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#81 19 Feb 2014 16:56

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

CORBEAUX DES BALKANS

Le Mode Carte Blanche : Inflorenza avec un MJ !

Joué le 26/01/14 avec Maud (Clarince De Vries) et David (Gaïa De Vries)

Suite aux relectures et aux playtests, j’ai constaté que le partage de la narration, tel qu’il était présenté dans les règles d’Inflorenza, accordant énormément de libertés créatives à chaque joueur, était loin de convenir à tous ceux qui par ailleurs étaient séduits par le propos du jeu. Moi-même, lors des playtests, il n’était pas rare que j’utilise mon rôle de Confident pour endosser des responsabilités sur la narration très proches d’un jeu de rôle traditionnel.
J’ai donc formalisé cette dualité en créant deux modes de jeu pour la version finale du livre : le mode Carte Rouge, où chaque joueur contrôle l’histoire autour de son personnage, et le mode Carte Blanche, ou chaque joueur contrôle son personnage et le Confident, l’histoire autour.

Ce mode était certes proposé à la fin des conseils de jeu, mais je vais plus loin en en faisant un mode officiel dès le départ. Inflorenza devient donc un jeu hybride !
Je savais que ça pouvait fonctionner, il ne s’agissait que de reprendre les mécaniques normales mais en donnant au Confident la responsabilité de gérer l’intrigue, le décor, les figurants, en lui permettant d’exiger des conflits simples pour éviter certaines réussites automatiques. Mais ça m’aurait fortement ennuyé de sortir le livre sans l’avoir testé au moins une fois.

C’est chose fait avec cette partie, où j’ai pu tester une autre option qui bouleverse Inflorenza : le jeu sans instance. Je me retrouve alors avec un jeu de rôle à narration partagée très proche d’un jeu de rôle traditionnel (comme Apocalypse World), très fluide, très intuitif, mais qui reste du Inflorenza, grâce aux dés de sacrifice, grâce aux phrases, grâce aux pouvoirs.

Puisque c’était la journée du test, j’en profite pour expérimenter le dernier setting de l’Atlas encore jamais testé : les Balkans. Cette région de Millevaux a été rédigé par un ami, d’origine bosniaque.

Et pour rajouter une couche, je propose aux joueurs d’incarner exclusivement des Corax. J’avais envie de creuser le jeu autour de ces créatures, et comme David en avait déjà joué un dans la campagne Tre Città per morire, et que Maud était relectrice du jeu, je savais que mes joueurs seraient à l’aise pour en incarner.

Je propose à David et Maud, pour accentuer le mimétisme avec un jeu de rôle classique, de faire une création de personnage avant de jouer, avec trois phrases chacun (une avec le verbe « vouloir », une avec un lien avec une phrase de l’autre joueur).

On cogite au concept de leur perso et assez naturellement, il nous vient à l’idée que David jouera Gaïa, la fille adoptive de Fra de Vries, son perso Corax dans la campagne Tre Città per morire. On décide que ça se passe trois ans plus tard, Gaïa n’a donc que trois ans en réalité mais 18 ans en apparence, et toute l’expérience que la généalomnésie lui procure. (pour rappel, les Corax ne vivent que 10 ans, mais leur apparence humaine vieillit en accéléré). Pour faire un lien, Maud décide de jouer Clarince, le fils naturel de Fra, né quelques mois plus tard. Gaïa est donc la grande sœur adoptive de Clarince. Clarince a 15 ans en apparence. Gaïa a les souvenirs de sa mère, l’humaine Elvire Comanecci (mon perso dans la campagne Tre Città per morire) et les souvenirs de son père, un Corax de la Voie du Bouc, et de tous ses aïeux. Autant dire que Gaïa avait de fortes chances de choisir la Voie du Bouc également. Mais sa mère et son père adoptif, Fra de Vries, l’en ont dissuadé, et elle a donc choisi la Voie du Cercle Noir, comme son père. A sa naissance, elle avait déjà un grand pouvoir d’envoûtement, mais il s’est endormi pendant son enfance. Il pourrait bien se réveiller prochainement… Quant à Clarince, en tant que fils naturel de Fra et d’une Corax (dont on n’a pas cité le nom), il est 100% Corax. Il a connaissance de souvenirs liés à la Voie du Bouc parce que des ancêtres de Fra ou de sa mère en faisaient partie. Dégoûté de la magie noire par ses souvenirs généalomnésiques, il a choisi la Voie de l’Extase, une voie attentiste qui consiste à accumuler les connaissances avant de prendre une décision philosophique sur sa nature de Corax.

Fra De Vries possède toujours sa compagnie de navires marchands. Il souhaite conquérir un nouveau territoire commercial jusqu’à présent évité par les italiens : les Balkans. Fra affrète donc un navire rempli de bijoux, d’habits et de draperies, auquel il assigne un capitaine Corax (comme à tous ses bateaux). Sa destination : Spomeny, un port marchand de Croatie. A son bord, les deux personnes en qui Fra a le plus confiance : ses enfants Gaïa et Clarince, dont c’est la première mission d’importance. Leur mission : trouver à vendre leur cargaison et en racheter une nouvelle, avec dans l’optique de dénicher des marchés juteux dans les Balkans.

On part donc complètement sur du bac à sable, mais du bac à sable centré sur les personnages : a chaque fois que je vais générer un élement de décor, une intrigue ou un figurant, ce sera dans l’objectif de le lier à la mission ou aux phrases de Gaïa et de Clarince.

Et ça va fonctionner à merveille. Constats : ce type de jeu est nettement plus lent que le mode Carte Blanche. Le mode Carte Rouge ET le mode sans instance font que je prends du temps pour poser des ambiances et développer des intrigues, on joue beaucoup moins souvent des conflits. On s’est assez vite mise d’accord sur l’idée que ce ne serait pas un one-shot, mais l’épisode pilote d’une campagne.

Concentrés sur leurs personnages, les deux joueurs sont à l’aise comme tout et explorent le décor à fond. Les dés de sacrifice et les pouvoirs vont les amener à passer progressivement du côté obscur de la force : une descente aux enfers très bien encouragée par le système, et tout à fait typique de ce décor cauchemardesque des Balkans. On s’amuse beaucoup lors des bastons, jouées en un seul conflit mais nuancées par les capacités extraordinaires des persos et la couleur et les conséquences imprévues apportées par les dés. Mention spéciale au perso de Maud, qui développe un pouvoir pour ignorer la peur et tue alors ses adversaires à main nue, frappant sans retenue et sans se protéger, terrorisant ses adversaires par sa pugnacité.

Fiction :

Le port de Spomeny n’est pas la pire porte d’entrée des Balkans. Cette chaude station balnéaire au bord de la Mer des Tyrans s’étale à flanc de colline. D’abord un port actif où se cotoient navires croates, serbes, bosniaques, grecs et phéniciens. Tout près des quais, une grosse auberge en pierre et une salle des ventes en bois juste à côté. En montant la colline, on traverse un charmant petit village de maisons de pierre taillée bien fleuries, avec des jardins privés enclos derrière des palissades de pierre. Ce sont essentiellement des maisons de marchands, cossues, très peu sont à l’abandon. Au sommet de la colline, une grande « statue » abstraite datant de l’époque soviétique. La légende (et le vieillard qui passe ses journées à la colporter) raconte qu’elle continue à grandir. Au pied de cette aberration minérale, les yourtes de l’actuel chef de guerre qui possède et protège la ville : Rustovic. Tout autour du village, des grillages et des barbelés, avec des panneaux en alphabet latin, arabe et cyrillique signalant le danger. Derrière, la forêt, truffée de mines antipersonnel et autres explosifs qui poussent à même les arbres, dans les Balkans.

Quand Gaïa et Clarince débarquent à Spomeny, ils sont pris de haut par les gestionnaires du port. Ils s’aventurent dans la salle des ventes, une baraque de bois encombrées de marchands qui font la queue devant des guichets et d’autres habitués qui font leurs affaires sur des guéridons.

Gaïa va faire un tour à l’auberge, un énorme établissement tenu par une mutante tout aussi énorme. Il y a surtout des hommes et des femmes marins, beaucoup sont mutilés à cause des forêts explosives. Ils sont occupés à écluser de la vodka de charogne et à fréquenter les hommes et filles e joie. Gaïa découvre que d’autres marchands y font affaire. Elle négocie avec un certain Radek, un trafiquant d’armes croate, qui lui propose de lui racheter la moitié de sa cargaison. Il lui redonne rendez-vous dans une des loges privées de l’auberge ce soir à 1h du matin.

Gaïa trouve aussi dans cette auberge une loge où l’on vent des armes et des explosifs récoltés dans la forêt. Elle achète un pistolet en bois qui tire des balle en lignine, dont la sève se connecte au sang de son premier porteur et le reconnaît par son ADN, et qui peut sur commande se transformer en tas de branche (idéal pour les fouilles). [pour info, David m’a demandé s’il pouvait acheter un flingue. J’ai dit oui et lui ai concédé une nouvelle phrase, comme une clôture sans conflit. Il a tiré un 3 (nature) et c’est de là que je lui ai proposé un pistolet organique.]

Pendant ce temps, Clarince , resté dans la salle des ventes, découvre une salle des enchères, et graisse la patte de la concierge pour y entrer avec Gaïa. C’est là qu’on vent les cargaisons les plus précieuses. Ils y remarquent un phénicien, le Commandeur Harnipal, qui achète les trois quart des marchandises à lui tout seul, dont une mitre d’évêque jaune sertie de pierres précieuses, originaire de Zagreb.

Le greffier met en vente une fascinante machine à orgones venue de Little Ho Chi Minh Ville. Gaïa et Clarince essayent d’enchérir, mais c’est l’homme au turban, un gras turc barbu, qui emporte une enchère contre eux. Il s’éclipse en leur murmurant une phrase de défi en langue corbeau : c’est lui aussi un Corax.
Gaïa et Clarince sont dépités. La machine à orgones aurait fait un parfait catalyseur de magie noire pour Gaïa, et Clarince n’a pas supporté l’affront de l’homme au turban.

En revanche, ils ont attiré l’attention du Commandeur Harnipal, curieux de voir des florentins assez audacieux pour tenter l’aventure du commerce dans les Balkans. Il leur donne rendez-vous chez lui à 11 h du soir.

Quand Gaïa et Clarince se rendent chez le Commandeur, ils arrivent dans une villa à trois étages,  la plus cossue du village, entourée par un magnifique jardin. Des gardes discrets mais costauds les font entrer. A l’intérieur de la villa, il n’y a que des prêtresses et des novices de la déesse Tanit. Elles guident nos amis jusqu’au troisième étage, entièrement aménagé en salle d’eau. Gaïa et Clarince sont invités à se dévêtir et à plonger dans un immense bassin, accompagnés par deux novices. Au bout du bassin, ils rencontrent le commandeur. Celui-ci veut faire affaire avec eux en ouvrant une route commerciale vers Sarajevo, un point crucial d’import de marchandises de l’Empire Ottoman. Le deal est très généreux : il leur rachète leur cargaison, finance leur expédition et leur concède 30% des bénéfices. Rassurés de voir que le Commandeur est un servant de la bienveillante Tanit et non pas du féroce Moloch, Gaïa et Clarince acceptent la proposition.

Entretemps, un Corax au service de Gaïa a espionné Radek et découvert que ce dernier envisageait de tuer Gaïa et Clarince lors du rendez-vous et d’envoyer une deuxième équipe massacrer son équipage et s’emparer du bateau et de sa cargaison.

Nos deux héros envoient leur bateau se cacher dans une crique conseillée par le Commandeur et décident de ne plus se déplacer sans garde du corps. Un peu plus tard, dans l’auberge, alors que Clarince tente de boire de la vodka de charogne pour s’intégrer, il est pris à parti par un bosniaque immense avec une balafre large comme une main qui lui laboure le visage. Le bosniaque est complètement ivre, il bouscule Clarince, puis voyant celui-ci se plaindre, lui assène un direct à tuer un bœuf.

Clarince prend peur et rompt le combat. Son garde du corps, un marin turc qui a quitté son pays pour fuir l’oppression sheitanite, s’interpose et le bosniaque le réduit quasiment en bouillie. Alors que les autres marins turc du bateau de Fra l’amènent à l’infirmerie, ils apprennent à Clarince que le bosniaque est un gros bras de l’homme au turban.

C’en est trop. Avec les marins turcs, Gaïa et Clarince se rendent chez l’homme au turban. Il a une petite maison dans le village. Il y a de la lumière aux fenêtres. On entre par une cour envahie par une végétation très dense. Gaïa la survole en corbeau, mais Clarince tente de la traverser sous sa forme d’homme. Il manque de se cogner contre un fruit-grenade suspendu à un arbre. C’est un marin turc qui le repousse pour lui éviter une mort certaine et qui dans ce geste, marche sur une racine-mine et se retrouve déchiqueté. Les autres marins turcs prennent la fuite, c’est seuls que Gaïa et Clarince rentrent dans la maison de l’homme au turban, qu’ils retrouvent affairés auprès de la machine à orgones. Il essaye de les enjoindre à rejoindre la Voie du Bouc, sans succès. Le combat éclate. L’homme au turban prend une forme grotesque et obèse d’homme à tête de corbeau. Clarince s’empare de la machine à orgones et s’en sert pour booster l’égrégore de Gaïa. Gaïa lance alors son premier sort d’envoûtement depuis sa naissance. Elle fait croire à l’homme au turban qu’un caillou trouvé par terre est la machine aux orgones. L’homme au turban, sa raison annihilée, caresse le caillou à n’en plus finir.

Ensuite, Gaïa et Clarince retournent à l’auberge avec l’espion Corax, quelques minutes avant l’heure du RDV avec Radek. Gaïa se glisse jusque devant la loge de Radek. Elle devait y retrouver l’espion Corax, mais entretemps, celui-ci, âgé de 10 ans, sentant la vie le quitter, à déserté pour rejoindre sa famille [David avait eu un dé de sacrifice et avait choisi de sacrifier la phrase concernant son espion. J’aurais préféré qu’il meurt, tué par un homme de Radek, mais David a proposé cette option. En tant que Confident en mode Carte Blanche, j’aurais pu lui imposer la mort de son espion, mais comme le disent les règles, le Confident peut imposer mais doit le faire avec parcimonie, aussi j’ai laissé couler. La perte était quand même présente, mais moins cruelle que j’aurais voulu.]

Gaïa neutralise le garde, et défonce la porte de la loge, suivie de Clarince. A l’intérieur, Radek et plusieurs de leurs hommes de main sortent leurs flingues. Gaïa et Clarince répliquent. [Je demande quel est leur objectif pour ce conflit, je fais plusieurs propositions, et ils retiennent : les tuer tous. Ça y est, ils sont passé du côté obscur !] Gaïa effleure plusieurs hommes de main et leur ordonne de se tirer une balle dans la bouche. Clarince, ignorant toute peur, fonce sur Radek et lui défonce le crâne à mains nues.

En quelques heures depuis leur arrivée dans les Balkans, nos deux jeunes Corax ont perdu leur innocence !



Les feuilles de personnages :

Gaïa de Vries (jouée par David)
+ Je travaille avec mon frère dans l'entreprise de Fra de Vries
+ (barré) Je ne veux pas succomber à la Voie du Bouc
+ Je suis experte en corruption sociale (chantage,...)
+ (barré) la famille de mon serviteur a vécu dans les Balkans il y a quelques temps
+ Je suis fascinée par la machine à orgones
+ J'apprends l'existence d'un vendeur d'armes organiques et j'obtiens un pistolet organique lié à moi.
+ L'échec contre l'homme au turban réveille mon essence qui était apparue à ma naissance : Envoûtement d'amour, de chance, de fertilité... (pouvoir)

Clarince de Vries (joué par Maud)
+ (barré) Je ne veux pas utiliser la magie noire tant que je n'aurai pas de meilleur connaissance de toutes les races (Voie de l'Extase)
+ Des membres de la Voie du Bouc ont fait partie de mes ancêtres et nous ont valu les heures les plus noires de notre lignée.
+ (barré) Je sais d'où vient Gaïa, je souhaite l'aider à s'éloigner de la Voie du Bouc.
+ (barré) Je me vengerai coûte que coûte de l'homme au turban.
+ Je n'aurai plus jamais peur de rien (pouvoir)
+ J'ai la machine à orgones et je suis incapable de la détruire.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

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#82 19 Feb 2014 18:48

Arjuna Khan
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Inscription : 26 Apr 2013

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

Rapport trés intéréssant mais j'aimerais revenir dans un premier temps sur le mode carte blanche. Quand tu as recours à un mj, tu ne joue pas de personnage donc tu as une position de descripteur de l'histoire. Mais dans ce cas où s'arrête la narration des joueurs ? Jusqu'au moment où ils interagissent avec un élément de l'univers que tu as posé ? Ont-il un pouvoir de narration supérieur à je sais pas une partie de millevaux sombre  par exemple ? Et quand écrivent-ils leurs phrases ?

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#83 19 Feb 2014 20:15

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

Merci de ton intérêt Arjuna,

Comme tu as playtesté le jeu, tu pourras bientôt en savoir plus parce que je vais t'envoyer le PDF illustré.

Voici ce que je peux te dire pour l'instant sur le mode Carte Blanche.

Les joueurs s'en tiennent aux propriétés de leurs personnages : le passé du personnage, ce qu'il ressent, ce qu'il dit, comment il est équipé... Alors que le Confident contrôle le décor et les figurants. Bon, ça reste une grosse liberté créative pour le joueur, car tu peux déjà en dire beaucoup sur les propriétés d'un personnage. Le Confident a quelques vétos là-dessus mais c'est très limité.

Quand il arrive un truc au perso, ou qu'il obtient un truc qui pourrait être une motivation, une ressource ou un handicap, le Confident lui permet d'écrire une phrase.
Quand le perso veut faire un truc contre le décor ou les figurants, le Confident peut demander à ce qu'on en fasse un conflit simple, ce qui entraîne des phrases à écrire.
Quand deux persos se confrontent, ils jouent un conflit duel, avec encore des phrases à écrire.

Les joueurs ont pas mal de latitudes sur le contenu de leurs phrases, mais le Confident peut apposer quelques vétos (essentiellement pour maintenir la logique et l'intérêt de l'histoire).


Auteur de Millevaux.
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#84 05 Mar 2014 19:28

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

LA FORET GALERIE

Pour ce théâtre entre Alien, Princess Mononoke et Nausicaa, mode Carte Blanche avec un seul joueur et quelques subtilités sur le partage de la narration.

Joué le 21/02/2014 par Google Hangout avec Shiryu (le Ranger)

A l’occasion de la sortie prochaine d’Inflorenza, je souhaitais faire une partie en ligne en mode Carte Blanche que j’aurais enregistrée pour servir d’aide de jeu. Malheureusement, je n’avais qu’un vendredi après-midi comme créneau à proposer, et seul Shiryu, qui fait partie des relecteurs qui m’ont aidé à améliorer le jeu, était disponible.

Qu’à cela ne tienne, j’ai maintenu la partie, histoire pour une fois de jouer dans des conditions proches de la détente, puisque ce n’était ni une démo ni un playtest. Je n’ai pas enregistré la partie, car avec un seul joueur, sans conflit duel ou alliance à montrer, on aurait obtenu une aide de jeu trop insuffisante.

Ceci dit, vous savez ce qui se passe quand on chasse le naturel. J’ai donc proposé à Shiryu de tester un nouveau théâtre : la Forêt Galerie. Un théâtre entre Alien, Avatar et Nausicaa !

Ce théâtre exploite deux régions que je n’avais traitées en jeu : la Lune et la forêt de Bialowiesa en Pologne, dernière forêt primale d’Europe avant C-Day.

L’idée de traiter la Lune en jeu me vient du brainstorming initié par Arjuna Khan, qui demandait des infos sur ce satellite à Millevaux.

Je me suis focalisé sur les échanges entre la Lune et Millevaux. Les colons séléniens cherchent à atteindre l’autosuffisance alimentaire, et pour cela, ils veulent terraformer la Lune, ou du moins, donner un gros coup de fouet à leurs cultures hydroponiques. Ils ont donc conçu le projet de mener des expéditions dans Millevaux, bravant la loi internationale du Blackout, pour en ramener des souches végétales particulièrement prolifératrices.

On considère qu’il y a eu des échanges depuis une trentaine d’années et que les séléniens ont accueilli beaucoup de ressortissants de Millevaux. Mais ils ont eu des problèmes avec la corruption portée par les humains, animaux ou végétaux ramenés du continent vert. Il semblerait que dans l’environnement lunaire aseptisé, la corruption se développe à toute vitesse. Une fois que les scientifiques séléniens ont identifié le principe de la corruption (qui fonctionne d’après eux un peu comme à virus à ARN transcriptase inverse), les expéditions vers Millevaux ont baissé de fréquence, avec des contrôles drastiques au retour, et l’interdiction formelle de ramener de nouveaux autochtones. En quelque sorte, la Lune interdit toute immigration en provenance de Millevaux. Le projet de terraformation reçoit aussi un frein.

Mais les scientifiques ont aussi identifié une zone de Millevaux, la forêt de Bialowieza, qui pourrait leur redonner espoir. Avant C-Day, cette forêt, située à cheval entre la Pologne et la Biélorussie, était la dernière forêt primale d’Europe. Les scientifiques pensent qu’elle a continué son développement pendant l’Ere Forestière, et qu’elle représente la forêt de Millevaux telle qu’elle sera partout ailleurs dans deux cent ou trois cent ans : une forêt aux proportions gigantesques, qui finirait par consommer et filtrer la corruption. Au cœur de cette forêt, ils pensent pouvoir trouver une souche végétale à la fois extrêmement fertile et vierge de toute corruption. Pour aller la chercher, la Lune mise tous ses espoirs dans une nouvelle expédition, expédition à laquelle le personnage de Shiryu va prendre part.

Création de personnage :

Si le mode Carte Blanche se rapproche beaucoup plus d’un jeu de rôle traditionnel que le mode Carte Rouge (mode par défaut présenté dans les 25 premiers comptes-rendus), il reste une forme de jeu très ouverte : absence de préparation hormis l’élaboration d’un théâtre, pas de scénarisation, et une possibilité pour le joueur d’influer beaucoup sur la narration en gardant la maîtrise sur l’écriture de ses phrases : puisqu’écrire une phrase peut générer un fait dans la fiction. Ainsi, si j’écris une souffrance « les hommes du roi me pourchassent », les hommes du roi pourchassent vraiment le perso. On pourra arguer que c’est peut-être une illusion du perso que le Confident pourra ensuite démentir, mais dans 75 % des cas, c’est une vraie génération de fiction.

Pour respecter l’esprit de ce mode, j’ai donc tenté de garder le jeu aussi ouvert que possible, et de laisser à Shiryu le plus de choix possibles, en tant que personnage mais aussi en tant que joueur. Cette attitude d’ouverture avait d’ailleurs donné d’excellents résultats lors de la démo du théâtre « les Chemins de Compostelle » pour le blog de la Cellule (à paraître prochainement), et c’est définitivement cet esprit d’ouverture que je conseille à ceux qui voudraient jouer en Carte Blanche. On pourrait bien sûr préparer un scénario en Carte Blanche et verrouiller les propositions des joueurs, mais à mon sens on en corromprait l’esprit tout en conservant la lettre.

Pour la création de personnage, je lui laisse le choix entre une créa classique (une seule phrase) et une créa approfondie (trois phrases). Shiryu opte pour trois phrases.

Avant que Shiryu écrive toutes ses phrases, on joue la première scène : le dîner de gala qui se déroule dans un luxueux dôme juste la veille de l’expédition. C’est pour moi une occasion in game de lui présenter les figurants, que j’improvise au fur et à mesure.

J’avais prévu que ce théâtre soit sujet à du mélo / drama, une histoire d’amour impossible Lune / Millevaux me tentait bien, j’avais aussi en tête de faire venir une conspiration Néandertal comme ce fut le cas sur Mars. Mais quand je commence à poser des questions, Shiryu me précise bien que son perso, un ranger aguerri et ambitieux, n’a aucune attache. En fait, Shiryu a créé exactement le type de perso que je déteste : le personnage-pion sans aucune âme !

Je sens que mon projet de drama tombe à l’eau et pour le coup, je ne le propose même pas, de peur de forcer la main de Shiryu. Je me dis que si drama il doit y avoir, je dois en sous-entendre la possibilité par mes PNJ.

Donc, scène de gala, smokings, robes de soirées, petits fours, conciliabules, financeurs milliardaires et militaires en combinaison de camouflage polaire (Shiryu me suggéra en debriefing que la couleur noire aurait mieux convenu aux militaires séléniens), vue imprenable sur le ciel étoilé au-dessus du dôme de verre.
Je vais demander à Shiryu de rédiger une phrase avec le verbe vouloir, une phrase en lien avec Herbert, son premier équipier, et une phrase en lien avec Callysta, sa deuxième équipière.

+ (barré) Herbert me fait bien rire avec le chamanisme des gens de Millevaux

Le ranger discute avec Herbert, son futur équipier, un cryptobiologiste amoureux de Millevaux. D’origine irlandais, il se plait à se trouver une filiation avec les habitants de Millevaux et pratique une forme de chamanisme, moitié pour s’intégrer aux autochtones, moitié par croyance personnelle. Il est entouré de sa femme et de ses gamins, un charmant tableau qui écoeure notre ranger blasé.

+ (barré) Je veux trouver la souche pure

Le ranger souhaite réellement accomplir la mission. En revanche, il compte bien profiter de ce succès pour se ranger des camions, en profitant de la célébrité d’avoir « sauvé la Lune » pour trouver un job peinard et bien payé au service d’un milliardaire.

+ (barré) Je soupçonne Callysta d'être corrompue

Le ranger discute avec la troublante Callysta, une sélénienne d’origine mésoaméricaine. C’est la pilote du vaisseau, un as des as. Le ranger ne sait rien sur elle. Il ne sait pas qu’elle est en réalité une Néandertal, une sorcière qui plus est, qui projette de ramener de l’expédition  une souche-mère corrompue et de la contrôler pour provoquer la fin des homo sapiens sur la lune et le règne des Néandertal. A un moment, Callysta s’eclipse et le ranger la surprend en conciliabule avec un inconnu (un autre Néandertal de la conspiration)

Fiction :

+ Je peux tirer beaucoup de l'amour d'Agnès pour sa fille

Le ranger est accosté par Agnès, une tradeuse milliardaire, vieille dame d’une assurance bluffante qui porte des traces de chirurgie dermatologique. Elle demande au ranger avec un grand sourire : « je vous mets au défi de découvrir d’où je viens. ». Elle lui avoue alors qu’elle est originaire de Millevaux, elle a fait partie des autochtones rapatriés il y a quelques années. Elle donne au ranger une photo de sa fille, Edyna, restée à Millevaux et lui demande de la lui remettre. Le ranger rétorque que le continent est grand, il y a peu de chance qu’il la rencontre. Agnès lui répond avec un grand sourire : « J’ai beaucoup de chance ». En effet, ce que ne dit pas Agnès, c’est qu’elle a financé l’expédition pour qu’elle se pose en plein dans le territoire d’Edyna.

+ L'équipe n'a plus confiance en elle

Le lendemain, décollage de la fusée. Petite scène façon L’étoffe des héros, les trois astronautes passent dans un tunnel de décontamination blanc, harnachés dans des combi spatiales équipées NBC. Le ranger est armé d’un fusil plasma. Ils prennent à bord du cockpit (une navette en forme d’œuf qui servira également à se déplacer dans Millevaux), compte-à-rebours, décollage, entrée dans l’atmosphère terrienne.
L’atmosphère au-dessus de la Bialowieza est nettement plus encombré que ne le laissaient penser les études, la fusée est en difficulté. Herbert et le ranger doivent aider Callysta dans ses manœuvres. On jet le premier conflit, c’est finalement un conflit pour vérifier si un PNJ réussit une action, et on en fera beaucoup comme ça, des conflits qui ne portent pas vraiment sur une action du ranger, mais sur la réussite d’un évènement auquel il prend part. Et c’est bien ce que j’aime dans ce jeu. C’est au final le principal aspect de narration partagée du mode Carte Blanche : le PJ ne jette pas les dés que pour ses propres actions. (ça existe dans des jeux plus tradi, comme dans Sombre et Cthulhu avec les jets de chance, mais ce n’est pas dans une telle mesure).
Et ce qui est très marrant, c’est que dans ma tête, j’avais imaginé plein de scènes d’exploration de la forêt avec le vaisseau, et ça n’aura pas lieu, parce que le ranger perd le conflit et la fusée se crashe en défonçant plein de branches !
Le cockpit est intact mais enfoncé à moitié sous la terre. Il va falloir trouver de l’aide pour le désenliser, ou attendre une semaine pour que la base lunaire envoie des robots de secours.

Armé de son fusil plasma, le ranger tente une première sortie à l’extérieur. Paysage à couper le souffle. Arbres titanesques de 200 mètres de haut baignés d’une abondante lumière verte, formant de gigantesques galeries entre eux (galeries qui auraient pu être explorées avec ce vaisseau si je n’avais pas eu le vieux réflexe de MJ de demander un jet de pilotage  ). Le ranger a entendu de parler de la mégafaune, des mammifères colossaux qui arpenteraient la Bialowieza. En l’occurrence, il n’en voit que des empreintes trois fois plus grosses que son corps.

+ Je cache mon début de corruption

Les choses se gâtent quand une armée de cloportes et de scolopendres curieux de deux mètres de long prennent d’assaut le vaisseau et qu’Herbert, tout aussi curieux, tente une sortie avec son chariot d’échantillonnage antigrav malgré l’interdiction du ranger. Le ranger parvient à circonscrire les arthropodes et à faire rentrer Herbert, mais ce faisant, sa combinaison se fend légèrement. Aussitôt, la corruption s’infiltre dans sa combi. Habitué aux espaces aseptisé de la lune ou aux combis intégrales, le ranger a un faible système immunitaire. Il sent aussitôt des lichens pousser sur sa jambe, mais il ne dit rien à l’équipe, déjà suffisamment tendue depuis le crash.

+ (barré) Je n'ai pas confiance dans la médecine locale

L’équipe part à pied dans la forêt-galerie. Elle croise la route d’un cervidé géant, le Père des Monstres, à l’échine couverte d’arbres, sans se faire remarquer de lui.
Guidés par leurs scanners thermiques, les séléniens se dirigent vers le plus proche campement humain, et bientôt ils sont arrêtés par une volée de flèches. Premier contact avec une tribu d’autochtones, que saura amadouer Herbert en leur offrant les arthropodes qu’il a capturés. La tribu semble être menée par une jeune et belle sorcière hirsute parée d’une défense de mégafaune qui fait la taille de son buste : cette jeune sorcière n’est autre qu’Edyna !
La tribu accueille les séléniens dans son village perché dans les arbres géants. Une fois seul dans la case qui lui est réservée, le ranger tend une toile NBC. Caché à l’intérieur, il se déshabille et contemple sa jambe. Elle est entièrement recouverte de lichen, et son scanner médical lui annonce que les racines du lichen ont pénétré jusqu’à l’os.

Callysta fait irruption dans sa case. Le ranger se rhabille juste à temps. Callysta entre dans la tente, et enlève sa combinaison. Elle lui fait part de son plan (trouver une souche mère corrompue et asservir la Lune) et désire qu’il en fasse part. ça me paraissait plus intéressant que de la faire agir dans son dos, et c’était un moyen de lancer le drama, jusqu’ici mort-né. Callysta est impressionnante de charisme. Elle est tentatrice, aussi. Le ranger répond qu’il l’aidera. Callysta prend congé, satisfaite.

+ (barré) Je me rends compte que je suis seul

Le ranger remet sa combi et sort dans le village. Sur les terrasses et les passerelles, grande fêtes tribales en l’honneur des séléniens, les esprits de la Lune. Herbert y prend part sans se faire prier, dansant autour du feu avec les vieillards et les gamins.
Au milieu de cette liesse, le ranger se sent seul. Il n’a jamais eu d’attache, et personne n’a jamais compté sur lui.
Edyna vient le voir et ils discutent. Il apprend que la souche pure est en fait le cœur du Père des Monstres. Il apprend aussi que la souche mère corrompue est la langue du Mammouth-Chancre, un autre représentant de la mégafaune, qui vit plus loin dans la forêt. Edyna est une sorcière, elle guérit les villageois de la corruption régulièrement, grâce au don qu’elle a hérité du Père des Monstres.
Le ranger assiste à une démonstration de son pouvoir. Les enfants veulent enlever la combi d’Herbert, et celui-ci se laisse faire, pris dans l’euphorie du moment. Mais sitôt son casque enlevé, son visage se couvre de lichens et il hurle de peur et de douleur. Edyna lui impose alors les mains et les lichens se résorbent aussitôt.

+ (barré) Je ne me fais pas dicter ma conduite

A ce moment-là, je crois toujours que le ranger va servir les noirs desseins de Callysta, et Shiryu va me donner tort.
Il amène Edyna dans sa case et lui demande de guérir sa jambe, ce qu’elle fait. Ensuite, ils s’unissent. Le ranger promet à Edyna qu’il l’amènera avec elle sur la Lune (même si elle semble être en symbiose avec la forêt, Edyna ne supporte plus de vivre ici et veut revoir sa mère) si elle l’aide à récupérer la souche pure et désenliser le vaisseau.

Le lendemain matin, les trois séléniens se retrouvent dans le village, tous ont délaissé leur combinaison. Le ranger a quand même gardé son casque optique, son fusil plasma et son jet-pack. Il part affronter Callysta, dans une baston très shonen où l’utilisation des phrases ponctue les tirs de plasma et les éclairs de corruption que lance Callysta. Le ranger a finalement le dessus et vaporise la pilote. Mais les éclairs de corruption sont déjà en train de transformer le village en monstrueuse herborescence toxique : les villageois doivent s’exiler.

Herbert et le ranger amènent Callysta avec eux. Elle refuse finalement de tuer le Père des Monstres ou le Mammouth Chancre : l’un et l’autre de ses meurtres romprait l’équilibre. Qu’à cela ne tienne, Herbert et le ranger préfèrent rentrer bredouilles. A la demande du ranger, Herbert opère un camouflage génétique sur Edyna, pour la faire passer pour Callysta. Avec l’aide des villageois, ils désenlisent le vaisseau et repartent avec Edyna.

+ (barré) Agnès me porte chance

Dernière scène, retour sur la Lune et traversée en combi du tunnel de décontamination. A l’autre bout du tunnel, les militaires, les scientifiques et Agnès, attendent. J’annonce que si l’un des astronautes est détecté comme étant corrompu ou porteur de la mauvaise identité, il restera dans le tunnel. J’annonce qu’on ne jouera un conflit que pour le dernier a passer, et je demande à Shiryu de choisir qui passe en dernier : en choisissant un objectif de conflit restreint, j’apporte du dilemme moral et du suspense. Le ranger fait passer Herbert en premier, puis passe devant Edyna. C’est le moment de faillite morale du ranger : il ne prend pas de risque car il sait qu’Edyna a moins de chance que lui de passer.

Shiryu joue un conflit pour savoir si Edyna passe le scanner. Il utilise un max de phrases, il gagne mais obtient 4 dés de sacrifice. Shiryu m’annonce qu’il va barrer les phrases qu’il vient d’utiliser, et hésite un peu pour raconter ce qui se passe une fois qu’Edyna a franchi le scanner avec succès.

C’est à ce moment que je lui fais la suggestion suivante : au vu des phrases qu’il va barrer, il me paraît clair qu’Edyna, une fois assurée de pouvoir vivre sur la Lune, va se détourner du ranger, va lui refuser son amour. C’est la fin qui me paraît la plus logique, car dans ma pratique d’Inflorenza, j’adore travailler les chutes, c’est dans la pente cruelle du système (sacrifier une phrase implique une perte, un dommage collatéral), et c’est dans ma culture de MJ qui pense que plus les personnages souffrent, meilleur est le jeu.

Mais Shiryu ne l’entend pas de cette oreille. Il insiste pour décider lui-même de ce que signifie ces sacrifices (ce que le jeu lui permet) et il interprète chacun des sacrifices comme quelque chose de positif au final (ainsi, barrer « Agnès me porte chance » signifie pour lui qu’elle ne lui portera plus jamais chance, elle lui a juste porté chance pour cette fois-ci). En théorie, le jeu ne lui permet pas cela, mais il est précisé que le Confident ne doit pas interdire une entorse sans une vraie bonne raison. Et c’est finalement là, tout l’intérêt de la narration partagée et du jeu de basse, permettre au joueur de vivre une fiction qui lui plaît, quand bien même ce ne serait pas la fiction préférée du MJ. Je laisse donc le ranger et Edyna partir sur cette fin lumineuse, certes inattendue au vu du système, mais gagné de haute lutte par Shiryu dans un travail subtil d’humanisation de son perso.

La feuille du ranger :

+ (barré) Herbert me fait bien rire avec le chamanisme des gens de Millevaux
+ (barré) Je veux trouver la souche pure
+ (barré) Je soupçonne Callysta d'être corrompue
+ Je peux tirer beaucoup de l'amour d'Agnès pour sa fille
+ L'équipe n'a plus confiance en elle
+ Je cache mon début de corruption
+ (barré) Je n'ai pas confiance dans la médecine locale
+ (barré) Je me rends compte que je suis seul
+ (barré) Je ne me fais pas dicter ma conduite
+ (barré) Agnès me porte chance


Auteur de Millevaux.
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#85 05 Mar 2014 23:21

Shiryu012
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Inscription : 29 Oct 2013

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

Merci bien pour ce CR, je vais y mettre ma touche (je ne vais pas tout refaire, juste compléter certaines choses qui, en tant que joueur, m'ont beaucoup marquées.

1) avant la partie : je pensais que Thomas allait venir avec un truc bien précis mais comme son projet initial n'a pas pu se faire, il est venu les mains dans les poches, ce feignant de MJ (on pourra dire ce qu'on veut, c'est quand même un des avantages de l'autorité partagée). Le théâtre m'a surpris, j'avais peu d'inspiration, il n'y avait pas de PNJ bien définis, c'était un scéno solo, j'y suis allé à l'arrache avec un ranger inspiré de After Earth.

2) une fois la mission définie : j'ai écris ma première phrase "je veux ramener la souche" car je la voyais comme un truc qui me ferait aller de l'avant, quoiqu'il arrive. Et honnêtement, quand on joue dans Millevaux, je me voyais bien me faire corrompre sur le chemin et aller jusqu'à la souche quand même et au final, la corrompre ou la détruire. Pas la peine de faire plus de plan sur la comète que ça, on verra comment ça tourne mais être un salaud en voulant jouer un héros, ça ma plaisait bien.

3) quand callysta est venue me proposer de trouver une souche impure, j'étais un peu dég, il n'y aurait plus de twist si je faisais ça). Toutefois, ça collait avec l'idée de jouer un salaud et de suivre mon idée de départ : trouver la souche, quoiqu'il arrive, et on verra bien au final comment ça se passe. Je dis oui sans aucune idée enfait, juste pour ne pas me fermer de porte, en tant que joueur mais aussi en tant que personnage, c'est important de le souligner. Je joue au bluff mais l'immersion est réelle. Et puis j'ai lu les règles (enfin l'ancienne version) et j'ai confiance dans le système. Mon personnage est indécis, moi aussi mais je sais que le système m'apportera une réponse à un moment. Et je saisirai l'opportunité.

4) La rencontre avec Edyna. Elle est pour moi et mon personnage une scène que j'influence en grande part par mon inactivité. J'explique. Thomas met en scène que les enfants chahutent Herbert. Quand on me préviens, je fais celui qui ne voit rien, justement pour qu'il se fasse corrompre et voir si effectivement, il est possible de le soigner. Mon perso est égoïste, il compte bien revenir sur la lune et vivre, corrompu ou sain, il ne sait pas encore, mais il veut des cartes pour trancher. Je vois donc edyna soigner herbert, je tente ma chance. Il y a un conflit pour me soigner, et je n'y met que ce qui me semble logique, sans forcer, car après tout, les 2 pistes me semblent très intéressantes pour la fiction. Et edyna me soigne.

5) à ce moment, thomas me dit que je vais écrire 2 phrases, une pour chacun de ces 2 scènes consécutives (callysta et edyna). Je lui demande de tirer en premier pour edyna (car après tout, si j'avais déjà trancher pour callysta, je ne serais sans doute pas allée voir edyna). Il est OK. Je crois que je tire "clan". Voici l'opportunité que j'attendais, je saute dessus. Je décide que mon perso se rend compte de sa solitude, qu'il voit là un avenir qu'il n'aurait jamais imaginé, qu'il peut offrir beaucoup à cette femme et qu'il est prêt à prendre des risques pour elle.
Quant à Callysta, je tire "pulsions" et je tombe d'entrée sur orgueil. Ce mot me parle à fond à ce moment là. Et je pars sur le fait que je ne vais pas me laisser dicter mes actes par une gonzesse qui prétend pouvoir gouverner ma lune.
Je tiens à préciser que pour ces 2 scènes, je n'avais aucune arrière pensée. J'y voyais juste un énorme potentiel fictionnel et que j'ai fait confiance à fond au système pour donner une tournure drama. Et franchement, je ne suis pas déçu, ça a été pour moi un excellent moment de JdR.

6) Le happy end : j'ai eu le sentiment d'avoir pris pas mal de risque pour ça. Toujours la même remarque mais parce que mon perso aurait pris ces risques, c'était vraiment de l'immersion. Le seul calcul que j'ai fait, c'est pour l'ordre de passage et savoir qui serait tué si ça foirait (donc le dernier). Je trouvais ça plus fun que mon perso voit son nouvel amour, sa nouvel vie, détruite devant ses yeux, tandis qu'il pourrait dire à la vieille "vous voyez, j'ai tenu ma promesse, à vous de tenir la votre". La vieille, aigrie, lui filerai le fric prévu tandis que lui passerait le reste de ses jours à picoler pour oublier, seul dans son loft tout beau tout neuf, en ayant au final que ce qu'il a toujours voulu, mais en se rendant compte qu'il était passé à côté de plus important. L'épave me plaisait bien comme option finale. Donc jusqu'au bout, j'étais prêt à voir une fin digne d'inflorenza. Mais tous les conflits que thomas m'a demandé de faire, je les ai réussi, et si lui avait une autre fin en tête, elle me semblait sortir de nul part car rien dans la fiction n'avait pu laisser envisager cela (sans doute qu'en multijoueur, edyna aurait pu avoir une scène avec un autre PJ pour lui dire qu'elle se servait de moi mais là, je trouvais que ça ne collait pas avec toutes les scènes précédentes).

7) L'abandon de la souche : si dans la fiction, j'ai mis ça sur le compte de mon amour pour edyna, il est vrai que c'était surtout parce que nous arrivions au bout du temps de nos disponibilités. Sinon, j'aurais bien creuser ce dilemme aussi pour mon personnage (ce qui aurait aussi pu justifier que je perde edyna).

8) barrer les phrase : là, on sort de la fiction et on va parler système pur. Je ne sais pas si ça a été ma façon de rédiger mes phrases mais j'ai un paquet de phrases qui sont devenues obsolètes en cours de partie. De plus, quand je devais en barrer, c'est censé être une perte, un sacrifice, pour le personnage alors que pour moi, ça a souvent été une étape de franchie, ou un boulet en moins dont je venais de me débarrasser (le meilleur exemple est le soin de ma corruption : je ne barre pas "je cache ma corruption" car ce n'est vraiment pas un sacrifice mais ça aurait été tellement logique. Mais du coup, cette phrase devient obsolète). A réfléchir donc quand on rédige : il faut que ça aide la fiction mais aussi que ça représente un sacrifice si on le perd. Mais du point de vue du joueur, c'est forcément un sacrifice car c'est un point de fiction sur lequel je ne pourrais plus m'appuyer pour lancer des dés. c'est peut être suffisant comme sacrifice ? je ne sais pas. Je crois en fait que la fiction a tourné à l'envers pour mon perso : ce qu'il pensait être des forces au départ se sont avérés être des faiblesses et il a "guéri" durant cette aventure grâce aux conflits. Hé, c'est un jeu où on peut jouer des héros aussi !

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#86 06 Mar 2014 12:47

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

Merci Shiryu pour ces réactions très éclairantes !

1) tu m'étonnes, c'est un luxe assez grandiose de pouvoir jouer sans scénario. Note que ça n'est pas uniquement ou forcément l'apanage de la narration partagée. Ainsi, Dogs in the vineyard (narration partagée) nécessite une préparation solide et Sombre au format quickshot se joue avec une préparation réduite (surtout avec le fameux story deck, que Johan est en train de développer, et que je serais très curieux de découvrir).

3) c'est assez plaisant de jouer avec quelqu'un qui a déjà lu ou pratiqué le jeu, on est certainement plus à l'aise ainsi. Je crois que le vrai potentiel du jeu apparaît après deux ou trois parties.

8) Tu n'es pas le premier à trouver que barrer certaines phrases peut s'avérer positif pour le perso. J'ai un temps trouvé que c'était un problème et puis je me suis dit que, de toute façon barrer une phrase est en effet toujours un désavantage mécanique, et que n'importe quel sacrifice de phrase peut être tourné en perte réelle dans la fiction du moment qu'on y réfléchit un peu. C'est au Confident de recadrer s'il trouve que le joueur ne joue pas le jeu du sacrifice, mais dans notre cas, tes justifications m'allaient et j'ai donc fait comme dans la base (nouvelle mouture), qui préconise de ne pas toujours forcer la strice application des règles, pour préserver la fluidité, la logique et l'approbation de la fiction par les joueurs.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

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#87 27 Mar 2014 18:57

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

LES CHEMINS DE COMPOSTELLE

Comment faire une grande partie avec un Confident-monteur

Joué à la Convention Eclipse le 15/03/2014 avec Steve J (Le Cadavre), Guillaume (Marie), Immryran (Christelle), Philippe (La Machine, puis la Première Pierre de la Première Eglise), Quentin (Youssef) et Doc Dandy (Enclume).

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A lire aussi : le retour personnel de Doc Dandy sur cette séance.

C’était le jour J. La convention Eclipse, à laquelle je participe depuis 2007 (c’était donc ma septième), date que j’avais choisie pour sortir Inflorenza. Dans l’après-midi, tout en tenant le stand, je fais une retape éhontée pour le jeu auprès de tous ceux qui passent à proximité (sans parler de ceux que je vais chercher). C’est la première fois que je fais autant l’article pour une de mes productions, mais il faut dire que je suis assez content du bébé. Sûr que j’ai envie de le montrer à tout le monde.

Résultat des courses, le samedi soir à la bourse aux parties, je me retrouve avec, hormis Philippe, que des joueurs à qui j’avais insolemment survendu ma camelote. Dans le lot, y’en a bien la moitié qui peuvent me descendre sur le net dès le lendemain. D’un côté, grosse pression (et je ne me prive pas de le dire à mes joueurs), de l’autre grandes espérances, parce que je suis sûr d’avoir à ma table des joueurs qui adhèrent à ma proposition, qui vont produire du bon jeu, et que je suis hachement content d’avoir à ma table. Que dis-je ? J’ai une table de rock stars, et ça aussi je ne me prive pas de le dire avant de commencer !

Avec six joueurs, je sais déjà que je ne vais pas incarner de personnage. J’ai longtemps hésité entre proposer un Carte Blanche (le Confident contrôle le décor et les figurants) et un Carte Rouge (les joueurs contrôlent le décor et les figurants), et puis finalement j’ai testé une formule inédite : le panachage. Je donne à chaque joueur un carton avec une face rouge et une face blanche. Chacun le pose devant soi selon son mode de jeu préféré : Carte Rouge ou Carte Blanche. En gros, ceux qui ont choisi Rouge peuvent décrire décors et figurants durant leur instance, ceux qui ont choisi Carte Blanche délèguent cette responsabilité au Confident. Pour les conflits, ceux en mode Carte Rouge peuvent définir eux-mêmes des conflits simples, ceux en mode Carte Blanche peuvent se voir imposer des conflits simples par le Confident.

En fait de décors et de figurants, la fiction générée par les joueurs a été tellement riche que j’en ai quasiment pas décrits. Ceux qui étaient en mode Carte Rouge s’en chargeaient pour moi et ceux qui étaient en mode Carte Blanche avaient bien assez de trucs à gérer pour s’en passer. Résultat, j’ai pu me concentrer sur le cadrage des joueurs, la lisibilité des faits, la cohérence, le rythme. Doc Dandy a trouvé une chouette expression pour définir ça : le MJ monteur. Pour être plus clair, voici des exemples de choses que j’ai pu dire durant la séance :

"Est-ce que tu as autre chose à ajouter où est-ce qu'on passe à l'instance suivante ?"
"Est-ce que tu peux reformuler ce que tu viens de dire ? Je veux être sûr que tout le monde a compris ce qui se passe."
"Est-ce que tu peux m'expliquer ce qu'est ton personnage ? Je ne sais même pas s'il a un corps !"
"Tu peux être plus clair sur les objectifs de ton personnage ?"
"T'as tiré le thème de l'amour. je vais te lire le paragraphe lié dans le théâtre des Chemins de Compostelle."
"Alors, on a déjà des morts-vivants, la réincarnation féminine du Christ et une machine avec une psyché humaine, évitez de rajouter des nouveaux éléments et recyclez ceux-ci ! Je ne veux pas de gorilles en zeppelin à la prochaine instance !"
"Avant de passer au joueur suivant, je vais rajouter une scène : les morts-vivants commencent eux aussi à se souvenir de leurs propres défunts. Encore plus de morts reviennent à la vie, et ça pourrait bien faire une boucle jusqu'à Adam & Eve"
"Pour des raisons de rythme, ce serait vraiment bien si vos persos finissaient par se regrouper !"
"Tu développe un pouvoir. OK, tu devrais trouver des trucs cool dans cette liste."
"Je propose qu'à l'instance suivante, on joue un conflit de masse et qu'on conclut la partie comme ça. Un conflit de masse, c'est une succession de conflits sans alliance. Vu le tour PvP qu'a pris les choses, ce sera surement que des conflits duels. Des "face to face", si vous voulez. Vous êtes d'accord ?"
"Quand tu leur fais visualiser leurs péchés du passé, certains pèlerins se suicident."
"OK, t'as choisi cet objectif pour ce conflit. Voici ce qui pourrait être cool comme contre-objectif. Tu choisis lequel ?".

Au final, cette séance est mon meilleur souvenir de jeu avec Inflorenza. Ça a commencé calmement, avec une banale invasion zombie et une gamine qui essaye d’y échapper, on a eu une première heure laborieuse le temps de comprendre les règles et la fiction (mais perso, je préfère une première heure de jeu un peu lente à une heure de briefing), mais ensuite ça a complètement décollé, c’est parti en mind fuck complet, avec des scènes d’apocalypse chrétienne à couper le souffle, des mises en abîme vertigineuses, des face to face hong kong style métaphoriques, des séquences émotion très fortes, et des moments de pure poésie. J’ai même écrasé une larme quand Marie a refusé de laisser le Cadavre mourir en paix parce qu’elle ne renoncer à l’amour qu’elle lui portait !

Bref, une partie qui correspond entièrement à ce que je pouvais espérer de ce jeu, qui doit autant sa réussite à la maturité des règles, à la qualité des joueurs, et au job de monteur du Confident. Ça n’est pas forcément un modèle à copier pour toutes ses parties d’Inflorenza (j’ai eu des parties beaucoup plus sobres qui sont tout autant intéressantes), mais ça rentre carrément dans les moments de gloire du système. Ça a principalement reposé sur un des leitmotivs du jeu : une fois que vous avez assez d’éléments cool, arrêtez d’en rajouter, recyclez les mêmes éléments jusqu’au bout et trouvez une cohérence. Pas de préparation excessive qui conduit à jeter 90 % du matériel élaboré, pas non plus de surenchère gonzo en cours de jeu. Des gros trucs délirants, mais seulement deux ou trois et on les tricote jusqu’à obtenir un truc mémorable. Et aussi, sur tous les petits conseils qui se sont retrouvés ici réinvestis à leur plein potentiel. Ainsi, le truc de pas nommer les persos dès le départ. Quand est venu le moment de les nommer, Guillaume a proposé Marie pour son personnage. Quentin a alors appelé le sien (l’époux de Marie) Youssef… et Immryran qui jouait leur fille a décidé de s’appeler Christelle ! On s’est alors rendu compte qu’ils jouaient des personnages du Nouveau Testament réincarnés à Millevaux, que Christelle, toute gamine qu’elle était, était la réincarnation du Christ et était condamnée à la Passion. Un tout petit truc de système qui a eu des conséquences énormes.

En gros, le système fonctionne puisqu’en l’appliquant à la lettre, on est arrivé à une telle partie. Mon seul regret au final : ne pas avoir écrit en dur le panachage blanc / rouge dans les règles car ça a été ma seule entorse aux règles et ça a créé beaucoup de confort pour les joueurs (chacun pouvant éprouver son mode de partage de la narration préféré sans gêner les autres). La question bien sûr : un autre MJ saura-t-il autant tirer profit des règles ? J’espère que des lecteurs m’apporteront la réponse.

Je ne prétends pas que toutes les parties d’Inflorenza se passent comme ça, et je ne le souhaite pas non plus. Mais putain, c’était bon !

Je vais maintenant raconter la fiction, mais une fois n’est pas coutume, pour ne pas spoiler les trucs les plus énormes dès le départ, je ne vais pas commencer par le premier joueur en instance, mais par le personnage de Quentin, Youssef. Je ne vais sans doute pas à réussir à raconter les choses dans l’ordre car durant la partie, on a fait de nombreux flashbacks pour expliquer certains points (d’où l’effet mind fuck, par exemple quand on découvre qui est exactement Enclume), flashbacks liés au système (puisqu’on peut se permettre de laisser des trous dans sa narration et de les combler plus tard).


Youssef (joué par Quentin) (mort)

+ (barré) Je veux retrouver Christelle et Marie, j'ai travaillé dur pour qu'elles reviennent.
Je travaille devant la Basilique de Compostelle. Grande église au toit en carène de bateau, aux vitres d’écailles et aux murs de coquillages. Des milliers de pélerins y affluent, irrésistiblement attirés par la grâce de cette église. Moi, je pave la route pour les pélerins. Je la pave surtout pour que Marie, ma femme, et Christelle, ma fille (enfin, peut-être ma fille) arrivent en sécurité à l’Eglise. Je les ai perdues de vue depuis trop longtemps.

+ J'ai les yeux vides car j'ai vu le père de Christelle.
Je ne suis plus qu’un pauvre tailleur de pierre aveugle. Avant, je n’étais pas qu’un tailleur de pierre. J’étais le maître d’une science étrange, l’égrégorisme. Je savais comment cette énergie magique fonctionnait, je savais comment la canaliser. J’ai compris que les reliques et les rituels chrétiens étaient les focus d’égrégore les plus puissants au monde. Un jour, ma femme Marie est tombée enceinte et j’ai compris que je n’étais pas le père. Elle a fui ma maison, et depuis ce jour là je me suis abandonné à la fois dans la recherche de ma famille disparue et dans mes recherches ésotériques. J’ai retrouvé une pierre sacrée. La première Pierre de la première Eglise. Cette pierre est le plus grand focus d’égrégore que la Terre ait jamais porté. Pour moi, cette Pierre est l’incarnation de Dieu sur Terre, c’est elle qui a enfanté Marie. J’ai taillé la gangue qui la recouvrait, et j’ai découvert cette pierre carrée couverte de symboles sacrés et sa lumière prodigieuse m’a brûlé les yeux.

+ J'ai commis des choses affreuses au nom de la science.

Alors, j’ai fait une expérience terrible. Je me suis dit : les deux plus grands focus d’égrégore que je connaisse sont cette pierre et la Basilique de Compostelle. Que se passe-t-il si on les combine ? Alors j’ai caché la Pierre dans le tabernacle de l’église, derrière l’hôtel. J’ai créé une colossale boucle d’égrégore. Les gens viennent à Compostelle pour célébrer des messes pour les morts, pour rendre un dernier hommage à leurs défunts. Ils accrochent au toit de la basilique des chaussures, des lunettes, des béquilles, des alliances, mille objets qui leur rappellent leurs défunts et toutes les choses qui n’ont pas eu le temps d’être résolues avec eux.
Alors, le souvenir porté par les défunts s’est amplifié. Et les morts sont ressortis de terre pour aller chercher les vivants. Je ne le vois puisque je suis aveugle, mais je le ressens à travers l’égrégore. Je sens qu’un premier mort passe à côté de moi, sur la route que je suis en train de paver, et j’entends la panique des pélerins.

+ J'ai perdu mon seul et dernier ami.
Je sens une autre présence passer à mes côtés. Et même, je la vois alors que je suis aveugle. A hauteur de ma tête, je vois sa lumière. Je reconnais mon seul ami, Enclume, mon serviteur, qui m’avait aidé à retrouver la Pierre et à la placer dans l’autel. Moi, j’ai reçu la lumière de la Pierre et ça m’a rendu aveugle, Enclume en a reçu une écharde. Son esprit a été écrasé pour être remplacé par cette écharde de l’esprit de la Pierre. Enclume n’est plus qu’un corps qui abrite le Saint-Esprit.



Enclume (joué par Doc Dandy) (mort)

+ Je veux ramener le cœur, le métal et la chair sur le chemin de la vérité.
Après avoir reçu l’écharde de la Pierre, je ne me rappelle plus de grand-chose. Je me suis retrouvé dans la forêt… des rivières de sang… J’avais simplement cette vision ancrée en moi : « ramener, le métal et la chair sur le chemin de la vérité »

+ Perdu sans trouver mon chemin, mort de faim et de soif j'ai trouvé un message divin qui n'a de sens que pour moi.
Alors que je me fraye un chemin dans la forêt pour retrouver Compostelle, les évidences s’assemblent. Je vois les morts revenir à la vie autour de moi… Signe que la fin des temps est proche… J’arrive enfin à Compostelle, sur le chemin que pave Youssef, mon ancien maître. Je passe à ses côtés. Il est devenu aveugle, la lumière du Très Haut a brûlé ses yeux. Je ne sais pas s’il perçoit ma présence. J’évite de lui parler pour le moment. Je n’ai pas de pensées à moi… Juste une voix qui parle dans ma tête.

+J'ai abandonné mon libre-arbitre pour devenir le vecteur de la Renaissance.
Ça fait bien longtemps que ma personnalité a été écrasée par l’écharde de la première Pierre de la première Eglise. Dans mon crâne, sa lumière a pris toute la place. Je suis devenu l’Esprit Sain. Je comprends tout ce qu’il se passe. Les vivants célèbrent le souvenir des morts à Compostelle, alors les morts reviennent à la vie. A leur tour, les morts se rappellent de leurs propres défunts, qui reviennent à la vie. Des légions de morts commencent à sortir de terre, et déferlent vers la Basilique depuis Compostelle. D’ici peu de temps, ils seront tous revenus ceux qui sont nés et morts depuis Adam et Eve. C’est l’heure du Jugement Dernier ! Je sais qu’une seule chose peut empêcher l’Apocalypse : reconstituer la Passion du Christ. Je sais qui est le nouveau Christ et ce soir je le planterai sur la grande croix de pierre au fond de l’autel de la Basilique, pour le salut de tous les pécheurs !


Le Cadavre (joué par Steve J)

(hélas, nous avons égaré sa feuille de personnage, je vais tâcher de reconstituer les choses de mémoire).
Je marche dans la forêt, je suis nu. Je foule aux pieds des monceaux de cadavres. Et voilà que ces cadavres se réaniment, et que d’autres sortent de terre, gémissant. Je regarde mes mains et je découvre qu’elles sont en putréfaction ! Moi-même je viens de revenir à la vie ! Je ne peux supporter cette condition de mort-vivant. Je veux mourir à nouveau et enfin trouver le repos. Je comprends que les morts reviennent à cause des souvenirs que leurs portent les vivants. Moi, je veux qu’on m’oublie pour pouvoir connaître le repos éternel. Je veux que tous les morts retournent à la terre, alors tous les vivants doivent les oublier. Leur pardonner leurs fautes ou sombrer dans l’indifférence ou l’amnésie, peu importe la façon. Je sens la présence d’une fillette dans la forêt, elle est perdue. Je sens que d’une façon ou d’une autre, elle fait partie des personnes qui se souviennent de moi, alors je cherche à la capturer pour la tuer. Mais une chose mécanique sort de terre, une chose très ancienne que le souvenir des vivants a remonté à la surface. Cette chose me met en déroute.
Je comprends que la Basilique de Compostelle, centre du culte aux morts, est la source du retour des morts. Je m’y rends. Je passe aux côtés d’un homme qui pave la route. Plusieurs morts sont à mes côtés, mais les pélèrins, soit ne s’émeuvent pas, soit courent dans les bras des morts, soit s’enferment dans la Basilique pour prier ; aucun ne fait l’effort d’oublier les morts !
Je suis pris d’une immense colère ; je me découvre des pouvoirs insoupçonnés. Je vois les fils des destins qui s’entremêlent, je peux lire le destin de chacun, je vois les fils qui lient les morts aux vivants. Je tire sur ces fils pour pousser les évènements dans la direction que je préfère. Je rappelle aux vivants les morts qui les ont fait le plus souffrir ; un père abusif, un maniaque, un tueur en série. Alors syndrome de l’oubli et traumatismes s’effacent, et les vivants se rappellent des pires défunts qui furent, et ceux-ci sortent maintenant de terre. Zombies cannibales, revenants tueurs en série, cadavres violeurs, ils déferlent maintenant sur Compostelle. Grâce à eux, les vivants vont comprendre qu’il faut lutter contre les morts, alors ils m’écouteront et trouveront une solution pour oublier tout le monde !

Mais ça ne marche pas. Les morts profanent les vivants mais ceux-ci sont impuissants à trouver une solution ; ils s’abîment dans la prière ou dans la peur, s’agglutinent à l’intérieur de la Basilique. Je suis au milieu d’eux, je suis complètement dépassé par les évènements. J’essaye de tirer sur les fils du destin, mais il y en a trop, une masse inextricable autour de moi, et au milieu, venant de l’autel, des fils du destin gros comme des câbles.

Au milieu de cette tourmente dantesque, je retrouve Marie, la femme que j’ai aimée en secret. Alors que son amour pour moi est plus fort que jamais, la flétrissure quitte ma chair : je suis en train de redevenir humain, de plus en vivant.


Marie (jouée par Guillaume) (morte)

+ Le temps presse, je ne veux pas l'oublier.
Je cours dans la forêt en portant une urne. Le temps presse parce que les morts hantent la forêt, mais aussi parce que j’ai peur de ne pas retrouver l’homme que j’aime avant que le syndrome de l’oubli ait accompli son implacable fauche.

+ (barré) Quand j'aurai atteint la basilique, je serai sûr de ne pas l'oublier.
A la basilique de Compostelle, tous les miracles sont possibles. Si je prie avec assez de ferveur, il me reviendra, c’est certain, jamais je ne l’oublierai. Je sais aussi qu’il m’attend à la Basilique. Je fouille mon château de mémoire à la recherche d’une image de lui [note du rédacteur : il s’agit bien d’un château de mémoire métaphorique. Nous avons joué un conflit entre Marie et Youssef à l’intérieur de ce château de mémoire. Objectif de Marie : se souvenir de son amant. Contre-Objectif de Youssef : que Marie ne se souvienne de lui au lieu de son amant. J’adore cette scène parce qu’en plus de sa grande poésie (félicitations à Guillaume et Quentin pour avoir défini de tels objectifs), c’est un excellent exemple de conflit à distance par l’intermédiaire de l’égrégore, Marie était dans la forêt et Youssef devant la Basilique à ce moment-là. Le décor a été suggéré par moi pour rendre le conflit plus visuel, mais à refaire, j’aurais plutôt dit une forêt de mémoire]. Mais dans les tiroirs, sur les commodes et dans les cadres, je ne retrouve que des images de mon époux, Youssef. Mais je comprends que c’est une supercherie. Quelqu’un est entré dans mon château de mémoire par effraction, il a changé les souvenirs, déplacé les bibelots, il y a des photos brûlées dans la cheminée. J’en retrouve une qui a échappé aux flammes, la photo de mon amant, le vrai père de mon enfant. Je comprends que c’est Youssef en personne qui a essayé de falsifier mon château de mémoire.

+ (barré) Mon bébé mort a ouvert les yeux.
Alors que je cours dans la forêt pour échapper aux morts, l’urne m’échappe des bras. Elle contient le cadavre de mon bébé, le bébé que j’ai eu avec mon amant. Ce bébé s’appelle Jésus. Quand j’ai compris qu’il allait subir la Passion, je l’ai étranglé avec son cordon pour lui épargner une vie de souffrance. En l’enfermant dans cette urne, j’avais fini par l’oublier. Quand l’urne se brise et je le révèle, je me rappelle ce que je lui ai fait, je me rappelle son existence. Alors, il revient à la vie et ouvre les yeux !

+ Guerre psychologique : mon coeur est un général, mon esprit est un stratège et les mots sont mon armée. Nul ne survit aux guerres mentales que je déclare.
Alors que je suis en proie à la détresse la plus grande, mon pouvoir se réveille : je réalise que si je suis faible physiquement, je peux vaincre toute adversité par les mots. Alors que j’arrive à Compostelle et que tout autour de moi n’est qu’horreur, je n’hésiterai pas à m’en servir.

+ Mon amour est si puissant qu'il étouffe.
Je parviens enfin à la Basilique. Déjà des milliers de morts la prennent d’assaut. Une machine infernale guidée par Youssef éventre la porte et j’en profite pour rentrer dans la Basilique. Au milieu de tous les pélerins affolés, je retrouve enfin mon amant : le Cadavre. J’étais en train de l’oublier parce qu’il était mort depuis trop longtemps, mais heureusement il me restait assez de souvenirs de lui, comme cette photo dans la cheminée, pour qu’il revienne d’entre les morts. Il est dans un état de décomposition avancée, mais alors que tous mes souvenirs et tout mon amour pour lui affluent, ses chairs se reconstituent à grande vitesse.
Il me supplie de renoncer à mon amour pour connaître le repos éternel. Mais je ne peux accepter. Je le serre dans mes bras. Je lui dis que jamais plus je ne l’oublierai. Il reste avec moi, empêtré dans mes bras, empêtré dans mon amour, empêtré dans les fils du destin, un pantin amoureux qui jamais ne connaîtra le repos.
[NDR : c’était vraiment une scène très forte, j’en ai eu les larmes aux yeux, et ça m’arrive rarement en jeu de rôle. Doc Dandy a quant à lui commencé à avoir des réactions très violentes vis-à-vis de Marie, victime qui devient bourreau]

+ J'ai perverti mon amour.
Youssef est aussi dans la Basilique. Il a retiré la première Pierre de la première Eglise du tabernacle. Il croit encore qu’avec sa magie il pourra réparer les catastrophes que sa magie a engendrées. Il est temps d’en finir avec mon salaud d’époux. Je me rue vers lui, je lui rappelle toutes ses fautes passées, comment il m’a délaissée pour sa magie, comment il m’a chassée après mon adultère, comment il a voulu détruire mon château de mémoire. Je le TUE en l’étranglant avec ses propres remords. [NDR : c’est exactement ce qui s’est passé en jouant selon les règles.]


Christelle (jouée par Immryran) (morte)

+ (barré) Je veux me souvenir du chemin de l'Eglise ou est ma maman.
Je ne suis qu’une petite fille de treize ans. Je suis perdue dans la forêt hantée par les morts-vivants. J’accompagnais ma maman mais quand les morts ont commencé à nous courir après, je n’ai pas réussi à courir aussi vite qu’elle, alors je l’ai perdue. Elle m’a dit qu’on allait à la Basilique de Compostelle.

+ (barré) Mes mains et mes bras ne sont que des plaies.
Les morts me poursuivent. L’un d’eux essaye de m’attrapper mais à ce moment, une machine sort de terre. Elle a un corps de pelleteuse et sa tête est un globe de verre où se trouve un cerveau humain. Elle est effrayante mais c’est une gentille machine car elle écarte les morts avec les tenailles de ses bras, et me protège. Mais en fuyant, j’ai quand même été blessée. Mes mains et mes bras ne sont que des plaies. En fait, ce ne sont pas des plaies ordinaires. Ce sont des stigmates.

+ (barré) Mon chemin de croix mène à la vérité par-delà la mort.
Je suis victime d’une malédiction. Quand je suis née, ma mère Marie a tué mon faux jumeau, Jésus, pour lui épargner de subir la Passion. Mais Jésus mort, sa malédiction s’est transmise à moi. Je sais depuis ma naissance que je devrai subir la Passion. Je sais que cela sauvera l’humanité de ses fautes, mais moi, je ne suis qu’une petite fille, je ne veux pas mourir !

+ Pour ma mère je fusionne avec la Machine.
La machine me conduit jusqu’à ma mère. Mais je perds trop de sang par mes stigmates pour continuer : je suis à l’agonie. Sur un ton bienveillant, la machine propose que je fusionne avec elle pour m’empêcher de mourir d’hémorragie. Elle ouvre son habitacle, dévoilant un carcan de tubulures, de valves et de crochets mécaniques. Je refuse, mais ma mère m’implore de le faire pour survivre, alors je m’y résous. Je rentre dans l’habitacle, les crochets et les tubulures fusionnent avec ma chair. Ma tête émerge dans le globe de verre à la place du cerveau de la machine qui a été dévoré par les morts. Je souffre le martyre et je sais que jamais je ne pourrai ressortir de la machine vivante.

+ Ma mère est mauvaise.
La machine désire alors fusionner avec ma mère également, comme prise d’une frénésie de compassion, mais ma mère s’enfuit. En la poursuivant, la Machine lui arrache Jésus, le bébé mort-vivant, et fusionne avec lui. Jésus se retrouve fusionné à moi par le cœur. Nous voilà tous deux, faux jumeaux destinés à la Passion, réunis comme un monstrueux siamois.

La Machine me conduit à la Basilique, ou j’y retrouve ma mère. Devant la porte, il y a aussi Youssef, mon beau-père. Il ordonne à la Machine de défoncer la porte, mais la Machine fait mieux que ça : elle traverse toute l’église en écrasant les fidèles sur son passage et va se fracasser contre l’autel. Enclume se rue sur moi, il m’arrache de la Machine pour me crucifier et ainsi sauver l’Humanité de l’apocalypse morte-vivante, mais je le supplie du regard à un tel point qu’il n’ose pas me hisser jusqu’à la croix pour m’y clouer. Des fidèles en furie s’emparent de lui et le crucifient à ma place. Enclume perd son sang par litres entiers [NDR : l’objectif d’Enclume, lors du conflit de masse, était de crucifier Christelle. Le contre-objectif de Christelle était qu’Enclume soit crucifié à sa place. Dans les deux cas, la crucifixion signifiait la mort, par une colossale perte de sang façon Tarentino… et savoir si cela sauverait vraiment l’Humanité serait défini plus tard, lors d’autres conflits].
Je me retourne vers ma mère. J’ai vu ce qu’elle a fait à mon vrai père, le Cadavre, et à Youssef. Elle est mauvaise. Je me rue vers elle dans un dernier assaut et je la TUE, pour mourir aussitôt dans ses bras. [NDR : l’objectif de Christelle était de tuer Marie, et qu’il soit atteint ou pas, on avait défini que Christelle mourait ensuite de ses blessures]


La Machine (jouée par Philippe) (morte)

+ (barré) Je veux aider mais personne ne veut de mon aide.
J’étais, pendant l’Âge d’Or, un de ces pauvres gens qui a dû vendre tous ses organes pour survivre. Au final, il ne me restait plus que mon cerveau, et pour gagner ma vie, je me retrouvais enchassé dans une machine de chantier. [NDR : ça peut paraître comme un cheveu sur la soupe, mais Philippe venait de créer son personnage sur une souffrance en Science. De surcroît, la vente d’organes est un truc écrit dans l’Historique de Millevaux. Je crois que Philippe voulait être un simple robot, et c’est moi qui ai rajouté le concept du cerveau pour l’humaniser. Ceci dit, c’est à la suite de ça que j’ai demandé aux joueurs de ne plus apporter de nouveaux éléments extravagants et de broder sur l’existant.] Quand la Catastrophe est venue, j’ai été enseveli sous des décombres, et personne ne s’est soucié de me retrouver. Je suis resté sous terre pendant quatre cent ans.
J’étais sans doute mort, ou en torpeur, mais il faut croire que quelqu’un quelque part s’est souvenu de moi, car je suis revenu à la conscience.
Avec mes bras mécaniques et mes chenilles et ma pelle, je suis remonté à la surface, et j’ai découvert que le monde était devenu une forêt, et que d’autres morts revenaient et qu’ils s’en prenaient à une fillette. J’ai mis les morts en déroute pour la sauver, mais elle semblait autant effrayée par moi que par les morts. Qui plus est, les morts ont réussi à briser mon globe de verre et à manger mon cerveau. Etonnamment, je suis resté conscient : je continuais à vivre dans la Machine, ma personnalité n’étant plus dans mon cerveau, mais dans l’égrégore qui nimbe la Machine.

+ (barré) Diplomatie : l'art de dire des choses gentilles pour justifier des exactions. (pouvoir)
Alors j’ai pris ma plus belle voix de machine et j’ai trouvé les mots pour l’amadouer. Pour lui sauver la vie, je lui ai proposé de fusionner avec moi. J’ai senti que c’était la meilleure solution pour protéger les humains, alors j’ai essayé de fusionner aussi avec sa mère, mais elle n’a pas eu l’air de comprendre et elle a pris la fuite, je n’ai pu fusionné qu’avec l’enfant Jésus.

Christelle m’a demandé de la mener à la Basilique. Nous y avons retrouvé Youssef qui m’a expliqué qu’on pouvait empêcher l’Apocalypse si on entrait dans l’Eglise, mais les fidèles, agglutinés contre la porte fermée, nous empêchaient de passer. Alors j’ai mis mes dernières forces de machines aimantes, j’ai chargé avec ma pelle contre la porte, me suis tracé un chemin sanglant jusqu’aux fidèles et j’ai fini en m’écrasant contre l’autel, défonçant le tabernacle. La première Pierre de la première Eglise en a jaillie, nimbée de lumière, et Youssef l’a rattrappée au vol.



La première Pierre de la première Eglise (jouée par Philippe)

[NDR : quand la Machine meurt, Philippe a le droit de se créer un nouveau perso dans la foulée. Il endosse alors le rôle de la Pierre, dont nous n’avons pas réussi à déterminer si elle était Dieu, un de ses anges les plus puissants, ou simplement une masse d’égrégore consciente omnipotente.]

+ Je veux permettre à tous de réparer leurs péchés.

+ On ne peut se laver de ses péchés que par le sacrifice.

+ Tous les péchés sont révélés.
C’est l’heure du Jugement Dernier. Enclume, mon envoyé, subit la passion sur la Croix. Tous les vitraux se brisent. Des masses de corps morts-vivants se hissent par les vitraux. Tous les morts depuis Adam et Eve sont en train de revenir. Cent trente milliards de morts. Les morts les plus récents, ceux dont le souvenir est le plus vif, commencent déjà à redevenir des vivants.
La Passion doit ouvrir l’Humanité au Repentir. Je pointe chaque vivant et lui rèvèle tous ses péchés, dans une orgie d’icônes et de révélations, ceux qu’il avait oubliés à cause du Syndrome de l’Oubli, à cause d’un traumatisme, ou à cause des mensonges qu’on se fait à soi-même pour réussir à se lever tous les matins.

+ Les hommes ne savent pas guérir de leurs péchés.
Mais rien ne se passe comme prévu : les humains ne se repentent pas, ils ne pardonnent pas. Certains s’arrachent les yeux pour ne plus voir leurs péchés, d’autres se suicident, d’autres s’entretuent. Les souvenirs que je leur ai redonnés accélèrent la résurrection des morts. Certains lèvent les bras en croix et attendant le ravissement alors que des morts leurs dévorent les jambes. Quelle folie ai-je eu de croire que les hommes sauraient se repentir ! Quel gâchis. Je sais que d’une parole je peux mettre fin à tout ça : éradiquer toute l’humanité, les cent trente milliards de vivants et de morts revenus à la vie qui sont en train de former des montagnes humaines sur le monde entier. [NDR : La Pierre joue un conflit pour savoir si elle a le pouvoir d’éradiquer l’Humanité, elle atteint l’objectif. Je donne alors à Philippe le choix entre utiliser ce pouvoir, dans ce cas on finit avec cent trente milliards de morts, ou ne pas l’utiliser, mais de cas on finit sur un écran blanc : on ne raconte pas la suite, pour que chacun se fasse son propre trip].

Je suis sur le point de brûler l’Humanité entière de ma lumière. Mais je me ravise. Est-ce un manque de courage ou mon incapacité à me sentir le droit de le faire ? Je n’ose pas. Je n’ose………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..MUR BLANC


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#88 28 Mar 2014 00:35

Johan Scipion
auteur de Sombre
Lieu : IdF
Inscription : 15 May 2006

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

Ça déboîte. yes


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#89 07 Apr 2014 11:29

Arjuna Khan
membre
Inscription : 26 Apr 2013

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

Houla, ça a l'air d'avoir arraché à ta table. On a vraiment l'impression d'un truc super dynamique. Je note le concept panachage c'est pas con du tout.

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#90 07 Apr 2014 18:11

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

tu peux m'expliquer ce que tu appelles le concept panachage ?


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