de ma navette. Et pourtant, l'impossible se produit. Dans cette masse de tentacules grouillantes et grandissantes apparaissent des gueules dĂ©goulinantes de bave. Certaines excroissances se terminent par des sabots. Je reconnais Shub-Niggurath. De l'autre cĂ´tĂ©, ce n'est pas le mĂ©ta-monde. Ou alors, le MĂ©ta-Monde, c'est Millevaux !

    La Chèvre Noire des Bois aux Mille Chevreaux projette une grappe de tentacules dans ma direction. Je suis littĂ©ralement happĂ© par l'avatar de la Mauvaise Mère qui me ramène dans la forĂŞt maudite. Ă€ la peur que ma navette ne se dĂ©sintègre se mĂŞle cette pensĂ©e : vais-je retrouver mon petit camp de la mort ?

    Je n'ai aucune idĂ©e de ce qui a bien pu se passer. Visiblement, ma navette s'est crashĂ©e mais je n'ai aucune souvenir de mon entrĂ©e dans l'atmosphère millevalienne, ni de l'impact. Je ressens une vive douleur au niveau de la cage thoracique. Je me palpe. Je sens que j'ai quelques cĂ´tes fĂŞlĂ©es. Je soupire et... ça fait mal. J'arrive Ă  marcher bien que chaque pas soit douloureux. Je fais le tour de ce qui reste de la navette. Il y a malgrĂ© tout quelques petites choses utiles Ă  rĂ©cupĂ©rer. Je ramasse 3 rations de survies, incluant heureusement de l'eau. Il y a aussi un couteau de survie qui pourrait bien m'ĂŞtre très utile. Je regarde autour de moi. Je ne reconnais absolument pas cette partie de la forĂŞt. Suis-je loin de mon petit camp de la mort ? Dans quelle direction se trouve-t-il ? Je remarque que certains arbres, en haut de leur tronc, sont couverts d'excroissances translucides de couleur ambrĂ©e. C'est vaguement translucide mais je ne devine rien de qui pourrait se trouver Ă  l'intĂ©rieur.
    Je rĂ©flĂ©chis et me rappelle qu'en tant qu'Ancien, que Kraken, je possède les dons de TĂ©lĂ©pathie et de Possession. Ils me permettent entre autres de communiquer avec mes Avatars. Et il se trouve que j'en ai toujours normalement trois ici. Je me concentre et je les trouve. Je leur dĂ©cris l'endroit oĂą je suis. Est-ce qu'ils le reconnaissent ? Oui, du moins ils le pensent. Alors, suis-je loin du camp ? PlutĂ´t oui, mais il est possible de venir Ă  pied. Dans ce cas, je me mets en route.

    Je marche plusieurs heures. Je respire difficilement Ă  cause de mes cĂ´tes. J'arrive dans une petite clairière. LĂ , il y a partout plantĂ©es des sortes de petites poupĂ©es faites de branches, de grosses cordes et de bouts de tissus. Une boule de terre fait office de tĂŞte et de l'herbe remplace les cheveux. Je devine qu'il doit s'agir d'un lieu sacrĂ©. Il fait maintenant presque nuit et il n'y a plus un bruit Ă  part ma respiration sifflante. Au dessus de moi, je vois voler un groupe de chauve-souris. Par rĂ©flexe, je me jette au sol et me couvre la tĂŞte de mes mains.
    Une fois le nuage de chauve-souris passĂ©, je me relève. Ce lieu est sacrĂ©. Ici, des gens ont accompli des rites, lesquels ?, afin de conjurer le sort, d'obtenir des rĂ©ponses. Mes avatars m'ont indiquĂ© le chemin Ă  suivre. Pour autant, y arriverais-je seul ? Je ne peux pas leur demander d'abandonner le camp pour venir me chercher. Les Voix Mortes en profiteraient. Et il est mĂŞme possible que le Bureau des Narcotiques n'attende que ça. Aussi, je fais le tour de la clairière. J'erre entre ces poupĂ©es. Je cherche Ă  comprendre quels rites Ă©taient accomplis ici et comment. Il me reste des Billes. Alors, j'en prends deux et m'en vais dans le passĂ© de ce lieu. LĂ , je me mets Ă  l'Ă©cart et observe. Ă€ cette Ă©poque, le site est mieux structurĂ©. Je me rends compte qu'aujourd'hui il n'est plus qu'une ruine. MĂŞme les poupĂ©es ont meilleure allure. Ceux qui sont lĂ  ont les cheveux roux mais surtout... ils ont les mains palmĂ©es ! On amène celui qui va faire office d'offrande dans ce qui s'avère ĂŞtre un rituel sanglant. La victime, Ă©galement rousse et aux mains palmĂ©es, est solidement maintenue par un autre. L'officiant s'approche. Il porte une petite hache et s'en sert pour pratique de larges incisions dans les avant-bras du sacrifiĂ© qui est ensuite promenĂ© dans toute la clairière, arrosant chaque poupĂ©e de son sang. J'ai compris. Je retourne Ă  mon Ă©poque.
    Je me saisis du couteau de survie et pratique sur moi-mĂŞme les mĂŞmes incisions que sur le sacrifiĂ© du passĂ©. Ça fait très mal mais je tiens bon. J'arrive Ă  rester debout et Ă  marcher. Je rĂ©pands autant de sang que possible sur le sol et les poupĂ©es. Puis, ma vision devient de plus en plus floue Ă  mesure que monte en moi une angoisse terrible [faire jouer leur peur aux PJs]. Je suffoque littĂ©ralement. Je ne parviens plus Ă  respirer. Je suis sur la terre ferme et pourtant... je me noies ! Cette sensation est horrible ! J'Ă©touffe ! Autour de moi, hallucinations ?, je vois des cordes jaillir du vide et s'enrouler autour de mes bras et de mes jambes. Je suis... liĂ©. Je sens et entends un craquement dans ma cage thoracique. Tout devient noir.

    Quand je me rĂ©veille, il est lĂ . Il me regarde. Il a veillĂ© sur moi. Il va m'aider Ă  rentrer chez moi. Il s'appelle Oriente. Oriente est une ombre Ă  la texture de cuir dont la tĂŞte Ă©voque le crâne d'un cerf. Il ne parle pas. Il communique Ă  sa façon. C'est un peu comme s'il envoyait des images directement dans ton cerveau et que celui-ci parvenait Ă  les transformer en concepts ou en mots qu'on peut comprendre. Tout ça pour dire que je n'ai jamais entendu le son de sa voix. Et pourtant, nous avons parlĂ©. Pas beaucoup mais nous avons parlĂ© quand mĂŞme.
    Oriente allait ĂŞtre mon guide. Mes trois avatars m'avaient indiquĂ© la route jusqu'Ă  mon petit camp de la mort mais cela ne suffisait pas. De plus, en chemin, il y avait des choses Ă  accomplir. Et pour ça, Oriente allait m'aider. Une fois qu'il m'a fait comprendre ceci, nous nous sommes mis en route. Je ne sais pas si c'est sous son influence mais je me sentais mieux. Mes cĂ´tes ne me faisaient plus souffrir.

    Nous marchons longtemps. Il fait nuit noire quand nous nous arrĂŞtons dans ce qui fut un cimetière. Les pierres tombales sont pour la plupart brisĂ©es, renversĂ©es. Les tombes elles-mĂŞmes sont fracturĂ©es et des racines en sortent... ou rentrent. La grille en fer forgĂ© qui servait de porte rouille quelque part dans l'herbe. Il règne ici un silence pesant et... j'ai soif ! Oriente, manifestement, s'en fiche. A sa façon, il me dit que ceux qui dorment ici souffrent de l'oubli. Et je lui rappelle que tous les habitants de Millevaux sont touchĂ©s par l'oubli. Tous, nous sommes destinĂ©s Ă  oublier et ĂŞtre oubliĂ©s. Ici, cela se passe finalement seulement plus vite qu'ailleurs. C'est parce que nous oublions trop vite que la rĂ©alitĂ© des souvenirs nous rattrape parfois et nous confronte Ă  bien des souffrances qu'on Ă©tait finalement heureux d'avoir oubliĂ©. Normalement, le rythme, la vitesse de la vie et de l'oubli font qu'on meurt avant d'ĂŞtre rattrapĂ© par sa mĂ©moire, non ? Et de nouveau plane un essaim de chauve-souris. Je comprends que j'ai ici quelque chose Ă  faire. Mais quoi ? Un cimetière. Si j'avais encore le masque du Toxique je pourrais peut-ĂŞtre voir les morts, entendre ce qu'ils ont Ă  dire. Mais ce masque, grâce Ă  la Bille je peux l'avoir, non ? Si ! J'enfile le masque et regarde autour de moi. Un migraine s'installe discrètement dans mon crâne. Elle fait office de radar. De sonar, comme les chauve-souris. Je sens leur prĂ©sence froide autour de nous. Oriente m'a menĂ© ici pour que j'entende la voix des morts. Les Voix Mortes ! Le Jovien ! L'IA qui me retenait prisonnier. Mais s'agit-il vraiment des Voix Mortes ou seulement de fantĂ´mes ? Alors, je leur demande. Et les morts me rĂ©pondent qu'elles sont bien les Voix Mortes mais pas le Jovien. Je crois comprendre. De mĂŞme qu'il peut y avoir diverses versions d'un mĂŞme personnage Ă  travers les mondes et les Ă©poques, pourquoi n'y aurait-il pas diverses versions des Voix Mortes ? Mais celles-ci sont elles celles qui m'ont mis sur la piste du Colosse ? Non mais elles savent... et ne m'en disent pas plus.
    En vĂ©ritĂ©, je ne suis pas ici pour recueillir des informations sur mes petites affaires. Oriente m'a conduit ici pour que je recueille la voix des morts. Alors, qu'ont-ils Ă  dire ?

    « La vase lugubre soumet le blĂ©. Le timorĂ© est impatient de mourir. Le guerrier de plume est parti. Il a faim. Il veut apprendre... la magie ! »

    Je retire le masque du Toxique. Les Voix Mortes disparaissent. Je me tourne vers Oriente. Il ne dit rien mais je comprends que je dois ici accomplir un rituel car je suis le Kraken. Alors je dis :

    « Je suis le Kraken !
    Ici et maintenant, je fais un acte magique pour que la vase se retire et rĂ©vèle le blĂ© de la magie qui apaisera votre faim.
    Vous qui Ă©tiez les Guerriers de Plume avez faim de magie. Non pour l'exercer mais pour qu'elle s'exerce.
    Seul la magie pourra restaurer votre souvenir.
    Alors, je laisse ici ce masque magique et quiconque le portera se souviendra de vous.
    Je suis le Kraken ! »

    Je n'ai aucune idĂ©e du bien-fondĂ© ni de la portĂ©e de mon acte. Les Voix Mortes, ces fantĂ´mes de guerriers de plume, sont-elles ou ils satisfaits ? Je me tourne vers Oriente. Il lève lentement la main gauche et l'abaisse tout aussi lentement. Je sens que tout cela n'Ă©tait pas suffisant mais on ne pourra plus maintenant ni revenir en arrière ni aller plus en avant. Il faut partir.
    Aurai-je mal interprĂ©tĂ© les mots des Voix Mortes ? Je presse Oriente de me rĂ©pondre. Il me fait signe que cela suffira. Nous quittons le cimetière et nous enfonçons dans la nuit... noire. Puis Oriente s'arrĂŞte. Il pose ses affaires au sol. Il tire de son sac plusieurs petites bourses qui s'avèrent ĂŞtre remplies de poudres de diffĂ©rentes couleur. Il trace au sol un cercle et, Ă  l'intĂ©rieur, plusieurs symboles gĂ©omĂ©triques multicolores. Il s'assoit au milieu et me fait signe de le rejoindre. Je m'assois face Ă  lui. Nous sommes très proches. Il prend ma tĂŞte entre ses mains et presse mon front contre le sien. Une vision me foudroie. J'ai le rĂ©flexe de reculer mais Oriente me maintient fermement. Je vois.

    L'espace. Le vide. Puis soudain, quelque chose. Une boule de matière. Une boule d'humus qui se dĂ©ploie. Des tentacules, des membres, des gueules baveuses garnies de crocs acĂ©rĂ©s. Des cornes. Des sabots. Tout cela se dĂ©plie dans une forme vaguement humanoĂŻde. Oriente ne me montre pas l'avenir. Il me montre le prĂ©sent. C'est en train d'arriver. L'important, ce n'est pas lĂ  oĂą je vais. L'important, c'est le pĂ©riple. Ă€ chaque Ă©tape, cette chose grandit et il ne tient qu'Ă  moi que mon arrivĂ©e Ă  mon petit camp de la mort coĂŻncide avec sa mort. La mort de cette chose qui ne doit pas ĂŞtre. Et je saisis la portĂ©e de mon Ă©chec dans le cimetière. Je sens qu'Oriente m'en veut mais je sens aussi qu'il comprend. Je ferai mieux la prochaine fois, promis !

    Nous avons marchĂ© longtemps et dans le silence. Je suis Oriente Ă  travers la forĂŞt. Il fait nuit quand nous arrivons devant l'entrĂ©e d'une grotte. L'air est Ă©trange, plus... dense. Il y a quelque chose d'Ă  la fois liquide et Ă©lectrique. J'ai toujours aussi soif et mon guide s'en moque toujours. En fait, la nature de l'air l'inquiète. Je comprends qu'il voit lĂ  le signe d'une prĂ©sence hostile. Aussi, nous devons nous mettre Ă  l'abri. Au loin, nous entendons des feulements. Oriente me fait signe d'entrer dans la grotte. Il me suit mais je vois qu'il continue Ă  scruter l'entrĂ©e.

    Je me rassure en me disant que cette caverne n'est pas le repaire d'une crĂ©ature plus dangereuse que celle que nous fuyons. J'ai confiance en mon guide. Il sait ce qu'il fait. En vĂ©ritĂ©, je pense que ce n'est pas seulement par opportunisme qu'il m'a conduit ici. Nous avons quelque chose Ă  faire dans cet grotte. Mais nous devons trouver l'endroit prĂ©cis. Je me retourne vers Oriente en quĂŞte d'un signe par lequel il confirmerait mes pensĂ©es. Il demeure impassible mais je sais que j'ai raison. Nous nous enfonçons encore dans le noir. Et plus je marche, plus je sens l'angoisse monter en moi. La peur monte comme monterait l'eau au fond d'un puits. Plus je marche, plus j'ai peur. L'angoisse m'arrive aux chevilles, puis aux genoux. La peur, c'est l'eau qui me noiera de l'intĂ©rieur. Et dĂ©jĂ , je suffoque. Je cherche de l'air. Mais cet air est bizarre. Il est trop dense, trop solide pour rentrer comme il faut dans ma bouche. Je vais me noyer ici, dans cette grotte. Je m'enfonce. Je vais vers le fond de cette grotte. Je vais moi-mĂŞme m'enterrer au fond de ce puits qui se remplira d'eau et qui me tuera. Je vais connaĂ®tre la mort la plus horrible qui soit. Mon agonie sera lente et douloureuse. S'il y a une chose dont j'ai peur, c'est d'Ă©touffer. La mort par noyade est ce qui pourrait m'arriver de pire. Et je sens que l'air de cette grotte, comme ma peur, va me submerger, me recouvrir et m'Ă©touffer. Je me retourne. Oriente est derrière moi. Il me fait un signe de tĂŞte. Il sait ce que je ressens mais, Ă  sa manière, il me rassure. Ce n'est qu'un mauvais moment Ă  passer.
    Je reprends peu Ă  peu le contrĂ´le de moi-mĂŞme. C'est difficile. De mĂŞme que je reprends mon souffle, je reprends le fil de mes pensĂ©es. Ce n'est pas par hasard qu'Oriente m'a conduit ici. Une grotte et ce sentiment de me noyer. Tout cela est une mĂ©taphore. Cette forĂŞt, ce voyage, ce retour jusqu'Ă  mon petit camp de la mort. Tout cela a une fonction. Ce passage par cette grotte est une renaissance. Je m'enfonce dans le noir et je m'y noie. C'est le ventre de ma mère bien sĂ»r. C'est ça qu'Oriente a voulu pour moi. Une renaissance. Il m'a confrontĂ© Ă  ma plus terrible peur, Ă  la mort, pour renaĂ®tre. Maintenant, nous pouvons reprendre notre chemin vers la mort. C'est bien ça ?
    Oriente me saisit par l'Ă©paule et me fait faire demi-tour. J'ai bien compris. Cette Ă©tape avait pour fonction de me purifier, de me rendre plus fort. Une transformation s'est opĂ©rĂ©e. Mais laquelle ? Je ne sais pas. Il s'est passĂ© quelque chose, c'est certain. Mais pour autant, je n'ai plus confiance en moi pour ce qui est de la rĂ©ussite de notre entreprise. Ce qui est en train de se rĂ©veiller poursuit son propre chemin. Dans le vide de l'espace, il se dĂ©ploie, il s'Ă©tire. Et moi, suis-je maintenant plus Ă  mĂŞme de l'arrĂŞter ?
    Alors, je fais signe Ă  Oriente que je refuse de le suivre. Je refuse de remonter Ă  la surface. Pourquoi attendre plus longtemps quand je peux tenter ici-mĂŞme le tout pour le tout et renvoyer cette forĂŞt dans le sommeil dont elle Ă©merge tranquillement ? N'ai-je pas Ă  l'instant triomphĂ© de ma peur ? S'il y a un moment, c'est maintenant ! Car je suis le Kraken ! Alors je m'enfonce au plus profond de la caverne, au plus profond de cette mĂ©taphore du ventre de ma mère, au plus profond de la forĂŞt, de cette forĂŞt qui s'Ă©veille Ă  la vie quelque part dans le vide cosmique.
    Je cherche dans ce dĂ©dale l'endroit idĂ©al. J'ai peur de laisser passer le moment fatidique. Je cours dans le noir. Oriente n'est plus derrière moi. Pourtant, je sens sa prĂ©sence.j'ai besoin d'un signe me disant que je suis au bon endroit. Je gobe une Bille et j'entre dans une salle. En son centre, le sommet d'une stalagmite est sculptĂ© et reprĂ©sente une mante religieuse. Je pense Ă  Cheval du Diable, la lecture qui m'a conduit Ă  Millevaux. Le secret des Mantes m'a conduit dans la forĂŞt qui m'a conduit dans l'espace oĂą la forĂŞt va s'Ă©veiller. Et au cĹ“ur de la forĂŞt, dans le ventre de ma mère, je trouve cette statue d'une mante. Je ne suis pas sĂ»r de tout comprendre mais je sens qu'une boucle est bouclĂ©e. Je ne percerai pas le secret des mantes. L'expĂ©rience de mon petit camp de la mort est vouĂ©e Ă  l'Ă©chec. Ce secret n'a pas vocation Ă  ĂŞtre brisĂ©. Pas par moi. Pas pour moi. Pas maintenant. Je suis le Kraken, la crĂ©ature marine qui a peur de se noyer. J'ai fait ma quĂŞte de cette question de savoir si j'Ă©tais un ĂŞtre rĂ©el ou juste une fiction, un personnage de jeu. En rĂ©alitĂ©, cela n'a aucune importance. Je suis quelqu'un de plutĂ´t calme et discret. Stable, je dirai. En cela, j'ai tendance Ă  soutenir l'Hommonde. Et pourtant, j'aime le jeu. Et le jeu ne doit pas s'arrĂŞter. Or, si je rĂ©ponds Ă  ma question... plus de jeu. Ça, c'est – peut-ĂŞtre – mon penchant pour le cycle. Mais, ma stabilitĂ©, c'est le jeu. Je suis le Kraken. Je suis un ĂŞtre changeant par nature. En rĂ©alitĂ©, et si c'Ă©tait ça l'objet de ma quĂŞte, non pas percer les mystères du MĂ©ta-Monde mais juste dĂ©passer ce paradoxe dans lequel je m'Ă©tais enferré ? Et si tout cela avait eu pour but non pas de percer le secret de mon Ă©ventuelle rĂ©alitĂ© mais de me faire choisir entre l'Hommonde et le Cycle ? Alors, face Ă  la mante, je rĂ©flĂ©chis. Si je tente de gagner le MĂ©ta-Monde pour savoir si c'est vraiment le mien, ce sera la fin du jeu, de tous les jeux. Si je me borne Ă  renvoyer la forĂŞt dans le sommeil, un cycle s'achève. Mais un autre recommencera car la forĂŞt reviendra. Millevaux revient toujours.

    « Je suis le Kraken !
    Ici et maintenant, j'examine la situation du point de vue du MĂ©ta-Monde.
    Ici et maintenant, les règles affirment que je ne peux pas gagner contre la forĂŞt car je n'ai plus assez de dĂ©s dans ma rĂ©serve.
    Ici et maintenant, j'ai un sentiment de DĂ©jĂ -vu. Je me rappelle d'un autre Cycle au terme duquel j'ai tuĂ© le Titan-Millevaux, l'avatar de la ForĂŞt, l'avatar de Shub-Niggurath.
    Ici et maintenant, je gobe mes dernières Billes.
    La ForĂŞt se rendort.
    Je suis le Kraken ! »


Commentaires de Thomas:

A. Les Joviens gazeux ça vient de Lovecraft, il me semble :)

B. « Oui et oui » répond le Jovien.

    Il manque une rĂ©ponse. Oui, il y a des moyens de dĂ©tection. Oui, il  y a des armes. Mais qu'en est-il des moyens de communication ?
   
On peut pas être sûr qu'il a bien répondu à ces questions-là :)

C. Noande qui regarde le joueur et le personnage évoque les cauchemars de Cœlacanthes et le « Fais pire, au nom de l'Abysse »

    D. « Oriente est une ombre Ă  la texture de cuir dont la tĂŞte Ă©voque le crâne d'un cerf. »
       Je vois que tu as utilisĂ© le mĂŞme portrait que pour notre partie d'Oriente en commun :)

E. « La vase lugubre soumet le blé. Le timoré est impatient de mourir. Le guerrier de plume est parti. Il a faim. Il veut apprendre... la magie ! »
D'où ça vient cette phrase ?

F.     « Aurai-je mal interprĂ©tĂ© les mots des Voix Mortes ? Je presse Oriente de me rĂ©pondre. Il me fait signe que cela suffira. Nous quittons le cimetière et nous enfonçons dans la nuit... noire. Puis Oriente s'arrĂŞte. Il pose ses affaires au sol. Il tire de son sac plusieurs petites bourses qui s'avèrent ĂŞtre remplies de poudres de diffĂ©rentes couleur. Il trace au sol un cercle et, Ă  l'intĂ©rieur, plusieurs symboles gĂ©omĂ©triques multicolores. Il s'assoit au milieu et me fait signe de le rejoindre. Je m'assois face Ă  lui. Nous sommes très proches. Il prend ma tĂŞte entre ses mains et presse mon front contre le sien. Une vision me foudroie. J'ai le rĂ©flexe de reculer mais Oriente me maintient fermement. Je vois. »

Si tu veux des idées pour des rituels, je te conseille Les Sentes :)

G. « Je me rassure en me disant que cette caverne n'est pas le repaire d'une créature plus dangereuse que celle que nous fuyons. » 
Vas-t-en savoir :)

H. « La peur monte comme monterait l'eau au fond d'un puits. »
Très chouette image !


Réponse de Damien:

Ouloulou alors pour le jovien, j'ai eu une espèce d'illumination un jour sur un extraterrestre vivant dans un sorte de solipsisme. du coup, je me suis amusĂ© Ă  imaginer comment il percevrait l'univers partant de lĂ  et… j'ai dĂ» lire un bouquin de SF avec des alien sur Jupiter Ă  la mĂŞme pĂ©riode XD mais bon, en ce qui me concerne, Lovecraft est toujours lĂ  quelque part ^^  Pour Oriente, j'aime bien ce look et il fait Ă©cho aussi Ă  un des avatar du tueur de l'Hommonde dans la trilogie de la crasse, ce qui est pratique pour lier les 2 ^^ pour la phrase bizarro… elle vient juste d'un tirage de mots-clĂ©s au pif avec les cartes de muses et oracles. des fois, ça rend bien… de fois, mĂŞme, ça veut dire quelque chose… Pour les voix mortes, c'est surtout un clin d'Ĺ“il au festival organisĂ© par Christophe SiĂ©bert. lĂ , ça collait bien, enfin je trouve. et pareil pour La Nuit Noire qui est un super roman du mĂŞme SiĂ©bert. et je suis toujours preneur de conseils pour des rituels Ă©videmment ? et merci pour le compliment concernant l'image ^^ en vrai, je ne sais plus du tout d'oĂą elle m'est venue celle-lĂ . serait-ce juste… l'inspi du moment? je crois que oui ^^


Thomas :

Je te confirme qu'il y a une nouvelle de Lovecraft qui évoque des gaz intelligents peuplant Jupiter :) (Celui qui chuchotait dans les ténèbres, la nouvelle sur les MI-Go). J'avais moi aussi utilisé ces gaz intelligents dans une campagne maison de L'Appel de Cthulhu ?


Damien :

nan mais aussi bien je l'ai lu il y a longtemps et elle est restée gravée quelque part dans mon subconscient ? est-ce vraiment une bonne nouvelle ? ?


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
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#13 16 Mar 2023 14:44

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Oriente] Comptes-rendus de partie

LA FORĂŠT SUBCONSCIENTE

Le final d’une campagne steampunk cafardesque joué avec Oriente, pour un climax introspectif et onirique. Un récit par Damien Lagauzère.

(temps de lecture : 4 min)

Joué le 13/10/2019

Le jeu principal : Oriente, perdre ses repères en traversant la forêt de Millevaux


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Bob Jagendorf, cc-by-nc


Le contexte :

Salut, ayant joué la dernière partie de ma campagne de La trilogie de la crasse / SteamShadows/ Eat your darlings/ Cabeswater / Ich und meine maske avec… Oriente, je t'envoie cette dernière partie ^^


L’histoire :

Je n’ai jamais vu Oriente reculer face à quoi que ce soit. En vérité, je n’avais jamais vu Oriente avant ce jour. Pourtant, je le reconnais. J’ai fui le 2nd Cercle des Horreurs, pourchassé par un Draugr. Je ne suis plus moi-même. La vision qu’il m’a infligé m’interdit désormais de remplir ma mission correctement. J’ai réussi à m’échapper du 2nd Cercle mais je ne suis pas pour autant retourné à Londres. Je suis ici, dans cette forêt, avec Oriente. Il va m’aider. Il va me guider. Grâce à lui, je vais retrouver mon chemin dans cette forêt… jusqu’à Londres et aussi jusqu’à la sérénité.

Oriente m’interroge quant aux motifs de mon voyage. Je ne lui cache rien. Je suis un Cafard déguisé en humain. Je me suis réfugié dans ce Londres victorien afin d’étudier ce que je pensais être les « autres » mondes des morts, les alternatives à la Plage des Cafards. En réalité, il s’agissait des Cercles des Horreurs. Alors, j’ai accepté la proposition d’une Steamshadow et me suis mis à chasser les Horreurs, en profitant pour explorer leur territoire. Mal m’en a pris. Le Draugr a été plus fort que moi. Je ne cesse de penser à cette horrible vision de mort qu’il a imprimé dans mon âme. C’est d’elle que je dois me délivrer. Je compte sur Oriente et notre voyage pour y parvenir.

Je ne comprends pas bien le sens de la proposition d’Oriente. Pourquoi envoyer une personne naïve à la recherche d’une proie imaginaire alors que nous ne sommes que tous les deux ? Mais, ce doit être une sorte de métaphore. Est-ce que cela signifie que ma quête est, ou fut, celle d’une personne naïve à la recherche d’une proie imaginaire ? Est-ce que cela veut dire qu’il n’y avait finalement rien au bout de ce chemin que j’avais emprunté ? Était-ce une naïveté de ma part que de penser qu’il y avait un autre monde des morts que la Plage des Cafards ? Peut-être que tout ça n’est qu’une leçon que me donne mon Maître ? Alors, non ! Je refuse. Pas la peine de faire perdre son temps à qui que ce soit, ni d’abuser de la naïveté d’autrui. Je crois que je viens de mettre un point final à ma propre quête finalement. Et si, une fois de retour à Londres, je renonçais à tout ça pour, simplement, reprendre ma place à la Plage ?

Éloge de l’errance… Oriente n’est pas très bavard. Mais des fois, il parle. Ou plutôt, il explique, il s’explique. Il doit bien voir quand je ne comprends pas les motifs de ses actions. Alors, à sa façon, il m’explique. Et je crois que je comprends. En fait, je me rappelle que cette forêt n’a rien de réel. Enfin, je le pense. Pour moi, elle n’existe pas vraiment. Elle est un produit de mon imaginaire traumatisé par le Draugr. Oriente est mon guide mais il n’est peut-être finalement que la partie encore rationnelle de mon être, cette partie sensée m’aider à y voir plus clair, à retrouver on chemin, à me retrouver moi-même. À moins, qu’il ne soit qu’une émanation de mon Maître ? En tout cas, Oriente ma clairement fait comprendre que cette errance dans les bois avait pour but de me permettre de cheminer avant tout en moi-même et de me purger de cette terreur que le Draugr a enfouie au plus profond de moi. À ce moment-là, nous sortirons de la forêt. Mais en attendant, que notre voyage soit le plus agréable possible…

Évidemment que je me rappelle de mon point de départ ! La Plage ! J’ai fui la Plage, convaincu que mon Maître considérerait comme une hérésie passible de mort ma quête d’un autre monde des morts. C’est pour ça que je me suis caché dan ce Londres alternatif. Et mon point de départ pourrait s’avérer être mon point d’arrivée finalement.

La nuit, pendant qu’Oriente monte la garde, je dors. J’en profite. Je me repose dans tous les sens du terme. Je me repose de nos longues heures de marche. Et j’en profite aussi pour ne plus penser à rien. Je me repose sur… Oriente.

Oriente se montre vulnérable car il veut que je comprenne que c’est là une caractéristique fondamentalement humaine. Je suis un Cafard, certes, mais contrairement à beaucoup de mes semblables j’ai développé une certaine humanité. Et je dois me rappeler ce que comporte cette humanité. Oriente est une part de moi ou une part de mon Maître qui se trouve en moi. C’est une expression, une projection de mon… Inconscient, de mon Surmoi ? Je ne sais pas trop. Mais il est une facette de ce que je suis que je ne dois pas oublier, ni négliger. Cette vulnérabilité n’est peut-être pas une faiblesse finalement. Et peut-être que ce voyage a pour but de m’en faire prendre conscience et ainsi affronter la terreur du Draugr.

Et je me rend compte que je me perds dans des considérations pseudo-psychologiques… Est-ce là la preuve que je me rapproche des humains ? La preuve que je libère de quelque chose ? Que j’accède à quelque chose ? Je n’en sais rien. Quoi qu’il en soit, j’ai l’impression que c’est Oriente qui me conduit à ces réflexions. Alors, certes il n’a rien d’un aliéniste tel qu’on en trouve une multitude à Londres mais j’ai finalement plus confiance en lui qu’en eux. Cela signifierait que, finalement, j’ai peut-être plus confiance en moi que je ne le croyais.

Et voilà, c’est maintenant ! Oriente semble satisfait de notre dernier échange. Je ne m’en étais pas rendu compte mais nous sommes maintenant arrivés à un carrefour décisif. Je peux maintenant poursuivre seul mon chemin et regagner Londres puis, peut-être, si l’envie m’en prend, la Plage. Ou alors, si je le souhaite, Oriente est prêt à me servir de compagnon de route pour autant de temps que je le souhaite. Mais, ce serait abuser de son temps justement. Et peut-être que d’autres « naïfs » ont besoin qu’on les guide, qu’on les éloigne de leurs proies chimériques ? Non, je vais continuer seul maintenant. Je sens la proximité de Londres plus que je ne vois la capitale mais… Je sais où et comment y aller.

Je remercie Oriente. Je ne lui dis pas adieu car il sera là, quelque part, au fond de moi, mon guide dans la forêt…


Commentaires de Thomas :

A. As-tu choisi un portrait pour Oriente pour cette partie ?

B. « Était-ce une naïveté de ma part que de penser qu’il y avait un autre monde des morts que la Plage des Cafards ? »

Un autre monde des morts est possible :)

C. « En fait, je me rappelle que cette forêt n’a rien de réel. Enfin, je le pense. Pour moi, elle n’existe pas vraiment. Elle est un produit de mon imaginaire traumatisé par le Draugr. Oriente est mon guide mais il n’est peut-être finalement que la partie encore rationnelle de mon être, cette partie sensée m’aider à y voir plus clair, à retrouver on chemin, à me retrouver moi-même. »

Je trouve intéressant cette idée qu'en fait on est dans l'inconscient du personnage et qu'Oriente n'est qu'une projection de son inconscient censé le guider :)

D. C'est intéressant que tu ne recopies pas les questions du jeu. Du coup, la narration est fluide et sans méta, plus immersionniste et/ou littéraire.

E. C'est très introspectif comme climax et finalement il n'y a aucune péripétie. Mais je suppose qu'on retrouvera Oriente plus tard, dans d'autres campagnes, dans d'autres situations conflictuelles...


Auteur de Millevaux.
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