<![CDATA[Terres Etranges / [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> 2024-02-06T13:53:11Z FluxBB https://www.terresetranges.net/forums/viewtopic.php?id=1125 <![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> CORVEUS AROGH

Quand le chasseur et le chassé, la terre et le ciel se confondent. Un solo textuel par Gyef.

temps de lecture : 9 mn


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Illustration par Gyef, libre de droits


Joué du 10 au 12/03/2022, puis le 25/04/22 et le 8-9/05/22

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux


L'histoire :

*
Longtemps j'ai volé, Corveus Arhog, solitaire et hautain. Ombre noire au-dessus de vos vies, couvant vos peurs de l'ombre de mes ailes. Mais aujourd'hui la mienne s'éteint, et je rejoins les miens.

Le crépuscule s'avance, et déroule déjà sa morne grisaille entre les troncs sombres, que seules des loques de brume habillent de leurs doigts spectraux et glacés. J'aperçois les ruines qui vont m'accueillir, et où drapé dans mes plumes je vais songer durant la longue nuit à ma longue vie.

Je sais que le manque m'empêchera de succomber au sommeil, et que cela aussi m'épuise et m'achève.

Cet oubli, que je sens en moi, ne peut ainsi me dévorer sans avoir un sens que je dois comprendre. Et si je ne peux seul, alors je dois retourner à la spirale du Bois de Saule, et transmettre la quête.


*
Le jour ne s'est pas levé.

Est-ce déjà la longue nuit qui commence? La faim me creuse, ai-je oublié de manger aussi ? Était-ce mon dernier jour, et ici mon dernier souffle se reposera-t-il à jamais?

Je guette l'aube en moi, mais seul le silence mort me répond.

*
Du bruit enfin, et si la nuit est encore là, Dame brune qui chante le sommeil « d'avant pour toujours », elle semble moins noire, et plus veloutée d'ombres.

Un bruit encore, des branches qui se brisent en infimes craquements, quelque chose avance au sol. Proie, j'ai si faim? Non, trop lourd malgré ses précautions.
Prédateur? S'il est au sol... Mais s'il vient à grimper?

Il me faut le jour pour voler, et le pouvoir de l'oiseau-éclipse dépend du soleil, dont je suis, nous sommes, les gouttes de nuit, messagers de la longue Dame Brune.

*
Nuit brune s'étire, s'allonge et peu à peu se désagrège, brouillée par les ombres encore blafardes qui précèdent le jour.
L'humain, car tu l'as entendu jurer à mi-voix, s'est installé à l'abri des ruines, qui surplombe même les arbres, malgré leur hauteur impossible et malsaine.

Lorsque le ciel de nuit s'estompe comme un lavis trop délavé, tu peux apercevoir l'homme qui campe plus ou moins. Il allume un feu maintenant que la nuit ne le signalera pas. Il sait, se souvient, de toutes les créatures qui, attirées par les flammes et ceux qui les ont fait naître, sont venus se repaître des malheureux qui comptaient sur sa protection.

Il porte des vêtements larges et sales, et tu vois des pièges et du matériel posé près de sa grosse besace.

FAIM !

Et l'homme mange. Faim ! Et le soleil, blafard, apparaît.

L'Oiseau-Eclipse, s'élance avec un croassement de prédicateur de fin du monde, et plonge, tourbillon de vent noir.

Le chasseur lève la tête et c'est la nuit de sa conscience.

*

Corveus est à l'intérieur, et enfin il peut se nourrir, malgré la vermine qui migre de l'homme à l'oiseau-goule.

Se nourrir est vital, et pendant qu'il mâche avec le corps de l'homme le morceau de carcasse, les souvenirs du chasseur passent en lui. Il dévore sans pouvoir s'arrêter, le corps possédé continue hors de sa volonté.

Et Corveus voit la proie avant que l'homme ne l'ait achevée dans le collet. Il voit les plumes blanches, dépecée la chair devenue rouge, carbonisée, noircie au feu.
Il mange avec les dents de l'homme, la Corax Blanche, l'unique, la bien aimée de tous, la messagère du Soleil.
Il veut s'enfuir, quitter ce corps d'emprunt, sortir de ce cauchemar d'horreur indicible. Il sait maintenant quel souvenir il fuit, et recherche tout à la fois dans son ignorance mnésique.

Le lien se dissout, le chasseur épouvanté, l'œil sanglant s'enfuit, titubant, à moitié aveuglé. Ses pas trébuchent, les ronces l'agrippent, décuplant sa frayeur et le menant vers le marais si proche maintenant.

Le Corbeau messager s'envole dans la forêt devenue folle. Les mousses et les feuilles se teintent de noir en une hideuse parodie, alors que les loups sont pendus et le chasseur chassé.

Vengeance, chasser l'homme comme un mulot géant, vengeance, la conscience revient, mais le souvenir traumatique lui s'efface à nouveau.

Et la forêt, toujours plus noire les observe, l'oiseau-chamane et son chasseur. L'oiseau de colère et sa proie, jours après nuits.
*

Nulle part est le cauchemar qui gît au fond de celui qui le fuit, et partout.

Le silence revient lentement, tandis que la tourbe des marais absorbe avec douceur tout ce qui coure, rampe, et se meut au sol, engluant les bruits peu à peu.

Entre chien et loup, alors que le vent porte l'oubli et que la forêt se fait noire mémoire, chacun cherche pitance, réconfort, ou seulement à survivre encore un jour.

.

*


Les jours se suivent, blafards sur ciel crayeux, avec la forêt toujours plus noire, et les nuits à l'unisson, ou le contraire. L'une déteignant sur l'autre, dégoulinant de végétal noir, dévorant la moindre lueur, la plus petite nuance de couleur.

Mais Corveus connaît bien le chemin. Ce souvenir est là, inaltérable, inscrit dans ses gènes. Il délaisse au passage les sentes où les empreintes indiquent encore de la vie. Renards, belettes, chacun essaie de survivre sur ce nouveau territoire qui n'a rien de vierge et tout du monstrueux.

Arogh le chasseur est toujours là lui aussi, ou bien une rémanence échappée au marais, peut-être en suivant Corveus.

Celui-ci l'a-t-il guidé pour avoir une proie à investir, oublieux de ce que l'autre est, ou bien le chasseur cherche-t-il la vengeance, son œil crevé lui gardant intact ce bout de mémoire?

Corveus-Arogh avancent tout les deux liés par le destin, et Bois-Saule sera leur destination, pour le salut de l'un et la perte de l'autre.
Mais si bien intriquées sont maintenant leurs âmes qu'ils ne peuvent plus que partager la même fin.



Commentaires de Thomas :

A. « et si la nuit est encore là, Dame brune qui chante le sommeil "d'avant pour toujours" »

J'aime bien la périphrase employée pour désigner la nuit brune.

B. C'est intéressant que le Corax absorbe les souvenirs du campeur en mangeant sa chair. Je ne crois pas que ça soit inscrit quelque part dans Bois-Saule (ou peut-être dans l'entrée de l'Almanach que tu aurais utilisée ce jour-là), ça doit être écrit à divers endroits dans le lore de Millevaux. Donc c'est très sympa que tu l'exploites, surtout avec la révélation en bout de chemin.


Gyef :

B. En fait le Corax est pour moi un Corbeau-goule. Il absorbe les souvenirs du chasseur quand il l'investit. Or l'horreur vient du fait qu'il possède le corps du chasseur pour profiter du repas de celui-ci, et qu'il découvre seulement alors ce qu'est le repas. Mais le Corax ne mange pas le chasseur. Il faudrait que je rende cela plus clair dans la suite. Merci de m'avoir signalé cela, quoique la libre interprétation de l'histoire qu'induit mon style peut être sympa aussi.

En fait je me sers des entrées mais j'interprète énormément et heureusement car je ne connais que très peu de choses sur la lore de Millevaux.

J'utilise vraiment le JDR solo comme booster de créativité, et non pas comme un rôliste normal. Mais je suis aussi un MJ quasi freeformer par ailleurs, et extrêmement permissif pour mes joueurs et leur créa.

Donc si c'est écrit quelque part c'est super, cela veut dire qu'on a une affinité de pensée dans la création et l'univers.

C. P. S. Peut-être devrais-tu, et devrais-je dans le salon aussi, mettre une note pour signaler que mes écrits ne sont pas forcément canons par rapport au lore aussi, histoire que les lecteurs ne se mélangent pas trop, non ?
Thomas Munier — Aujourd’hui à 11:30
A. Entendu !


Thomas :

C. Ah oui y'a aucun pb que tu interprètes le lore de Millevaux à ta sauce ! C'est fait pour être joué sans connaissance poussée de l'univers et en se l'appropriant



Suite de l'histoire :


25 de Péril

Le temps succédait au temps, des jours noirs comme des nuits, le violet des forêts apparaissant sur fond noir, l'encre nocturne coulant partout, dégoulinant des branches ployantes.

Il marchait depuis si longtemps entre les troncs et les branches que ses bras et ses jambes étaient devenus de bois noueux, tordus par le temps et les intempéries. Les nuits blotti dans des trous, les jours s'agrippant à l'impossible traversée de la forêt de ténèbres, où le sol spongieux ne recevait jamais un véritable rayon de lumière.
Arogh, chasseur errant, ne voyait rien autour de lui. Il sentait d'instinct son univers, faisant partie de ce tout où vie et mort, putréfaction et germination, s'enlaçaient insidieusement, irréductiblement liés, intimement mêlés en une transe morbide, érotique comme une danse macabre.

Le matin arrivait lorsqu'il avait enfin osé faire un feu à l'ombre des ruines des tours de Notre-Dame du monde perdu. Les pierres sombres commençaient à se découper sur un ciel encore hésitant. Il avait posé son barda, ramassis de rebuts recyclés pour servir d'armes, de pièges, griffes et crocs en prothèses pour une survie coûte que coûte.

Il commençait à mordre la chair coriace qui avait cuit la veille. Pas meilleur aujourd'hui, mais qu'importe, ce carburant carnivore donnerait, à son corps défendant, de quoi sustenter le sien. Dévorer la vie pour ne pas être dévoré par l'humus, où les vers attendent leur proie avec leur patience immémoriale.

***

Un battement d'aile, grives ou faucon, buse ou perdrix, qu'importe proie ou prédateur, le chasseur les consommera s'il parvient à les piéger.

Deux battements d'ailes, et un cri lugubre, sarcastique à faire frémir l'âme de mécréant du vagabond revenu de tout.

Troisième battement d'ailes, éclairs noirs, draperies coupantes comme des rasoirs, gifle de ténèbres, et sa conscience bascule.

Son corps continue de déchiqueter, et de mâcher, mais son esprit ne perçoit ni saveur, ni sensations.
À la place de son monde intérieur habituel s'entendent des croassements, des claquements de bec et d'ailes, des cris rauques lancés à travers le vide du ciel.

Arogh est comme sorti de la forêt, et lâché dans le vide au-dessus des frondaisons, très haut.
Vertige, peur, et chute brutale dans son corps en souffrance, la main se posant sur l'œil enflammé, sur la déchirure orbitale. Son corps court tandis qu'un croassement strident s'éloigne de lui.

Le lien s'est rompu, mais pas avant qu'Arogh ne lise dans l'esprit-oiseau qui a pris possession de lui, une image. Une spirale de pierres plates, immense, et des mousses, des lichens, qui l'enserrent et l'étranglent avec une douceur trompeuse.

Cette image s'incruste en lui. C'est là. Il a reconnu le lieu, et les oiseaux maudits qui le gardent.

Là est son but, et suivre l'oiseau de malheur coûte que coûte devient son obsession. L'étonnement de la vision alors qu'il n'espérait plus trouver le lieu, qu'il continuait par obstination, sans le moindre espoir, sa mort seule pouvant mettre un terme à sa quête.
Et voilà qu'il avait un guide, monstrueux et cruel, mais Arogh se tenait prêt maintenant le couteau à la main. Le Corax ne le surprendrait plus, ne lui prendrait pas son autre œil sans y laisser la vie avant de réussir.
Ainsi des jours durant il suivit le trait noir dans le ciel.

Il ne ressentait plus rien, mangeait ce qu'il trouvait, seule la soif le persécutait régulièrement, comme aujourd'hui par exemple.

Arogh leva les yeux vers le paysage, humant l'humidité malsaine de la vasière. La nuit il plaçait des pièges à vent et récoltait un peu d'eau d'une rosée étrange comme la nature dont elle provenait. Mais cela ne suffisait qu'à retarder le moment où son corps trop desséché ne pourrait plus avancer, malgré tout le mépris avec lequel il traitait ses faiblesses.

Suivre l'oiseau, trouver de l'eau, deux obsessions, et toujours l'image de la forêt vieillissante entourant la spirale. De cette forêt dégénérée, sénescente et proche d'une désagrégation lumineuse comme une révélation inhumaine.
La souffrance n'existait plus, restait le but comme un Graal, une récompense ultime. Atteindre la tombe et... Et quoi ? Y mourir sans doute, mais là, enfin là.

Arogh poursuivant Corveus, le temps avait coulé comme le ruissellement qui alimentait la vasière, et le but se rapprochait inexorablement.

...

9 puis 8 de Messe

Qui sait encore comment coule le temps, et s'il ne remonte pas son cours vers l'autre côté de l'obscur miroir, puits sans fond de l'âme du monde.

L'univers a basculé. Gaïa est devenue la noire Kaali, terre sombre où l'humanité s'englue, s'envase et meurt lentement pour nourrir la forêt monstrueuse et mortifère. Partout grouillent les rats noirs du monde sauvage qui ont éradiqué, ou presque, ceux des anciennes villes des hommes. Comme l'humanité s'est battu contre la sylve agressive et conquérante, et à peu à peu perdu du terrain, perdu la partie et la guerre, les rongeurs aussi, commensaux de ces humains et de leurs déchets, se sont vu attaqués sans merci par leurs congénères barbares, sortes de berserkers du monde maudit, sans peur même de l'homme. Et comme les bipèdes dont ils parasitaient le précieux gaspillage, les voilà incapables de faire face aux hordes de ces nouveaux Huns, de ces descendants d'Attila, de ces fils de Gengis Khan, revenant du fond des âges montrer leur bestialité retrouvée, leur force revitalisée par chaque sang versé.

Malgré la pluie qui coule sur les joues, malgré l'eau qui alourdit les ailes, Corveus-Arogh ont avancé à la limite de leur force, et maintenant à la presque nuit, entre chien et loup perdu dans le bois, ils s'effondrent.

Une Ombre plus noire que les arbres eux-mêmes, un bloc de noirceur impénétrable attire leur regard, alors que des rats et des souris, aux pelages étranges, viennent les visiter.

À la première morsure, frémit le corax, qui lance son cri d'horreur, mais au sol, réduit à l'impuissance il n'impressionne guère cette armée lilliputienne qui s'apprête, comme une armada de fourmis sur un cadavre, à le transformer en festin.
À la première morsure Arogh gueule, insulte, injurie, et charrie dans son langage toute la hargne destructrice de son espèce. Cette malédiction qui les a fait détruire leur monde, et qui lui accorde maintenant un sursis.

Les petites pattes détalent, avec de petits cris, des couinements suraigus, des crissement de griffes, tout le monde fuit vers le bloc de noirceur, et l'homme ramasse le corbeau mutant comme un gibier quelconque, et se dirige lui aussi vers la construction.

Le chasseur ne sera pas la proie de ses proies, pas encore, et jurant entre ses dents il traverse les buissons, où se déchire encore ses hardes déjà vieilles et usées, où se griffe sa peau tannée et marquée, il avance vers la bouche d'Ombre noire où il entre à tâtons.

Silex moderne, vestige de sa civilisation, il allume quelques feuilles, et trouve dans son paquetage la pâte de résine avec laquelle il se fabrique une torche de fortune.

Plus de fumée que de lumière, mais un couloir se dessine, un plafond résistant à la sauvagerie extérieure, un sol où le vent a poussé branches, feuilles mortes et poussières, mais où rien ne pousse.

Arogh éprouve à cette découverte un soulagement qu'il avait oublié. Après un petit repos, il s'enfonce dans le bunker, pour pouvoir se faire un feu que la nuit de la forêt ne verra pas de ses yeux multiples.

Mais dans les vestiges du demi jour agonisant, l'œil de l'arbre a vu.

L'arbre-oeil de la sylve a tout vu, et le message se propage par les racines, les synapses végétales et cachées produisent leurs messages chimiques, et véhiculent l'information loin, près, partout.

L'homme est là, la forêt le sait.



Commentaires de Thomas sur le 9 puis 8 Messe :

A. Qui est Kaali ?

B. Une suite de solo très littéraire, je trouve :) Bien joué !

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> LA SOIF EST PLUS FORTE QUE TOUT

Des paysages étrangissimes à explorer, et une fin qui se passe de mots. Un récit de partie solo par Phobeoth

Temps de lecture : 2 mn

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(image par Dall.e)


Joué en solo le : 22/01/22

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux


L'histoire :



LE LIEU
Un marais

LE MOMENT
Le crépuscule

LE CLIMAT
climat différent, magique ou étrange

CE QUI TE TIRAILLE AUJOURD'HUI
la soif

L'ÉLÉMENT DE MILLEVAUX DU JOUR
L'oubli ou la mémoire

LE DÉTAIL FORESTIER DU JOUR
Feuille / Feuilles mortes / Épines

DICTON DU JOUR

Treize de Charnier
Mortes
Elles sont bien mortes
Qui furent si belles
À la peau transparente
Tombées face contre terre
Elles si légères
Feuilles mortes

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(C) Sylvain Le Corre pour L’Almanach


TON AVENTURE

Exploration (Tu découvres autre chose que ce que tu recherchais)

Tu peux atteindre ton but seulement si tu acceptes le prix à payer (un être que tu estimes devient ton ennemi)


La fiction:

La tempête a secoué la Forêt toute la journée, obligeant Racine à avancer trempé d’abris en abris. Son corps transi par le froid semble secoué par des tremblements de plus en plus intenses.

L’atmosphère, toujours aussi étrange et envoûtante, colorise les combes et ravins serpentant le long des sentes.

Bientôt le crépuscule semble s’annoncer tel un héraut de la fin des temps, mais Racine n’est pas dupe, la fin des temps est déjà passée et depuis bien longtemps, bien avant sa naissance parmi les Arbres.

Au rythme où les lumières du jour baissent, la Forêt laisse petit à petit place à une zone marécageuse, arbustes, fougères et zones inondées contaminent la hêtraie dans laquelle Racine divaguait assoifé au bord de l'évanouissement. Le plus étrange avec cette soif dévorante, c’est qu’il l’oubliait instantanément. L’Oubli est sur lui, observant le moindre de ses pas, il est là comme un corbeau perché sur son épaule.

Racine, perdu dans ce labyrinthe marécageux avance encore et encore ne semblant même pas se rendre compte du lieu dans lequel il est. En réalité, il n'est même pas là. Son esprit est hors de son corps, hors du temps. Son corps déshydraté l'abandonne, ses jambes se dérobent sous lui le faisant chavirer et tomber dans le marais. Sa chute écarte et fait voler l’amas de feuilles qui cachait le bassin d’eau, le vent emporte les feuilles et les aiguilles de pins qui jusque là demeurait immobile dans le silence.

Racine reprend conscience, se raccrochant aux touffes d’herbes séchées par le vent, il boit frénétiquement, mais sa soif ne veut pas le quitter. Elle est comme un parasite. C’est un parasite.

Il ouvre les yeux se rendant soudain compte que le Marais n’en est plus un, les bassins d’eau sont en réalité remplis de feuilles mortes, d’épines et d’humus accumulés dans ce qui devait avant accueillir les eaux stagnantes. C’est les feuilles mortes, elles ont tout bue...

Rassemblant ses dernières forces, il avance pris de vertige, inondé par les couleurs surnaturelles du coucher de soleil. Tout est si étrange, les couleurs sont comme du pastel, le crépuscule d’un bleu violacé est presque palpable.

Ses pas le mènent soudain dans une zone plus dégagée, les herbes sont hautes, le vent se lève légèrement faisant apparaître à ses yeux un puit de pierre.

Chitine sortant de sa cachette s’accroche à l’oreille de son ami et lui chuchote que s' il boit de cette eau, il ne restera que de la haine entre eux. Une haine qui fera de Chitine son ennemi.

La soif est plus forte que tout.

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> FANTÔME INTÉRIEUR

La première journée du périple d'un homme sauvage perdu dans un monde encore plus sauvage que lui. Un récit par Phobeoth.

(temps de lecture : 5 min)

Joué le 17/01/2022

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux

Suggestion d'écoute : Crépuscule, un morceau de black métal instrumental inspiré par Millevaux, par... Phobeoth en personne   , libre de droits.

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Phobeoth, libre de droits


Création du personnage

?

MON DESTIN FATAL

La roue de la fortune, Un fantôme m’implore de le tirer de l’embarras ( de sa propre malédiction).

CHASSER ET SE FAIRE CHASSER

Ce qui me donne la chasse: Ce fantôme qui me hante
Ce à quoi je donne la chasse: Ce pourquoi le fantôme me poursuit.

UNE QUESTION ET UNE CERTITUDE

La question: Jusqu’où vais-je devoir courir pour trouver la paix?
La certitude: Il n’y a que dans la mort que je pourrais trouver le repos.

UNE CROYANCE

Rien n’est impossible

UNE VERTU ET UN VICE

Ma vertu: Jusqu'au Boutiste
Mon vice: Ma misanthropie

UN SOUVENIR QUI ME HANTE

Le visage terrifié de ce fantôme dans une nuit enténébrée

MA QUÊTE

Trouver la fin de la forêt

MES DEUX SYMBOLES

Un petit morceau de bois sculpté, j’ai oublié qui l’a fait, mais j’ai un vague sentiment de mélancolie quand je le contemple.
Une photo délavée, je ne vois que de vagues silhouettes dessus.

QUI M’ACCOMPAGNE:

Un être ou une chose: Un scarabée dénommé Chitine


L'histoire :


DESCRIPTION

Je suis d’une grandeur inquiétante, ma maigreur l’est aussi, le visage creusé, les cheveux hirsutes et sombre parsemé de feuilles et de morceaux de lichens. Mes yeux sont du même vert que la forêt et mon regard est rêveur.  Je m’appelle Racine.

LE COMMENCEMENT

Racine, de sa haute taille, se réveille lentement dans le creux d’un vieux chêne. L’humidité est partout, ses quelques vêtements sont déjà trempés, en fait ils le sont tous les jours en vérité. Frissonnant, Racine se frictionne tant bien que mal, palpant son visage comme un aveugle le ferait pour ne pas oublier les traits de son propre visage. “Chitine” le scarabée logeant dans sa chevelure s'accroche à son oreille comme s’il murmurait quelques secrets à son hôte.
Racine fouille du regard les frondaisons à la recherche de ce visage pâle qui le hante. Refoulant quelques frissons, il rassemble ses frusques et sa besace en écorce et reprend sa route en espérant trouver à la nuit la fin de cet enfer forestier.

LE LIEU

Des Ruines

LE MOMENT

Le jour

LE CLIMAT

Un climat différent et magique, étrange

CE QUI ME TIRAILLE AUJOURD’HUI

La faim

INSPIRATIONS

-Mes propres symboles, le morceau de bois sculpté et la photo délavée
-La Forêt

Inspiration du 17 de Charnier de l’almanach

Je suis trappeur, je fais les peaux, fourrures de bêtes, gueules, pattes et crocs, entassées, recousues, parfois un doigt qui dépasse.

Le détail forestier du jour:

Asticot/ver/Larve/Chenille

LE CŒUR DE LA JOURNÉE

L’album du jour: YLVA / META

Ce qui m’attend:

Racine ne s’attend à rien, hier comme aujourd’hui la forêt est partout et ses dangers sont palpables. Il pense errer encore et encore sur les sentes humides grouillant de vermines sans nom.

Mon aventure:

Péripétie:

Antagoniste

I/ Ce que je veux atteindre: Je veux triompher de mon antagoniste et échapper à ses malédictions
II/ Si je ne réussis pas: Les malédiction de cet être me suivront pas à pas.

Je réussis à terrasser mon adversaire et obtient un avantage inespéré, il connaît le nom du fantôme qui me poursuit

Un être qui m’est proche est sérieusement touché: Je brise mon bâton sculpté dans le combat

Un réconfort:

Je me plais à tenter d’écouter les écho des murmures de « Chitine » au rythme du vent dans les arbres.

La fin de journée:

Un danger ou un problème s’annonce


La fiction :

Dans une étrange atmosphère aux couleurs étranges et intenses semblant chargées d’électricité, Racine prend la route au cœur des sentes grouillantes d’asticots et d’autres rampants répugnants qu’il déteste particulièrement. Ses pieds nus frôlent les corps gigotant sans cesse, certains de ces êtres piquent leurs dards et leurs mandibules dans la corne de ses talons et de ses orteils.
Dans ses pensées, il rêvasse, imaginant une lumière chaude et réconfortante symbolisant la sortie de la Forêt.  Au bord d’un ruisseau il soulage sa soif, calmant partiellement sa faim dévorante.
Après une succession de crampes dans son estomac, un reflet dans l’eau ruisselante attire son œil vers le haut de la gorge. Caché derrière les arbres, rongé par les épais fourrés, des lignes indistinctes, ressemblant étrangement à une vieille tour maçonnée apparaissent à ses yeux avides.
La peur soudain l’envahit en même temps que sa faim lui faisant croire qu’il trouvera peut être quelque chose là bas parmi les vestiges de cette tour.
Racine escalade tant bien que mal les pierres moussues et tranchantes de ses mains et pieds nus, ne manquant pas de s’écorcher par la même occasion. Arrivant sur le plateau dominant la gorge, il est bientôt face à cette tour le dominant de toute sa hauteur. Ses sens sont en alerte car un souffle, une palpitation sourde semble émaner de la bâtisse. Celle-ci est recouverte de peau de bêtes, de gueules et de pattes liées entre elles dégagent une forte odeur de charnier. Les ver de mort semblent proliférer ici, grouillant, gesticulant sous les peaux mal tannées.
Un râle retentit soudain depuis l’intérieur manquant de faire tressaillir Racine.
Prudemment il avance, poussé par sa faim plus forte que tout. Son regard perce les ténèbres de la tour où il découvre un amas immonde de peaux sous lequel un être d’une obésité terrible gesticule comme une larve. Cette chose, cet être à demi humain  agite ses mains et lèche les quelques dents qui lui restent, semblant se délecter de la présente de cet invité.
Le trappeur Immonde tente d’attraper les jambes de Racine pour le dévorer, Racine tombe sous la surprise au milieu des peaux qui semblent le recouvrir instantanément. Pris de panique, il sort la lame de silex qu’il cache dans le revers de sa chemise, la plaçant au creux de sa main, s'apprêtant à frapper. Le voilà maintenant nez à nez avec l’odieux et répugnant trappeur, son visage gonflé et déformé par son régime putride. De ses quelques dents, il sourit à Racine, chuchotant à son oreille qu’il vaut mieux que sa vie se termine ici, car ce qui le poursuit est bien pire.
Portant un coup fatal, tranchant la gorge de l’immonde créature, Racine réussit à se libérer des peaux et des os se trouvant au-dessus du trappeur. Dans un dernier râle, le trappeur ricane et dit offrir une faveur à celui qui l'a saigné comme un porc, donnant ainsi le nom du fantôme poursuivant Racine. Ce fantôme, c’est lui-même.

Après s’être repu du tas de viande du trappeur, Racine décide de retourner dans la gorge et suivre le torrent jusqu'à trouver un lieu propice au repos. Le creux d’un arbre comme d’habitude. Au cœur des racines et de la mousse épaisse. A la nuit tombée, « Chitine » à son oreille, Racine regarde les houppiers se plaisant à écouter les murmures de son ami le scarabée.


Pourtant le vent se lève soudain, annonçant certainement une terrible tempête. Recroquevillé dans les racines de l’arbre l'accueillant par cette nuit froide, il se raccroche aux murmures de son ami et s’endort en frissonnant, n’espérant ne jamais se réveiller.


Commentaires de Thomas :

A. « Un petit morceau de bois sculpté, j’ai oublié qui l’a fait, mais j’ai un vague sentiment de mélancolie quand je le contemple.
Une photo délavée, je ne vois que de vagues silhouettes dessus. »
C'est pas très grave, mais tes deux symboles sont un peu trop précis pour être réutilisés facilement. On peut évidemment garder en mémoire que tu possèdes ces deux objets, et renommer les symboles en « bois » et « photo », afin de faire intervenir d'autres formes de bois et d'autres photos : un symbole est une esthétique, pas un objet précis.

B. C'est très plaisant de voir une partie de Bois-Saule se dérouler avec tous les détails !


Réponse de Phobeoth :

A. Effectivement ce n'est plus des symboles avec trop de détails !
B. Je te remercie, je pense que le côté écrit avantage l'utilisation de tout les éléments du setting.

D'ailleurs je pense continuer cette histoire, j'ai vraiment adoré le mode de jeu en solo. C'était une première pour moi!

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> LA BÊTE DU BOIS DE NERVINE

On est toujours la bête de quelqu'un. Un épisode de jeu de rôle solo primal par Milloupe.

(temps de lecture : 29 min)

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux


Avertissement : contenu sensible (voir détail après l'image)

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Paul, cc-by-nc-nd

Contenu sensible : Violence, Meurtre, Mutilation


Note de Milloupe :
Ceci est l’histoire, écrite au jour le jour à l’aide du système de jeu de rôle solo Bois-Saule, d’un monstre en lien avec le roman-feuilleton La Folie Pourpre que je suis en train d’écrire.

Les informations au début de chaque jour correspondent aux contraintes narratives obtenues grâce à Bois-Saule.



L'histoire :

Je marche, je rampe, je traîne mon horrible carcasse dans cette boue puante, comme un ver misérable et épuisé. Manger, ramper, manger encore. Voila tout ce qui m’anime. J’ai froid, j’ai faim. J’ai peur. Je ne connais plus que la peur, depuis que je vis la nuit dans cette forêt.

J’ai faim. Mes doigts noirs sont des griffes dont je lacère tous les êtres vivants que je croise. Ma peau est une écorce sèche, dure, froide. Je me fonds dans cette boue qui m’a vu naître. Je m’y nourris d’insectes et de racines. Je crois. Je ne me rappelle pas de tout ce que je fais, ni de tout ce que je vois, encore moins de tout ce que je mange. Je ne me rappelle que du froid. Et de la faim.


Jour 1 :
Un Bunker – grasse-nuit – Le vent – Un trouble mental – Horla – Cerf/Biche/Faon – Péripétie (progression, un être proche perd la vie)

Le vent fait craquer cette vieille cabane branlante. Je me colle aux planches vermoulues et froides, cherchant à oublier les rêves que la nuit m’apporte. Je me recroqueville, les mains sèches serrant mes genoux contre mes côtes saillantes, les yeux exorbités fixant dans l’obscurité moite et inconnue. Encore longtemps avant le lever du soleil. Je ne sais plus compter les heures, mais je reconnais toujours l’ombre de la nuit noire de celle qui précède le matin.

Un craquement me pétrifie sur place. Ça venait de l’extérieur. Ça y est la Bête est là, j’imagine déjà ses griffes racler contre ma peau, ses yeux boire mon âme et ses crocs me déchiqueter. Un nouveau craquement sec. Plus aucun doute, ce soir c’est ma fin. Je me relève doucement, tremblant de tous mes membres. J’entends la respiration rauque de la bête s’approcher comme si elle était déjà sur ma nuque, son haleine chaude m’emplit les narines.

Un craquement. Tout près de moi. J’oublie tout, la peur la douleur la nuit et je me rue vers le bruit en hurlant de toutes mes forces. Je cours à l’aveugle, je bondis instinctivement et je rentre dans la Bête de tout mon poids, je sens sa fourrure chaude sous mes doigts et son corps puissant se débattre avec rage. Chacun cherche à dévorer l’autre, à griffer, à mordre, à tuer. Notre lutte fait un vacarme infernal et déjà je sens la douleur de ses crocs qui percent ma chair et fait couler le sang sur les lambeaux de mes vêtements.

Je redouble de rage, de force, mes griffes, mes pieds, mes dents, tout s’accroche à la bête qui crie de surprise et rue en arrière. Je tiens bon, à l’aveugle je trouve son cou et m’y accroche du bout des griffes. Secoué en tous sens, je sens à nouveau les crocs et les griffes déchirer mon dos, s’enfoncer profondément entre mes côtes, mais je me sers de cette douleur pour me donner la force de me tirer en avant et mordre dans les poils, la peau, la gorge de la Bête.

Je sens son sang chaud et salé remplir ma bouche, je sens des cartilages céder, je sens sa respiration haletante passer entre mes dents alors je serre, je serre, je serre.

Les derniers soubresauts remplissent mes narines de sang et me jettent à terre mais la Bête est déjà morte, s’effondrant dans une mare de sang chaud qui s’étend encore et dans laquelle je me recroqueville, épuisé. Vidé.

Puis le souvenir me heurte de plein fouet. Je me vois, comme à chaque fois que je tue la Bête, je me vois et c’est moi le chasseur mais ce jour-là j’ai décidé d’épargner ce petit faon parce qu’il avait des yeux si doux et il m’a rappelé ma peur par la peur qui était dans ses yeux alors je me suis vu dans ses yeux mais le chasseur c’était moi et aujourd’hui je viens de tuer le cerf que le petit faon était devenu parce qu’aujourd’hui la Bête c’était ce cerf.

Alors je dors enfin, réchauffé par la mare du sang du cerf et par son corps encore chaud qui refroidit à côté de moi. Alors je ferme les yeux avec force parce qu’après ça je sais qu’il n’y aura pas de rêve.


Jour 2 :

Un futur imaginé – crépuscule – Le brouillard – la Faim – Forêt – feuilles mortes/épines – introspection (croyance et désappointement)

Les ombres des arbres qui m’entourent s’étirent à mesure que le soleil se couche. Je trébuche sur le réseau sans fin de racines, rendues gigantesques et furieusement tortueuses par les ombres. Je trébuche encore, tombe de tout mon long et heurte un tronc avec violence, mon crâne résonnant de douleur.

Ma vision s’embrume un peu des larmes que la douleur invoque, puis un vrai brouillard se lève autour de moi, avec la fraîcheur de la nuit qui arrive. La masse blanche et progressivement plus dense s’étend et se rapproche, menaçante, terrifiante, tendant ses griffes de brume vers moi alors que je recule me recroqueviller désespérément dans un tas de feuilles mortes qui crissent sous mes pieds et mes mains.

Le brouillard s’épaissit et m’enveloppe, il me glace, il me saisit jusqu’aux os et vient me rappeler la faim qui me tenaille, qui contracte mon estomac alors que je m’enfonce entre les racines, pour m’éloigner de ce brouillard qui me saisit tout entier. Sans succès.

Alors des formes plus denses, plus visibles, apparaissent dans cette mer de pâleur et dansent devant mes yeux, envoûtantes, enivrantes…rassurantes ?

Je vois des êtres, des formes presque humaines mais plus humaines que moi, me tendre la main, j’entends leurs voix humides m’appeler, me rassurer, tandis que leurs mains de brume me traversent et disparaissent. Ces êtres prennent toujours plus forme, je distingue leur corpulence et leurs vêtements, je remarque qu’une d’entre elles porte une sorte de masque avec des cornes de cerfs, des cornes en brume, qui s’agitent quand elle chante et qui dansent avec elle.

Je sens une main de gouttes d’eau me prendre ma main de chair, je sens des doigts caresser mes doigts et me montrer que mes griffes ne sont plus là, me montrer que je suis à nouveau aussi humain que ces formes qui m’appellent encore et qui dansent et qui sont faites de brouillard mais pourtant sont plus humaines que la Bête qui me suit et que je suis.

Soudain je vois les formes de brouillard se figer et pousser de longs cris que je suis le seul à entendre mais qui résonnent dans l’écorce et les feuilles mortes où je me recroqueville pour boucher mes oreilles cacher mes yeux et espérer, espérer que ça s’arrête.

J’entends alors enfin une dernière phrase qui m’appelle, qui me dit de revenir alors qu’il est déjà trop tard, je le sais, la Bête me suit et si je reviens elle me verra me trouvera et me tuera alors je repousse les formes de brouillard qui déjà disparaissent et je continue de fuir, de chasser la Bête en retour et de manger parce que j’ai faim.


Jour 3 :

Endroit familier – presque nuit – Tempête – Insécurité – Égrégore – Arbre/Souche/Tronc – Exploration (si horrible que la raison vacille ? changement tentant, mais dramatique si cède)

Je peine à avancer sous cette pluie qui s’abat sur moi comme le couvercle d’un cercueil, me poussant sous terre, me forçant presque à ramper, dans l’obscurité qui suit le crépuscule. J’entends l’orage gronder, terrible, tandis que les éclaboussures de la pluie me remplissent les yeux, les oreilles, le nez, m’aveuglant et m’asphyxiant. Un instant, j’ai peur d’être en train de me noyer, d’être tombé à l’eau tellement la pluie semble être partout, au-dessus au-dessous à l’intérieur, jusqu’aux os.

Puis je glisse et m’étale dans la boue et le froid soudain et la terre dure sous mon corps me rappellent que je suis encore là. Alors je lève les yeux et je ne vois rien à travers la boue et la pluie et je tâte avec mes mains devant moi et je sens un arbre, l’écorce sèche et rêche. Je m’essuie les yeux pour voir devant moi et je vois un tronc, un tronc assez haut mais qui n’a plus de branches parce qu’il a été touché par la foudre il y a longtemps. Je ne sais plus comment je sais ça ou qui me l’a dit mais je me rappelle que je suis déjà venu ici et je n’étais pas seul mais j’ai oublié son visage et je n’arrive pas à entendre sa voix par-dessus le torrent de pluie et les grondements de l’orage, pourtant je sais que je suis déjà venu et on m’a dit que cet arbre était là depuis longtemps et qu’il était important mais dangereux, parfois, alors je ne devais pas y aller seul parce que je ne savais pas quand il était dangereux et quand il nous laissait approcher.

Un doute arrive à se faire une chemin dans mon esprit embourbé : est-ce que l’arbre foudroyé va comprendre que je suis là par hasard et que c’est la pluie qui m’a amené ici, que je ne lui veux aucun mal ni rien du tout d’autre, mais est-ce que la pluie ne m’a pas mené ici exprès justement, soit pour me perdre soit parce que l’arbre foudroyé lui a demandé ?

Je regarde le tronc abîmé et si vieux à travers le rideau de pluie, je vois les nombreux trous d’insectes et d’oiseaux puis tout à coup comme un mouvement, comme si les nœuds du bois avaient bougé et soudain c’est toute l’écorce qui semble remuer et un visage s’y dessine, chaque trou et chaque nœud prend un sens nouveau c’est un visage qui se réveille et me regarde du haut de l’arbre foudroyé.

L’arbre me regarde, des trombes d’eau ruissellent sur ses sourcils de mousse et le long de ses joues d’écorce et je vois qu’il voit mes souvenirs en moi qu’il sait qui je suis qui j’ai été et qui j’ai tué et alors il pousse comme un long hurlement, ouvrant sa gueule de liège et de sève où des griffes d’écorce se projettent vers l’extérieur comme un tas grouillant d’insectes qui m’appellent à travers le cri.

Irrésistiblement je tends ma main vers cette bouche béante et griffue qui m’appelle et me promets de choses que je ne comprends pas pendant que le tonnerre et le cri de l’arbre foudroyé se mélangent dans mes oreilles. Quand je touche l’écorce froide je la sens qui m’aspire et m’empêche de repartir avec ses griffes et je comprends qu’elle aspire mes souvenirs mes erreurs mes crimes ma peine et qu’elle me fait ce cadeau parce qu’autrefois j’ai bien écouté quand on me disait que l’arbre foudroyé était important.

Le sentiment de succion par la paume de ma main continue et je sens mon esprit se déliter, perdre pied dans les méandres de mes souvenirs qui s’effacent et de ceux qui restent, de mes certitudes qui s’adoucissent et qui plient et qui cassent.

Alors je sens le contact avec le tronc s’estomper et le cri assourdissant que je n’entendais presque plus par derrière le torrent de pluie s’arrête et c’est son silence qui me frappe puis le visage de l’arbre lui-même disparaît. L’écorce me rend ma main en ayant gardé mes souvenirs, mais avant que j’ai le temps de me sentir vide de l’absence de ces souvenirs je rapproche mes doigts de mon visage pour essuyer mes yeux plein d’eau et je vois qu’ils sont pétrifiés, noircis, carbonisés, et déjà en train de se dissoudre dans l’eau.

Je vois mes doigts disparaître devant mes yeux et impuissant j’approche mon autre main mais je n’ose pas toucher, j’ai trop peur de la douleur, des conséquences, de la contagion, et toujours mes doigts lentement s’érodent dans la pluie jusqu’à ce qu’il ne me reste que le pouce et une phalange de chaque autre doigt à la main droite.

Et dans la terreur qui me remplit vient s’empêtrer un des seuls souvenirs qui me restent, la seule autre certitude que la faim et la peur, ce visage que je voudrais oublier, cette expression terrifiée et ces yeux tristes qui me regardent avec horreur, ce que j’aurais vraiment voulu oublier mais qui reste parce que l’arbre ne pouvait pas tout prendre. Puis la foudre tombe encore, tout près, et le tonnerre qui explose aussitôt fait voler en éclat tout reste de conscience. Je m’effondre, tenant ma main droite dans ma gauche et la sentant tout près de mon cœur, mon cœur si vide maintenant que tant de souvenirs manquent et si douloureux avec ce souvenir qui reste et m’emporte dans les cauchemars.


Jour 4 :

Usine à l’abandon – presque nuit – Silence – Faim – Ruine – Mouches/Papillons/Fourmis – Péripétie (récompense ou trésor ? Horla naît des pensées)

La nuit vient de tomber quand je sors de la forêt dans une large plaine inconnue. Le sol est encore chaud de la chaleur de la journée et quand je m’éloigne de la forêt et de sa vie ce que j’entends en premier c’est le silence. Pas un oiseau, pas d’animaux nocturnes, juste la profondeur et la pesanteur absolues de la nuit qui recouvrent le monde.

Je poursuis mon chemin au hasard, éclairé par quelques étoiles, poussé par la faim qui me fait un creux dans le ventre et qui me fait avancer, continuer sans savoir où je vais ou si je vais quelque part. Une silhouette sombre se détache sur la plaine et cache une partie de l’horizon alors comme j’aime ce silence nouveau et que la forêt est derrière moi je vais vers la forme sombre, je me mets même à trottiner parce que quelque chose dans ma tête me dit que c’est là que je dois aller et vite, vite, avant qu’il ne soit trop tard.

Quand je me rapproche la silhouette devient la vieille ruine d’un moulin à vent dont les ailes sont transpercées de trous qui laissent voir les étoiles au travers mais il y a encore le corps du moulin qui se dresse dans la plaine dans le silence et dans la nuit. J’entre à l’intérieur parce qu’il y a toujours cette voix qui me dit que là-dedans je pourrai trouver à manger et je pousse la vieille porte de bois avec mon épaule.

L’intérieur est très sombre, malgré le toit qui n’a plus de tuiles et un pan du mur qui s’est effondré, malgré ça il fait noir alors je tâte autour de moi, je renifle les odeurs de poussière, j’écoute le silence dans le moulin. Je sens l’ancien mécanisme, les engrenages la meule et le versoir pour remplir les sacs mais il n’y a plus de sacs, plus de farine, seulement quelques vieux grains de céréales déjà germés que je porte à ma bouche et qui disparaissent en moi alors que j’ai encore faim et qu’il n’y a déjà plus d’autres grains.

Puis je sens les barreaux de l’échelle qui monte à l’étage, je ne sais pas comment mais je sais que c’est là qu’on entrepose les sacs et qu’on répare le moulin quand ça grince quand ça crisse quand ça bloque. Je monte lentement dans le silence et le noir, j’entends le bois craquer doucement mes pieds frotter contre le bois et mon cœur battre dans mes oreilles parce que dehors c’est le silence.

Tout à coup, j’entends au-dessus de moi un petit bruit, un frottement ou un bruissement je ne sais pas, je m’arrête et j’écoute et je sens quelque chose me caresser le visage et s’éloigner alors je tends la main et je sens dedans un papillon de nuit se débattre avec ses ailes qui me chatouillent la paume mais je ne le lâche pas et je le sens, le renifle mais il ne sent rien. Je me rappelle que j’ai faim mais je n’ai jamais aimé les papillons ça chatouille dans la bouche et ça ne nourrit pas alors je rouvre la main et continue à monter à l’échelle en entendant les barreaux craquer et le papillon voler silencieusement.

J’entends à nouveau le bruissement au-dessus de moi et ça ne vient pas du papillon ni du vent dans les ailes du moulin, je finis de monter l’échelle et je reste très très calme, écoutant par-dessus le bruit de mon cœur et regardant vers les étoiles que je vois à travers la charpente nue du moulin. Je vois enfin une forme cacher très rapidement les étoiles avec un bruissement et passer pas loin de moi, si j’avais été plus rapide je l’aurais attrapée mais à nouveau je ne la vois plus et le silence n’est rempli que de ma respiration et des battements de mon cœur.

À nouveau un bruissement et un éclair d’ombre mais cette fois-ci j’étais prêt et je tends mon bras ma main et mes griffes à toute vitesse et j’attrape l’ombre au vol. Je tiens la chauve-souris de toutes mes forces alors qu’elle se met à crier et se débattre mais elle ne chatouille pas et j’ai plus faim qu’elle ne me fait mal donc je la tiens et l’approche de mon visage. Elle se tétanise, épuisée de se débattre, je la porte à ma bouche, mes crocs brisent son cou et déchirent sa peau, je sens le peu de chair réchauffer ma gorge. J’arrache les deux ailes parce qu’avec je pourrais m’étouffer puis je croque son corps tout entier parce que j’ai faim donc je ne veux pas attendre.

Les poils, les muscles, le sang, le tripes, les os, tout se mélange et tout se brise sous mes crocs. Quand ça atteint mon estomac, le souvenir qui me heurte est noir, rempli de bruits et d’odeurs mais la chauve-souris était jeune alors le souvenir n’est pas très fort et maintenant j’ai moins faim.

Alors je me redresse et j’étends mes ailes et je saute pour descendre de l’étage mais je ne sais pas encore voler alors je sens l’impact du plancher vibrer dans tous mes muscles et mes os et je sens mes ailes être déchiquetées par les barreaux de l’échelle quand je la heurte. Je crache du sang, le mien et celui de la chauve-souris puis je rampe je marche je cours vers la sortie et à travers la plaine en sachant que la Bête va être attirée par le sang et elle va venir dans le moulin et l’occuper et je ne pourrai plus y retourner.


Jour 5 :

Une aberration organique – Noire nuit – climat étrange – Manque causé par l’oubli – Égrégore – Fleurs/pétales – Introspection (Question/certitude -> Remords)

Je suis allongé dans une clairière, le vent fait pleuvoir des feuilles mortes. Pour une fois, il fait jour. J’ai mangé, je ne me rappelle pas quoi. Je n’ai pas encore froid, ni soif. Mais j’ai mal. Mal à mes doigts absents sur ma main droite. Mal à ma mémoire vide. Mal à mes ailes déchirées à mes crocs ébréchés à mes griffes élimées à mes membres épuisés. Mal mais pourtant je suis en vie et je sens mon cœur qui bat, qui continue de faire ce pour quoi il est là.

Et moi, pourquoi je suis là ? Pour quoi ? Le vent autour de moi et la douleur n’empêche pas mon esprit d’être beaucoup plus clair que d’habitude, beaucoup trop clair. Je tourne la tête et je vois des fleurs tardives et les fleurs me rappellent le parfum et le parfum me rappelle le visage et le visage me rappelle la souffrance d’avoir oublié le nom de ce visage. Sous le visage il y a une fleur mais je ne sais pas laquelle ni pourquoi elle est là ni le nom du visage au-dessus de la fleur et ma main me fait mal, mal, mal, presque autant que l’oubli.

Pour oublier ma main je suis le visage je vais là où il m’emmène, je regarde ses lèvres parler mais je ne comprends plus ce qu’elles disent, peut-être qu’elles m’appellent, qu’elles me disent qui je suis alors que maintenant j’ai oublié et je n’arrive pas à comprendre quand le visage me le dit.

Une feuille morte atterrit sur mon visage et une autre sur ma main et l’éclair qui traverse la main me transperce et me fait hurler si fort que le visage dont j’ai oublié le nom hurle aussi en crachant et en sifflant vers moi. Et le visage m’insulte et devient rouge de colère mais les yeux sont écarquillés de peur et je ne comprends toujours pas ce qu’il me dit jusqu’à ce qu’il prononce le dernier mot dont je me rappelle et qui me gifle les oreilles, la mémoire, la conscience, le mot qui devient plus douloureux que la douleur dans ma main.

Et je sens des larmes couler le long de mes joues et ruisseler sur le visage qui maintenant a plus peur qu’il n’est en colère mais ce n’est déjà plus le même visage, je ne me rappelle pas non plus de son nom mais il est important aussi et mes larmes coulent et je voudrais supplier mais je ne connais plus les mots je ne connais plus que le mot et quand je le dis c’est pour poser la question est-ce que je suis vraiment devenu le mot est-ce qu’il n’y a plus rien d’autre est-ce que dans mes souvenirs je ne peux pas trouver d’autres mots pour être ceux-là ?

Alors mes souvenirs déferlent comme les feuilles mortes qui tourbillonnent et ces souvenirs sont muets, sourds, ils hurlent mais ne connaissent pas de mots, ils ne connaissent que la violence et la peur et la faim et la soif. Aucun autre mot ne se trouve dans ma mémoire alors je repousse le visage de ma main difforme et son dernier cri résonne du dernier mot qui remplit mes oreilles mes larmes mon cœur et ma vie.

Monstre.


Jour 6 :

Un Cauchemar – Grasse nuit – Tempête – Soif – Ruine – Mille-pattes/Serpent – Exploration (Ce que tu découvres doit être scellé)

Je ferme les yeux en m’abandonnant à la nuit, la bouche sèche et les membres endoloris.

Quand je me réveille dans cet autre monde, celui où le paysage change quand je ne le regarde pas et où tout paraît plus proche mais disparaît quand on le touche, j’ai encore la langue pâteuse alors je cherche à boire, de l’eau, de la mousse ou du sang, peu importe si je peux le boire. Alors j’avance, lentement, à tâtons, en sachant que je ne me déplace pas vraiment même si bientôt je vais aussi oublier ça et j’aurai l’impression que tout est réel et peut-être que j’oublierai de revenir dans l’autre monde mais pour l’instant je marche en cherchant à boire tandis qu’autour de moi commence à se dessiner un village, des habitations, je ne les regarde pas trop fort parce que j’ai peur qu’elles disparaissent ou qu’elles changent ou que je les reconnaisse.

Enfin je le vois, comme si j’avais su qu’il serait là alors que je ne connais pas cet endroit, enfin je vois cette chose dont j’ai oublié le nom mais on les construit, c’est solide c’est profond et il y a de l’eau dedans, alors je m’en approche, je ne cligne pas des yeux sinon il ne sera plus là et il n’y a personne dans le village mais je me penche vers là où il y a de l’eau, par-dessus le petit mur de pierre. Je vois l’eau, là, en bas, et je tends la main pour l’atteindre, je tends, je me penche, je tends et d’un coup mes pieds ne touchent plus le sol et je tombe, je tombe, je tombe, les pierres m’entourent alors qu’elles montent à toute vitesse autour de moi mais l’eau descend en même temps que moi puis elle disparaît et il fait noir.

Je ne tombe plus. J’ai toujours soif. Autour de moi sont les ruines d’une ancienne ville. Je ne vois pas le ciel alors je me dis que je dois vraiment être tombé sous terre et je commence à trembler de froid et de peur parce que je ne sais pas si je pourrais remonter. Je ne vois pas le ciel mais il ne fait pas noir parce qu’une sorte de lueur rouge éclaire les ruines comme si elles étaient encore en flamme.

J’avance entre les maisons détruites que la végétation recouvre déjà dans un réseau de lierre, de fougères et de ronces. Je ne reconnais rien et je ne sais pas lire ce qu’annoncent les panneaux, qu’ils soient encore debout ou détruits eux aussi. Je réalise que je suis seul dans ces ruines au moment où je vois les premiers corps au sol. Coquilles vides aux yeux ternes et aux visages tous identiques car la mort n’a qu’un seul visage et il est vide, seul, monstrueux, même quand les corps sont étalés en pagaille, amoncelés sur les ruines et sous les ruines et dans les ruines et tous ces corps qui commencent à pourrir et à être dévorés par la végétation me donnent envie de vomir et de pleurer alors j’oublie que j’ai soif.

Tout à coup j’entends que tout est silencieux parce qu’il y a un bruit qui a brisé le silence, il venait de partout en même temps alors que la lumière rougeâtre vire vers l’orange et devient plus vive et je vois les ronces rétrécir et le lierre reculer, je vois autour de moi les ruines qui deviennent moins ruines, et alors je vois les corps se relever et ce ne sont plus des corps mais des comme-moi et la lumière c’est celle de leurs torches qu’ils tiennent à bout de bras pendant qu’ils dansent dans une longue procession qui passe dans toutes les rues.

Mais dans cette danse sous les torches, dans la ville à nouveau debout, je vois leurs yeux ternes et vides, je vois leurs bouches déformés dans des cris que je n’entends pas mais que je sens faire vibrer le sol et l’air autour de moi. Un partie de la procession se rapproche et je commence à reculer, je m’éloigne je fuis je cours mais la procession est partout et toutes m’observent avec leurs yeux vides, toutes les bouches hurlent silencieusement vers moi et quand je cours je n’avance pas et une main finit par se poser sur moi et me saisit et me serre et m’emmène dans la procession alors que je tremble, je pleurs, je voudrais me cacher mais toutes ces torches éclairent beaucoup trop et la végétation est partie et il n’y a plus d’ombre, plus de recoins, plus de cachettes.

Je suis le seul monstre vivant dans un groupe de monstres morts, mais ils continuent d’avancer en mouvements saccadés, comme une marée de marionnettes qui m’emporte dans leurs hurlements silencieux.

La lueur des torches devient encore plus vive et alors que je me dis que je crois revoir le ciel, un ciel de roche et de terre au-dessus de cette ville, d’un seul coup tous les cadavres dansants autour de moi balancent leurs torches au hasard dans toutes les directions. Je vois les flammes volantes décrire un arc de cercle qui me paraît sans fin, puis elles s’écrasent partout, sur les maisons les gens les rues et tout s’enflamme et tout s’embrase et moi je brûle, je hurle, je cours sans but, j’ouvre les yeux et j’ai soif.


Jour 7 :

Des Mégalithes – Noire nuit – Pluie – Maladie Physique – Égrégore – Humus/Marais – Exploration (Confirme la Certitude)

Ça pue. Mon nez se fronce avant que mes yeux ne voient d’où ça vient à travers la nuit. Ça pue la mort et la décomposition, ça pue la vase et la pourriture, ça pue la grenouille, l’humidité, l’eau sale, l’urine, le roseau moisi, la terre noyée à en crever, ça pue la puanteur d’un marais.

Je ne me souviens pas être déjà venu mais j’oublie parfois mais une puanteur pareil je n’oublierai pas c’est impossible mon nez s’en souviendrait parce que mon nez oublie beaucoup moins que moi. Ça pue, ici, ça pue plus fort que ma sueur ma peur mon odeur, ça pue plus fort que ma blessure purulente à la main, mes phalanges restantes tellement enflées par le pus les croûtes et le sang que je ne peux rien bouger et ça empeste tellement qu’en comparaison presque je n’ai pas mal mais ici le marais pue plus fort que ma main alors pour me rappeler ma main me fait mal à nouveau et j’ai l’impression qu’elle explose à chaque battement de mon cœur, j’ai l’impression qu’à chaque fois la peau et les croûtes pourraient céder et tout dégoulinerait le pus le sang la peau la chair même les os et alors je n’aurai plus mal parce qu’il n’y aurait plus nulle part où avoir mal.

Mais ma main puante reste douloureusement accrochée à mon bras et chaque battement de mon cœur est comme un coup de corne pile entre les doigts, comme la dernière fois où j’ai eu tellement mal que je ne me rappelle que de la douleur, je ne me rappelle même plus que c’est moi qui avait mal.

Tout ce temps, j’avance sans y penser, je ne peux pas penser par-dessus la douleur, j’avance sans y penser dans le marais où l’eau puante me remonte jusqu’aux genoux et mes pas sont lourds, lents, bruyants et ils remuent la boue qui pue encore plus fort. Je me rends compte que j’ai avancé seulement quand j’aperçois devant moi une grande pierre très lisse éclairée par les étoiles, tellement lisse que j’ai l’impression de voir à travers et j’ai l’impression que c’est fragile et je pourrais la casser juste en la touchant et j’ai l’impression aussi de me voir dedans mais je ne sais pas ce que je suis alors c’est peut-être quelqu’un d’autre que moi.

Soudain comme si la lune était sortie de derrière les nuages la surface de la pierre devant moi devient beaucoup plus claire et je vois qu’elle va jusqu’au sol, plutôt jusqu’à l’eau, où elle s’enfonce à la verticale et je vois aussi qu’elle est taillée en un rectangle pointu très très lisse et je ne me vois plus dedans mais la lumière se reflète autour et je vois très bien à travers ou alors je vois un reflet de là où je suis mais je n’y suis pas.

Toujours sans y penser et sans comprendre, je lève mon bras où est ma main blessée et le tends vers la surface et loin de moi, loin de moi la douleur, loin de moi la puanteur la pourriture la putréfaction et enfin ma main touche la surface lisse et je la vois dans la lumière, la lumière froide qui éclaire le cristal et ma main n’est pas sur le point d’exploser, il me manque juste des phalanges mais ma peau est de la couleur de la peau et le pus n’est pas là et les croûtes sont parties et la douleur a disparu.

Alors je me rapproche de la pierre taillée, je la touche de tout mon corps et sens son contact froid contre ma peau chaude et trempée et je me baigne dans la lumière en fermant les yeux et en remuant ma main et je sens que je n’ai plus mal et je remercie la surface du cristal de m’avoir guéri ou de m’avoir rappelé que j’étais guéri ou de m’avoir fait oublier que j’étais blessé. Mais alors sans savoir pourquoi, mes yeux s’ouvrent et je me vois à nouveau sur la surface de la pierre, baigné dans la lumière froide et cruelle.

Je vois mes poils de tête longs et emmêlés, je vois ma bouche béante indéfiniment sans un mot, je vois mes oreilles transpercées par des crocs et en lambeaux je vois ma peau couturée de cicatrices de furoncles et de plaies je vois mes membres rachitiques osseux anguleux trop grands trop maigres je vois mes dents mes crocs qui déchirent et déchiquettent et me nourrissent et je vois mes mains qui tuent qui étranglent qui broient qui assassinent qui détruisent mes mains de bêtes et de prédateurs.

Et je vois mes yeux. Mes yeux qui me voient en retour, minuscules au milieu de cernes mais brillants dans la lumière, brillant de cette lueur de compréhension de reconnaissance de cet instant d’intelligence où je vois que je me vois et je vois que ces yeux font partie de ce corps et ces yeux sont les miens donc ce corps c’est le mien, ces mains ces plaies ces os ces membres ces blessures sont les miennes et ça n’a plus rien d’humain. Ça n’a plus rien d’humain, ce corps n’a plus rien d’humain, je n’ai plus rien d’humain que ces yeux là pour me reconnaître et voir que je n’ai plus rien d’humain.


Jour 8 :

Tanière d’une Divinité Horla – Crépuscule – Brouillard – Manque causé par l’oubli – Ruine – Mousse – Introspection (Sérénité)

Je marche, je réponds à l’appel qui vient du cœur de la forêt qui est dans mon cœur, j’enjambe avec une assurance animale les ronces les racines les terriers, baignés dans la lumière violette du crépuscule. Je sens chaque fibre de mes muscles attirée par cet appel, résonnant, répondant, me portant toujours dans une direction que j’ai oubliée mais dont mon corps se rappelle.

Le soleil se couche et le brouillard se lève, mais mon corps animal n’a pas besoin de mes yeux d’humain pour se repérer alors j’observe, je m’assoie spectateur dans moi-même et je regarde où je me porte avec tant de détermination.

Enfin émergent du brouillard des formes anguleuses, des structures bizarres et changeantes, qui disparaissent quand je m’en éloigne et que je ne touche pas alors que je le voudrais parce qu’elles pourraient peut-être me parler, me dire leur nom, me dire où je suis où je vais qu’est-ce qui m’appelle au-dedans du brouillard, mais mon corps continue sa route à travers ces formes et je me résigne à attendre.

Après un temps infini à marcher dans un brouillard perdant définitivement les dernières couleurs du jour et s’enveloppant dans la froide aube des étoiles, je sens mon corps ralentir et je vois devant moi une structure plus grande que les autres apparaître, qui paraît plus vieille parce qu’elle est couverte de mousse.

Alors je qui est un monstre lève lentement la main et touche la surface mousseuse et douce mais froide humide et cruelle, et je qui est humain sens tout à coup l’appel résonner tout entier dans mon cœur qui est dans la forêt. L’appel est doux mais terrible et murmuré mais assourdissant et attirant mais horrifiant et il est là. Je sens alors comme si plein de minuscules parties de mon corps ou de mon cœur ou des deux ou d’autre chose se levaient soudainement de là où elles font partie de moi et se mettent à danser en rythme avec la voix de l’appel dans une longue procession qui tourbillonne et chatouille tous mes membres et tout mon cœur comme des papillons ou des mouches qui s’envolent ensuite, sans retour, une par une, loin de moi.

Mes yeux humains pleurent des larmes que je ne comprends pas parce que ma mémoire humaine ne sait pas, ne sait plus ce qu’il se passe, je me concentre pour comprendre, j’observe je cherche et je réfléchis comme je ne l’ai pas fait depuis depuis depuis depuis depuis plus longtemps que ça encore, parce que j’ai vu mon reflet je m’y suis reconnu et je me suis rappelé que j’avais été humain que j’avais eu un nom que j’étais né j’avais grandi j’avais mangé pas toujours à ma faim mais j’avais mangé chaud et je me rappelle de tout ça mais je ne me rappelle pas du nom que j’avais ni de là où je suis né ni du visage avec qui j’ai grandi, ni du visage à la fleur qui me regarde en pleurant et en criant.

Alors enfin je comprends pourquoi mes yeux pleurent, parce que j’aperçois un de ces morceaux de moi qui est en train de me quitter et j’aperçois que c’est un souvenir, un souvenir que je qui est humain avait oublié et que je qui est un monstre avait gardé en nous précieusement. Je comprends que ces souvenirs étaient encore en moi mais que ces souvenirs s’étaient infectés, ils ont été cachés trop longtemps ils ont pourri ils ont moisi ils ont été bouffés par les rats du brouillard de la mémoire alors l’appel a résonné et nous sommes venus jusqu’ici pour nous débarrasser de toutes ces blessures mémorielles qui font mal et qui font peur.

J’observe impuissant mes souvenirs moisis être jetés à la poubelle de la mémoire et je perçois un instant ce qui émet l’appel ce vers quoi mes souvenirs vont ce qui les aspire les attire. Un humain avec des mains griffues des pieds de géant un grand sourire et les yeux écarquillés de terreur, une forme humaine que je vois danser avec mes souvenirs qui lui donnent envie de danser, sourire à mes souvenirs heureux, être apeuré par mes souvenirs de peur et griffer sauvagement et piétiner violemment mes souvenirs sauvages tandis que je regarde.

Alors enfin j’entends et je sens mon dernier souvenir s’enfuir vers cet être indéfini, je sens cet être le prendre dans sa main et le regarder avec terreur et lui sourire avec bienveillance et le caresser de ses griffes mortelles puis faire une pirouette en riant et me renvoyer le souvenir vers moi en hurlant.

Je reçois le souvenir, sain, entier, purifié de l’oubli et de la moisissure et il se blottit au fond de mon cœur comme un chat venant se lover au chaud. Alors le souvenir du visage à la fleur et les larmes, parce que c’est lui tout ce qui me reste, se met à ronronner en moi, chaud et rassurant.


Jour 9 :

Un Cimetière – Aube – Pluie – Faim – Emprise – Asticot/Larve/Chenille – Péripétie (Occasion de progresser ? Ta quête est changée du tout au tout)

La lumière qui point à l’est chasse la nuit, pourchasse les ombres et mes doutes. Alors les ombres se cachent dans les recoins et mes doutes se cachent dans les ombres mais j’y vois clair et j’avance en me laissant porter par mon instinct humain. J’avance à grands pas entre les arbres, me tenant plus droit que je ne l’ai fait depuis longtemps, depuis que j’ai vu le visage à la fleur la dernière fois. J’avance droit en oubliant mes doutes en oubliant mes membres endoloris en oubliant mes cicatrices mal refermées en oubliant la faim qui creuse mon ventre.

J’entends le gargouillement d’un ruisseau dévalant la pente douce entre les arbres et les buissons et les fleurs et je le rejoins et je me penche doucement sur le ruisseau et je bois avec ma main valide et ma main blessée en coupe. L’eau est fraîche. Quand je relève les yeux je vois un petit tas de pierres entre les racines d’un arbre très vieux, un petit tas posé là pas par hasard et j’ai l’impression que je le connais alors je m’en approche, je l’observe, je le renifle, je le touche du bout des doigts, doucement, comme si j’avais peur qu’il disparaisse mais il fait jour alors je n’ai pas peur.

Sous ma main la pierre est tiède et j’ai un doute mais elle semble bouger alors je la saisis un peu plus et je sens bien qu’elle bouge, qu’elle remue, qu’elle se craquelle petit à petit. Alors je soulève la pierre et la laisse reposer sur ma paume ouverte de ma main valide et je la regarde attentivement pendant que des craquelures se dessinent comme un œuf en train d’éclore.

J’observe, je sens que je devrais trouver tout ça étrange mais tout à l’air tellement plus rassurant dans la lumière du jour, je n’ai pas peur pendant que l’oeuf-pierre remue et émet des petits bruits de craquements, de chuintements. Un craquement plus fort annonce le fendillement de la surface de la pierre le long de toute la face supérieure, séparant cette surface en deux parties qui s’éloignent lentement l’une de l’autre comme deux couvercles, glissant sur le reste de la pierre qui remue aussi de plus en plus. Alors les deux moitiés de la surface de l’oeuf-pierre, s’ouvrant lentement, se déploient en deux ailes de pierre si fines que je vois à travers et quand je regarde le reste de la pierre je réalise que c’est un papillon de roche gros comme ma tête qui se tient dans ma main, libérant ses dernières pattes de la position recroquevillée, larvesque dans laquelle il était lorsqu’il était encore une pierre sur un tas de pierre.

Puis le papillon frémit, frétille, étend ses pattes et ses ailes et s’envolent, léger et gracieux comme s’il était pas beaucoup trop gros et né d’une pierre au contact d’un monstre. J’entends alors d’autres craquements et je vois que toutes les pierres du tas de pierres sont en train d’éclore et de s’étendre et de devenir des papillons de pierre et de s’envoler dans un frétillement de légèreté et de délicatesse.

Perdu dans la fascination je mets beaucoup de temps avant d’entendre ce qui approche derrière moi alors que ça n’essaie pas de se cacher et que ça ne m’a pas encore vu. Mais alors j’entends quelque chose marcher sur une feuille morte ou un brindille et je sursaute et j’ai peur et mon cœur bat fort et vite dans ma poitrine mes yeux cherchent où me cacher mais le jour, la lumière cruelle m’empêche de trouver un recoin sombre alors je me cache derrière le vieil arbre au tas d’oeufs-pierres qui n’est plus là et je regarde ce qui arrive en tremblant.

Un humain, non, deux, sont en train d’arriver vers le ruisseau, presque droit vers moi, vraiment droit vers moi, alors je me ratatine encore un peu et je les entends qui s’approchent puis qui s’arrêtent et qui parlent, je sais qu’ils parlent et qu’ils sont humains et je sais que ce sont des mots que j’entends parce que le souvenir du visage à la fleur et aux larmes me le dit mais je ne comprends pas ce qu’ils disent ni qui ils sont.

« Jo, le cairn, il est plus là ! » « Allons bon, qui est-ce qui a fait ça ? » «  Je sais pas- Attends, tu as vu ça ? »

J’entends la surprise la peur dans leur voix alors j’ai peur parce que je me dis qu’ils m’ont vu et vont me trouver me chasser et me blesser, que peut-être c’est la Bête qui les envoie pour me tuer enfin.

« C’est toi qui a touché au cairn ? »

La créature me regarde et s’approche vers moi l’air terrifiant, menaçant, terrifié, je me recroqueville encore, tellement que mes genoux me rentrent dans les côtes mais je vois bien que c’est trop tard pour me cacher.

« Allez, montre-toi ! » « Mark, attends, on dirait… »

Alors je me tends, je serre les poings et je serre dans ma main une pierre alors quand la créature fait encore un pas vers moi je bondis sur mes pieds en lançant la pierre de toutes mes forces et je la vois voler à toute vitesse et atteindre le front les sourcils le nez et l’œil de cette créature-humain et immédiatement elle chancelle, elle crie, elle saigne, des jets de sang partent de son visage et elle tombe en arrière vers le ruisseau alors je me jette sur l’autre créature qui tends ses griffes vers moi pour me menacer.

« Non, attends ! Mark… »

Je profite qu’elle tourne la tête vers l’autre pour lui sauter dessus la faire tomber à son tour, la griffer au visage au corps lui arracher les cheveux, la mordre aux joues à l’épaule au torse et elle se débat mais la douleur l’empêche de réagir et la peur me rend plus fort, alors je laboure de mes griffes ses yeux ses côtes ses cheveux puis je me penche et je la mords, plante mes crocs très fort dans son cou et je sens le sang chaud, salé, qui jaillit tout de suite à travers la peau sans poil dans ma bouche et mes yeux et la créature pousse un cri terrifiant, monstrueux et je me relève et je la regarde gigoter, se vider de son sang qui jaillit qui s’écoule qui rougit le sol le ruisseau les buissons les fleurs, à chaque battement du cœur déjà presque vide je vois la mare de sang s’épaissir et grandir et les yeux, les yeux de la créature me fixent et m’observent et me voient et avant de mourir j’ai l’impression qu’ils me reconnaissent parce que la créature essaie de faire du bruit avec sa bouche mais n’y parvient pas et elle se secoue encore un peu et je la regarde mourir, mourir, mourir, j’attends le moment j’attends le souvenir j’attends de comprendre parce que c’est la première fois que je tue une créature-humain alors je veux voir son souvenir.

Je regarde la créature mourir et j’ai faim, j’ai faim du goût de son sang et j’ai faim de sa chair et j’ai faim de son souvenir alors quand enfin son cœur s’arrête et le flot de sang qui s’étend jusqu’au ruisseau cesse de grandir, je ferme les yeux pour mieux voir.

Et alors je vois. Je me vois. Moi qui suis humain. Je me vois c’est moi, moi qui suis humain la créature-humain me connaissait et m’avait vu, comme le bébé cerf mais là c’est moi qui suis un bébé dans le souvenir et d’un coup le souvenir s’arrête en me laissant m’effondrer au bord de l’inconscience, tremblant du contrecoup du souvenir de ce que j’y ai vu de ce que j’y étais.

Je reprends conscience quand j’entends une vois au loin. La voix du visage à fleur. Je la reconnais et je sens mon cœur sur le point de s’arrêter tellement le souvenir est douloureux quand il s’éveille, mais la peur reprend le dessus et j’entends la voix qui appelle à nouveau. Je vois le cadavre de ma mère devant moi et mon père en train de reprendre conscience dans le ruisseau mais encore complètement sonné alors avant qu’il ne soit trop tard avant que le visage ne puisse à nouveau me voir et pleurer et hurler je pars je fuis je veux disparaître et ne jamais revenir ne jamais revenir jamais revenir.

FIN


Fiche de Personnage :

Destin fatal : Je tuerai mes parents, ou ils me tueront

Chasser : Je chasse les souvenirs, le passé, la Bête et la nourriture

Se faire chasser : La Bête est toujours à mes trousses

Question : Qui suis-je ?

Certitude : Je suis un monstre

Croyance : J’ai été humain, autrefois

Vertu : J’ai peur

Vice : J’ai faim

Souvenir qui hante : Un visage

Symboles : Noir/Ombre - Griffes/Crocs

Quête : Je ne veux plus être moi



Commentaires de Thomas :

Un grand merci pour cette partie solo ! Cela m'a fait un grand plaisir de voir une partie entière de Bois-Saule en textuel, de surcroît rédigée avec un souci littéraire !

Mes commentaires :

A. « Alors je dors enfin, réchauffé par la mare du sang du cerf et par son corps encore chaud qui refroidit à côté de moi. Alors je ferme les yeux avec force parce qu’après ça je sais qu’il n’y aura pas de rêve. »
On sent bien le réconfort / coup de théâtre

B. « Les poils, les muscles, le sang, le tripes, les os, tout se mélange et tout se brise sous mes crocs. Quand ça atteint mon estomac, le souvenir qui me heurte est noir, rempli de bruits et d’odeurs mais la chauve-souris était jeune alors le souvenir n’est pas très fort et maintenant j’ai moins faim. »
Vraiment super de tenir compte de la loi du souvenir et très bien traité !

C. « Ça pue. Mon nez se fronce avant que mes yeux ne voient d’où ça vient à travers la nuit. Ça pue la mort et la décomposition, ça pue la vase et la pourriture, ça pue la grenouille, l’humidité, l’eau sale, l’urine, le roseau moisi, la terre noyée à en crever, ça pue la puanteur d’un marais. »
J'adore :)

D. «  j’avance en me laissant porter par mon instinct humain »
J'adore l'expression !

E. « Puis le papillon frémit, frétille, étend ses pattes et ses ailes et s’envolent, léger et gracieux comme s’il était pas beaucoup trop gros et né d’une pierre au contact d’un monstre. J’entends alors d’autres craquements et je vois que toutes les pierres du tas de pierres sont en train d’éclore et de s’étendre et de devenir des papillons de pierre et de s’envoler dans un frétillement de légèreté et de délicatesse. »

L'image de l'éclosion des papillons de pierre est super cool et tout à fait typique de l'emprise.

F. Très bonne chute :) Et je vois que ça raccorde au destin fatal !

G. Plutôt habile d'avoir mis la feuille de personnage en dernier, çà nous réserve de la surprise. Je constate par ailleurs que tu l'as très bien exploitée.

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> PIERRE, PRINCE DES MILLE PEURS

Bois-Saule utilisé pour créer une rédaction de collège sur le thème des arbres ! Un récit par Xavier Féry.

(temps de lecture : 4 min)

Joué/écrit le 17/12/2019

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux

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Photo : Claude Féry, par courtoisie


L'histoire :

Il était une fois, un jeune prince, prénommé Pierre.
Il vivait dans une magnifique demeure, pleine de couloirs, et de chambres, trop souvent obscures. Son père, le roi était trop occupé par les affaires du royaume pour prêter attention à son jeune héritier.
Pierre vivait donc entouré de ses maîtres le jour et la nuit était envahi par ses peurs.
Comme tout enfant, il craignait les ténèbres qui envahissaient le palais, dès presque-nuit.
Alors, chaque soir, il édifiait une tour de ses oreillers pour garder l’entrée de sa chambre, et se réfugiait sous son lit, tandis qu’une pile d’édredons égarait le monstre qui était promis à l’engloutir dans sa faim dévorante.
Chaque matin, il se promettait qu’il serait un jour suffisamment brave pour affronter le monstre de ses cauchemars.
Un matin comme un autre, son maître calligraphe, le gronda sévèrement pour avoir laissé tomber sa plume, une fois de plus au sol.
En la ramassant, glissant sous la table, il crut apercevoir un monstre qui se tenait dans l’ombre du maître. Il sentit dans cette ombre plus dense qui se confondait dans les plis de la robe du vieillard, une force terrible et hostile.
Il était terrifié, terrorisé.
Il se souvint alors de sa volonté d’un jour affronter ses peurs. Il se redressa, prêt à chasser de sa voix l’esprit mauvais qui possédait son maître.
Mais la peur fut plus forte encore.
Il s’enfuit du palais. Il courut à perdre haleine, loin très loin, de l’endroit ou ses peurs l’attendaient.

Bientôt, il se retrouva perdu, au cœur de la forêt.
Pas la forêt où il accompagnait son père à la chasse. Celle-là, il en connaissait les sentes.
Il était égaré, seul dans le bois. Les arbres bougeaient, menaçants sous le vent.
Aucun autre homme alentour.
Il était seul.
Bientôt, la nuit noircit les troncs des arbres.
Il entendit le chant du hibou. Il lui glaça le sang.
Alors Pierre se réfugia au creux d’un vieil arbre vénérable, couvert de lichens et de mousses.
Il tremblait de froid et de peur.

Au comble de sa terreur, il entendit une voix caverneuse, une voix de feuilles, de mort.

Des lianes, des ronces bougèrent tout autour de lui.
Il tenta de s’éloigner au plus vite, mais un tentacule de lianes mêlées le saisit.
Le creux de l’arbre était une énorme bouche béante, et avide, désireuse de le dévorer.

Elle l’engloutit bruyamment et digéra ses peurs nouées en boule dans son petit ventre, pour recracher un Pierre gluant de sève, mais désormais, un prince sans peur.


Commentaires de Thomas :

A. C'est une sacrée bonne idée d'utiliser un jdr solo pour effectuer une rédaction ! Et puis le thème de la rédaction colle en effet à merveille à Millevaux !
B. J'espère que ça a aidé Xavier !
C. En tout cas, le récit se tient tout à fait.
D.  Je me suis permis de suggérer quelques corrections ortho/grammaire, plus l'adjonction d'un lexique.
E. Tu dis « Nous avons joué » : quelle part as-tu pris dans le processus de narration et d'écriture ?
F. Est-ce que Xavier envisage d'expliquer au sein de son devoir qu'il s'est aidé d'un jeu de rôle textuel ? (je ne crois pas que ça soit perçu comme de la « triche », surtout avec la ludification en vogue dans l'enseignement, mais je suppose que ça dépend de la sensibilité du ou de la prof)
G.  Peux-tu nous scanner les 4 images servant de support à la rédaction  ?

Claude :

A. B. C. D. Xavier comme souvent avait « oublié » qu'il avait un devoir à faire. Son enseignante lui a donné un délai supplémentaire. Il m'en a parlé à 17h30 hier soir.
Xavier est dys (dysgraphie et dysorthographie). Le passage à l'écrit est pour lui une épreuve.
Il bloquait et il a fini par me montrer son premier jet. Il ne parvenait pas à agencer les ingrédients du conte attendus. Je lui ai donné Bois-Saule. Il l'a lu et joué sa partie. Pour gagner du temps j'ai saisi sous sa dictée son récit. Je lui ai suggéré quelques modifications. J'ai imprimé le résultat après une relecture trop rapide, (merci à toi) qu'il a recopié en corrigeant certaines fautes de frappe ou d'orthographe.
E. La professeure est une agrégée lettres classiques très old school, sans revival. Je ne pense pas qu'il lui dira.
B. Ce fut pour lui une révélation. Il est capable d'écrire un récit et de raconter des histoires qui lui plaisent !

Thomas :

B. Super ! Je crois moi-même beaucoup au potentiel du jeu de rôle solo pour créer des récits, voir cet article que tu connais sûrement déjà : Le jeu de rôle, un outil pour l'écriture de roman ?

Claude :

Effectivement, sans pour autant avoir épuisé à mon niveau le sujet.
Si j'aspire à récolter le bénéfice esthétique de la démarche, je ne peux me résoudre à jouer en solitaire. J'éprouve le besoin d'éprouver en partage les émotions pour que cela fasse sens, (cf ma pratique antérieure de Bois-Saule avec Xavier)

F. Et bien finalement Xavier lui a indiqué qu'il avait joué son devoir avec jeu de rôle... Et lui a demandé si elle connaissait l'univers de Millevaux et elle ne le connaît pas. Xavier en était surpris

Thomas :

N'explique pas à Xavier que Millevaux n'est connu que par quinze personnes, ça briserait la magie :)
Plus sérieusement, je me demande comment la prof a réagi quand elle a appris que Xavier a utilisé un tel outil.

Claude :

Moi aussi
Suspens le temps des vacances

Claude :

Elle a lu le devoir de Xavier hier soir et lui a dit que c'était très bien, mais qu'elle regrettait que la forêt ne soit pas au cœur de son récit. Elle prévoit de rendre les devoirs corrigés à la rentrée

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> LE VISAGE SOUS UN SAC PLASTIQUE

La quête absurde qu’un dieu fait endurer à un homme… pour un simple nom. Un récit par Damien Lagauzère

(temps de lecture : 1/2 H)

Joué le 02/03/2019

Le jeu principal de cette séance : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux. 

Salut, voici donc mon dernier Bois-Saule. les parties "rituel" ont été joué avec The Name of God et les parties sur les Antigens avec Zombie dice ^^

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Apionid, cc-by-nc-nd, sur flickr


L'histoire :

    Ma vie n'est qu'une longue errance à travers la forêt. Des fois, je reste seul pendant des mois. Des fois, je me joins à un groupe de nomades. Des fois, comme maintenant, je reste quelque temps au sein d'un groupe sédentaire. Ils s'appellent le Clan des Arbres. J'ai écouté les paroles de leurs sages et de leurs shamans. Ils connaissent le Dieu qui est en moi. Ils savent qu'il existe. Ils savent qu'il est un Dieu. Un petit Dieu mais un Dieu quand même. Ils m'ont expliqué par quel rituel je peux retrouver son nom.

    « Je suis le Glitch !
    D'un seul coup d’œil, on voit que je suis différent, même si on ne peut pas dire pourquoi.
    L'Envie se cache en moi.
    Mais la Justice se cache elle aussi en moi.
    «Je suis le Glitch ! »

XxXxX

    Il n'existe pas de trace écrite de ce rituel. Aussi, j'ai pris en note ce que m'a raconté un des shamans du Clan des Arbres. NoAnde m'a expliqué qu'afin que soit révélé le nom du Dieu qui m'habite, je devais me rendre en trois lieux importants à Ses yeux. Une fois là, à trois états différents de la lune, je devais demander aux Yeux de la Forêt ce qu'ils attendaient de moi. NoAnde affirme que ce n'est que quand j'aurais accepté par trois fois, en trois lieux et en trois états de la lune de me soumettre à leur volonté que les Yeux de la Forêt me révéleront le nom du Glitch.
    Je dois donc me rendre en trois lieux consacrés. Le premier, quand la lune est pleine, est le Tombeau des Corso. Le second, quand la lune est absente, est la Capitale de la Douleur. Le troisième, quand la lune est rouge, est Celui que je n'ai pas vu depuis si longtemps...

XxXxX

    Nous sommes le 20 Merdier,

« Mes enfants...
Vous êtes nés pour porter le fardeau de la corruption sur votre visage.
Et ils vous chassent ?
Triste hommes. »

    J'en ai pour trois jours avant d'atteindre le Tombeau des Corso. NoAnde m'a raconté que cette famille était connue, et réputée, pour combattre les Horlas. On dit aussi que le fondateur de cette lignée, Tad Edes Corso était un ange aux ailes de bois et de sang. On raconte qu'il a traqué les Horlacanthes jusque dans leur monde de cauchemars. Et on dit aussi qu'il est mort en combattant le Titan-Millevaux, un avatar de Shub-Niggurath. Ce dernier point est peut-être vrai, puisque l'histoire dit qu'il en est mort.
    J'étais perdu dans mes pensées quand j'ai été surpris par une effroyable tempête. Impossible de continuer dans ces conditions. Pourtant, nous sommes encore le matin et je m'en voudrais de perdre une journée de marche. J'avance du mieux que je peux et finis par me réfugier dans ce qui semble être une usine abandonnée.
    Je suis tiraillé par la soif. J'explore un peu cet endroit et découvre de larges cuves remplies d'eau. Pourtant, les racines qui s'y sont plongées ont des formes étranges, torturées. Je remarque alors que ces racines courent justement des cuves jusqu'aux murs. Là, certaines s'enfoncent dans la terre et d'autres grimpent jusqu'au plafond. Je prends du recul et observe les murs. J'ai l'impression que ces racines dessinent un motif. On dirait une toile d'araignée. J'ai un très mauvais pressentiment. Suis-je tombé dans le repaire d'une horrible créature ? Quel genre d'araignée pourrait tisser une toile de bois ? Quel est le rôle de cette eau dans tout ça ?
    Toujours sur mes gardes, je réfléchis. Je tourne sur moi même à la recherche de quelqu'un ou quelque chose qui me surveillerait, qui serait prêt à me sauter dessus. Ce ne peut être une araignée qui a tissé cette toile puisqu'elle sort de l'eau. Ou alors, l'araignée aurait tissé sa toile qui aurait ensuite gagné l'eau par ses propres moyens ? Peut-être ? Mais je pense plutôt que cela vient de l'eau. C'est elle qui a inspiré ce motif aux racines. Et si c'était l'eau qui possédait quelques caractéristiques arachnides ? Peut-être une araignée mutante y est-elle morte ? Et si elle n'était pas morte ? La solution est au fond de ces cuves.
    Je dois savoir car je dois être certain d'être en sécurité. Mais surtout je dois savoir car j'en ai Envie ! Cette Envie me ronge. C'est plus que de la curiosité. C'est plus que la simple nécessité de me mettre en sécurité. Je dois savoir parce que, peut-être, d'autres savent. Et si personne ne sait, alors je serai l'unique détenteur de ce savoir. Je dois savoir !
    Je m'approche de la cuve. Peut-être y a-t-il à l'intérieur le cadavre d'une araignée mutante ? Peut-être qu'un monstre ou même un Horla va se jeter sur moi ? Peut-être qu'autre chose est tapi dans l'ombre et attend de me noyer dans cette cuve ? Je dois percer ce mystère ! Je dois savoir !
    Cette eau, c'est l'enfer ! Ce sont les eaux du Léthé, ce sont les eaux de l'oubli ! Cette cuve est vide, désespérément vide ! Comme... ma... mémoire...
    NoAnde me l'a dit. Pour connaître le nom du Glitch, je dois m'adresser aux Yeux de la Forêt en trois lieux et en trois moment de lune. L'un de ces lieux est Celui que je n'ai pas vu depuis si longtemps, mais, de quoi s'agit-il ? Je ne sais... plus...
    Moi qui croyais lever le voile sur un mystère, la Brume s'est invitée dans mon crâne ! L'oubli ! Je regarde en moi et je ne vois que le vide, le vide sidéral ! La nuit ! Et je comprends que ce vide, ce néant, n'est que mon reflet à la surface de cette eau stagnante dans cette cuve rouillée.
    Je me sens mal. Je suis en nage. Je songe un instant à me laver de cette sueur sous la pluie. Mais je remarque alors que la tempête s'est calmée. Le ciel est maintenant dégagé. Je vais pouvoir reprendre ma marche. Si je me dépêche, je devrais pouvoir rattraper mon retard. Et aussi, j'espère pouvoir creuser la distance qui me sépare des Antigens. Ils m'ont laissé en paix tant que j'étais au sein du Clan des Arbres mais, maintenant, je sais qu'ils sont de nouveau après moi. J'espère aussi qu'une fois au Tombeau des Corso, les Yeux de la Forêt voudront bien me rendre cette partie de ma mémoire dont j'ai besoin...

XxXxX

Je/Nous sommes les Antigens. Je/Nous mange/mangeons les gentils gens !
Je/Nous traque/traquons celui qui se fait appeler le Glitch.
Pourquoi ?
Je/Nous ne le sais/savons pas.
Je/Nous ai/avons faim.
Je/Nous ai/avons vu ces gentils gens.
Je/Nous cours/courons après la fille et le garçon.
La fille et le garçon s'enfuient.
Quelqu'un Me/Nous tire dessus.
Deux Antigens sont tombés.
La fille et le garçon s'enfuient.
Je/Nous arrête/arrêtons de courir.
Je/Nous veux/voulons le Glitch.
C'est lui mon/notre véritable but.
Pourquoi ?

XxXxX

    Nous sommes le 21 Merdier,

« Ce qui me dégoûte le plus ?
Ces êtres qui s'accrochent à leur humanité comme un clochard à ses guenilles. »

    Je marche de nuit. J'ai dû rester caché une partie de la journée car j'ai cru déceler la présence des Antigens. Je ne veux pas qu'ils me mangent. J'ai faim. Je n'ai pas pu chasser et mes modestes provisions ne suffisent pas à apaiser cette faim qui me tiraille. Je marche de nuit, poussé par un vent violent. J'entends une série de claquements. Je m'approche et un rayon de lune éclaire une forêt de sac en plastiques accrochés à Dieu sait quelles ruines. Ce sont les sacs secoués par le vent que j'ai entendus. Je m'approche prudemment. Je regarde autour de moi. Je ne vois ni n'entends rien. Mais cela peut être un piège. Je regarde à l'intérieur d'un sac. Vide ! Qui les a mis là et pourquoi ? Je me laisse aller à rêver d'une communauté qui aurait vu là un moyen de récolter de l'eau de pluie. Ça aurait pu être ingénieux si, malgré la tempête d'hier, ces sacs n'étaient désespérément vides. Et ceux qui les ont installés, où sont-ils ? Qui sont-ils ? Sont-ils seulement toujours en vie ?
    Je déambule, à la faveur du clair de lune, entre ces ruines et ces sacs en plastique. Je garde la tête basse. Je ne veux pas voir le ciel étoilé. J'ai peur d'y voir ce que j'ai vu, un jour, dans le miroir. Mon reflet. Pas celui de mon visage. Celui de mon âme. Le vide. Le néant. Les ténèbres piquetées d'étoiles. Je ne peux pas voir ce vide. Ne suis-je qu'une enveloppe vide pour le Glitch ? Sera-t-il toujours là quand j'aurais trouvé son nom ? J'espère qu'il ne va pas m'abandonner. Non ! Je suis sûr que non ! Tout changera quand je connaîtrais le nom du Glitch. Je ne serai plus vide.
    Le crissement de mes pas dans les feuilles mortes me tirent de mes pensées. Je me fige soudain. Je garde la tête basse. Je sens quelque chose s'agiter sous la peau de mon visage. Le vent fouette les sacs en plastiques. Les claquements donnent le rythme des mouvements qui animent ma chair. Qu'advient-il de mon visage ? Je ne veux pas voir ça. Je veux savoir mais je ne veux pas voir !
    La Brume cache les mythes. Il n'y a aucune brume ici. Et il n'y a aucun mythe.
    Les mouvements sous ma peau cessent. Je porte mes mains à mon visage. Quelque chose a changé. Je me saisis d'un sac plastique. Je l'enfile sur ma tête. Je perce deux trous au niveau des yeux. Un autre au niveau de la bouche et un dernier au niveau du nez. Comme ça, je peux regarder mon visage.
    Le sac sent mauvais. Je me dégoûte.

    Je fais quelques pas et m'endors finalement au pied d'un mur en ruine. Quand je me réveille, je me sens bien. Je touche mon visage à travers le sac en plastique. Je n'ai pas rêvé. Quelque chose a changé. Mais, ce matin, j'ai le sentiment que si mon visage est horrible, cela est plutôt bon signe. Si je m'éloigne de l'humain, c'est que je me rapproche du Glitch. Et si je me rapproche du Glitch...

XxXxX

Je/Nous sommes les Antigens. Je/Nous mange/mangeons les gentils gens !
La fille tire. Un Antigen tombe.
Les gentils gens montent dans un autocar.
Je/Nous monte/montons aussi dans l'autocar.
Je/Nous mange/mangeons un gentil gens.
Les autres gentils se tassent à l'autre bout de l'autocar.
Des coups de feu. Des Antigens tombent et n'auront plus faim.

XxXxX

    Nous sommes le 22 Merdier,

« Moi j'ai connu un loup ma foi, moi j'ai connu un loup !
Qui ne se nourrissait pas !
Qu'est devenu fou ! »
Chansons du Patriarche

    Dans la forêt, tous les arbres se ressemblent. Mais, quand on reste un moment au même endroit, on commence par voir que, comme tout le monde, les arbres sont tous différents. On apprend à les connaître, à le reconnaître. Ces arbres me disent quelque chose. Ils ne me parlent pas mais j'ai l'impression de les avoir déjà vus. Si nous nous sommes croisés, c'est que je suis déjà passé par ici. Est-ce à dire que je repasserais par-là ? Je ne sais pas.
    La nuit est tombée. La pluie tombe elle aussi. Tout le monde est tombé, sauf moi. Moi, je continue à marcher. J'ai l'impression d'avoir pris du retard. Je veux absolument atteindre le Tombeau des Corso tant que la lune est telle qu'elle doit être. Pleine ! La pleine lune. Et je me rappelle du jour que nous sommes. Et je me rappelle la Chanson du Patriarche. Est-ce qu'un loup va me sauter dessus ? Tout est possible dans cette forêt hantée par les Horlas. Pour l'instant, j'ai réussi à semer les Antigens. Mais si un loup-garou doit me tomber dessus, comme tombe la pluie, comme est tombée la nuit...
    J'accélère le pas. Pas seulement pour arriver au plus vite mais aussi pour accélérer le cours de mes pensées. Pourquoi cet endroit me dit-il quelque chose ? Je suis déjà venu ici. C'est sûr ! Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi je ne m'en souviens pas ? Est-ce la volonté du Glitch ? Est-ce la malédiction de Millevaux ? Et si, par le passé, ici même, j'avais croisé la route d'un garou ? La Lyre réunit les amis et les amants mais, à moins que ce garou n'ait été mon ami, peut-être que la Lyre réunit aussi les ennemis...
    Ça me gratte sous le sac plastique. Ça fait mal. Je me gratte. Me gratter me soulage mais la sensation qui suit est horrible. Je regarde mes mains. Elles sont pleines de vers, de larves et d'asticots. Je hurle à la lune. Je hurle à la mort. Je me gratte jusqu'au sang, sans pour autant retirer le sac en plastique. Je n'ose pas l'enlever. Je ne veux pas savoir ce qu'il y en dessous. Je veux juste que ça s'arrête. Je pleure... des vers, de la vermine !
    Je tombe par terre. Je me recroqueville, sous la pluie. Je me gratte le visage, libérant des dizaines et des centaines de choses dégoûtantes. Et je me rappelle que...

XxXxX

Je/Nous sommes les Antigens. Je/Nous mange/mangeons les gentils gens !
Deux gentils tombent. Un s'enfuit. Je/Nous lui cours/courons après.
C'était un piège. D'autres gentils gens surgissent, armés.
Mais Je/Nous suis/sommes fort et Je/Nous les mange/mangeons.
Des coups de feu ! Des gentils gens qui courent. Des Antigens qui mangent.
Des Antigens mangent. Des Antigens tombent.
Je/Nous a/avons encore faim mais Je/Nous dois/devons partir.
La fille n'était pas parmi eux.

XxXxX

    Nous sommes le 23 Merdier,

« Ses voix font écho à sa multitude.
Faites-le taire, par pitié, l'emprise afflue et je sens qu'il cherche à me corrompre. »

    Il fait encore jour quand j'arrive au Tombeau des Corso. Cela ne ressemble pas du tout à ce que je croyais. Je m'attendais à une sorte de mausolée à moitié en ruines, en granit recouvert de mousse. En fait, ça ressemble plus à un monument aux morts qu'à une tombe. Il y a là, au milieu de cette clairière, un crucifix. Mais point de bonhomme en pagne accroché là les bras en croix. Non, à la place, une paire d'ailes en bois et en plumes rouges. Des rumeurs disent que le tombeau a été construit avec les restes du fondateur de la lignée, celui qui serait mort en combattant le Titan-Millevaux. C'est peut-être vrai finalement.
    Cet endroit n'est pas riche dans le sens où il n'a pas été construit avec des marbres rares. Il n'est pas recouvert de statues raffinées et détaillées, elles-mêmes recouvertes de dorures. Cet endroit est riche car on sent encore l'influence du fondateur des Corso. On dit que c'était un ange, avant... Et c'est peut-être vrai. Cette croix et ces ailes, ils s'en dégage quelque chose. Une force. C'est à la fois apaisant et un peu effrayant. Je ne peux m'empêcher de penser que ce type était quelqu'un de bien. Je ne l'imagine pas parfait, au contraire, mais je l'imagine animé de bonnes intentions. Je l'imagine courageux. Je l'imagine torturé aussi. Je fais le tour du tombeau. C'est un lieu de passage, en témoigne ces colliers de fleurs, ces fruits qu'on a déposés là. Il y a aussi, dans de petites coupelles, des Billes et des Noix. Tout à l'air calme par ici. Je m'installe et attends la pleine lune.
    Un raclement me tire de mon sommeil sans rêve. La lune n'est pas encore tout à fait dégagée. Ce n'est pas le moment. Je tourne la tête en direction du bruit qui m'a réveillé. Une silhouette me tourne le dos. Je l'appelle. Elle se retourne. Cette chose est morte mais ce n'est pas un Antigen. C'est différent. Cet être est en parti desséché. Sa peau est grisâtre. Son corps est percé en divers endroits, notamment au niveau du visage par de petits champignons translucides. L'être lève un bras dans ma direction. Il ouvre la bouche mais son bras retombe aussitôt et sa bouche se referme sans qu'aucun son n’en soit sorti. Et elle avance vers moi ! Et je vois ce qu'elle a déposé au pied du Tombeau des Corso. Un cercueil !
    Je suis le Glitch. Je ferme les yeux et m'en remets aux Yeux de la Forêt. Que va-t-il se passer ?
    Quand j'ouvre les yeux, l'homme-champignon n'est plus là. Il ne reste plus que le cercueil. Je vais pour me relever mais bouger me fait mal au ventre. Je baisse la tête et voit une plaie béante. Il y a du sang. Beaucoup de sang. Je n'ai pas peur de mourir mais j'ai peur que cette chose m'ait infecté avec ses champignons. Paniqué, je fouille la plaie mais je me fais mal et je ne vois rien. Je ferme les yeux et demande aux Yeux de la Forêt ce que je dois faire pour être certain de ne pas me transformer en Glitch-champignon.
    Et les Yeux de la Forêt me disent de changer mes sentiments. Ils me demandent aussi de placer parfaitement un crâne sur un livre au pied du Tombeau.
    Changer mes sentiments ? J'ai peur. Alors je tente de me calmer. Je respire lentement. Malgré la douleur, je tente de rester calme. Je fais confiance aux Yeux de la Forêt. La douleur semble refluer à mesure que je m'apaise. Un crâne sur un livre maintenant. J'ai vu un vieux grimoire au pied du Tombeau. Sa couverture était en vieux cuir et, dessus, était représentée une Bouche ricanante. Mais où trouver un crâne ? Dans ce cercueil peut-être ?
    Je me lève. Je n'ai plus mal. Mes vêtements sont recouvert de sang. En vérité, je ne saurais dire si le sang coule toujours. Je ne suis même pas certain que la plaie se soit refermée. Je n'ose pas vérifier. Pas tout de suite. D'abord, le crâne sur le livre. Je soulève le couvercle du cercueil. À l'intérieur, une petite fille vêtue de blanc dévore le cadavre d'un vieil homme. De la chair pourrie recouvert de vermine pendouille entre ses dents. Elle me jette un regard tourmenté. Je comprends qu'elle ne se livre pas à de tels actes par plaisir ni par cruauté, mais uniquement par nécessité. Je tends les bras vers elle. Elle a un mouvement de recul mais je parviens à l'attraper. Maintenant, je dois la tuer. Là encore, je ferme les yeux et m'en remets aux Yeux de la Forêt. Quand je les ouvre, la petite fille est morte, elle aussi, et mes mains et mes bras sont recouverts de traces de morsures. Maintenant, je dois choisir. Quel crâne vais-je déposer sur le Grimoire de la Bouche ? Celui du vieil homme ou celui de la petite fille ? Va pour le vieil homme !
    Lui arracher la tête n'est pas trop difficile puisque sa gorge avait déjà été bien entamée par la petite fille. Je la pose délicatement sur le Grimoire et du sang coule jusqu'à la Bouche. J'ai l'impression qu'elle esquisse un sourire. Une voix aiguë s'élève.

    « …C'est l'histoire d'une rivalité entre un homme et son double maléfique. L'un est tolérant, serviable et intelligent. L'autre est une ombre inexistante avec une carte tatouée sur le corps. L'un est musicien. L'autre s'est réveillé avec de la terre sous les ongles... »

    Alors, pourquoi ?, j'ai mis un coup de pied dans la tête. Je ne veux pas en savoir plus ! Je regarde mes mains. Bien sûr, j'ai de la terre sous les ongles. Et je pense à la Lyre. La Lyre qui réunit les amis et les amants. Qui était ce vieil homme ? Aurais-je dû choisir la petite fille ? Je ne sais pas. Mais les Yeux de la Forêt ont tenu parole. Je ne deviendrai pas un Glitch-champignon !

    La lune est haute et pleine maintenant. C'est le moment. Je m'approche du Tombeau des Corso. Je ne sais pas si je dois rester debout, m’asseoir ou poser un genou à terre. Ne sachant pas ce que les Yeux de la Forêt me réservent, je préfère rester debout et prêt à me défendre ou m'enfuir. Je ferme les yeux. Je baisse la tête et commence à réciter...

    « Je suis le Glitch !
    Ici et maintenant, pour montrer mes très belles entrailles, je vais rouvrir cette plaie !
    Je suis le Glitch ! »

    Joignant le geste à la parole, je serre les dents alors que mes doigts s'insèrent dans cette plaie à peine refermée. Je serre fort les yeux. Les Yeux de la Forêt se font entendre.

    « Glitch, tu dois maintenant introduire l'oracle dans tes entrailles ! »

    Je ne suis pas sûr de comprendre. Mais je me saisis du Grimoire de la Bouche et l'enfonce dans mon ventre. Je sens alors mes chairs se refermer. Cela fait très très mal. Je voulais rester debout mais je tombe finalement à genoux devant le Tombeau des Corso. Je m'écroule sur le flanc et, avant de perdre connaissance, j'ai l'impression de voir la tête du vieil homme sourire.

    Il fait encore nuit quand je me réveille. Il règne une chaleur étouffante dans cette clairière. J'ai soif. Je soulève mes vêtements ensanglantés et regarde mon ventre. Il n'y a plus qu’une discrète cicatrice en forme de sourire. Je me sens étrangement bien. Je me lève. Je rassemble mes affaires et reprends ma route. Je devrais atteindre la Capitale de la Douleur d'ici quatre jours.

XxXxX

Je/Nous sommes les Antigens. Je/Nous mange/mangeons les gentils gens !
Je/Nous veux/voulons l'Homme Rouge !
L'Homme Rouge n'est pas seul. Des gentils gens le protègent et me/nous tue.
Mais Je/Nous les tue/tuons aussi.
Mais ils me/nous tuent plus.
L'Homme Rouge s'enfuit.

XxXxX

    Nous sommes le 24 Merdier,

« Les lunéas se nourrissent par photosynthèse.
Encore une preuve que nous n'avons
plus notre place ici. »

    Je me sens mal. Un mal me ronge. Je ne sais pas quoi. Si ! C'est ce Livre, ce Grimoire à la Bouche qui me dévore de l'intérieur. Il me déchire les entrailles et remplit ses pages des maux de mes terreurs les plus viscérales.
    La nuit est douce. Tout l'inverse de mon âme. L'infection naît dans mon estomac, gagne mon cerveau. Je sens le pus se répandre dans ma tête. Il réveille mes terreurs ; celles liées au vide de mon visage, ce néant rongé par la vermine.
    J'ai encore, ou à peine, trois jours pour atteindre la Capitale de la Douleur. Mais comment y parviendrais-je si je ne tiens plus debout, si je succombe à la folie ? La Capitale de Ma Douleur, c'est ici et maintenant !
    Je repense à ces mots :

« …C'est l'histoire d'une rivalité entre un homme et son double maléfique. L'un est tolérant, serviable et intelligent. L'autre est une ombre inexistante avec une carte tatouée sur le corps. L'un est musicien. L'autre s'est réveillé avec de la terre sous les ongles... »

    Réfléchir me détourne de la douleur. Qui est ce double ? Un musicien ? Je ne suis pas un musicien. Pourtant, la Lyre guide mes pas, vers les amis, les amants... vers mon double ? L'autre est une ombre... Et je suis aussi guidé par la Brume. Dans la Brume se cachent les mythes, dans l'ombre aussi. J'ai peur que ce double maléfique, ce soit moi. Mais je n'ai aucune carte tatouée sur le corps. Ou alors, ce serait mon reflet dans le miroir. Mon visage. Cette absence de visage. Ce vide constellé d'étoiles. La carte, ma carte, serait celle des étoiles ? Quel mauvais présage cela cache-t-il ? Je crois saisir. Shub-Niggurath et les autres Anciens n'ont accès à notre monde que quand les astres sont propices. Si mon visage est une carte du ciel étoilé, si la vermine sous le sac en plastique altère cette carte, peut-être qu'elle la redessine, la reconfigure, peut-être que le reflet de mon visage serait une carte du ciel lorsque les astres sont propices. Mais propices à quoi ? Est-ce que cet autre moi, ce musicien, en saurait davantage ? M'attend-il au bout de mon chemin ?
    Je voudrais dormir. Mais je ne peux pas. Pas avec cet énorme chat au pelage vert qui s'approche. Il est gros comme un poney ou un petit ours. Son poil est vert car il se nourrit entre autre de la lumière du soleil. C'est rare d'en voir la nuit d'ailleurs. Son flanc gauche est déchiré d'une sinistre bouche humaine arborant un non moins sinistre rictus. Est-ce qu'il s'en ira si je fais le mort ? Non, bien sûr. Je vais devoir me lever et faire face. Le faire fuir, voire le tuer, si je peux. Oui, je dois le tuer. Sinon, c'est lui qui me tuera. Et si ce n'est pas lui qui me tue, ce sera ce Livre qui me bouffe de l'intérieur. Je vais mourir, mais je ne veux pas. Alors, je vais me battre.
    Je me relève. Je regarde mes mains et il y a de la terre sous mes ongles. Je me sens mauvais. Et si je suis mauvais, je peux tuer. Je suis le Glitch. La magie qui anime le dieu qui m'habite va déchirer ce gros chat vert. Je dis :

    « Je suis le Glitch !
    Ici et maintenant je te montre mes mains couvertes de terre et je te montre mon ventre rongé par le Grimoire de la Bouche pour que tu vois mon épouvantable Moi !
    Fuis ou meurs !
    Je suis le Glitch ! »

    Le chat émet un long feulement. La bouche sur son flanc pousse un hurlement suraigu. Et la créature s'enfuit en courant. Je suis le Glitch !
    Je me rallonge par terre et je m'endors. Je me sens bien. Je suis serein. Et pourtant, dans mon ventre, le Grimoire de la Bouche noircit ses pages de prophéties concernant divers événements astronomiques à venir. Je ferme les yeux. Je m'en occuperai plus tard.

XxXxX

Je/Nous sommes les Antigens. Je/Nous mange/mangeons les gentils gens !
Je/Nous veux/voulons la fille !
Je/Nous veux/voulons l'Homme Rouge !
L'Homme Rouge court.
Le Bon Samaritain tue des Antigens.
Mais les Antigens tuent aussi des gentils gens.
Ce n'est que justice. Œil pour œil...
L'Homme Rouge court mais la fille est tombée.
Je/Nous mange/mangeons la fille.
Les Antigens mangent des gentils gens mais l'Homme Rouge court toujours.
L'Homme Rouge tire.
Des Antigens mangent.
D'autres meurent.

XxXxX

    Nous sommes le 25 Merdier,

« Assister à la naissance d'un Horla, c'est un peu comme jouir de sa propre mort.
C'est extrêmement déstabilisant... »

    Cette nuit, le vent souffle. Aussi je m'arrête et me mets à l'abri à l'intérieur de cette carcasse envahit par la végétation. Elle a des roues, beaucoup. Et elles sont très grandes. Plus grandes que moi. À quoi servait cet engin par le passé ? À l'intérieur, c'est grand. Un petit clan pourrait y vivre. Un petit clan y a peut-être vécu. Peut-être que quelqu'un ou quelque chose vit encore ici ?
    Et soudain, j'ai peur !
    Suis-je vraiment en sécurité ici ? Mais suis-je vraiment en sécurité dehors ? Quelque chose en moi, ce Livre ?, me dit que les Antigens sont de nouveau sur mes traces. Je dois atteindre au plus vite la Capitale de la Douleur.
    J'ai un étrange pressentiment. J'ai l'impression de ne pas être seul. Quelque chose ou quelqu'un est là, avec moi. Ça m'observe. Je reste sur mes gardes. Le vent bruisse dans les branches des arbres. Le danger est partout. Je n'aurais pas dû entrer dans cette carcasse. J'aurais dû continuer à marcher. Et tant pis pour les Antigens !
    Ce n'est pas juste!
    Pourquoi ai-je été choisi par le Glitch ? Pourquoi dois-je endurer tout ça pour retrouver son nom ? Et si, vraiment, je suis lié à un double, pourquoi ce serait moi le double maléfique ? Ce n'est pas juste. Je ne suis pas mauvais ! Je ne suis pas si mauvais, hein ?
    Tous les shamans le disent. Ce sont leurs esprits totems qui les ont choisis et non l'inverse. Eux n'ont eu d'autre choix que d'accepter. En échange, ils bénéficient des pouvoirs du totems mais ils le payent d'une vie de souffrance. Est-ce mon destin ? Dois-je endurer toutes ces souffrances pour user des pouvoirs du Glitch, pour venir en aide aux autres ? Dois-je nécessairement souffrir pour aider. Est-ce juste que, pour rétablir la justice, je dois souffrir à ce point ?
    Peut-être ?
    Peut-être pas ?
    Nous sommes le 25 Merdier. Je me rappelle de l'historiette du jour. Je ne veux pas assister à la naissance d'un Horla. Je ne veux pas mourir. Et je ne veux pas en éprouver du plaisir. Je vis et je souffre. Voir un Horla naître serait comme mourir mais en ressentant du plaisir. Ce n'est pas logique ? Si ?
    Normalement, vivre devrait être synonyme de plaisir et la mort de souffrance. Est-ce la faute des Horlas si c'est l'inverse ?
    Que me réserve le Glitch ? Que me réservent les Horlas ? Que me réservent les Antigens ? Que me réserve cette forêt ?
    J'ai peur !
    Je les entends. Les Antigens ! Ils approchent !

XxXxX

Je/Nous sommes les Antigens. Je/Nous mange/mangeons les gentils gens !
La fille n'est plus. L'Homme Rouge court toujours.
Les gentils gens courent.
Des coups de feu !
Ô joie !
L'Homme Rouge tombe.
Je/Nous fonds/fondons sur lui et savoure/savourons sa chair, rouge.
La fille est tombée.
L'Homme Rouge est tombé.
13 cerveaux de 13 gentils gens.
Le Glitch, maintenant.
Il est proche. Je/Nous le sens/sentons.

XxXxX

    Nous sommes le 26 Merdier,

« Il a modelé une créature de sang et de fumée.
Pour rappeler la chair à lui lors des jours d'ennui. »

    La météo est plutôt clémente aujourd'hui. Et pourtant, je suis sous terre. J'erre depuis des heures dans ce labyrinthe. Ce n'est pas qu'un réseau de souterrains. Ce ne sont pas de simples couloirs. Je le sais ! Il y a ici un autre secret car le plan, ce plan que je dois percer, est un reflet. Un reflet de mon cerveau ! De mon âme ! Je me suis enfoui sous terre pour semer les Antigens. Mais je veux aussi me semer moi-même. Me semer... Me perdre ou me planter... pour pousser, germer, arriver à maturité ?
    Dehors, il fait jour et il fait beau. Ici, il fait noir et les murs suintent une humidité maladive. Je me cogne contre les murs. Sous le sac plastique, je me gratte le visage et je sens les larves grouiller. Non ! Ce ne sont plus des larves. Ce sont des mouches qui cherchent à fuir le sac. Mais que vais-je devenir si les mouches s'en vont ? Que va devenir mon visage ? Je ne veux pas revoir ce vide !
    Je me mets à courir. Vers je ne sais où. Vers la folie ! C'est cela qui m'attend. La folie et la mort. Je n'atteindrai jamais la Capitale de la Douleur. Je ne trouverai jamais le nom du Glitch et je vais mourir dévoré par les Antigens. Je ne trouverai jamais celui dont je suis le double maléfique et je ne pourrai jamais lui dire que je ne veux pas être maléfique ! Je ne veux pas être sombre. Je veux de la lumière !
    L'air ici est saturé d’Égrégore. Est-ce cela qui a fait apparaître ces mouches sous le sac en plastique ? Peut-être... Sûrement !
    La Brume qui cache les mythes. Je veux lever la Brume qui court dans ces souterrains. Je veux que la lumière rentre ici. Je veux percer le mystère de ce lieu !
    J'arrive devant une porte étanche. Je touche le volant. La rouille fait qu'il est difficile de le faire tourner. Mais, en forçant un peu, c'est possible. Pourtant, je renonce. Je préfère me saisir du sac en plastique et le jeter au sol. Je sens les mouches autour de ma tête. Elles restent là. Elles ne me quittent pas. Quelque part, ça me rassure. Ça me suffit. Peu importe finalement ce qu'il y a derrière cette porte. Je fais demi tour...
    J'avais peur qu'il se soit mis à pleuvoir mais non. Il fait toujours bon. J'avais peur que les mouches s'enfuient mais non. J'avais peur que les Antigens m'attendent mais non. Je m'asseois contre un arbre. Je reste convaincu que ce qu'il y a derrière cette porte était saturé d’Égrégore et m'aurait transformé. Mais est-ce que cela aurait été mieux que ces mouches ? Je ne sais pas. Je me sens bien.

    Une voix de femme me tire des mes pensées. Elle ne s'adresse pas à moi mais j'entends :

    « … la Capitale... de la Douleur... »

    Je me relève à toute vitesse. Il n'y a personne. Mais je suis certain d'avoir bien entendu. D'où venait cette voix ? La Capitale de la Douleur, c'est par là !

XxXxX

    Nous sommes le 27 Merdier,

« Un jour, j'ai trouvé un corps dans un ravin.
Je n'aurais sûrement pas eu si peur, si cela n'avait pas été le mien. »

    Il fait nuit quand j'arrive en ce lieu étrange. On dirait une cathédrale en ruine. Ou un temple. Un très ancien temple. Seules ces colonnes en os blanchis et légèrement arrondis tiennent encore. Le clair de lune leur donne un reflet bizarre. Mais c'est beau.
    J'erre en ce lieu, certain d'y rencontrer cette femme. Celle dont j'ai entendu la voix hier. Elle m'a attiré jusqu'ici. Elle m'a guidé. J'y suis, c'est ici. La Capitale de la Douleur. Mais ce n'est pas encore tout à fait le bon moment. La lune n'est pas parfaite.
    Ce lieu m'est familier. Je ne sais pas pourquoi. En fait, je me demande si, quelque part, je n'ai pas envie qu'il me soit familier. J'ai envie de connaître ce lieu. J'ai envie d'être déjà venu. J'ai envie de connaître cette femme. Et si elle était ce double, cette amie, cette amante vers laquelle me pousse la Lyre ? Moi qui, hier, ne voulait plus être le double maléfique, comment pourrais-je rejeter ce fardeau sur elle ?
    Cet endroit est beaucoup plus grand que je ne le pensais. S'il n'a fallu que le squelette d'un seul animal pour le construire, il devait être gigantesque. Et s'il en a fallu plusieurs... ils devaient être gigantesques aussi. Il y a des dessins, des symboles, gravés sur ces os, jusqu'à hauteur d'homme. Mais de grands hommes tout de même. Plus grands que moi. Sont-ce eux qui ont chassé ces animaux pour construire cet endroit ? Et pourquoi ce nom ? Mais peut-être qu'ils lui en avaient donné un autre ? Et qui lui a donné celui-là alors ? Qui a baptisé cet endroit la Capitale de la Douleur ? Et pourquoi ? On a souffert ici. À l'évidence... Pourtant, je ne vois nulle trace de sang. Peut-être que si je cherchais mieux...
    En réalité, je ferais mieux de me chercher à manger. Et la chance me sourit. C'est une belle perdrix qui me remplira l'estomac ce soir.
    Je pensais trouver cette femme ici. Peut-être sera-t-elle là demain, pour le Rituel. Peut-être que demain j'aurais des réponses à mes questions sur ce lieux. Mais ce soir, je renonce à savoir. Je veux seulement profiter de ce bon repas.
    Et une voix, de femme, se fait entendre :

    « … la Capitale... de la Douleur... »

    Et j'ai l'impression de chuter de très, très haut...

XxXxX

    Nous sommes le 28 Merdier,

« D'habitude je n'aime pas trop les blonds.
Mais il faut dire que j'avais vraiment très faim. »

    Je me réveille en sursaut. C'est trop bizarre, cette sensation. Je n'ai pas vu le temps filer. La voix de cette femme. Puis, plus rien. Et de nouveau cet endroit, ces colonnes en os géants ! Je cherche la femme du regard. Je la vois !
    Elle court vers moi. Elle est poursuivie par les Antigens. Je veux courir vers elle, pour la protéger. Mais une force m'en empêche et j'assiste, impuissant, à sa mise à mort.

    « … la Capitale... de la Douleur... »

    Et à sa voix se superpose une autre...

La fille est tombée.
L'Homme Rouge est tombé.
13 cerveaux de 13 gentils gens.
Le Glitch, maintenant.

    Ils sont là ! Les Antigens ! Ce lieu va-t-il devenir la Capitale de MA Douleur ? Je ferme les yeux et je dis :

    « Je suis le Glitch !
    Ici et maintenant je m'ouvre les entrailles !
    Je révèle le Grimoire et mon épouvantable Moi !
    Je suis le Glitch ! »

    J'ouvre les yeux. Les Antigens gisent au sol. On dirait qu'ils se sont entre-dévorés. Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Mais je ne suis pas mort. Les mouches volent toujours autour de mon visage et brouillent ma vision. Je cherche le corps de cette femme. Elle est là et... je la reconnais ! C'est elle ! J'en suis sûr ! Mon double lumineux. Et les Antigens l'ont mangée.

    La Capitale de Ma Douleur...

    Les mouches font du bruit autour de ma tête. Elles m'empêchent de me concentrer. Pourtant, la lune est telle qu'elle doit être, absente. Je dois accomplir le Rituel. Je ferme les yeux. La voix des Yeux de la Forêt couvre celle des mouches.

    « Utilises l'Athanor. Jettes-y le vestige. Crées un dysfonctionnement. La dysfonction est ta fonction. Et obtiens le fantôme...
    …
    Glitch ! Ton sang dans l'Athanor ! »

    Les Yeux de la Forêt se taisent. J'ouvre les yeux. Les mouches volent bruyamment autour de ma tête. L'Athanor, où est-il ? Je sais. Cette sorte de case en plaques d'os, hier j'ai eu peur de m'en approcher. Je n'ai même pas voulu la voir. Là est l'Athanor. Un vent soudain me pousse dans cette direction. C'est un vent chargé d’Égrégore. Heureusement, les Yeux de la Forêt et les mouches, aussi, me protègent.
    À l'intérieur, il règne une lumière apaisante. Elle provient de l'Athanor lui-même mais aussi de plusieurs bougies disposées ça et là sur des meubles en ossements ou à même le sol. Je ne sais pas qui a allumé ces bougies, ni qui a allumé l'Athanor. Je ne sais pas si les Antigens vont revenir. Et, pour l'instant, je m'en moque. Je me plie à la volonté des Yeux de la Forêt. J'ouvre la plaie zébrant mon ventre. Les mouches font un peu plus de bruit. Je plonge mes mains dans mes entrailles et en ressort le Grimoire. La Bouche ne sourit plus. Elle a l'air... triste. Pourtant, elle est recouverte de sang, mon sang. Et je jette le Grimoire dans le feu.

    Et l'Athanor explose ! Et je me retrouve projeté en l'air. Je heurte le plafond. Je retombe durement au sol. Les Yeux ? Les Yeux ? Que dois-je faire ? Je brûle !

    Quand je reprends connaissance, la première chose que j'entends, ce sont les mouches. La première chose que je vois, ce sont mes mains... brûlées ! Horriblement brûlées. Je les porte à mon visage et je sais. Je suis défiguré ! Puis, je réalise. Mes mains sont devenues rouges. Mon visage doit être rouge lui aussi. Je me souviens des paroles des Antigens.

La fille est tombée.
L'Homme Rouge est tombé.
13 cerveaux de 13 gentils gens.
Le Glitch, maintenant.

    Et si l'Homme Rouge, c'était moi ? Alors ça veut dire que je suis déjà mort depuis longtemps. Alors ça veut dire que je suis un fantôme. Est-ce cela qu'ont voulu me dire les Yeux de la Forêt ? « Obtiens le fantôme ! »
    Ce n'est pas juste ! Je voulais trouver le nom du Glitch pour faire de grandes choses, pour changer le monde. Je voulais trouver mon double lumineux pour me décharger de l'ombre et être, moi aussi, un être lumineux. Je voulais être le Glitch. Je voulais être un Dieu ! Et je suis un monstre ! Et je suis mort...

    Pourtant, je dois accomplir un troisième Rituel. Quand la lune sera rouge, mais je vois rouge maintenant. Tout est rouge ! Mais où, où est celui que je n'ai pas vu depuis si longtemps...

    J'ai faim. Je croque un bout de mon avant-bras. À point...

XxXxX

    Nous sommes le 29 Merdier,

« Il gardait une trace d'eux, pour les maintenir en vie.
Littéralement. »

    J'avance de nuit car le soleil me brûle. J'ai mal. Cette nuit, il pleut et ça me soulage, un peu. Et cela apaise ma soif aussi, un peu. Je suis fatigué. Je devrais m'arrêter, me reposer. Il y a de la lumière au loin. Je m'approche. C'est une maison. Pas une chaumière de bric et de broc. Une vraie maison, comme on en fabriquait avant. J'approche prudemment. Il y a des gens dedans. Je les vois, souriants, attablés. Ils ont à manger. Tout a l'air si propre là-dedans. Moi aussi, je veux de cette bonne nourriture. Moi aussi, je veux être propre.
    Je m'avance dans cette clairière et à mesure que j'approche de cette maison, ses murs se recouvrent de lianes grimpantes. Je me fige. Et les lianes stoppent leur progression. J'avance. Elles aussi. Elles pointent vers moi. Je sens leur hostilité. Elles gardent cette maison. Mais je veux manger et me laver. Je suis le Glitch ! Et je veux prendre une douche !
    Je suis brûlé. Je suis même peut-être mort. Et si je pouvais brûler ces lianes ? Les pouvoirs du Glitch me le permettent-ils ? Les Yeux de la Forêt l'autoriseront-ils ?
    Je suis le Glitch !
    Et les lianes flambent.
    Je rentre dans la maison. Mais elle n'est plus que ruines fumantes. Pourtant, je trouve à manger et je peux me laver. Les mouches qui m'entourent trouvent à manger elle aussi.

    J'en suis sûr maintenant. Je ne suis pas mort ! L'Homme Rouge est tombé sous les griffes des Antigens mais pourtant je ne suis pas mort. Comment ? Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais je suis vivant !

XxXxX

    Nous sommes le 1er Marche,

« Palétuviers, sentiers nénuphars, clairières de lentilles d'eau, murs de prêles et buttes de vase.
Le marais était une grande forêt saumâtre. »

    Il y a du vent aujourd'hui. Mais ce n'est finalement pas désagréable sur ma peau rongée, brûlée. J'erre sans trop savoir où mes pas me guident. Je cherche le dernier lieu pour le dernier Rituel mais je n'ai aucune idée de là où il peut se trouver.
    « Celui que je n'ai pas vu depuis si longtemps... » et je dois y être à la prochaine lune rouge. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai d'abord pensé que « Celui que je n'ai pas vu depuis si longtemps... » était quelqu'un, peut-être moi-même d'ailleurs. Ce « Moi » que j'avais pas vu depuis que le Glitch m'avait choisi pour trouver son Nom. Mais, finalement, plus simplement, il s'agit peut-être plus simplement d'un lieu que je n'ai pas vu depuis si longtemps.
    Et je repense à la Lyre qui réunit les amis et les amants. Où sont mes amis ? Ceux que je n'ai pas vu depuis si longtemps. Et qui sont-ils ? Je ne sais plus. J'erre seul depuis si longtemps. Mes seules vraies amies sont... mes pensées.
    Et j'ai peur car je repense à cette fois où, dans le miroir, je n'ai vu que le vide. Mon crâne est-il vide ? Mes pensées ne sont-elles que du vide ? Ai-je tort de croire que je pense ? Je pense donc je suis, parait-il. Mais si mes pensées ne sont qu'illusion, mon sentiment d'être n'est qu'illusion aussi.
    Et soudain, je regarde autour de moi. Une Brume recouvre le sol. Je suis maintenant dans des marais. L'air est chargé d’Égrégore. Je suis sur le terrain d'un Horla. J'ai peur. Il y a du bruit autour de moi. Quelque chose s'approche. La brume devient plus dense. Quelque chose me frôle. Je distingue une ombre dans la brume. C'est une de ces plantes carnivores énormes qu'on rencontre parfois. Elle passe à côté de moi sans m'accorder la moindre attention. Je n'existe pas pour elle. Mais alors, pour qui j'existe ?
    J'étais pourtant certain d'être vivant ! Est-ce l'effet de la Brume ? Un des pouvoirs du Horla qui me donne cette impression de ne plus être. Est-ce un moyen de me tromper, de me piéger ? Pourquoi ne pas me dévorer tout simplement ? Peut-être que ce Horla se nourrit de mes pensées justement ? De mes peurs, de mes tourments ?
    Et je me rend compte que je suis immobile, les pieds dans la boue. Je tente de reprendre la maîtrise du cours de mes pensées et de mettre un pied devant l'autre. Je tente de me convaincre que je suis vivant. J'avance et la brume se dissipe. J'aperçois une série de petites bornes en pierre grossièrement taillée. Certaines sont coiffées de couronnes en écorces et branchages tressés. Je reconnais certains des symboles gravés sur ces bornes. Oui, j'ai bien traversé le territoire d'un Horla. Ceux qui vivent ici, ou qui vivaient ici, ont construit ces bornes pour en marquer les limites. Ils en ont fait un lieu sacré. Un lieu qui se distingue du profane. Un lieu où on n’entre pas. Mais je suis le Glitch. Ces distinctions ne me concernent pas, pas vraiment.
    « Celui que je n'ai pas vu depuis si longtemps... » Et si cet endroit était tout simplement le lieu d'où je viens ? Là où il y a des gens, pas des Antigens, des hommes et des femmes. Là où je ne suis pas seul avec mes pensées. Et si je rentrais chez moi ? Pas le chez moi d'où je viens, celui que j'ai oublié. Mais le chez moi qui est celui de tout homme, une communauté, un groupe, une famille, un clan.
    Je dois retrouver le Clan des Arbres avant que la lune ne soit rouge !

XxXxX

    Nous sommes le 2 Marche,

« Je suis un nomade, je ne laisse pas de trace. Je vis au jour le jour. Demain, je serai peut-être mort.
Nul ne se souviendra de mon passage. »

    Demain... Mais peut-être que je serais mort dès aujourd'hui. Et nul ne se souviendra de mon passage. Ce serait dommage...
    J'ai marché toute la journée pour retrouver le Clan des Arbres. Pour retrouver des gens, des humains. Ceux que je n'ai pas vu depuis si longtemps. Mais, alors que la lune rouge apparaît, je suis seul. Désespérément seul. Il va pourtant falloir que j'interroge les Yeux de la Forêt, et ce même si je ne suis pas au bon endroit. Mais après tout, je n'ai aucune véritable idée de ce qu'est ce bon endroit. Et il est peut-être partout...
    Je me sens mal car je doute. Que va-t-il arriver si je ne trouve pas le nom du Glitch ? Et que va-t-il arriver si je le trouve ?
    Je suis seul.
    Je ferme les yeux.
    J'écoute les Yeux de la Forêt. Je dis :

    « Je suis le Glitch !
    Ici et maintenant, je m'assois dans la boue et je souris pour montrer qu'il y a du bon en moi !
    Je suis le Glitch ! »

    Et les Yeux de la Forêt disent :

    « Glitch ! Tu dois utiliser l'immobilité et sacrifier un compagnon !
    Glitch ! Tu dois accepter le destin de la fille... »

    Je crois que je comprends. Alors, je reste assis là, immobile. Je ne bouge plus. Je ne bougerai plus. Jamais. Je continues de sourire et accepte que la fille, mon double lumineux ?, soit morte. J'accepte aussi de ne plus jamais avoir de compagnon. Je vais rester là. Peut-être que d'autres viendront et me verront. Mais ils ne seront pas mes compagnons. Ils s’assoiront autour de moi. Ils parleront. Ils prieront. Ils feront des vœux. Mais ils ne seront pas mes compagnons. Mais je serai le leur. Je dis :

    « Je suis la Pierre !
    J'ai été fait par la force des Yeux de la Forêt.
    La permanence de la pensée est en moi.
    J'ai enduré un long voyage. J'ai croisé des Horlas, des monstres. J'ai été traqué par les Antigens. J'ai été brûlé...
    Je suis la Pierre.
    Ici et maintenant, pour assurer la stabilité et l'enracinement, je renonce...
    Je suis la Pierre ! »


Feuille de personnage :

Destin Fatal : Après une longue absence, des personnes se retrouvent. Elles croient se reconnaître mais il s'agit de souvenirs implantés ou d'identités usurpées.
La Chasse: Je suis traqué par ces Horlas qu'on appelle les Antigens. Moi, je chasse... mon nom, mon vrai nom, le nom du Glitch.
Une question et une Certitude : Que se passera-t-il quand j'aurai retrouvé mon nom, le nom du Glitch ? Je suis sûr que cela changera le monde !
Une Croyance : le Glitch est un Dieu. Pas un Créateur, pas un Ancien, mais un Dieu quand même. Et il est en moi.
Une vertu et un vice : la Justice mais aussi... l'Envie !
Un souvenir qui te hante : Un jour, j'ai vu mon reflet dans un miroir. Je n'y ai pas vu mon visage. J'ai vu les ténèbres, le vide, les étoiles. Les miroirs et les étoiles me font peur...
Ma quête : me rendre dans les Trois Lieux consacrés et y accomplir les rituels afin de découvrir le nom du Glitch.
Mes deux symboles : La Lyre qui réunit les amis et les amants. La Brume qui cache les mythes.
Ce qui m'accompagne : Je suis, pour l'heure, au sein d'une enclave réduite.


Commentaires de Thomas :

B. "Des fois, comme maintenant, je reste quelque temps au sein d'un groupe sédentaire. Ils s'appellent le Clan des Arbres" D'entrée de jeu, on s'inscrit dans la continuité des précédentes campagnes Millevaux, là où Nihill marquait un break.

C. Jouer les voyages entre les lieux avec Bois-Saule, c'est malin.

D. "Pourtant, les racines qui s'y sont plongées ont des formes étranges, torturées. Je remarque alors que ces racines courent justement des cuves jusqu'aux murs. Là, certaines s'enfoncent dans la terre et d'autres grimpent jusqu'au plafond. " D'emblée, on est sur du décor résolument forestier, contrairement à ton habitude. On sent bien là l'effet Bois-Saule

E. "Les mouvements sous ma peau cessent. Je porte mes mains à mon visage. Quelque chose a changé. Je me saisis d'un sac plastique. Je l'enfile sur ma tête. Je perce deux trous au niveau des yeux. Un autre au niveau de la bouche et un dernier au niveau du nez. Comme ça, je peux regarder mon visage. " : J'adore l'image.

F. "Ça me gratte sous le sac plastique. Ça fait mal. Je me gratte. Me gratter me soulage mais la sensation qui suit est horrible. Je regarde mes mains. Elles sont pleines de vers, de larves et d'asticots. Je hurle à la lune. Je hurle à la mort. Je me gratte jusqu'au sang, sans pour autant retirer le sac en plastique. Je n'ose pas l'enlever. Je ne veux pas savoir ce qu'il y en dessous. Je veux juste que ça s'arrête. Je pleure... des vers, de la vermine !" : Je sais pas du tout si c'est la conséquence d'une procédure de Bois-Saule, mais à nouveau, l'image est forte :)

G. "Je soulève le couvercle du cercueil. À l'intérieur, une petite fille vêtue de blanc dévore le cadavre d'un vieil homme." Trop cool...

H. "Je devrais atteindre la Capitale de la Douleur d'ici quatre jours." Comment as-tu déterminé la durée des voyages ?

I. "Pas avec cet énorme chat au pelage vert qui s'approche. Il est gros comme un poney ou un petit ours. Son poil est vert car il se nourrit entre autre de la lumière du soleil. C'est rare d'en voir la nuit d'ailleurs. Son flanc gauche est déchiré d'une sinistre bouche humaine arborant un non moins sinistre rictus." Est-ce que c'est Herbodoudiab ?


Réponse de Damien :

B, le Clan des Arbres fait partie des éléments récurrents dans mes scenar. ces éléments n'aurant pas forcément toujours la même signification d'un scenar ou d'une campagne à l'autre mais ils seront là. ça inclut le Clan des Arbres, NoAnde, le Thanatrauma etc.

C-c'était ce que je voulais tester justement: une partie de The Name of God mais Bois-Saule pour les trajets.

D-oui, j'ai ce réflexe d'utiliser Millevaux comme un monde parallèle qui est avant tout une menace planant sur le nôtre. j'aime bien cette idée. mais j'aime bien aussi quand même jouer dedans parfois ^^ là, c'était l'occasion. dans mes récents Chtulhu, j'utilise Millevaux comme Contrée des Rêves notamment.

E-Merci, ça fait typiquement partie des trucs qui ne m'arrivent qu'en solo. pas prévu du tout. ça s'impose!

F-franchement, je ne sais plus trop mais là aussi... ça s'est imposé ^^

G-oh, ça sent le tirage de cartes Muses et Oracles ou un truc dans le genre ça 

H-au D6 ^^

I-je ne sais pas si c'est lui mais... c'est un de la même espèce en tout cas ^^ le célèbre chat millevalien XD

]]>
https://www.terresetranges.net/forums/profile.php?id=59 2020-12-21T14:29:46Z https://www.terresetranges.net/forums/viewtopic.php?pid=19716#p19716
<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> NIHILL

Chasser ou se faire chasser ? Une absurde danse du chat et de la souris. Un récit par Damien Lagauzère

(temps de lecture : 16 minutes)

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle solo pour vagabonder dans les ténèbres sauvages de Millevaux. 

Joué le 14/02/2019

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uncoolbob, cc-by-nc, sur flickr

Pour reprendre la terminologie de Sombre, je dirai que c'est un quickshot car je l'ai voulu exprès court. mais bon, ça aurait pu durer très très longtemps ^^ d'ailleurs, je me disais aussi que ça pouvait servir pour jouer des voyages, en solo ou pas d'ailleurs. dans le cadre d'un campagne sur table, un perso pourrait très bien devoir se rendre seul quelque part, ou rejoindre les autres s'ils ont été séparés. il peut alors jouer le trajet en solo  en tout cas, j'ai eu un bon ressenti en jouant. je sais pas si ça se sent en lisant mais c'était chouette

MON DESTIN FATAL
    Le Jugement : Devoir sacrifier les siens ; pour un idéal supérieur, une personne sacrifie un être proche.
    La Roue de la Fortune : Pour guérir son amour transformée en hérisson, une personne transforme les membres de sa famille pour en comprendre le processus.

CHASSER ET SE FAIRE CHASSER
    Quelque chose en a après moi. Je ne sais pas ce que c'est. C'est une présence invisible. C'est néfaste. Ça me traque. Ça joue avec moi un jeu malsain du chat et de la souris.
    Moi aussi, je traque. Je traque les indices. Du plus loin que remonte mes souvenirs, je suis seul. Mais il est impossible que je l'ai toujours été. Je serais mort si personne n'avait pris soin de moi, si personne ne m'avait enseigné à vivre et survivre dans cette forêt. Pourquoi je ne me rappelle de rien ? Cette séparation, cette coupure, n'est pas sans signification. Le destin, ou autre chose, m'a coupé de ceux qui ont pris soin de moi pour une raison bien précise que je ne connais pas. Alors je traque chaque indice qui pourra me révéler quel est mon destin.

UNE QUESTION ET UNE CERTITUDE
    Quel est le sens de ma solitude ?
    Je suis certain que quelqu'un ou quelque chose préside à ma destinée. On, mais qui et pourquoi ?, veut m'éloigner ou me précipiter vers ce destin qui est le mien. J'ai un rôle à jouer !

UNE CROYANCE
    Je crois en l'existence d'autres mondes. On ne peut pas changer Millevaux, rendre cette forêt meilleure, mais on peut aller... ailleurs.

UNE VERTU ET UN VICE
    Une vertu ? La Tempérance. L'humilité et la modestie sont deux véritables valeurs faisant office de pilier pour moi. La simplicité matérielle est pour moi la garantie d'une richesse intérieure. Cette richesse est partout avec moi. Je n'ai pas besoin de palais ni de coffre pour l'entreposer. Elle est en moi. Cette richesse spirituelle fait de moi un prince où que je sois. Infinie, elle ne pèse rien et me permet de voyager sans me préoccuper de qui pourrait bien me la voler. Cette richesse ne se vole pas. Elle se partage avec plaisir.

    Un vice ? J'avoue pouvoir parfois céder à la colère...

UN SOUVENIR QUI ME HANTE
    J'ai tout oublié de ma vie d'avant la solitude sauf... Ce moment où, retenu captif par un groupe de prédicateurs fous, ces derniers ont cru bon de me défigurer en usant sur moi de leur magie maléfique. La partie gauche de mon corps est couverte d'horribles cicatrices semblables à des brûlures. Mais, pire encore, ils ont fait apparaître un 3ème œil sous mon œil gauche. Il est valide comme les deux autres. Au début, j'ai eu un peu de mal à m'habituer à cette nouvelle vision mais maintenant, je m'y suis fait.

MA QUÊTE
    Ma solitude a un but. Je dois le découvrir. On m'a projeté dans cette solitude car j'ai un rôle à jouer, un rôle important. Lequel ?

MES DEUX SYMBOLES
    1-l'Ermite Platonique.
    2-l’Œil qui comprend le monde.


L'histoire :

    Aujourd'hui, je ne suis pas seul. Un lapin m'accompagne. Je ne sais pas pourquoi il me suit. Je n'ai pas faim. Je pourrais le tuer pour plus tard mais je n'ai pas envie. Je n'en ai pas besoin. Pas encore. J'espère seulement pour lui qu'il ne sera plus là quand j'aurais faim.
    Mon humeur est à l'image du temps. Il fait doux. Je me sens bien. Je me sens léger. Je regarde ce lapin sautiller autour de moi. Il me fait sourire. C'est peut-être pour ça que je n'ai pas envie de le tuer. C'est horrible ! Est-ce que cela veut dire que je voudrais le tuer quand il ne me fera plus sourire ? Est-ce que sa vie ne tient finalement qu'à ce fil ? Et moi, pourrais-je avoir envie de tuer juste pour cette raison ? Dois-je en vouloir à ce lapin de m'inspirer de telles pensées ? Je le regarde et je ne souris plus. Je pense, et comment puis-je y penser ?, à ces bouffons médiévaux sur lesquels le seigneur avait droit de vie ou de mort. Est-ce là la dimension tragique de toute comédie ? Je ne sais pas.
    Je détourne mon attention du lapin en espérant qu'il se sauve. Je me concentre. Je me laisse guider par mon instinct. Là où mes pas me portent, il y a forcément quelques indices à récolter quant à ma quête. Ce monde n'est pas qu'un simple environnement. Pour un lapin, si, bien sûr, mais pas pour moi. Pour moi, tout a un sens caché que je dois découvrir. Et tous ces sens sont les pièces d'un puzzle que je dois assembler afin de comprendre ce monde et ma place en son sein.
    Alors, quels signes vais-je pouvoir interpréter aujourd'hui ? Est-ce cet arbre à la forme étrange ? Peut-être ? Allons-voir !

XxXxX

    Cet arbre était encore plus étrange que sa forme ne le laissait à penser. À peine l'ai-je touché que je me suis retrouvé propulsé... ailleurs. Un ailleurs dont je soupçonnais l'existence. Non ! Dont j'étais convaincu de l'existence sans pour autant l'avoir jamais expérimenté. Le seul ailleurs que j'avais expérimenté jusqu'à présent était cette douleur infligée par ces fous qui m'ont défiguré.
    Je suis toujours dans cette forêt mais plus tout à fait. Le noir est blanc et le blanc est noir maintenant. J'ai l'impression que l’atmosphère autour de moi frissonne. Tout est comme légèrement flou et tremblotant. J'ai l'impression qu'il fait plus chaud aussi. Mais je ne sais pas si cela vient de la température ou de l'appréhension qui s'est emparée de moi. J'ai peur car je ne serais pas étonné que la chose qui me traque soit maintenant tout proche.
    Je ne sais pas si c'est le jour ou la nuit. Avec cette inversion du spectre des couleurs, ce n'est pas seulement ma vision mais ma perception du temps qui se trouble. Il faisait jour quand j'ai touché l'arbre mais le ciel est noir maintenant. Pourtant, j'y vois.
    Soudain, la température chute. Des trombes d'eau secouées par de violentes bourrasques me tombent dessus et me glacent. J'ai du mal à tenir debout face à cette tempête des plus soudaines. Pourtant, au lieu de chercher un abri, je tente de rester debout, droit, la tête haute. Cet endroit n'est pas l'ailleurs que j'espérais. C'est une métaphore. Cette tempête n'est rien d'autre que la tempête des pensées qui s'agitent en moi. Ces bourrasques tentent de me faire tomber à genoux. Je dois rester maître de mes pensées. Ne pas me laisser aller à la folie. Je suis l'Ermite Platonique, l’Œil qui comprend le monde. En toutes circonstances, je conserve mon calme et ma raison. Ici, je ne suis plus dans la forêt de mon corps. Je suis dans la forêt de mon âme. Je ferme les yeux, mes trois yeux. J'occulte l'un de mes sens et réfléchis afin de trouver le sens de tout cela. Cet arbre étrange m'a conduit ici car il veut me signifier quelque chose. Mais quoi ? Pourquoi me soumet-il à cette tempête ? Est-ce une simple épreuve physique ? Dois-je comprendre quelque chose ? Je tente de rester debout, de marbre, de pierre dans les bois. Des mots émergent dans ma tête. D'où viennent-ils ?

« Chariots à conneries ! J'l'ai pas buté pour la nourriture ! J'l'ai cramé pour qu'personne mette la main dessus. »

    Qu'est-ce que ça veut dire ? Je pense au lapin que je n'ai pas tué. Et si, finalement, je l'avais tué ? Mais pas pour m'en nourrir, juste pour que personne d'autre ne mette la main dessus ? Ne serait-ce pas là le comble de l'égoïsme ? À moins que je ne l'ai tué car je lui en ai voulu des pensées qu'il m'a inspirées ? Ou alors, je l'ai tué pour préserver ceux qui croiseraient sa route de telles pensées ?

    Ai-je tué ce lapin ?

    Une violente bourrasque me projette à terre. Quand j'ouvre les yeux, je suis de retour, au pied de l'arbre étrange. L'air est sec. Je suis trempé. Ces mots résonnent (raisonnent?) encore dans ma tête. « Chariots à conneries ! J'l'ai pas buté pour la nourriture ! J'l'ai cramé pour qu'personne mette la main dessus. » Je cherche le lapin du regard. Aucune trace de lui !
    Je ne sais pas si c'est le matin ou l'après-midi. Que me réserve cette journée ? Ai-je faim ? Oui. Je vais chercher à manger. J'en profiterai pour explorer cet endroit. Je regarde autour de moi et guette un signe de vie. Si ce lapin reparaît devant moi, je le tue, pour la nourriture cette fois ! Je m'éloigne un peu de l'arbre étrange mais avec quand même quelques réticences. Pourquoi ? J'observe la nature autour de moi. J'examine les troncs à la recherche de traces des griffes d'un petit animal qui pourrait me servir de repas. Je reconnais là celles d'un blaireau. Elles ont l'air fraîches. Il est passé par ici, il repassera par là. Il doit nicher non loin d'ici. Je m'allonge derrière un bosquet de roses. Ça sent bon. Juste sous mes yeux passe un scarabée.
    Le scarabée, symbole solaire, symbole de résurrection. Et si cette forêt à l'intérieur de cet arbre étrange avait eu pour fonction de me confronter à cette tempête ? Cette tempête à l'intérieur de l'arbre, à l'intérieur de moi-même ? Et si cette tempête m'avait transformé, lavé, purifié de la colère issues des mauvaises pensées inspirées par le lapin ? Telle est peut-être la fonction de ce lieu ? Comment puis-je en être sûr ? Dois y retourner pour m'en assurer ? Pas maintenant ! Quoi qu'il en soit, et même en l'absence de certitude, je sais que cet endroit est finalement bon pour moi. Si de nouveau le doute et la colère s'emparent de moi, je reviendrais vers cet arbre.
    Mais pour l'heure, des feuillages s'agitent. Ce n'est pas le blaireau que j'attendais. C'est un faisan. Accompagné de quelques uns des champignons qui poussent là, il sera succulent.

    Cela aura été une bonne journée pour moi finalement et malgré cette tempête. Je pourrais y rester, quelques temps au moins. Pourtant, même si je sais que je reviendrai, demain je serai ailleurs. Mais où ? Et qu'est-ce qui m'attend là-bas ?

XxXxX

« Sa vue soulève de honte mon cœur, son odeur broie mon regard.
Je me tourne alors vers celui par lequel les ténèbres arrivent. »

    Je marche sans faire attention à ce qui m'entoure. Mes jambes avancent toutes seules sans que je ne leur donne aucune indication quant à la direction à prendre. Ce n'est que par pur instinct que j'évite les souches et les racines qui pourraient me faire trébucher. Mes pensées sont toutes occupées ailleurs. J'essaye de me rappeler. De me rappeler ce qui s'est passé avant que je ne sois l'objet des folles expériences de ceux à qui je dois mes difformités et mes cicatrices. Je veux aussi me rappeler ce qui s'est passé ensuite. Entre ces tortures et ma solitude. Et si c'était eux qui m'avaient fait sombrer dans l'oubli ? Et si c'était eux qui m'avaient projeté dans cette solitude, cette amnésie ? Pourquoi ? Est-ce encore une expérience ? M'observent-ils ? M'ont-ils fait ça uniquement par cruauté, par jeu ? Dois-je me faire à l'idée que tout cela n'a aucune signification pour eux ? Peut-être n'avaient-ils d'autre but que d'assouvir une pulsion malsaine ? Et ce serait pur orgueil de penser qu'ils m'ont choisi autrement que par hasard... Ils l'ont fait non pour atteindre un quelconque but ésotérique et important. Non, ils l'ont fait parce qu'ils pouvaient le faire. Je dois arrêter de me torturer et songer à passer à autre chose. Ma solitude et l'oubli n'ont peut-être d'autres fonctions que de me permettre de me reconstruire, de devenir autre, de redevenir quelqu'un.
    Quelques grosses gouttes tombent sur mon visage et me tirent de mes pensées. Je lève la tête. Le ciel est gris, presque noir. Les nuages grondent. Le rythme des gouttes s'accélèrent. Le vent se fait plus fort dans les feuillages. Je dois trouver un abri au plus vite. Je me mets à courir. Cette fois, j'ai les yeux grands ouvert et trouve l'entrée d'une grotte. Je m'y précipite.
    J'examine rapidement les lieux. La caverne semble s'enfoncer profondément dans la terre. Je m'en occuperai plus tard, peut-être. Pour l'heure, je suis fasciné par cette tempête aux allures de fin du monde. À quelques minutes près, j'aurais fini trempé. J'aurais pu tomber malade. D'ailleurs, cela me fait penser qu'il serait raisonnable d'allumer un feu. Je cherche parmi les lichens qui recouvrent la roche ceux qui seront assez secs. J'ai de la chance avec les plus éloignés de l'entrée. Mais alors que je m'en vais en recueillir une poignée, j'éprouve une sensation étrange, désagréable. Elle est là. Je le sens. La chose. La créature qui me suit. Elle est là. Je me retourne vers l'entrée de la grotte et essaye de percevoir sa présence. Rien. Elle est au fond de la grotte. Elle était déjà là avant que j'arrive. Elle m'attendait. Et je me suis jeté dans la gueule de ce loup pierreux. La tempête qui m'a purifié hier dans cet autre Millevaux m'a aujourd'hui précipité dans les griffes de mon ennemi invisible. Je sens son influence mais je ne le vois pas. Je reste là, figé. Une partie de moi veut fuir cette grotte. Une autre veut voir cette bête de plus près.
    Je suis pris au piège. Si je sors, la tempête me rendra malade et je pourrais en mourir. Si je reste, c'est la chose qui me tuera. Si je sors, peut-être que je ne tomberais pas malade. Ou peut-être que je survivrais à la maladie. Mais si elle doit me tuer, ce sera long et pénible. Si je reste, la créature me tuera certainement. Mais ce sera bref ! Et là aussi, finalement, j'ai une chance de m'en sortir, que ce soit en réussissant à fuir ou à la tuer. Et si je sors, la bête pourra toujours continuer à me traquer. Je m'empare de mon couteau de chasse et me saisis d'une grosse pierre. J'avance, laissant la tempête derrière moi.
    J'avance dans le noir. Je compte sur les fluctuations de l’Égrégore pour m'indiquer si j'approche de la bête. Cet être est autre. Je ne dois de toute façon pas me laisser abuser par ce qu'elle pourrait me montrer. Non, ce ne serait qu'illusion. Je dois saisir le véritable sens des choses. J'entends un grognement mais je n'arrive pas à déterminer s'il est proche ou loin. Je me fige. Je sais très bien que si, moi, je ne la vois pas, la bête sait précisément où je suis. Elle aussi, elle joue avec moi. A-t-elle un but plus élevé que le seul fait de jouer ? Que de se nourrir de ma peur, puis de se nourrir de ma chair ? Pourquoi moi ? Qu'ai-je fait ? Que lui ai-je fait ? Probablement rien ! Elle ne m'a choisi que par hasard. Je dois m'habituer à cela. Ceux qui s'en prennent à moi ne le font pour aucune autre raison que celle-là : ils souhaitent exercer leur puissance, leur cruauté et... il se trouve que je suis là. Je n'ai pas été mis là pour ça. Ce n'est pas mon destin. Ce n'est que pur hasard. Je vais là où mes pas me portent et il se trouve que partout, car Millevaux est Millevaux, partout il y a des êtres cruels n'attendant qu'une occasion de laisser libre cours à leur cruauté. Cette bête ne fait pas exception. Mais moi, aujourd'hui, je vais faire quelque chose d'exceptionnel.
    Je me concentre. Je veux percevoir les flux de l’Égrégore. Si j'y parviens, je saurais où est la bête. Sinon, c'est elle qui m'attaquera. Dans le noir, je ferme les yeux. Je sens l'air prendre plus de consistance. Dans le noir, dans ma tête, une image se forme. Un... souvenir ? Un homme d'environ mon âge. Je ne me rappelle pas son nom mais je sais que j'ai de l'estime pour lui. Mais l'expression de son visage change, devient dure, menaçante. Il m'en veut. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je le vois prononcer des mots que je n'entends pas car cette vision est silencieuse mais je reconnais la Langue Putride. C'est donc lui ? C'est lui qui a envoyé cette chose après moi ? La vision s'efface et tout est sombre et silencieux. Qu'ai-je pu faire ou que croit-il que j'ai fait pour m'en vouloir à se point ? Si je savais qui il est, je pourrais le retrouver et m'expliquer.
    Pourquoi ce monstre ne m'a-t-il pas encore attaqué ? Fait-il durer le plaisir ? Non ! J'ai compris. Cette créature n'est pas tapie dans l'ombre à m'attendre. Elle EST l'ombre. Elle m'a déjà englouti ! Cette vision qu'elle m'a envoyée n'avait pour but que de me signifier que la lente digestion allait commencer. Mon heure est-elle donc venue ? Vais-je finir ainsi, lentement digéré dans les ombres, par les ombres ? Non ! À moins d'être déjà un fantôme, que je puisse encore penser et ressentir prouve que je ne suis pas mort, pas encore ! Je peux m'enfuir ! Je cours ! Et tout courant, je fends les ténèbres de la lame de mon couteau.
    J'ai l'impression d'avoir couru pendant des heures. Mais maintenant, je suis dehors, à l'air libre... libre. Le vent et la pluie sont toujours aussi violent mais je m'en moque. Je me retourne vers cette gueule qu'est la caverne et je ris. Ce Léviathan de pierre ne m'a pas dévoré finalement. Sous la pluie battante, je tombe à genoux. Je ris maintenant silencieusement, le regard toujours braqué sur l'entrée de la grotte. Il ne se passe rien. Il ne se passe plus rien. Je n'ai plus rien d'intéressant à apprendre ici aujourd'hui. Je me lève et tourne le dos à mon ennemi. La bête sera de nouveau après moi, mais plus aujourd'hui.
    Je marche sans faire attention à ce qui m'entoure. Mes jambes avancent toutes seules sans que je ne leur donne aucune indication quant à la direction à prendre. Ce n'est que par pur instinct que j'évite les souches et les racines qui pourraient me faire trébucher. Mes pensées sont toutes occupées ailleurs. J'essaye de me rappeler. De me rappeler ce qui s'est passé pour que celui que je considérais comme un ami m'en veuille au point de lancer cette chose après moi...
    La pluie cesse. J'entends de nouveau le chant des oiseaux. Un bruissement dans les fourrés à côté de moi. La tête d'un lapin émerge d'un bosquet.

XxXxX

Nous ne sommes que des enfants. Nous sommes les proies des Horlas qui chassent dans les rêves.
Nous courons dans la forêt de nos cauchemars.

    Et c'est la fin du mois de Messe. Cette ombre, cette tâche dans mon passé, n'est pas reparue. Pour autant, je ne vais pas bien. Je tousse, je crache, je respire mal. Ces jours de tempête m'ont finalement mis à mal. Et je ne m'en remets pas. J'ai fini par manger le petit lapin, pour regagner des forces. Inutile ! J'aurais pu le laisser vivre.
    En ce moment, je voyage de nuit. Je ne sais pas pourquoi mais je me sens moins mal, moins fiévreux la nuit. C'est peut-être parce qu'il fait plus frais. Comme d'habitude, je vais là où mes pas et le vent me porte. Et cette nuit, le vent me pousse jusqu'à un vieux cimetière. Je souris car n'importe quelle âme simple et superstitieuse y verrait un mauvais présage, surtout dans mon état. Une certaine ironie consisterait à prendre du repos allongé là sur une de ces vieilles pierres tombales, mais non. Pas par respect pour une dépouille qui n'est plus là depuis longtemps, juste parce que c'est inutile et que je dois atteindre le but de mon périple avant...
    Je vais mourir bientôt. Je le sens bien. Cette mauvaise maladie... Je n'ai rien pour la soigner. Le simple repos ne suffira pas et je n'ai nul endroit où me reposer. Cette forêt n'est pas un lieu très reposant. Si seulement j'avais pu retrouver cet étrange Millevaux du mois de Merdier. Peut-être qu'une nouvelle tempête dans cette drôle de forêt me purifierait de mes maux. Ce cimetière est un lieu de repos. Mais ce n'est pas le repos auquel j'aspire.
    Il y a tant de choses à apprendre, à comprendre. Et le temps qui me reste me paraît si court maintenant. Pour autant, dois-je renoncer ? Non, je ne céderai pas à la tentation de ces tombes. Je ne me reposerai pas. Pas encore. Je quitterai cette forêt oui, mais pas comme ça.
    Je fais reculer la faim de quelques pas en mastiquant quelques glands tombés là au hasard. Je me baisse encore pour en ramasser d'autres et m'approche de ces arbres. Parmi eux, un noyer. Un seul. On dirait que le vent a repoussé les nuages juste pour que la lune puisse l'éclairer. Je l'observe. Peut-on dire qu'il a une forme étrange, comme cet arbre qui m'avait projeté dans cet autre Millevaux ? Non, rien ne le distingue d'un autre arbre. Je fourre quelques noix dans ma besace. Je ferme les yeux. J'en croque une.
    J'ouvre les yeux dans une salle carrelée. Il y a là d'autres hommes, tous nus. Moi, je ne le suis pas. Il y a des Horlas qui les gavent de farine. Je reconnais ces Horlas. Ce sont des Horlacanthes ! Ils attrapent les hommes nus et les accrochent sur une machine-ronce-lame qui les égorge. Leur cadavre est ensuite jeté sur un tapis roulant qui les entraîne dans un tunnel où ils disparaissent. Je réprime un hurlement. Qu'est-ce que ça veut dire ? Quel est ce cauchemar ? Car c'est bien un cauchemar ! Ce n'est pas... une vision ? Une prémonition ? Non ! C'est une hallucination parce que cette noix que j'ai mangé était pourrie ! Ce n'est pas la réalité. Car si c'est la réalité, cette forêt dans laquelle j'erre depuis des mois, qu'est-elle ?
    Et les Horlacanthes continuent d'égorger ces hommes sur leur machine-ronce-lame ! Est-ce cela le destin des hommes ? Est-ce là fin de mon voyage ? Si c'est ça, je ne veux plus être un homme ! Je veux être ailleurs ! Je veux être... autre chose !
    Je suis de nouveau dans la forêt. Le cimetière, la nuit, le noyer. Elles sont tentantes ces tombes. Et si, finalement, j'étais arrivé au bout de mon voyage ? Je ne veux plus être un homme. Je veux être un arbre.
    Le visage plein de larmes, je pose une main tremblante sur le tronc du noyer. Le vent souffle. Au matin, il y aura deux noyers dans ce petit cimetière. Et je serai en paix.


Commentaires de Thomas :

A. Je suppose que tu as pris deux destins funestes au lieu d'un pour avoir le choix...

B. "Je suis toujours dans cette forêt mais plus tout à fait. Le noir est blanc et le blanc est noir maintenant. " : Je suppose qu'il s'agit des forêts limbiques

C. "Ils l'ont fait non pour atteindre un quelconque but ésotérique et important. Non, ils l'ont fait parce qu'ils pouvaient le faire." : C'est une perspective assez glaçante.

D. "Je suis pris au piège. Si je sors, la tempête me rendra malade et je pourrais en mourir. Si je reste, c'est la chose qui me tuera. Si je sors, peut-être que je ne tomberais pas malade. Ou peut-être que je survivrais à la maladie. Mais si elle doit me tuer, ce sera long et pénible. Si je reste, la créature me tuera certainement. Mais ce sera bref ! Et là aussi, finalement, j'ai une chance de m'en sortir, que ce soit en réussissant à fuir ou à la tuer. Et si je sors, la bête pourra toujours continuer à me traquer. Je m'empare de mon couteau de chasse et me saisis d'une grosse pierre. J'avance, laissant la tempête derrière moi." Là, on voit bien la mécanique d'envisager les conséquences négatives et positives d'un échec.

E. "J'ouvre les yeux dans une salle carrelée. Il y a là d'autres hommes, tous nus. Moi, je ne le suis pas. Il y a des Horlas qui les gavent de farine. Je reconnais ces Horlas. Ce sont des Horlacanthes !" Hop, un petit tour dans un cauchemar de Coelacanthes... :)

F. ça change, d'avoir un format court, de ta part. C'est reposant :)

G. Je vois pas toujours les procédures de Bois-Saule, donc je saurais pas dire si tu les as appliquées à la lettre (je pense quand même que tu n'as pas forcément appliqué chacune d'entre elles chaque journée), mais on retrouve l'effet de texture détaillée qui est recherché normalement avec ce jeu :)


Réponse de Damien :

A- je ne sais plus trop ^^ je pense oui que j'ai dû vouloir avoir le choix ou mixer les 2 si ça devait rendre bien à un moment.

B-oui, j'aime bien les Forêts Limbiques, même si je ne joue pas assez avec, ni dedans

C-cela m'a été inspiré par une phrase de... Sade qui, à mon sens, résumes là parfaitement une partie de la nature humaine ?

D-en fait, je me suis retrouvé dans une situation similaire en jouant dans un mix de Millevaux et la Crasse. à ce moment, mon perso s'est retrouvé coincé la main sur la poignée d'une porte à ne pas savoir s'il valait mieux sortir ou rester. l'air de rien, ce fut un grand moment de jeu pour moi et la confirmation que le jeu en solo était vraiment bien ?

E-bah oui, j'aime bien Cœlacanthes aussi, ça fait partie des éléments récurrents de mes parties qui leur donnent finalement à tous une certaine et relative unité. ptete que ça sera encore mieux quand je commencerai à jouer à Mantra et à la Crasse

F-héhé, là je voulais juste "tester" les règles et ne jouer qu'une scène de chaque parmi ce qu'il est possible de jouer. à l'avenir, j'aimerais bien ne plus me laisser forcément embarquer dans des trucs à rallonge mais plutôt enchaîner des 1 shot plus courts qui trouveront leur cohérence grâce au recours à une table d'éléments récurrents et commun à tous mes scenars.

G-c'est vrai que dans mes CR je me borne à raconter l'histoire et pas à décrire les aspects techniques de la partie. du coup, les mécanismes de jeu n'apparaissent pas forcément. en plus, parfois, au fil de l'histoire, j'ai tendance à me laisser porter par la narration et "oublier" les règles. c'était le cas par exemple dans mon dernier Chthulhu où, au bout d'un moment, je ne respectais plus du tout les règles de Sphynx mais l'histoire avait pris une telle tournure que ça ne s'imposait plus vraiment. et idem pour Lovecraftesque. J'avoue, j'ai du mal à rester by the book ^^

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> LA GESTICULE DES BUVEURS DE PLUIE

A la recherche des gouttes de pluie et des souvenirs qu’elles contiennent, une session où le joueur prend le pouvoir ! Un récit, un enregistrement et une vidéo par Claude Féry

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle pour errer dans les ténèbres sauvages de la forêt de Millevaux

Joué le 19/03/2019

Suite de la campagne Les Brimbeux. Voir la liste des épisodes précédents.

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Frida, cc-by-nc, sur flickr

Hier, nous avons joué à Bois-Saule avec Xavier la quatrième journée des aventures de Léo et Léonard d'eau, intitulé la gesticule des buveurs de pluie.
Xavier a été surprenant
Il est beaucoup intervenu et a ménagé le coup de théâtre attendu
Seul la phase de répit n'a pas été jouée.
Une belle session

Voici le témoignage audio de 1h15

Voici la feuille de personnage tapuscrit de Léo

https://drive.google.com/file/d/1eRS_FZ … p=drivesdk

Voici les procédures

Voici le montage "vidéo" utilisé pour  "l'atmosphère" de la partie

Voici la préparation non préparation ou feuille de route pour la partie


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photo : Claude Féry, par courtoisie

La préparation

Bois-Saule : quatrième journée.

Mon destin funeste : la papesse, un horla se nourrit des sacrifices.
Une question : pourquoi les renards contractent-ils la rage ?
Ma quête : pouvoir voler
Mes deux symboles : gentillesse, amour.

L’almanach nous indique :

Marche

19
Nous sommes sortis de nos abris après la tempête d'égrégore. Tout autour de nous, trophées, membres,
bijoux, statues. Une forêt de symboles.

20
Dans l'Arbre des Sephiroth, Shub-Niggurath est « Daath »,
le cercle caché, la bibliothèque cosmique de toutes les mémoires de l'univers.

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photo : Claude Féry, par courtoisie

Surnature nous renseigne :

Pour certains, les souvenirs sont plus précieux que le présent.

L'humus est le compost de nos souvenirs abandonnés.
Y plonger à perte de rêves, jusqu’à les user, les souiller ou exhumer la perle rare comme une fleur qui pousse
sur la charogne.

Retrouver un souvenir au risque de retourner dans le passé. Je poisse de nostalgie. Elle remplace bientôt ma sueur. Elle devient mon odeur. J’ai perdu mon sol. Va voix s’étiole. Je deviens gris. Le temps me fuit ou je fuie le temps. Les époques me traversent. Je deviens puits. Mes larmes ruissellent en perles de souvenirs. Les lavandières de souvenirs viendront bientôt ôter la souillure des eaux puisées dans mon caveau.

Le problème des mémoires n'est pas qu'elles se perdent, c'est qu'elles restent, même après la mort.
Elles pèsent. Elles engluent. La grisaille s’installe. Les chairs prennent la consistance de la craie. Le regard s’embue des boues des regrets.

Notre passé et notre mémoire s’enkystent dans nos corps, (enquêteur de la chair, braconniers de la chair qui volent des membres pour les revendre comme souvenirs), alchimie de la mémoire : extraire la quintessence d'une réminiscence puisée dans un corps, transformer le souvenir d'un autre en un souvenir à soi, pour soi.
Un acte ultime d’égoïsme qui fait rejaillir l’autre.

Les douleurs du passé sont sédimentées dans notre peau.

La douleur du souvenir fantôme.

L'opium jaune comble le manque créé par l'oubli.

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Le Tarot de Marchebranche, photo par Claude Féry (par courtoisie), illustrations par Thibault Boube (C)

« Chaque Oubli est un pardon ».

Ma mémoire est un feuillage que souffle le vent. Feuilles de visages, de mots et de gestes emportés par la bise entre les arbres narquois.

Injecter de l'eau dans le cerveau d'enfants encore innocents, puis l’ôter pour se délecter leur mémoire sous forme de jus.

Des êtres et des choses disparaissent parce que le monde les a oubliés.

De microscopiques chansons de geste ordinaires : les gesticules.

"Deux moyens de paiement pratiqués à Millevaux :

La petite obole : on paye en racontant un souvenir. La grande obole : le souvenir est définitivement perdu, il
devient la propriété de l'acheteur, le vendeur est atteint d'une profonde sensation de manque.

La petite contre-obole : on paye en racontant un de ses regrets ou un de ses remords. La grande contre-
obole : l'acheteur obtient la propriété du regret ou du remords, ainsi il achète une partie de la vie ou de la
vie potentielle du vendeur, qui devient la sienne (par ex : je raconte que je regrette de ne pas avoir épousé
une telle : maintenant c'est l'acheteur qui l'épouse / je revends mon remords d'avoir tué mon père et
l'acheteur se sert de cette information contre moi comme preuve formelle, ou le père revient mais sait que
j'ai voulu le tuer, ou je n'ai plus aucun remords et je deviens un monstre, etc.)".

extrait et réinterprété de Les mots, la mort, les sorts de Jeanne Favret-Saada :

-« Êtes-vous forte assez, jeune âme ?
Pour ma part j’ai le sang faible
Mais que dire des buveurs de pluie
Ils mènent une guerre à outrance contre la souillure
Ils guettent la moindre goutte de pluie
Pour eux leur vie est suspendue à une goutte
Et pourtant, cette averse qui s’en vient les noira
C’est déluge
C’est une pluie vile
Il ne m’écouteront pas, car j’ai le sang faible.

Je suis
celui sur qui on
se doute

Mais toi,
peut-être... »

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Le Tarot de Marchebranche, photo par Claude Féry (par courtoisie), illustrations par Thibault Boube (C)

Thomas :

A. Merci pour ce montage audiovisuel ! Cela peut constituer une aide de jeu intéressante pour la communauté !

B. La préparation s'étoffe par rapport aux procédures habituelles. Intéressant de voir que tu pioches des éléments de Surnature et y ajoute tes réflexions personnelles, plus tes recherches iconographiques habituelles et tes variations de setting (je devine un contexte aride avec ces "chercheurs de pluie".
Etant moi aussi "pris" dans la lecture de Les mots, la mort, les sorts, je ne puis qu'apprécier la référence.
Attention bien sûr à ce que la surpréparation n'entraîne pas une asymétrie de parole trop grande lors de la partie (je dis ça avant d'avoir écouté) : il faut être prêt à ne pas utiliser tous les éléments, ou à le faire de façon succinte pour laisser de la place aux initiatives et à la parole de Léo.


Claude :

Rassure toi, Xavier a beaucoup parlé et je suis loin d'avoir employé tous les éléments préparés.
XAVIER a été à l'origine de la survenance d'une forte adversité (possession par un esprit mauvais) qui a tenu la dragée haute aux figurants et grandement enrichi et modifié la fiction

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photo : Claude Féry, par courtoisie

Thomas, retour après écoute :

A. Flippant le moment où Xavier joue un Léo possédé (étais-tu au courant?)
Xavier a-t-il connaissance des procédures de Bois-Saule ?

B. A deux reprises Léo (possédé par Cara) veut frapper (le renard, puis l’homme champignon) et toujours tu dis que le coup ne porte pas. Comment gère-tu ça en matière de contrat social ?

C. Encore une partie sans un seul jet de dé:) J’ai le sentiment que tu es de plus en plus freeformiste, et que finalement les outils de système que tu recherches sont avant tout des sources d’inspiration, comme ici les contextes / inspis de Bois-Saule. Pour la résolution un simple Inflorenza Minima / rituels des Sentes / Inflorenza Comedia / ou Millevaux choc en retour me semblerait te suffir, même le système de résolution de Bois-Saule me semble trop lourd pour vos pratiques

D. Est-ce que Cara était le coup de théâtre mis en place par Xavier ?

E. Intéressante synchronicité que Xavier se surprenne à jouer Cara, et se fasse peur à lui-même

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photo : Claude Féry, par courtoisie

Claude :

A. Je n'étais pas informé de son intention.
Pour les procédures nous avons lu ensemble
Il a lancé les dés Je lui ai communiqué les résultats
J ai réfléchi cinq minutes
Nous avons fait une minute de silence et zou !
Au montage j'ai du couper deux bafouillages et des bruits mécaniques transmis à l'enregistreur.
Le témoignage est très fidèle à notre partie.

B. ça, c'est le plus complexe à évoquer pour moi.
Je reste sur une interprétation en fil rouge, de Léonard d'eau comme la conscience de Léo. Il ne peut dès lors le blesser réellement. En revanche, il l'a effrayé et s'est effrayé lui-même. A l'annonce de la fuite du renard, Xavier a paniqué. Sur son visage j'ai lu une foule d'émotions contradictoires. Il m'a dit que c'était rétrospectivement le moment le plus intense de la session. Sa conclusion sur l'instant a été d'agiter les pouces frénétiquement. Une réelle panique.Il adore son goupil. Il aime se chamailler avec lui. Mais il y tient énormément. Il ne s'est donc pas senti floué de ne pas avoir pu le blesser réellement. Je pense que j'ai là joué mon rôle de Confidente, alternant entre une certaine forme de cruauté et une grande bienveillance. Ma vision de Léonard en tant que goupil est d'ailleurs confortée par la réflexion qu'il a lâchée spontanément, "mais un renard ça ne parle pas ! ça ne se peut pas ! (première journée) pour se raviser aussitôt avec quelque chose au fond du regard qui disait le plaisir de la découverte d'un petit trésor à lui, Léo et Xavier.
Pour moi dans ma tête c'est Léonard de l'île aux enfants qui vit dans sa panière et plaisante avec Casimir.

Pour ce qui concerne le "champignon" c'était pour moi la rencontre, la découverte incomprise de Léo, de la déité horla qui se révèle à lui (je jouais les procédures et sa lame du tarot de l'oubli). Et l'idée que je me faisais de ce vieux champignon, que j'ai à d'autres occasions nommé "la Reine du Bois", ne permettait pas qu'un gamin de dix ans armé d'une lance de fortune ou d'une veille épée exhumée des réserves d'un archéodrome du temps jadis puisse l'éventrer séance tenante, fusse-t-il possédé par un esprit néfaste. Les armes matérielles portées par Léo ne pouvaient en aucun cas l'atteindre. La fumée au bout de la flèche explosive qu'il a invoqué pour tuer les pauvres buveurs de pluie sans aucun doute, ou à tout le moins l'affaiblir le repousser. Mais ce n'est pas ce que Xavier m'a proposé alors.
Pour moi c'est l'avatar de l'esprit qui ronge Dégringolade. Ni bon, ni mauvais. Cette "puissance" investit de son verbe le jeune gamin, le désigne en héraut pour qu'il préserve les vies des buveurs d'eau exposées à une pluie acide.
Mes buveurs de pluie sont des glaneurs errants qui se préservent illusoirement de l'emprise en ne buvant pas l'eau souillée des rivières et des retenues d'eau mais en buvant l'eau "pure" du ciel. Je ne pouvais donc lui accorder que ses assauts portent. Il était au creux de l'arbre-mère, dans le domaine de la Reine du Bois, et la puissance de Cara, que j'imagine comme une entité de cauchemar au sens de RdD ne faisait pas le poids. L'affrontement n'était pas la solution. Et je trouve que mon improvisation, transformer la lame dorée du passé en un bouquet de fleurs qu'il offre aux buveurs de pluie fait image. Les fleurs se fanent au contact de l'esprit étroit des errants cependant. Il y une cohérence. L'histoire se construit progressivement. Il n'a pas ressentit de restriction à son agentivité. Il s'est dit après coup, et c'est la question d'ouverture de mon prochain épisode, qu'il aurait du reprendre la créature de fumée de l'almanach pour rendre tangible la présence de Cara dans cette scène avec le vieux buveur d'eau.
Cette invulnérabilité apparente de certains figurants rejoint celle des créatures du mythe dans AdC ou ses variations indépendantes.

Troisième pelure d'oignon de cette question à tiroir : la violence des personnages de Xavier et Gabriel. Les premiers personnages de Gabriel étaient plutôt des psychopathes ultra violents. Xavier, même s'il s'effraie parfois d'éléments assez surprenants, est prompt à donner la mort. Je pense qu'en tant que père, je me dois les inciter à une autre approche. Si la violence physique, verbale, sous toute ses formes, est présente dans nos univers fictionnels, sans proposer une vision trop bisounours, je dois valoriser, récompenser inciter à toute initiative  de substitution à la celle-ci. C'est peut-être contradictoire avec la noirceur que j'offre en pâture à leurs personnages, mais j'éprouve souvent le besoin de détourner les gestes les plus brutaux des personnages, parce qu'ils me révèlent sans doute une part de leur personnalité que je ne suis pas prêt, disposé à rencontrer.

C. "Encore une partie sans un seul jet de dé:)" :  J'ai utilisé les dés mais avant la fiction, un peu à la Abstract Donjon. Nous avons vraiment décomposé les étapes, suivi scrupuleusement les procédures de Bois-Saule à ma connaissance au moment ou nous avons commencé à jouer. Xavier étant manifestement d'humeur espiègle, et très disposé à jouer, je souhaitais que la session soit l'occasion d'une exploration intense. Le jet de dés et l'explication sont pour moi un frein à l'immersion lorsque nous jouons en proximité (de part et d'autre d'une vieille table de formica des années 70). Nous avons pu ainsi jouer sur des rapports tactiles en résonance avec la fiction en développement. J'ai manipulé un galet que je lui est remis lorsqu'il l'a repêché au fond de sa poche trouée. Je n'ai pas de répugnance au système de résolution complexe. J'ai utilisé longtemps légendes celtiques avec un copain ou mené de longues campagnes avec Rolemaster ou Rêve de Dragon. Dans ces contextes le système servait l'histoire et la façon dont elle se construisait. Ici avec Xavier nous jouons des méchantes petites histoires pour se faire peur avant d'aller se coucher comme les grands. Xavier m'a expliqué longuement, mais après coup le choix de ses deux symboles. Il souhaite maintenir à distance les horlas qui lui font peur et pouvoir les défaire sans coup férir, mais il veut aussi des histoires intenses. Il m'a reparlé du plaisir qu'il a éprouvé à ressentir de la tristesse pour la mort de la vieille femme.

C² "J’ai le sentiment que tu es de plus en plus freeformiste, et que finalement les outils de système que tu recherches sont avant tout des sources d’inspiration, comme ici
les contextes / inspis de Bois-Saule. Pour la résolution un simple Inflorenza Minima / rituels des Sentes / Inflorenza Comedia / ou Millevaux choc en retour me semblerait te suffir, même le système de résolution de Bois-Saule me semble trop lourd pour vos pratiques."
Sans prétendre à une connaissance fine des théories rôlistes, je lis régulièrement les articles dans le but de les relier à ma pratique et à l'amender, l'améliorer.
A titre personnel, je recherche l'intensité de l'émotion, accompagnée d'une bonne dose d'esthétisme au service d'une histoire.
Dans la mesure ou les émotions naissent, à mon sens, de la fragilité des personnages, de leurs fêlures, qu'ils connaissent et dissimulent, (intérêt majeur de la mécanique double d'Arbre) ou ignorent, les protagonistes de nos fictions demeurent au centre de nos préoccupations, mais j'éprouve des difficultés à assimiler les système propulsé par l'Apocalypse qui le réalise, de mon point de vue, au détriment soit de la cohérence de l'univers, soit de la profondeur du personnage.
Les mécaniques OSR sont merveilleuses pour éprouver le manque, la perte, mais peuvent à la longue conférer une certaine aridité aux rapports entre les personnages et les figurants. J'ai abandonné Arbre pour aller vers écorce, fripouille, sève dans cette optique.
Je n'ai donc pas de religion.
Et plutôt que d'avoir un outil tout terrain grossier mais robuste je préfère changer de monture à chaque phase de notre exploration.
Toutefois, plus les mécaniques sont simples, plus elles permettent une rapide assimilation de la table pour se focaliser sur l'aspect désiré.
Si je comprends ton article récent sur ton abandon des pico games au profit des jeux profonds, je reste indécis et changeant.
Mais tu as raison en ce moment, je ne lance que très peu les dés.
Demain soir, nous devrions passer par un épisode La conscience du fer-blanc couplé à Dégringolade et donc ne pas utiliser de dés.
En revanche, au moment ou nous entrerons en Little Ho il en sera autrement.
Et là, dans l'instant, j'hésite encore sur l'ordre des événements, une phase Little-Ho ou weird sci-fi ?
L'un comme l'autre si nous nous orientons, sur de la mission ou du conflit, peut-être que j'emploierai des mécaniques plus tactiques et peut-être m'essayerai-je à Cerbère ou Shell Shock.

D. Oui et il en était très fier !

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photo : Claude Féry, par courtoisie

Réponse de Thomas :

B. Très intéressant cette explication. On voit que l'enregistrement de partie échoue à tous nous transmettre : nous n'avons pas accès à vos expressions faciales, votre gestuelle, et tout simplement ce qui constitue votre complicité et votre tacite compréhension mutuelle au fil des parties. Ce qui à l'écoute pourrait être ressenti comme une entorse à l'agentivité des personnages se justifie ici soit par des raisons de canon esthétique (certaines créatures "lovecraftiennes" sont très peu vulnérables) ou de sécurité émotionnelle. J'aime beaucoup la mention aux pouces baissés de Xavier pour faire redescendre la pression qu'il s'est lui-même mis en remettant son personnage au main d'un esprit malfaisant, et la mention de ta propre répugnance à l'emploi systématique de la violence. Quand j'ai développé Arbre, j'ai émis le souhait de pouvoir jouer en se passant d'un système de résolution qui fasse l'arbitrage des difficultés : le contrat social, l'entente des joueuses me semblait pouvoir y suppléer. J'avais alors déterminé une façon de codifier tout ça dont les pouces et le goupil sont le reliquat. Donc, je suis très satisfait de voir que ce projet se met effectivement en oeuvre à d'autres tables que la mienne.

C. Mon interprétation était donc erronnée. J'aurais pourtant dû m'en douter à la lecture des supports écrits associés à cette partie. C'est intéressant cette position de faire les jets de dés au début, pour ensuite jouer en mode immersionniste, sans jeter les dés durant la partie.

C² Intéressant ton développement. Pour ma part, je suis en effet actuellement plus focus sur les jeux profonds qu'on rejoue beaucoup mais de même je ne suis pas entré en religion, il est bien possible que je ressortes mes bons vieux jeux spécialisés à l'occasion :)

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> TU SE MOQUES

Un épisode intense marqué par l'oubli qui remet tout en doute. Un enregistrement par Claude Féry.

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle pour errer dans les ténèbres sauvages de la forêt de Millevaux

Joué le 12/03/2019

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Giles Watson, cc-by-sa

Le mardi nous jouons à Bois-Saule
En voici le témoignage audio
Je trouve cet épisode intense,
Xavier à beaucoup apprécié. Beaucoup de bleed.
Bonne écoute


Retour de Thomas après écoute :

Très intéressant l’interrogation sur l’âge de Léonard d’eau et depuis combien de temps ils sont ensemble, et sur qui étaient ses anciens amis : l’oubli remet tout en doute.

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Épisodes précédents de la campagne des Brimbeux :

* : partie enregistrée
** : partie enregistrée, sans compte-rendu écrit

1. Les Brimbeux*
Premier test du jeu par Claude, Gabriel et Mathieu Féry. Création de personnages et menues péripéties autour d’un cadenas mémoriel et d’une crête de punk.

2. Trouille *
Suite de la campagne menée dans les hortillonnages normands, une petite Venise maraîchère hantée par de dangereux horlas à tête de courge. Avec un test de « pas de côté » sur la prise de narration lors des jets de dés.

3. Le voleur de gidouille *
Une partie toute en narration, avec d’étranges rencontres et d’étranges reliques.

4. Que meure la bête **
Une séance entière de planque pour échapper au monstrueux propriétaire de la gidouille.

5. Mala **
Une partie des plus étranges au cœur de la forêt hantée par un horla, sans presque aucun jet de dés.

6. Je suis un Caillou *
Quand l'égrégore permet toute la puissance d'une chanson. Suite de la campagne des Brimbeux avec un détour mécanique par le jeu de rôle Sève !

7. Écoute **
Un épisode marécageux en quête de nourriture et d’un copain disparu. Une partie rythmée par une scansion hallucinée tirée d’une fiction audio de Carine Lacroix.

8. Kipande, les Galeux *
Un interlude à la campagne des Brimbeux, joué avec Sève, l’occasion d’un périple en barque ronde sur les terres inondées des hortillons, avec un accent toujours plus mis sur la mise en scène et la narration.

9. Samaël *
Alors que la terre est de plus en plus soumise au déluge, un jeune vacher rejoint le groupe des brimbeux.

10. Alphonse *
Alternance de paysages et de rencontres étranges, et interrogation sur le jeu descriptif VS les émotions des personnages.

11. Rouge *
Une exploration de la forêt du dessous.

12. Marie *
Suite des pérégrinations des petits brimbeux dans la forêt du dessous, avec la rencontre de ses étranges habitants… et d’une femme astronaute. La collecte des noix pour les futurs rêves a commencé.

13. Le Crafougna **
Une exploration de la forêt du dessous qui se solde avec la rencontre d'un croquemitaine issu de cauchemars enfantins... et un choix difficile.

14. Aux jours d'hier, la ronde de l'ou li **
Les personnages, devenus mémographes vont rencontrer une vieille femme qui confond les différents personnages incarnés par la même personne et affronter une tempête d'égrégore.

15. Les Cœurs Secs **
Suite de la campagne Les Brimbeux, accompagné d’un très beau poème épique. Un enregistrement de partie par Claude Féry.

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> LA MORT DE LA VIEILLE DAME

Une réédition de l'expérience Bois-Saule à deux, pour un épisode très introspectif où le jeune Léo se confronte à la finitude de toute vie. Un enregistremenet et un récit par Claude Féry !

Le jeu : Bois-Saule, jeu de rôle pour errer dans les ténèbres sauvages de la forêt de Millevaux

Joué le 05/03/2019

Lire / télécharger la partie audio

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Neal Sanche, cc-by-nc, sur flickr.com


Le jeu :

Je précise par ailleurs que Xavier et moi avons convenu d'un roleplay hebdomadaire, le mardi soir, jusqu'à ce que nous nous lassions des aventures de Léo
Dans les procédures, selon Xavier, il manque une étape concernant le nom du personnage

Mon retour personnel après deux sessions jouées
J'apprécie tout particulièrement la légèreté du système. Je dois ajouter que dans mon esprit, le jdr solo consiste à se focaliser sur un seul personnage, et j'ai souvent pratiqué de la sorte (ADC, légendes, RdD). Mais solo désigne une pratique solitaire et logiquement une seule joueuse. Toutefois, en dehors des "livres dont vous êtes le héro", je n'ai pas pratiqué le jdr de la sorte et pour l'instant cela ne me tente pas. J'éprouve le besoin de partager avec une autre joueuse l'expérience. Seule expérience reconduite et appréciée : Happy.
Je suis ravi que Bois-Saule s'adosse à l'Almanach.
Je n'ai pas encore matérialisé le tarot de l'oubli et surtout je ne l'ai pas fait intervenir dans notre expérience de Bois-Saule. Cela manque à mon appréciation et à notre jeu.
Le caractère aléatoire de l'aventure a fait que nous avons obtenu deux fois exploration. Nous l'avons joué sous forme d'une introspection, Xavier étant peu désireux d'explorer. (Questionnement préalable de la joueuse sur le mode de la clé des nuages).
Xavier avait été très enthousiasmé par son expérience avec Milky Monsters, mais il préfère de loin son expérience avec Bois-Saule.
Hier, il a été confronté à la mort, Mais pas de façon guerrière ou violente. Juste une vieille dame qui meure en lui donnant la main. Il a été très touché et a beaucoup aimé.

Je considère Bois-Saule comme un jeu profond, très riche et doté d'un énorme potentiel

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Réponse de Thomas :

Merci pour ce retour d'expérience !

Suivant les conseils de Xavier, je vais rajouter une table aléatoire de noms, en précisant que ce n’est pas le nom de naissance (celui-ci a sombré dans l'oubli). Qui connaît le nom de naissance d'une personne peut avoir du pouvoir sur elle, mais en le connaissant soi-même on regagne du pouvoir pour soi-même)

Mon retour après écoute :
Un épisode très étrange (la musique joue pour beaucoup). Le renard qui crache est flippant. A la demande de Léo, tu n’as pas fait d’exploration, et du coup vous êtes parvenus sur la scène avec la mort de la femme. Est-ce que ça correspondait à une introspection, ou à une péripétie, ou à une scène libre ?

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Réponse de Claude :

J'ai considéré que le renoncement à l'exploration, par crainte de rencontrer un horla, (aveu à posteriori de Xavier) menait à une forme d'introspection.
C'est l'échec d'une exploration que nous avons joué.
Xavier était très ému par la rencontre.
Lorsqu'il a entendu Gabriel évoquer SA partie de Bois-Saule à lui, il était très agacé. Je lui ai depuis expliqué que j'entendais mêler Bois-Saule Dégringolade et Les Brimbeux et il l'a accepté. Mais Bois-Saule demeure, pour lui, son truc à lui.
Je pense que Bois-Saule incite fortement à développer un jeu intime et lyrique.
Du moins c'est là mon ressenti.
La musique choisie répond à cette considération. Le minimalisme répétitif de Morton Feldman est tout indiqué.
Dans l'épisode suivant j'ai délaissé les procédures pour explorer un aspect laissé dans l'ombre des deux premiers et le lier aux Brimbeux.


Réponse de Thomas :

Je suis très heureux de constater le sentiment d'expérience intime et personnelle que ressent Xavier à jouer Bois-Saule. C'était le but :)

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> ET DES LOMBRICS

Claude Féry adapte ce jeu solo en jeu à deux pour une version magnéto. A écouter si vous ne craignez pas les lombrics et tout ce qui fouaille dans le sol

Le jeu : Bois-Saule, errance en solitaire dans les ténèbres sauvages de la forêt de Millevaux

Joué le 26/02/2019

Lire / télécharger la création de personnage (mp3)
Lire / télécharger la partie (mp3)

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Dan Brekke, cc-by-nc, sur flickr


Voici le témoignage audio de ma tentative première de Bois-Saule
Je ne suis pas un grand adepte du jeu en solitaire et j'avais un peu peur d'affronter seul Millevaux alors j'ai demandé de l'aide à Xavier qui voulait que nous jouions tous les deux le mardi soir.
Alors nous avons joué et cela nous a beaucoup plu.
Bonne écoute


Réponse de Thomas :

Je vais écouter ça avec grand intérêt ! Figure-toi que j'avais justement pressenti la possibilité de jouer à deux à Bois-Saule, une personne s'arrogant le personnage, une autre gérant plutôt le décor et les figurants. Doinc je suis ravi que tu l'ais pressenti également, et testé. Je suis très curieux de voir ce que ça donne. [Post-note : j'ai moi-même testé la formule plus tard, voire ces deux parties enregistrées :
L’apprenti qui m’aimait
La chasse aux dieux


Retour de Thomas après écoute :

A. Il y a un plaquage immersionniste qui empêche de voir la mécanique, du coup je serais curieux de savoir si tu as utilisé toutes les contraintes du jour ou seulement quelques unes.

B. Comme tu prends une voix pour faire le MJ, on dirait que le MJ est une voix dans la tête du perso

C. J’ai supposé que la fin de la journée tombait sur « un doute émis ». j’ai bon ?


Réponse de Claude :

A. C. Oui
J'ai suivi tout sauf manifester la présence du destin fatal et  l'almanach que j'introduis qu' en fin de journée. Notre péripétie était l'exploration, en l'occurrence l'usine de produits chimiques voisine. Considères-tu que je me suis trop éloigné de ce tu entendais diffuser ?

B. Je me suis imaginé être son goupil, au sens d'Arbre... Alors j'ai réussi


Thomas :

A. Personne n'a à te dire comment jouer et surtout pas moi qui souhaites justement que Millevaux m'échappe. C'est juste que si j'avais fait jouer cette partie en duo, j'aurais sans doute verbalisé les jets de dés. Mais ton approche de taire les jets de dés est correcte, elle est juste plus immersionniste.

Claude :

En l'occurrence après avoir créé le personnage de Léo et que Xavier en ait fait la présentation j'ai demandé à Xavier des lancers de dés en indiquant le point concerné et lui donnant le résultat pour peu qu'il ne le spolie pas de sa découverte.
J'ai le témoignage audio de la présentation si ça t intéresse.

Voici le lien vers le seul élément extérieur aux procédures de Bois-Saule

Thomas :

Ah oui, il est totalement badass cet escargot qui aspire les vers de terre comme des spaghettis !

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> Sur Youtube, Olivier D analyse la partie "La chasse aux dieux" a écrit :

Bon, tout d’abord je dois dire que je suis fan de ce que tu fais (Millevaux, Inflorenza) et de ta démarche économique.
Je suis moi-même un gros « gamer » : j’ai 34 ans de jdr au compteur, plus de 20 000 heures de jeu et je créé des jeux amateurs dont je mets certains en libre téléchargement.
Je vais te faire un certain nombre de remarques au fil de l’eau :
- Le lancement par un petit récit shamanique : j’ai adoré ce petit récit, très évocateur, le  tambour ajoutant une superbe ambiance
- Création de personnage par questionnaire : c’est vraiment génial comme idée. Je remarque que tu es très bienveillant pendant cette phase, tu n’imposes jamais rien et tu es complètement à l’écoute de ta joueuse ; tu lui soumets toutes tes idées à son approbation
- Petit récit par la joueuse : c’est vraiment une bonne idée : on est clairement dans une narration partagée ou la joueuse peut impulser le récit.
- Je pense que tu manques de « punch » en début de récit (30 minutes dans le podcast). Moi je maitrise plutôt en mode « fun, fast, furious » donc pour moi ça manque un peu de rythme et de dynamique. Moi typiquement j’aurais saisie la joueuse à la gorge par une scène forte mais peut-être privilégie-tu une montée en puissance du récit. Ta voix est un peu calme, voire monocorde, sans doute un peu lente
- Ta joueuse est très dynamique et proactive. Vous échangez bien, bonne dynamique de récit (38 minutes : la caverne)
- Tirage de dé sur l’émotion (40 minutes) : je ne sais pas si l’idée de tirer l’émotion est très intéressante narrativement ; à ce moment la, la bête est acculée, l’ennui me semble peu crédible comme émotion directrice.
- L’idée de la transformation : c’est vraiment une superbe idée. J’aime beaucoup ta délicatesse envers la joueuse : tu n’imposes rien, tu proposes. J’aurais aimé une transformation physique à ce moment la du récit.
- La bête (47 minutes) : le bouquetin ; tu aurais pu laisser la joueuse décrire la bête.
- 50 minutes : prise de pavot : vision d’un glouton : très intéressant car tu suggères à la joueuse que le corps de la sœur est en danger
- 53 minutes : j’ai l’impression que tires certains éléments aux dés ; de mon point de vue, c’est dommage. J’ai l’impression que tu lis certains textes. A ce point la du récit, il n’y a pas eu de dialogues, juste des scénettes qui me semblent un peu décousues. Le récit est  très introspectif et méditatif. On a l’impression d’assister à un conte initiatique, une quête. Ma femme qui écoute le podcast trouve également le récit trop lent bien que beau et contemplatif.
- 57 minutes : « tu ne sais pas si tu suis la piste ou si c’est des flashs du pavot » formidable thème dickien avec un possible glissement de réalité ?
- 58 minutes : définitivement trop de blancs, de lenteurs
- Source : humanoïde qui boit l’eau : très inquiétant et mystérieux.
- « êtes-vous en train de suivre la piste ? » vous rebouclez avec les dieux (destin funeste) et le pavot : c’est brillant.
- Ta joueuse semble un peu intimidée par le mode dialogue du récit. Elle semble plus à l’aise dans les descriptions.
- tu as un petit tic , vous dites parfois « tu vois » qui parasite parfois le récit. tu as un registre de description surtout visuel.
- 1h09 : le bouquetin charge. Ma femme demande si c’est un jeu d’horreur ? Pour elle, il n’y a pas de frisson.
- Tu demandes à la joueuse de décrire les conséquences positives et négatives d’un échec.
- 1h12 : c’est trop lent : c’est une scène forte du récit et tu lui poses des questions en amont qu’elle ne va pas utiliser vu que la bête est tuée d’une flèche en plein cœur : tu as perdu du temps.
- La joueuse se blottit contre la bête : ma femme suggère que une fois le bandeau retiré et l’emprise de la drogue passée, le personnage découvre avec horreur que ce n’est pas la bête qu’elle a tuée.
- 1h17 : il y a beaucoup de longueurs
- 1h19 : tu interroges beaucoup la joueuse. Toujours cette volonté de ne rien imposer. De mon point de vue, il y a des moments  ou tu pourrais être plus directif sans craindre de brusquer la joueuse, cela dynamiserait ton récit.
- 1h23 : à nouveau un mode très introspectif et onirique. Le récit est une suite de questions réponses sur des thèmes que tu proposes, voire tires aux dés.
- 1h25 : la joueuse suggère que les piliers sont une salle de réunion des dieux : c’est une idée brillante.
- 1h36 : la joueuse propose que le corbeau albinos l’accompagne : idée brillante.
- 1h40 : tu tires beaucoup d’éléments de contexte comme autant de contraintes imposées sur lesquelles tu peux appuyer ton imaginaire ainsi que ta joueuse.
- 1h47 : tu proposes à la joueuse d’émettre des spéculations : tu pratiques une forme de maïeutique ludique en puisant dans les envies et l’imaginaire de ta joueuse la trame du récit.
- 1h50 : idée géniale que tu proposes suite au dé : le glouton a perdu sa proie
- 1h55 : vision du cœlacanthe qui traine la sœur. Tu reboucles avec le dieu qui donne la chasse : c’est brillant
- Tu as sonorisé la partie : j’ai beaucoup aimé (je suis passionné par le shamanisme) ma femme a détesté (selon elle ça n’apporte rien et ça frise le ridicule).
- 2h04 : tu laisses le choix entre une exploration et une péripétie : cela t’oblige à improviser en permanence et à réagir à ce que te proposes la joueuse. C’est une gymnastique mentale très intéressante. Le récit me donne l’impression d’un dialogue improvisé, suscité par des situations induites par des jets de dés. Un mélange de contraintes imposées et d’imaginaires. Une sorte de narration spontanée, un trip ludique.
- 2h09 : tu n’as aucun problème avec les atteintes aux morts : tu es très prévoyant et scrupuleux à ne pas choquer ta joueuse (carte safe ?)
- Récit final de la mort du cœlacanthe : tu aurais pu laisser la joueuse décrire sa victoire sur le monstre divin.
- L’enterrement de la sœur : c’est une idée formidable qui boucle magnifiquement le récit.
- Souvenir heureux : pour ma femme ça n’apporte rien
- Coup de théâtre final ; ça tombe vraiment à plat ; je m’attendais à un twist monstrueux à ce moment la.
- Chanson finale : j’aime beaucoup

Conclusion :
J’ai adoré : on avait un récit initiatique, introspectif et shamanique. Sur la forme, c’est très original : des contraintes imposées par les dés sur lesquelles vous improvisez et brodez le récit de façon collaborative, prévenante et bienveillante. Parfois je pense que tu es trop en mode « safe » mais c’est un avis subjectif. Voila, un super trip ludique, une vrai narration spontanée très très originale
Un petit bémol : je n’ai pas du tout eu peur ni ressenti le moindre frisson d’effroi. Ce n’était peut-être pas le but recherché !
Pour ma femme : il faut mettre du rythme, ne pas suggérer ce que le PJ ressent mais décrire des faits ; arrêter la « carte safe ». Tu fais plaisir à la joueuse, ce qui est très positif. Tu es vraiment à l’écoute, ce n’est pas une posture et c’est rare.
Un grand merci pour tout ce que tu fais ; je maitrise summerland qui est un jdr d’horreur forestière mais millevaux est bien supérieur !

Merci beaucoup à toi Olivier et à ta femme pour vos retours super pointus !

Dans l'ensemble, vos réflexions sur le rythme sont pertinentes. Si j'avais voulu faire du jeu d'horreur, je serais allé plus à l'essentiel :
+ Sans doute que j'aurais passé moins de temps à vouloir appliquer toutes les contraintes créatives.
+ J'aurais moins souvent demandé des permissions à la joueuse, dans l'esprit d'aller plus vite et de surprendre.
+ J'aurais trouvé un mode de sécurité émotionnelle moins contre-immersif : plutôt que de demander en avance si tel thème peut choquer, donner un droit de véto à la joueuse sous forme d'une carte X (qu'on peut supposer, vu que tous mes thèmes ont été validés, qu'elle n'aurait peut-être pas utilisé)

Cependant, mon objectif était ailleurs, plutôt sur le côté intimiste, trip chamanique. Et aussi sur le côté "tester toutes les procédures du jeu" là où une partie en full horreur aurait nécessité de simplifier. Claude Féry joue à Bois-Saule en duo en faisant tous les tirages avant de commencer la journée, ça fluidifie beaucoup le jeu mais cela se fait généralement un peu au détriment des procédures : on l'aura compris, c'est la piste à privilégier pour le jeu horreur.

Intéressant sur la remarque que je décris surtout sur le visuel. J'essaye pourtant de penser aux autres sens (c'est un conseil aux MJ qui revient en boucle partout), mais peut-être que je n'y arrive pas toujours. Il est possible que les tables soient peu axées sur autre chose que le visuel.

Bois-Saule est initialement un jeu à jouer tout seul, il est possible que cette adaptation en mode duo comporte des lourdeurs.

Pour le partage de la narration, il y a en effet des moments où j'aurais pu davantage laisser la joueuse décrire, c'est en réflexion pour la rédaction du mode duo de Bois-Saule.

Je te remercie d'avoir souligné le côté attentif de la maîtrise, j'ai par le passé brusqué un tas de joueurs et de joueuses, aujourd'hui j'essaye de prendre la sécurité émotionnelle très au sérieux.

Au cas où tu l'aurais loupé, il y a une autre séance de Bois-Saule dans un esprit très similaire : https://www.youtube.com/watch?v=5agENbSkkEU

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> LA CHASSE AUX DIEUX

Pour cette partie enregistrée en duo, découvrez l’épopée étrange et glauque d’une chasseuse de dieux qui transporte le corps de sa sœur morte.

Le jeu : Bois-Saule, errance en solitaire dans les ténèbres sauvages de la forêt de Millevaux

Personnage : la chasseuse de dieux

La partie sur youtube
Lire / télécharger le format mp3

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Mandy Greer, cc-by-nc-nd

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<![CDATA[Réponse à : [Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> L'APPRENTI QUI M'AIMAIT

Premier test de la version duo de Bois-Saule pour une aventure chamanique à la poursuite d’un noir passé.

Enregistrement :
version Youtube
version mp3

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Tracy Tevino, cc-by-nc, sur flickr.com


Feuille de personnage :

Destin funeste : (La Mort) Une personne tombe amoureuse de la personne qui a fait tuer toute sa
famille : elle ne la reconnaît pas.

Ce qui me donne la chasse : une mousse prise par l'égrégore
Je donne la chasse à : la personne qui a tué toute ta famille

Question : Est-ce que la personne qui a tué ma famille a créé la mousse ?
Certitude : la mousse est liée à mes peurs et causera ma fin.

Croyance : la mousse me conduira en enfer

Vertu : le sens de la justice
Vice : apitoiement sur mon sort

Un souvenir qui te hante : l'image de la scène des miens recouverts par la mousse

Ma quête : détruire la mousse

Symboles :
vengeance, fruit

Objet : poignard de rituel avec symbole de mousse gravé

Description :
humain, petite stature, masque oiseau, vêtements mi textiles, mi feuilles, aucune mousse


24 de Péril

Contexte
Un bunker
la noire nuit
vent
un trouble mental

Inspirations
vengeance, fruit
oubli
Si je n'étais pas mort de faim, de fatigue et de froid, je n'y serais pas entré.
On ne se sentait pas le bienvenu, à l'Auberge aux Mouches.
araignée / acariens

je m'attends à trouver des mouches à manger


25 de Péril

une montagne
la nuit brune
brouillard
trouble mental
fruit vengeance
l'égrégore ou la supersition
Des arbres aux branches crochues, des écorces ridées, des voiles de feuilles
blanches, traversés de soupirs.
La forêt tombait de vieillesse.
Mousse / Sphaigne

je m'attends à trouver de la mousse et des indices sur son origine

26 de Péril

mangrove forêt engloutie
au crépuscule
brouillard
soif
fruit, vengeance
oubli, mémoire
Grenades à dents de poissons venimeux. Nappes de spores mortelles. Catapultes
à viande noire. Seringues d'orgones. L'avenir du terrorisme !
Lianes grimpantes ou rampantes

eau mangrove non potable, abri pour la nuit

27 de Péril

nulle part
crépuscule
tempête
la soif
fruit, vengeance
l'oubli et la mémoire
Il grogne et fouaille et couine. Il retourne l'humus noir, spongieux, il trouve des
horreurs et des merveilles.
Ce cochon truffier ira loin.
Guy / Cuscute / Orobanche / Autres parasites végétaux

28 de Péril

un dépotoir
au crépuscule
pluie
faim
fruit, vengeance
la ruine ou les ruines
Un sol de cuir sanglant, des troncs comme des crânes ou des cylindres de
kératine, des canopées soyeuses ou emmêlées. Une forêt de scalps.
Dionée / Droséra / Népenthès / Autre plante carnivore

tu t'attends à retrouver l'apprenti

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<![CDATA[[Bois-Saule] Comptes-rendus de partie]]> Dans Bois-Saule, tu vas errer dans les ténèbres sauvages de la forêt de Millevaux.

Il est déjà possible de faire du jeu de rôle solo (sur table, en textuel et en grandeur) dans l’univers de Millevaux grâce à des titres tels qu’Inflorenza, Les Forêts Mentales ou Les Sentes, mais Bois-Saule est le seul jeu Millevaux expressément conçu pour le solo.

Le jeu se focalise sur l’ambiance, le symbolisme et le sentiment de solitude.

Il est conçu pour que tu puisses te tenir toi-même en haleine en te faisant lâcher prise du contrôle de la situation.

** : parties enregistrées, sans compte-rendu écrit
(DLMV) : épisode du roman-feuilleton Dans le mufle des Vosges


Comptes-rendus de partie par l'auteur :

1. Une dent pour chaque baiser
Une longue traversée de la forêt pour chercher l’amour et fuir ses démons, un périple d’horreur érotique.

2. Le chevalier au chardon
Un roleplay de sept jours destiné à servir d'exemple dans le livre de base, autour d'un chevalier, de l'amour courtois et d'un chardon.

3. L’apprenti qui m’aimait **
Premier test de la version duo de Bois-Saule pour une aventure chamanique à la poursuite d’un noir passé.

4. La chasse aux dieux **
Pour cette partie enregistrée en duo, découvrez l’épopée étrange et glauque d’une chasseuse de dieux qui transporte le corps de sa sœur morte.

5. L’impossibilité de croire (DLMV)
Quand le passé comme le présent deviennent insoutenables, que reste-t-il comme refuge ? Le périple de retour vers Les Voivres, maintenant joué / écrit avec Bois-Saule ! (temps de lecture : 5 mn)

6. Le château intérieur (DLMV)
Marcher dans la forêt, marcher dans la mémoire, marcher dans ses pensées, marcher dans l'horreur, marcher dans les demeures de ses anciens tourments. (temps de lecture : 9 mn)

7. Le seuil (DLMV)
Le dernier mort-vivant, la prison d'un être déchu et le mur du son à franchir, voici le programme des ultimes errements avant le retour aux Voivres ! (temps de lecture : 9 mn)

8. Des nouvelles du Vatican (DLMV)
On attaque le dernier volet du roman avec un regard sur le journal intime de la Sœur Marie-des-Eaux et l'apparition inquiétante d'un nouveau protagoniste. (temps de lecture :  7 minutes)

9. Le nid de fourre-t-oi-s’y (DLMV)
Alors que la panique s'empare du village, la Sœur Marie-des-Eaux choisit son camp. (temps de lecture : 7 minutes)

10. Récuse-potot (DLMV)
Quand l'ordinaire entre en collision avec l'horreur. (temps de lecture : 9 minutes)

11. Mission de confiance (DLMV)
Des moments d'introspection et de mise en abîme où la Sœur Marie-des-Eaux rassemble ces forces pour l'ultime affrontement.

12. Que le grain meure (DLMV)
Quand la guerre entre humains et Corax connaît un grave tournant. Reprise du roman-feuilleton après une trop longue trève ! On s'approche du dénouement ! (temps de lecture :  5 minutes)

13. La rafle (DLMV)
Un acte grave coincé entre deux rêveries folles. (temps de lecture :  7 minutes)

14. La curée (DLMV)
Le dernier épisode du roman-feuilleton Millevaux ! L'équivalent de 400 pages ! Un immense merci d'avoir suivi cette épopée post-folklorique pendant tout ce temps ! Je serai ravi de connaître vos impressions sur ce premier jet !


Comptes-rendus de partie sans l'auteur :

(BBX) : Campagne multi-systèmes Les Brimbeux, par Claude Féry

1. La quête de l'arbre docile
Arjuna Khan s’essaye à Bois-Saule avec un roleplay âpre et charnel.

2. Et des lombrics **
Claude Féry adapte ce jeu solo en jeu à deux pour une version magnéto. À écouter si vous ne craignez pas les lombrics et tout ce qui fouaille dans le sol.

3. La mort de la vieille dame *
Une réédition de l'expérience Bois-Saule à deux, pour un épisode très introspectif où le jeune Léo se confronte à la finitude de toute vie. Un enregistrement et un récit par Claude Féry !

4. Tu se moques ** (BBX)
Un épisode intense de la campagne des Brimbeux, marqué par l'oubli qui remet tout en doute. Un enregistrement par Claude Féry.

5.La gesticule des buveurs de pluie * (BBX)
À la recherche des gouttes de pluie et des souvenirs qu’elles contiennent, une session où le joueur prend le pouvoir ! Un récit, une vidéo et un enregistrement par Claude Féry

6. Nihill
Chasser ou se faire chasser ? Une absurde danse du chat et de la souris. Un récit par Damien Lagauzère (temps de lecture : 16 mn)

7. Le visage sous un sac plastique
La quête absurde qu’un dieu fait endurer à un homme… pour un simple nom. Un récit par Damien Lagauzère (temps de lecture : 1/2 H)

8. Pierre, prince des mille peurs
Bois-Saule utilisé pour créer une rédaction de collège sur le thème des arbres ! Un récit par Xavier Féry. (temps de lecture : 4 min)

9. La bête du bois de Nervine
On est toujours la bête de quelqu'un. Un épisode de jeu de rôle solo primal par Milloupe. (temps de lecture : 29 min)

10. Fantôme intérieur
La première journée du périple d’un homme sauvage perdu dans un monde encore plus sauvage que lui. Un récit par Phobeoth. (temps de lecture : 5 min)

11. La soif est plus forte que tout
Des paysages étrangissimes à explorer, et une fin qui se passe de mots. Un récit de partie solo par Phobeoth. Temps de lecture : 2 mn

12. Corveus Arogh
Quand le chasseur et le chassé, la terre et le ciel se confondent. Un solo textuel par Gyef. temps de lecture : 9 mn


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